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ème Le principe de l’exemption de l’étranger vis-à-vis de la loi particulière du territoire : la doctrine de Huguccio et la glose Quod si Bononiensis.

TERRITORIAUX ET LES STATUTS PROHIBITIFS (XII E XVI E SIECLES).

Section 2 ème Le principe de l’exemption de l’étranger vis-à-vis de la loi particulière du territoire : la doctrine de Huguccio et la glose Quod si Bononiensis.

Point de rencontre entre le jus antiquum et le jus novum, l’œuvre de Huguccio symbolise une émancipation de la doctrine canoniste vis-à-vis de l’enseignement traditionnel, encore marqué par une lecture extrêmement littérale des directives contenues dans les trois canons du Décret et, en particulier, celle transmise par le canon Quae contra. Usant d’un jeu de combinaison qui s’inscrit en rupture avec celui qui était pratiqué jusqu’alors, le célèbre Décrétiste libère la voie pour que puisse s’exprimer pleinement le conflit de lois, en encourageant le juge à prendre en compte la légitimité de la loi étrangère. A partir de Huguccio, l’étranger se retrouve ainsi exempté, sous certaines réserves, de l’obligation de se soumettre, absolument et complètement, aux ordres portés par la loi particulière du territoire (§ 1.). A cet égard, il faut souligner la bonne fortune qu’a pu connaître sa thèse, puisque, par la suite, elle reçut non seulement l’assentiment de ses successeurs, mais aussi une consécration légale à travers les décrétales A nobis (1193) et Ut Animarum (1298). Les Glossateurs, quant à eux, connaissent également, à la même époque que Huguccio, leur émancipation au travers de la glose Quod si Bononiensis, qui pose, entre autres fondements, que l’étranger n’est pas tenu d’observer la loi particulière du territoire, puisque « un statut ne lie que les sujets » (§ 2.). Le travail de sape ainsi effectué contre les murailles de la territorialité absolue conduit, insensiblement mais inexorablement, canonistes et civilistes à faire le départ entre les règles de conflit qui demeurent territoriales et celles qui sont vouées à ne plus l’être.

d’Accurse connaît donc des évolutions et des infléchissements, ce qui se retranscrit, notamment, par son émancipation progressive à l’égard de la doctrine de son maître.

§ 1. La doctrine de Huguccio : la formulation du principe de l’exemption de l’étranger.

La rupture, brutale et franche, avec la territorialité absolue que préconisaient encore, avec parfois quelques nuances, les premiers commentateurs du Décret de Gratien est indiscutablement liée à la figure de Huguccio38. Le célèbre Décrétiste livre, dans sa Summa Decreti, qui date des années

1180, une interprétation des trois textes fondamentaux du Décret qui tranche radicalement avec la lecture qui en était couramment donnée. Il y soutient que l’étranger n’est pas tenu d’observer les lois et les coutumes du territoire sur lequel il se trouve simplement de passage : ce faisant, il renverse complètement le principe traditionnel pour lui préférer le parti opposé. A partir de Huguccio, c’est désormais l’exemption qui est de principe et la soumission qui devient l’exception. Si la solution de celui-ci a pu être, par la suite, discutée ou aménagée, jamais elle ne s’en est trouvée démentie par les canonistes qui lui succéderont.

Pour arriver à fonder une telle interprétation à partir des textes du Décret, Huguccio choisit, contrairement à ses prédécesseurs, de déplacer le centre de gravité de la réflexion du canon

Quae contra au canon Illa. Alors que, avant lui, la doctrine considérait que les canons Illa et Quisquis

ne faisaient que confirmer et préciser la portée du canon Quae contra, le raisonnement de Huguccio s’inscrit dans une logique inverse, qui consiste à mettre en retrait l’obligation juridique faite à l’étranger exprimée par le canon Quae contra et à mettre en avant la simple exhortation morale portée par le canon Illa :

[Canon Quae contra] L’argument soutenu ici est que les étrangers et les étudiants doivent vivre et être jugés selon la coutume de la cité dans laquelle ils se trouvent. Ce qui n’est vrai que s’ils expriment la volonté de s’y installer à demeure ou si l’on craint qu’ils n’y donnent le scandale, en vertu des canons Illa (Distinction XII, canon 11) et Quisquis (Distinction XLI, canon 1)39.

