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nde L’affinement de la doctrine bartolienne : les statuts permissifs, prohibitifs et pénaux chez Balde.

CHAPITRE II LA TERRITORIALITE SAISIE PAR LA THEORIE DES STATUTS : LES STATUTS TERRITORIAUX PAR NATURE ET LES STATUTS PERMISSIFS ET

Section 2 nde L’affinement de la doctrine bartolienne : les statuts permissifs, prohibitifs et pénaux chez Balde.

La construction théorique érigée par Bartole avait posé les premiers jalons d’un riche travail de doctrine à partir duquel allait se dégager une systématisation progressive de la théorie des statuts187. Laissant de côté les développements que consacrait Bartole aux règles de conflit

envisagées selon les principales questions de droit, les auteurs statutistes qui s’inscrivirent dans son sillage allaient retenir de son œuvre les considérations tenant aux conflits de statuts, aux rapports entre jus commune et statuts locaux, ainsi qu’aux rapports inter-statutaires. Ces considérations servaient ainsi de référence, en ce qu’elles fournissaient à la doctrine matière aux discussions, aux enrichissements et aux remises en cause qu’y apporteront les successeurs du maître de Sassoferrato. Esprit suffisamment indépendant pour s’émanciper des enseignements de celui qui fut son maître, Baldo degli Ubaldi, ou Balde, reste, à plusieurs titres, l’une des figures les plus représentatives de cette maturation intellectuelle qui, peu à peu, dessine le corps d’une doctrine proprement statutiste tenant aux conflits de lois. D’abord, au niveau de la méthode : tranchant avec l’approche composite que défendait son prédécesseur, Balde entend mettre en œuvre, au travers de sa Lectura sur la loi Cunctos populos du Code (C. 1.1.1.)188, une réflexion qui se veut purement et

ouvertement statutiste, en ce qu’elle s’adresse uniquement au statut – envisagé pour lui-même, dans ses rapports avec le jus commune ou dans ses rapports avec les statuts de force équivalente – pour déterminer l’empire personnel, territorial et matériel qu’il entend exercer. Au niveau des solutions, ensuite : l’étude des questions que Balde reprend à la suite de son maître montre assez qu’il est capable de marquer son désaccord vis-à-vis de telle solution ou de tel raisonnement. En cela, l’apport de Balde se mesure également en ce qu’il apporte un subtil contrepoint à la pensée de Bartole189.

En matière de territorialité des statuts, les choix, sur le plan méthodologique, opérés par Balde induisent deux conséquences immédiates et logiques : d’une part, la matière délictuelle, qui Sur ces considérations, voir Nikitas E. HATZIMIHAIL, Pre-Classical Conflict of Laws, op. cit., pp. 171-266, Bertrand ANCEL, Eléments, op. cit., pp. 147-164, et Luc SIRI, Les conflits de lois, op. cit., pp. 122-123 et 190-192.

187 Sur cet enrichissement doctrinal qui caractérise la postérité de Bartole, voir Luc SIRI, Les conflits de lois, op. cit.,

pp.116-192, spéc. pp. 190-192.

188 BALDE, Baldi Ubaldi Perusini Commentaria in primum, secundum & tertium Codicis libra, Venise, 1522, Venise, 1522

(Bibliothèque de la Facoltà di Giurisprudenza de l'Università degli Studi d'Urbino "Carlo Bo"), pp. 8-10, n°57-103. La Lectura de Balde a fait l’objet d’une traduction française, à laquelle nous aurons recours : Bertrand ANCEL, « La lectura de Balde sur Cunctos populos, traduite en français », Mélanges en l’honneur du professeur Pierre Mayer, Paris, 2015, pp. 1-16.

