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1.4 Le procédé de gravure des espaceurs

1.4.2 État de l’art de la gravure des espaceurs

D’après la section précédente, il apparait évident que l’étape de gravure d’espaceur est critique et présente de nombreux défis à relever. Ces défis sont d’autant plus difficiles avec les exigences de contrôle dimensionnel à l’échelle sub-nanométrique imposées par la miniaturisation. Comme conséquence, les technologies plasma conventionnelles basées sur des plasmas ICP ne permettent plus de répondre à ce contrôle sub-nanométrique de la gravure et de nouvelles voies ont dû être envisagées comme cela sera décrit ci-après.

1.4.2.1 Par plasma continu dans des réacteurs ICP

La gravure des espaceurs en nitrure de silicium a, dans un premier temps, été réalisée grâce à des procédés plasmas continus de type fluorocarbonnés (CxFy) développés dans des réacteurs ICP. La gravure du Si3N4 se fait alors par la formation de liaisons C-N et Si-F. Si ce procédé permet bien de consommer le nitrure de silicium, il ne propose cependant aucune sélectivité par rapport au silicium ou au SiO2 qui composent souvent les couches sous-jacentes au dépôt d’espaceur. C’est pour cette raison qu’a été proposé de rajouter au mélange de gaz de l’O2 qui permet d’atteindre cette sélectivité par rapport au Si et au SiO2. La gravure principale se fait alors avec un mélange de CH3F/He (pour consommer le gros du nitrure de silicium) et on termine le procédé par une sur-gravure avec un mélange de CH3F/O2/He [Kastenmeier 1999, Lee 2010, Xu 2013]. L’utilisation de cette combinaison gravure/sur-gravure permet d’avoir une gravure anisotrope, avec un fort taux de gravure, et sélective par rapport aux couches sous-jacentes.

Si cette stratégie de gravure est encore utilisée pour les nœuds technologiques de 14 nm, cette dernière reste particulièrement néfaste en terme de silicon Recess [Blanc 2013]. Bien que des solu-tions aient été proposées pour diminuer le Si Recess, cela se fait souvent au dépend d’autre critères de gravure. Ainsi, en optimisant les concentrations des gaz réactifs O2 et CH3F, il est possible de diminuer l’épaisseur de la couche réactive de SiOxFy qui est responsable du Si Recess. Cependant, si la consommation du Si est diminuée en utilisant un mélange plus riche en carbone, cela se fait au détriment du respect de l’intégrité de la couche de Si. En effet, des chimies trop riches en carbone conduisent à plus de rugosité de surface et également à une implantation de carbone dans le Si qui sont néfastes pour la reprise d’épitaxie de la source et du drain [Blanc 2014b, Ono 2017]. Les procédés de gravure conventionnels ne suffisent donc plus pour assurer la gravure des espaceurs en nitrure de silicium aux nœuds technologiques actuels.

A cela s’ajoute en plus la nécessité d’ajouter de nouveaux matériaux dans les futurs dispositifs en micro-électronique. Par exemple, l’implémentation d’un canal en SiGe cristallin pour améliorer la mobilité des porteurs de charges est problématique puisque l’alliage de Si0, 8Ge0, 2 est gravé deux fois plus rapidement que le Si pur par les procédés CH3F/O2/He [Oehrlein 1991]. Il est donc primordial pour l’industrie de la micro-électronique de se tourner vers de nouvelles solutions technologiques.

1.4. Le procédé de gravure des espaceurs 29 1.4.2.2 Par plasma Pulsés synchronisés dans des réacteurs ICP

Il y a quelques années, Blanc et al. ont démontré l’intérêt d’utiliser des plasmas pulsés synchrony-sés de CH3F/O2/He plutôt que des procédés continus pour graver les espaceurs en nitrure de silicium [Blanc 2014a].

Comme cela a été décrit plus tôt (cf. Sect.1.3.4), les plasmas pulsés permettent de grandement diminuer l’endommagement généré par le bombardement ionique du plasma en réduisant l’épaisseur de la couche réactive. Or, nous avons vu que les plasmas continus de CH3F/O2/He entraînent soit la formation d’une couche réactive de SiOxFy trop épaisse (qui conduit à la gravure du Si) soit à une implantation d’espèces carbonées dans le Si qui gêne la reprise d’épitaxie de la source et du drain. Lorsque le plasma de CH3F/O2/He est pulsé, la concentration de carbone implanté est diminuée par 2 et il est ainsi possible de diminuer l’endommagement de la surface du Si lorsque les ratios de fluor sont élevés. L’utilisation des plasmas pulsés permet notamment de diminuer le Si Recess de 1, 5 nm à 0, 5 nm. De plus, utiliser des plasmas pulsés permet une fenêtre de sélectivité élargie entre le Si3N4 et le Si par rapport aux plasma continus et un meilleur profil des espaceurs en Si3N4.