[Canon Illa] Il est dit dans ce canon que l’on doit croire que les règles non écrites qui sont, pourtant, observées généralement par l’Eglise ont été instituées par les apôtres ou par les conciles. De telles règles doivent être observées généralement par tous, mais d’autres, qui ne sont pas observées généralement par tous – comme, par exemple, les coutumes particulières – peuvent être observées librement par les étrangers qui n’habitent pas le territoire dans lequel une telle coutume est établie, sauf si, en ne l’observant pas, l’on devait être une cause de scandale pour les autres. C’est ce que nous montre l’exemple de la mère de Saint Augustin, à laquelle le bienheureux Ambroise a conseillé de ne pas observer la coutume de Rome qui consiste à jeûner le samedi à Milan, où il n’existe pas la coutume d’un tel jeun…

Liberas [« pleine liberté »] : en ce qui concerne les étrangers. En effet, si la coutume particulière doit être obligatoirement observée par ceux chez qui elle s’applique, elle peut être observée librement par ceux qui sont lui étrangers – soit qu’ils se trouvent ailleurs, soit qu’ils ne soient que de passage –, sauf

38 HUGUCCIO de Ferrare (vers 1130–1210), est sans aucun doute, parmi les Décrétistes, la grande figure de l’école de

Bologne. Il y donne ses leçons de droit canonique durant les années 1170 et 1180 et s’impose, à l’époque, comme la référence majeure de l’enseignement. Il devient, par la suite, évêque de Ferrare. Sa Somme sur le Décret, qu’il a composée entre 1185 et 1188, a exercé une influence considérable sur la doctrine canonique, comme l’atteste, entre autres exemples, son parti-pris en faveur de l’exemption de l’étranger. Témoignant d’un esprit rigoureux et intransigeant, son œuvre se distingue par la place qu’il accorde, dans ses gloses, aux Décrétales, manifestant ainsi un intérêt pour le jus novum jusque dans ses commentaires sur le Décret, et par celle qu’il accorde à la théologie et au droit romain. Son usage fréquent des lois romaines est, surtout, pour lui, l’occasion de rappeler que les canones l’emportent toujours sur les leges. Sur Huguccio, voir la thèse de Wolfgang P. MÜLLER, Huguccio, the life, works, and thought of a twelfth-century jurist, Washington, 1994.

39 HUGUCCIO, Summa Decreti, Distinction VIII, canon 2, Quae contra, v° Peregrini : Argumentum quod peregrini et scolares

debent vivere et iudicari secundum consuetudinem civitatis, in qua inveniuntur. Quod verum est, si volunt habitare vel timetur scandalum. Argumentum D. XII, Illa et D. XLI, cap. 1 (Codex vaticanus, 2280, fol. 8r, colonne 1; Codex latinus Monacensis 10247, fol. 7v,

s’ils viennent se fixer à demeure sur le territoire ou sauf si, en ne l’observant pas, ils causent un scandale.

Habendum [« doit être tenu »] : par les étrangers et non par les sujets auxquels s’applique ordinairement ladite coutume.

Indifferenter : c’est-à-dire tenu pour indifférent, à savoir que cela peut être observé ou non observé librement.

Et tamen pro. eorum inter quos vivunt (sic) [« par égard pour ceux au milieu desquels ils vivent » »] : « ils », c’est-à-dire les étrangers qui sont de passage.

Servandum [« observé »] : par les étrangers, si, en n’observant pas la coutume particulière, l’on donne lieu à scandale ; il est plutôt question ici d’un conseil et d’une opinion et l’argument est alors que chacun doit vivre selon les coutumes de ceux parmi lesquels il habite. Au soutien de cet argument, les deux canons Quae contra (Distinction VIII, canon 2) et Quisquis (Distinction XLI, canon 1). Jejuno sabbato [« je jeûne le samedi »] : en me conformant à la coutume des Romains, que je n’étais pourtant pas tenu d’observer, sauf si, en agissant autrement, le scandale était manifeste.