189 La doctrine de Balde ne se limite, toutefois, pas à la seule Lectura super Codice : il fut également, dans sa jeunesse,

l’auteur d’une Repetitio sur la loi Cunctos populos (C.1.1.1.), professée pendant son séjour, en tant que professeur, à Florence (1358-1365), dont les solutions, en bien des points, tranchent singulièrement avec les conclusions qu’il défendra plus tard dans son œuvre de maturité. Le texte de la Repetitio a été redécouvert et publié par Eduard-Maurits Meijers, Tractatus duo de vi et potestate statutorum. Edidit E. M. Meijers. Insunt 1. Baldi repetitio super lege cunctos populos (C. 1, 1, 1) ; 2. Van der Keessel praelections iuris hodierni ad H. Grotii introductionem, theses 26-44. Ambo nunc primum e codicibus typis excusi, Rechtshistorich Instituut (Institut d’Histoire du droit), Leyde, série II, 9, Haarlem, 1939, et assorti d’une introduction, qui figure, sous le titre « Introduction à la publication d’œuvres inédites de Balde et de van der Keessel », dans la Revue critique, n°35, 1940-1946, pp. 203-219. Cette introduction est reprise, avec quelques ajouts, sous le titre : « Balde et le droit international privé », dans Eduard-Maurits MEIJERS, Etudes d’Histoire du droit, éd. Robert FEENSTRA et Herman F.W.D. FISCHER, tome IV : Le droit romain au Moyen-Âge, Leyde, 1966, aux pages 132 à 139.

apparaissait au premier plan chez Bartole, n’est plus traitée comme une catégorie à part, mais par le biais d’une étude du statutum loci delicti, qui s’inscrit dans la continuité de l’étude des statuts permissifs et prohibitifs touchant au droit de la personne et du statut concernant les solennités et les formes. D’autre part, c’est la mise au premier plan de la distinction statuts permissifs/statuts prohibitifs, déjà importante chez Bartole, qui prend ici toute son ampleur. En effet, la majeure partie de sa Lectura, qui concentre l’essentiel de ses idées en matière statutaire, est consacrée au droit des personnes, conformément au plan qu’il annonce dans son propos liminaire190. C’est dans

ces développements qu’il lui revient d’aborder le problème de l’extraterritorialité et de la territorialité des statuts.

Tout au long de cette œuvre, l’auteur s’interroge aussi bien sur la conformité de certaines dispositions statutaires, à raison de leur teneur matérielle, au droit commun (A.) que sur la confrontation entre deux statuts d’égale valeur (B.). Si la première série de questions témoigne d’une approche « verticale » classique pour un théoricien statutiste et implique, par leur extension extraterritoriale, les statuts permissifs, la seconde – qui aborde de front la problématique des statuts prohibitifs – manifeste de manière plus intense encore les amendements que Balde apporte, par des vues nouvelles et complémentaires, à la discussion engagée par son maître.

A. La conformité des statuts locaux au droit commun : aspect formel et aspect matériel. L’exemple des statuts permissifs.

C’est au détour d’une discussion qu’il porte sur le terrain des dispositions statutaires touchant à la condition des personnes, au début de sa dissertation (paragraphes 57 à 91), que Balde en vient à s’interroger sur la validité desdites dispositions au regard du droit commun :

62. De quelles manières les statuts s’occupent-ils du droit de la personne ? Mais pour que cela ressorte plus clairement et plus complètement, il faut considérer qu’à l’égard du droit de la personne, les statuts opèrent de trois manières différentes, en permettant, en interdisant et en punissant. Quant aux statuts permissifs, la première question est celle de leur valeur, la seconde, celle de leur effet.191

Le terme qu’emploie ici Balde pour désigner la « valeur » des statuts permissifs – essentia – se réfère aussi bien à l’existence du statut permissif qu’à sa validité. Ce choix terminologique place ainsi la problématique sur le plan de la constitutionnalité, formelle et matérielle, du statut. Ce dernier est envisagé à sa racine : les autorités municipales sont-elles habilitées à légiférer en la matière (constitutionnalité formelle) ? Le statut édicté est-il en sa teneur conforme aux valeurs que défend l’Empire (constitutionnalité matérielle) ? Deux exemples, traités suivant la même méthode,