Les plasmas pulsés possèdent de nombreux avantages qui en font de très bon candidats à la gravure des espaceurs en nitrure de silicium. Toutefois, les procédés plasmas pulsés ne peuvent pas encore être qualifiés d’optimaux. En effet, bien que ces derniers permettent une réduction importante du Si Recess, les procédés ne sont pas complètement sélectifs par rapport au silicium [Blanc 2014a]. C’est pourquoi récemment, le procédé Smart Etch - spécialement conçu pour la gravure des espaceurs en Si3N4 - a été développé au sein du LTM et du CEA-Leti [Posseme 2013].

1.4.2.3 Smart Etch

Le procédé de gravure Smart Etch a été développé en 2013 par N. Posseme, O. Joubert et L. Vallier [Posseme 2013, Posseme 2014]. Comme évoqué plus tôt, cette technologie a été développé spécialement pour la gravure des espaceurs de grille ou de multi-patterning en nitrure de silicium dans le but de pallier aux limitations des autres procédés de gravure.

Le procédé Smart Etch est apparenté à la famille des procédés de gravure ALE. Le procédé consiste en deux étapes séquentielles qui permettent de découpler l’action des ions et des neutres. Le fonctionnement du procédé Smart Etch est schématisé dans la figure 1.18. Le dépôt de Si3N4 est dans un premier temps modifié grâce à un bombardement d’ions légers. Le matériau modifié est ensuite retiré sélectivement par rapport au matériau non modifié et aux autres matériaux en présence grâce à une gravure strictement chimique et sélective. Le procédé Smart Etch a notamment montré de très bons résultats quant à sa sélectivité par rapport au silicium du canal sous-jacent et au profils des espaceurs obtenus [Posseme 2014, Posseme 2016].

Lors de la première étape, le film de Si3N4est soumis à un bombardement d’ions légers de type H2 ou He [Posseme 2014, Posseme 2016, Ah-Leung 2017, Dubois 2016, Chambettaz 2017]. Comme dans les procédés de gravure ALE classique, cette implantation permet de modifier la surface du matériau sur quelques nanomètres (cf. Fig.1.14 : mécanisme de conversion). De plus, cette modification ne s’applique qu’aux surfaces horizontales grâce à l’anisotropie des ions. L’utilisation d’ions légers tels que l’hydrogène ou l’hélium permet d’une part de limiter la gravure par pulvérisation et, d’autre part, de modifier la matière sur une épaisseur contrôlable (de 1-2 nm à plusieurs nanomètres) dépendant

30 Chapitre 1. Contexte de l’étude

Figure 1.18 – Schéma de principe du procédé de gravure Smart Etch alternant une étape de

modi-fication de la surface par l’implantation d’ions légers et une étape de retrait sélectif par une gravure chimique humide ou sèche.

de la dose et de l’énergie des ions. Dans le procédé Smart Etch, l’objectif est de modifier l’intégralité du Si3N4 à retirer afin que celle-ci soit ensuite entièrement retirée lors de l’étape de retrait suivante. L’étape d’implantation ionique peut être réalisée dans un réacteur CCP ou dans un réacteur ICP.

Lors de la seconde étape du procédé, le retrait de la couche modifiée peut être réalisé grâce à un procédé humide [Posseme 2014] ou sec [Pollet 2016, Ah-Leung 2017] à base de HF ou grâce à un plasma délocalisé de NH3/NF3suivi d’une étape de recuit (aussi appelé procédé Ziconi) [Posseme 2016]. Pour toutes ces méthodes de retrait, la gravure du film de Si3N4 se fait via la formation d’une couche présumée être de l’ammonium hexafluorosilicate (NH4)2SiF6. Ces sels fluorés peuvent être dissouts dans l’eau ou sublimés lors du recuit (pour le retrait par plasma délocalisé de NH3/NF3). Les études réalisées au CEA-Leti par Posseme et al. ont notamment montré qu’il n’était pas possible d’obtenir une sélectivité par rapport au SiO2 en appliquant un retrait par chimie humide HF ou par plasma délocalisé de NH3/NF3. Au contraire, il est possible d’obtenir cette sélectivité par rapport au SiO2 en procédant via un retrait par HF gazeux. Cependant, l’utilisation de plusieurs machines pour réaliser la gravure du nitrure de silicium et le retrait de la couche de sel fluoré formée, entraîne l’apparition de résidus difficiles à enlever en plus d’augmenter considérablement le temps de gravure total.

