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2.3 Techniques de caractérisation

2.3.6 Spectroscopie de masse d’ions secondaires à temps de vol

2.3.6.1 Principe de fonctionnement

La spectrométrie de masse des ions secondaires à temps de vol, ou ToF-SIMS (pour Time-of-Flight

Secondary Ion Mass Spectrometry), est une technique de caractérisation de surface. Le procédé est

destructif pour l’échantillon et permet une analyse chimique de ce dernier [Brown 1986]. Un faisceau incident d’ions primaires bombarde la surface d’un échantillon avec une énergie entre 0, 1 et 30 keV. Lors de leur impact avec la surface, les ions primaires du faisceau transfèrent leur énergie et leur quantité de mouvement dans une cascade de collisions aux atomes de l’échantillon. Le phénomène de cascade de collision est illustré dans la figure 2.14. Lors de cette cascade de collisions, certains atomes et agrégats d’atomes (ou molécules) sont éjectés de la surface du film. Les atomes ou agrégats émis ont alors une chance d’être ionisés dans le processus (≈ 1%). La dose d’ions primaires bombardant

la surface est généralement très faible (entre 1012 et 1013 ions.cm−2). Ainsi seule une très faible quantité d’ions secondaires est générée lors du bombardement de la couche supérieure de la surface de l’échantillon.

Figure 2.14 – Schéma du fonctionnement du SIMS. La surface est bombardée par un faisceau d’ions

primaires, émettant des ions secondaires ionisés ou non par cascade de collisions.

Les ions secondaires émis lors du bombardement par le faisceau d’ions primaires vont ensuite être caractérisés par un spectromètre de masse à temps de vol. La détection parallèle de masse de l’analyseur à temps de vol permet d’analyser tous les ions secondaires émis, qui comme nous l’avons évoqué ci-dessus, sont très peu nombreux. De plus, ce détecteur permet d’observer un très grand

2.3. Techniques de caractérisation 57 nombre de pics sur le spectre de masse des échantillons analysés, ce qui est essentiel pour étudier nos matériaux.

Dans l’analyseur à temps de vol, les ions secondaires émis lors de la cascade de collisions sont extraits puis accélérés vers une chambre sous ultra-vide, appelée field free, grâce à une électrode d’extraction de potentiel U . La séparation des ions secondaires se fait alors en fonction de leur temps de vols. On notera que dans la chambre field free, la probabilité de collision entre les différents atomes est considérée comme nulle puisque cette dernière est sous ultra-vide. Le temps de vol des ions est directement relié au rapport masse/charge des ions. Il est donné par l’équation 2.1 suivante :

tT oF ≈ L

m

2zE0 (2.1)

Où tT oF est le temps de vol de l’ion, L la longueur de la chambre de détection, E0 est l’énergie initiale de l’ion (après ionisation et avant extraction), z la charge de l’ion et m sa masse. Les paramètres

tT oF et L sont les paramètres connus.

Pour initialiser une mesure du temps de vol, on envoie un pulse d’ions primaires de courte durée sur la surface de l’échantillon. Les données brutes récoltées par le détecteur sont donc une intensité d’ions secondaire (en coups.s−1) en fonction du temps de vol des ions. Ces données sont ensuite converties en fonction du rapport masse sur charge (m/z) grâce à l’équation 2.1 (cf. Figs.2.15 (a) -(c)). La résolution en masse m

∆m est égale à tT oF

∆tT oF. tT oF dépend de la largeur du pulse d’ions primaires émis et de la différence d’énergie cinétique pour des ions secondaires de même rapport masse sur charge (m/z). Ainsi, plus le temps de pulse d’ions primaires sera faible, meilleure sera la résolution en masse de la mesure.

Lors de notre étude, les analyses ToF-SIMS sont faites pour obtenir des profils en profondeurs des matériaux. Pour cela, nous utiliserons le mode Dual beam du ToF-SIMS. Dans ce mode d’analyse, deux faisceaux d’ions primaires provenant de deux canons distincts sont pulsés en alternance (cf. Fig.2.16 (a)) : le faisceau d’abrasion et le faisceau d’analyse. Ces deux faisceaux doivent être ajustés pour permettre l’analyse en profondeur de l’échantillon.

• Le faisceau d’abrasion est destiné à éroder l’échantillon. Pour permettre cette érosion et

l’analyse de l’échantillon sur des profondeurs importantes (de la centaine de nm au µm), le courant ionique du faisceau doit être adapté et les particules utilisées doivent permettre un fort rendement de pulvérisation. On utilise généralement un faisceau d’ions primaires de Cs+ ou d’O2à basse énergie (250 eV à 2 keV pour un courant variant entre 1 et 200 nA). De même, les temps de pulses du faisceau de pulvérisation sont généralement importants pour permettre la consommation des matériaux de l’échantillon (de l’ordre de la seconde). La surface du cratère générée par le faisceau de pulvérisation est relativement importante (≈ 300 µm2).

• Le faisceau d’analyse sert à extraire les ions secondaires du substrat qui seront analysés par le

détecteur du spectre de masse. La nature et les caractéristiques du faisceau dédié à l’analyse sont donc choisies pour garantir une bonne résolution spatiale de l’analyse. On utilise pour cela un faisceau de Bi+

3 ou de Bi+ à haute énergie (entre 15 et 30 keV pour un courant de 0, 1 à 5 pA). Pour garantir une bonne résolution en masse, il est important que la durée du pulse

58 Chapitre 2. Dispositifs expérimentaux

Figure 2.15 – (a) Les ions secondaires sont extraits puis accélérés vers la chambre field free. Ils sont

alors séparés en fonction de leur temps de vol jusqu’au détecteur. On obtient ainsi un spectre des ions secondaires (b) en fonction de leurs temps de vols qu’il faut dans un second temps convertir (c) en fonction de leurs rapports m/z grâce à l’équation 2.1.