Serva [« suis »] : c’est bien là un conseil ; le précepte se présente de deux manières : « suis », si, en agissant autrement, tu es cause de scandale, d’où il s’ensuit : si cuiquam, etc. ; ou bien « suis », si tu viens en ce lieu pour t’y fixer à demeure. L’argument soutenu ici est que, si quelqu’un se transporte d’une église à une autre, il doit suivre la coutume de l’église dans laquelle il se transporte tant pour les offices que pour les autres matières. De même, l’argument soutenu ici est que, si jamais un clerc qui est originaire d’une église orientale se transporte vers une église située en Occident ou inversement, il doit observer la coutume de l’église dans laquelle il se transporte en ce qui concerne le célibat, ce qui ne se vérifie pas tout le temps s’il fait partie des ordres majeurs. L’argument soutenu ici est que personne ne doit s’affranchir de la coutume générale de ceux parmi lesquels il vit. Par conséquent, les étudiants doivent vivre selon la coutume de la région dans laquelle ils font leurs études. Au soutien de cet argument, les deux canons Quae contra (Distinction VIII, canon 2) et Quisquis (Distinction XLI, canon 1)40.

[Canon Quisquis] Il apparaît d’abord que chacun doit s’alimenter selon les mœurs qui sont pratiquées parmi ceux vers lesquels on vit. D’où il s’ensuit que : l’on doit avoir rigoureusement égard, tout à la fois, au lieu, à l’heure de la journée où l’on se trouve, aux personnes avec lesquelles on vit et aux modes d’alimentation qui y sont pratiqués…

Cum quibus vivit [« ceux qui vous entourent »] : l’argument soutenu est que chacun doit se conformer aux usages de ceux avec lesquels il vit en ce qui concerne l’alimentation et bien d’autres choses. Au

40 HUGUCCIO, Summa Decreti, Distinction XII, canon 11, Illa : In hoc capitulo dicitur, quod illa que non sunt scripta et generaliter

tamen observantur ab ecclesia, credendum est esse statuta ab apostolis vel conciliis. Talia generaliter ab omnibus servanda sunt, alia vero, que non generaliter observantur ab omnibus, sicut sunt particulares consuetudines, liberam habent observantiam quoad alios qui non inhabitant locum illum, in quo statuta est talis consuetudo, nisi non observando generetur scandalum aliis, et hoc ostenditur exemplo matris Augustini, cui consuluit beatus Ambrosius, ut consuetudinem Romanorum de jejunando sabbato non observaret Mediolani, ubi non est consuetudo de tali jejunio....

V° Liberas : quantum ad extraneos. Particularis enim consuetudo necessariam habet observantiam quoad illos apud quos obtinet, set quoad extraneos habet liberam, sive alibi sint sive illuc veniant, nisi veniant moraturi, vel nisi non observando generent scandalum. V° Habendum : quoad extraneos, non quoad illos apud quos obtinet illa consuetudo.

V° Indifferenter : id est pro indifferenti, scilicet ut libere possit observari vel non observari. Vis Et tamen pro eorum inter quos vivunt (sic) : ipsi extranei ad tempus.

V° Servandum : ab extraneis, si non observando [scandalum] generatur, vel loquitur de consilio et persuasione et est argumentum quod aliquis debet vivere secundum eos inter quos habitat. Argumentum. D. VIII, Que contra, et D. XLI, Quisquis.

Vis Jejuno sabbato : conformans me consuetudini Romanorum, ad quod tamen non tenebatur, nisi aliter faciendo scandalum pareret.

V° Serva : Consilium est, vel fit preceptum duobus modis : serva, si aliter faciendo parias scandalum, inde sequitur : si cuiquam, etc. ; vel serva, si veneris causa perpetuo inhabitandi. Argumentum quod si quis de una ecclesia transit ad aliam ecclesiam, et in officiis et in aliis debet sequi consuetudinem illius ecclesiae, ad quam transit. Item argumentum, quod si quis clericus de orientali ecclesia transeat ad occidentalem vel econverso, illius ad quam transit consuetudinem debet observare in continentia, quod non usquequaque est verum, si est in majoribus ordinibus. Item est argumentum quod non debet quis discrepare a generali consuetudine eorum inter quos vivit. Debent ergo scolares vivere secundum consuetudinem regionis in qua degunt. Argumentum D. VIII, Que contra et D. XLI, Quisquis (Codex vaticanus 2280, fol. 11v, colonne 2 ; Codex latinus Monacensis 10247, fol. 11v, colonne 1, d’après Alfons VAN HOVE, « La

soutien de cet argument, les deux canons Quae contra (Distinction VIII, canon 2) et Illa (Distinction XII, canon 11)41.