Les preuves de faisabilités du concept ont été obtenues pour les différentes méthodes citées ci-dessus pour l’étape de retrait du Si3N4 modifié. L’ordre de grandeur de l’épaisseur du dépôt conforme de Si3N4 PEALD est de 10 nm environ. Comme le montre la figure 1.19, le procédé Smart Etch via un retrait réalisé par gravure humide permet d’obtenir des profils des espaceurs sans facettage (profil relativement carré) et des flancs droits. On notera que sur cette image, on ne peut pas juger de la sélectivité du procédé puisque la reprise d’épitaxie a déjà eu lieu mais que cela signifie au moins que la consommation du silicium n’est pas totale puisque la reprise épitaxiale sur substrat SOI est possible.

Le procédé de gravure proposé par Posseme et al. possède donc deux limitations : les deux étapes du procédé se font dans au moins deux réacteurs différents impliquant une remise à l’air des échantillons

1.4. Le procédé de gravure des espaceurs 31

Figure 1.19 – Coupe TEM d’un transistor dont les espaceurs ont été gravés par le procédé Smart Etch

alternant une implantation par plasma de H2 suivi d’un retrait par plasma délocalisé de NH3/NF3 et dont la source et le drain ont vu une épitaxie SiGe [Posseme 2014].

et l’étape de modification doit permettre de convertir en une fois la couche de Si3N4 restante à graver sans générer de défauts dans le matériau sous-jacent.

Une des complexités du procédé Smart Etch est en effet que l’épaisseur du matériau à graver est contrôlée par l’étape d’implantation ionique. Cela signifie que la profondeur de la modification de la première étape doit être particulièrement bien calibrée afin de garantir un retrait complet de la couche de Si3N4, et ne pas endommager la couche sous-jacente par une implantation trop profonde. Une solution pour s’affranchir de cette limitation serait de limiter la modification par implantation sur quelques nanomètres seulement et de répéter les deux étapes de procédé plusieurs fois afin d’atteindre l’épaisseur totale à retirer. Cependant, l’application d’un tel procédé cyclique nécessite que les deux étapes soient réalisées au sein d’un seul et même réacteur ou équipement de gravure.

Cette approche a été proposé dernièrement par Sherpa et al. Dans leurs études, ces derniers proposent d’utiliser un réacteur CCP pour réaliser l’étape d’implantation par H2 et l’étape de retrait par un plasma fluoré à base de NF3 ou de SiF6 à haute pression [Sherpa 2017a, Sherpa 2017b]. Dans leurs études, ils ont ajusté les conditions plasma de l’étape de retrait pour minimiser au maximum

32 Chapitre 1. Contexte de l’étude l’impact du bombardement ionique en opérant à haute pression (> 500 mTorr) afin d’être dans un régime de gravure essentiellement piloté par les radicaux. Dans leur cas, la gravure du Si3N4 est alors dirigée par la réactivité du fluor atomique avec les liaisons Si-N, Si-H et N-H en fonction des considérations thermodynamiques. Ce procédé permet notamment d’obtenir une très bonne sélectivité du Si3N4 implanté par H2 par rapport au Si3N4 non modifié et au SiO2, ce qui prouve que les effets des ions dans le plasma haute pression sont négligeables. Cependant, dans leurs travaux, ils annoncent que ce procédé est également sélectif vis-à-vis du Si sans montrer de résultats, ce qui parait étonnant quand on connait la réactivité du silicium avec les radicaux de fluor même assistés que d’un très faible bombardement ionique.

Quand je suis arrivé au laboratoire en décembre 2016, un prototype de réacteur de la société AMAT venait d’être installé sur la plateforme de gravure du LTM (2016). Ce réacteur, qui sera décrit plus loin dans cette thèse propose deux modes de fonctionnement indépendants : un mode de plasma capacitif et un mode de plasma délocalisé. Ces deux modes sont tout à fait adaptés pour mettre en œuvre le concept Smart Etch de manière cyclée. Ils offrent un découplage quasi-total des flux d’ions et de neutres tant recherché pour mettre en œuvre un procédé de type ALE. Ainsi le mode CCP pourra être employé pour réaliser l’étape de modification par les ions, alors que le plasma délocalisé pourra servir pour réaliser le retrait sélectif en post-décharge de la couche modifiée par l’action de neutres réactifs uniquement. A mon arrivée au laboratoire, l’étape d’implantation avait déjà longuement été étudiée par d’autres thèses réalisées au laboratoire dans le réacteur ICP de la plateforme de gravure du LTM [Dubois 2016, Martirosyan 2017]. En revanche, l’étape de retrait sélectif de la couche modifiée par post-décharge du plasma délocalisé n’avait que très peu été abordée avant mon arrivée [Chambettaz 2017, Mourey 2017].