2.3. Techniques de caractérisation 59 soit très faible (de l’ordre de 10 ns). Une fois le pulse d’ions primaire émis, il est nécessaire d’attendre environ 10 µs pour que les ions secondaires aient le temps de traverser la chambre

field free et d’atteindre le détecteur. La surface du cratère est généralement beaucoup plus

faible que celle du faisceau d’abrasion (≈ 90 µm2) afin que l’analyse ne soit pas faussée par des ions secondaires émis depuis les flancs du cratère du faisceau d’abrasion.

Lors des analyses ToF-SIMS, les pulses d’ions primaires des faisceaux d’analyse (comprenant le temps de vol des ions secondaires) et d’abrasion sont cyclés. Il est possible de générer successivement plusieurs pulses du faisceau d’analyse avant de passer au pulse du faisceau d’abrasion. On applique également un temps de pause entre le pulse du faisceau d’abrasion et celui du faisceau d’analyse afin que seuls les ions générés par le faisceau d’analyse ne soient observés. Ce mode d’acquisition cyclique est appelé mode ”non entrelacé” et il est présenté dans la figure 2.16 (b). On notera qu’il est également possible de travailler en mode ”entrelacé”. Dans ce mode de fonctionnement, le faisceau d’abrasion est appliqué entre chaque pulse du faisceau primaire sans attendre le fin d’un cycle de balayage complet. Le mode entrelacé permet d’augmenter la vitesse de pulvérisation mais cela se fait au dépend de la sensibilité de la mesure car il y a plus de chance que les ions secondaires générés par le faisceaux d’abrasion soient détectés.

Figure 2.16 – (a) Mode d’analyse dit Dual beam dans lequel deux faisceaux d’ions primaires sont

utilisés. (b) Mode d’acquisition cyclé dit ”entrelacé”.

Lors des analyses ToF-SIMS, il est possible d’utiliser un canon à électrons (dit Flood gun) afin de compenser les effets de charges du matériau étudié. L’utilisation du Flood gun est particulièrement recommandé lors de l’étude de matériaux isolants tel que le SiO2 et le Si3N4.

2.3.6.2 Dispositif expérimental

Le ToF-SIMS que nous avons utilisé dans cette thèse est un TOF-SIMS 5 de la société Ion-TOF. Pour le faisceau d’abrasion, nous avons utilisé soit du Cs+ de 500 eV à 2 keV soit de l’Ar5000 à 5 keV. Le faisceau d’analyse est soit un faisceau de Bi+

3 à une énergie de 30 keV soit un faisceau de Bi+à une énergie de 25 keV. Le cycle ”non entrelacé” utilisé alterne 4 pulses du faisceau d’analyse et temps de

60 Chapitre 2. Dispositifs expérimentaux vols successifs pour une durée de 140 µs avec un pulse du faisceau d’abrasion de 1 s et une durée de pause de 1 s. Sur le détecteur, il est possible de détecter soit les ions secondaires positifs, soit négatifs. Le ToF-SIMS a été utilisé pour analyser la composition chimique de la couche modifiée par l’étape d’implantation et des couches de sels fluorés formées lors de l’étape de gravure par plasma délocalisé. Les résolutions spatiales latérales et verticales utilisées lors des mesures ToF-SIMS sont de l’ordre de 1 µm et 1 nm respectivement. La sensibilité d’analyse élémentaire (∆mm ) est supérieure à 10000 pour une sensibilité de détection du détecteur de l’ordre du ppm/µm3.

2.3.6.3 Caractérisation des échantillons

Dans cette section, nous ne nous focaliserons que sur les taux en hydrogène des différents ma-tériaux. Les quatre échantillons présentés dans la section 2.2 ont été analysés et leurs compositions en hydrogène ont été comparées. Les figures 2.17 (a) et (b) représentent les taux en hydrogène ato-mique mesurés par ToF-SIMS pour les films de nitrure et d’oxyde de silicium respectivement pour une abrasion par Cs+ (2 keV) et la détection des ions secondaires négatifs. On notera que l’empilement de l’échantillon de SiNx :H PECVD est différent de l’empilement présenté dans la section 2.2 (le film de SiNx :H PECVD est épais de 55 nm et est déposé sur une couche de SiO2 LPCVD de 10, 5 nm) mais que les caractéristiques du dépôt PECVD sont strictement identiques à celles du film de 96 nm décrit dans la section 2.2. Le spectre de masse est donné en coups.s−1. On peut remonter au spectre de masse en concentration atomique en utilisant des échantillons de référence implantés avec une quantité connue de H dans le substrat en Si cristallin. On peut alors estimer le taux de H dans les couches de SiO2 et de nitrure de silicium. Le film de SiNx :H PECVD possède une concentration atomique en H de 3, 7.1022 at.cm−3. Pour le film de Si3N4 LPCVD, la concentration en H est de 0, 7.1022 at.cm−3 seulement. Pour les films de SiO2, on trouve une concentration en H de 3, 6.1021 at.cm−3 pour le film de SiO2 :H PECVD et contre une concentration de 0, 2.1021 at.cm−3 pour le SiO2 Thermique.

Figure 2.17 – Concentration atomique en hydrogène (a) des deux films de nitrure de silicium et (b)

des deux films d’oxyde de silicium (Cs+ 2 keV ; Bi+ 25 keV).