La doctrine de Huguccio, longuement développée dans ces quelques gloses, peut se résumer en quelques traits42 : l’étranger qui est seulement de passage sur un territoire est exempté

de l’obligation d’observer les lois particulières qui y ont cours, qui ne s’adresse qu’aux seuls habitants du territoire. Le canon Quae contra ne doit donc pas être interprété comme l’énoncé d’une règle de droit qui soumettrait, tout ensemble, les ressortissants locaux et les ressortissants étrangers au respect de ces lois particulières, mais comme un conseil que Saint Augustin a voulu prodiguer à l’intention des étrangers : celui de se conformer aux mœurs, usages et lois propres au lieu où, d’aventure, ils peuvent se trouver. La justification s’en trouve dans le canon Illa : en ne respectant pas certaines de ces prescriptions et en se singularisant trop ostensiblement par rapport aux habitants du lieu, l’étranger risque de troubler l’ordre qui y est établi et de prêter, par son comportement déviant, à scandale. Il est ainsi sous-entendu que, tant qu’il ne prête pas le flanc au

scandalum, l’étranger de passage est libre de ne pas observer les lois particulières. C’est donc le

canon Illa qui fournit la clé d’interprétation de la pensée de Saint Augustin, et, par extension, des textes du Décret de Gratien, et non plus le canon Quae contra : il vient tempérer les termes de ce dernier en en atténuant la portée juridique et en en accentuant la valeur d’injonction purement morale. Comme le souligne à dessein Huguccio, Saint Augustin n’a jamais entendu que prodiguer un conseil à l’étranger de passage : « c’est bien là un conseil » (consilium est).

Le principe de l’exemption, tel qu’il est formulé par le célèbre Décrétiste, ne se comprend toutefois que s’il est assorti des deux exceptions qu’il développe dans ces mêmes gloses, si l’on veut bien mettre de côté les situations propres aux clercs qui se transportent d’une église de rite grec à une église de rite latin, ou inversement, et aux étudiants :

1° Les étrangers ne sont pas tenus par une des lois particulières « sauf s’ils viennent se fixer à demeure sur le territoire » (nisi veniant moraturi). L’établissement de leur domicile à l’intérieur du territoire suffit à les faire passer de la condition d’étrangers à celle de sujets. Il ne s’agit pas là d’une simple affirmation tautologique, mais bien d’une distinction que Huguccio juge essentielle, entre l’étranger simplement de passage sur un territoire et l’étranger qui s’y trouve avec l’intention d’y fixer son domicile. Cette distinction, qui apparaît pour la première fois en doctrine, est appelée à prendre par la suite une importance capitale, car elle prélude, en matière de lois de police, à toute une réflexion qui va précisément porter sur la question de la sujétion temporaire de l’étranger de passage.

2° Les étrangers ne sont pas tenus par une des lois particulières « sauf si, en ne l’observant pas, il causent un scandale ». La notion de scandalum, qui est centrale dans la pensée de Huguccio, ne donne pourtant pas lieu à une définition particulière qui en préciserait le sens et la portée. Le caractère vague de l’injonction permet de réserver, tout à la fois, les cas où le scandale serait de nature purement morale (ainsi que le montre l’exemple de l’avis dispensé par l’évêque de Milan,

41 HUGUCCIO, Summa Decreti, Distinction XLI, canon 1, Quisquis, V° Quisquis : Primo ostendit quod debet unusquisque uti cibo

pro moribus eorum inter quos conversatur. Unde et locus et tempus, in quo est, et persone, cum quibus conversatur diligenter ab eo sunt attendenda, in utendo cibis....

Vis Cum quibus vivit : Argumentum quod quisquis debet se conformare in cibis et in aliis moribus corum cum quibus vivit.

Argumentum D. VIII, Que contra et D. XII, Illa. (Decretum Gratiani cum Glossa, Venise, 1572).

42 Sur la doctrine de Huguccio, voir Alfons VAN HOVE, « La territorialité et la personnalité des lois », op. cit., pp. 289-

Saint Ambroise, à l’intention de Sainte Monique à propos du jeûne) et les cas où ce scandale contreviendrait à l’ordre juridique local43.

Le prestige qui s’attache à l’autorité intellectuelle de Huguccio suffirait aisément à expliquer la postérité de ses idées parmi la doctrine canoniste ultérieure44. Mais le Décrétiste a également

connu, dès le début du XIIe siècle, le renfort de Jean le Teutonique, qui, dans sa Glose ordinaire sur le

Décret, parue dans les années 1210, défend également la thèse de l’exemption de l’étranger, mais à l’aide d’une argumentation bien différente. En effet, la glose de Jean au canon Quae contra révèle une sensibilité marquée envers le principe nouveau, malgré la présence, dans d’autres extraits, de prises de position en faveur du maintien du principe traditionnel :

[Canon Quae contra] Peregrini : les étrangers et les étudiants sont-ils tenus de suivre la coutume de ceux parmi lesquels ils séjournent ? L’on peut, sur ce point, répondre par la positive si l’on se réfère aux canons Illa (Distinction XII, canon 11) et Quisquis (Distinction XLI, canon 1). Mais l’on peut soutenir le contraire, parce que les voyageurs ne ressortissent pas au tribunal du lieu par lequel ils passent, comme le deuxième paragraphe de la loi Heres absens du titre De judiciis du Digeste le démontre (D. 5.1.19.2). Et l’on peut rajouter l’argument que seuls ceux qui vivent à perpétuelle demeure sont liés par les lois de la cité, comme le prouve la loi Debitor du titre De pignoribus du Digeste (D. 20.1.32) 45.

La démonstration de Jean le Teutonique révèle sans doute la perméabilité du décrétiste- décrétaliste aux idées défendues, dès la fin du XIIe siècle, par Huguccio. Mais, contrairement à son

illustre prédécesseur, le canoniste ne s’appuie plus sur les textes du Décret ; il trouve ses justifications dans l’invocation de textes issus du Digeste : par un paradoxe qui ne saurait complètement surprendre de la part d’un docteur utrumque juris, ce sont même ces derniers qui appuient sa thèse et non les canons du Décret, qui ne sont cités que pour justifier la thèse combattue par l’auteur. La Glose ordinaire témoigne, ainsi, de la pénétration des lois romaines dans l’argumentaire développé par les canonistes et la formation de ce fonds commun de références qui va former le patrimoine de la doctrine romano-canonique classique46.

43 Le terme même de scandalum fait bien l’objet d’une des gloses de Huguccio qui portent sur le canon Illa, mais celle-ci

se contente, en réalité, de lier le scandale à la notion de réparation, qui peut être tout aussi bien morale que juridique. Voir HUGUCCIO, Summa Decreti, Distinction XII, canon 11, Illa, V° Scandalum : « L’argument soutenu ici est que, relativement aux scandales, ceux-ci doivent être soumis à la réparation ou effacés par elle. Au soutien de cet argument, les canons De his vero (Distinction L, canon 34), In sacerdotibus (Distinction LXI, canon 2), et Presbiter (D. LXXXII, canon 5) » (argumentum quod propter scandalum multa debent fieri vel omitti. Argumentum D. L, De his vero, et D. LXI, In sacerdotibus, et D. LXXXII, Presbiter).

44 Les idées de Huguccio semblent avoir d’autant plus conservé leur autorité que, plus d’un siècle après, Guido da

Baiso, plus communément appelé l’Archidiacre, reproduit encore, de façon très fidèle, la thèse soutenue par Huguccio dans son Rosarium, qui se veut un véritable commentaire qui s’évertue à compiler et discuter les différentes gloses sur le Décret, rédigé entre 1296 et 1302. Voir Guido da BAISO, Rosarium super Decreto, gloses au canon Illa, Distinction XII, canon 11, vis Serva et Consuetudine (citées par Alfons VAN HOVE, « La territorialité et la personnalité des lois », op. cit., p.

291, note 1 et Willy ONCLIN, « La contribution du Décret de Gratien », op. cit., p. 133, note 44). Les termes de ces deux gloses sont, très manifestement, la reprise quasi littérale de ceux qu’employait son prédécesseur décrétiste.

45 Jean LE TEUTONIQUE (et Barthélémy DE BRESCIA), Glose ordinaire sur le Décret, Distinction VIII, canon 2, Quae contra,

v° Aut peregrini (édition du Corpus juris canonici, Rome, 1582, disponible en ligne sur le site de la bibliothèque de l’Université de Californie à Los Angeles : http://digital.library.ucla.edu/canonlaw/index.html) : Numquid ergo peregrini et scolares tenentur sequi consuetudinem illorum inter quos commorantur ? Argumentum videtur hic quod sic et XII D. Illa, et XLI D. c. 1.

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