190 BALDE, « La lectura de Balde sur Cunctos populos », op. cit., n°57 : « … Il faut considérer que tout statut dispose, ou

bien des personnes, ou bien des choses, ou bien des actions. Mais, pour plus de clarté, je procède autrement et j’observe que le statut règle tantôt le droit de la personne, tantôt le droit des solennités ou de la forme, tantôt le droit de la procédure ou des instances, tantôt le droit de l’exécution, et aussi ces éléments – je parle des activités civiles – qui sont destinés à produire des effets de droit ». La dissertation de Balde s’étend des paragraphes 57 à 103 : en réalité, les paragraphes 57 à 92 concernent le droit de la personne ; les paragraphes 93 et 94, le droit de la procédure ; les paragraphes 95 à 103, le droit pénal (loi applicable, juridiction compétente, confiscation).

191 BALDE, « La lectura de Balde sur Cunctos populos », op. cit., n°62 : Statuta quibus modis procedant circa ius personae.

Sed ut haec plenius & clarius appareant, considerandum est quod circa ius personae statuta possunt procedere tripliciter : permittendo, prohibendo & puniendo. Circa statuta permissiva, quaero primo de essentia. Secundo quaero de effectu (traduction Bertrand ANCEL, op. cit., supra, note 188).

mais appelant des réponses différentes, permettront d’apporter une réponse à cette double interrogation et de mieux comprendre la logique inhérente à un statut permissif : l’institution d’héritier en faveur du bâtard (1), jugée contraire au droit naturel, et le droit d’aînesse, qui ne trouve grâce aux yeux du droit commun que s’il s’accompagne de l’octroi d’aliments aux puînés (2).

1) Le statut habilitant le père à instituer héritier son bâtard.

Pour répondre à la double interrogation tenant à l’essentia du statut permissif, Balde s’appuie sur l’exemple du statut suivant : celui qui habilite le père à instituer héritier son bâtard.

63. Le statut qui habilite le père à instituer héritier son bâtard est-il valable ? Je me demande d’abord si le statut qui permet au père d’instituer son bâtard est valable. Cette question s’est effectivement posée dans cette ville où le statut veut qu’à défaut d’enfant légitime, le père puisse transmettre à son bâtard et où les juges sont tenus de le faire observer sous la menace d’une peine déterminée. Mais il est soutenu en faveur de la négative que le statut ne vaut pas en premier lieu parce que les bâtards sont frappés d’une incapacité de succéder et nul ne peut aller là-contre, sauf l’Empereur, comme dans l’Authentique Quibus modis naturales efficiuntur sui (Novelle 89). Ce qui est réservé à l’Empereur seul, son subordonné ne peut en disposer, comme je le dirai ci-après sur la loi Rescripta, au titre De precibus imperatori offerendis du Code (C. 1.19.7).

64. Le statut ne peut légitimer le bâtard. En deuxième lieu, il est établi que le statut ne peut légitimer un bâtard et c’est ce qu’a déclaré le Pape Boniface : comme le rappelle Cinus, après Oldrado, sur la loi Omnes populi, au titre De justitia et de jure du Digeste (D. 1.1.9). Voici l’argument : si le statut ne peut s’occuper de la cause, il ne le peut non plus de l’effet ; or l’effet de la légitimation est l’accès à la succession, donc s’il ne peut s’occuper de la légitimation, il ne le peut de l’accès à la succession, selon la loi Oratio, au titre De sponsalibus du Digeste (D. 23.1.16), pas plus que le médecin s’il n’élimine la cause de la maladie ne parviendra à guérir le patient.

65. Le statut ne peut disposer sur ce que le droit civil interdit de régler lorsqu’il n’en est pas fait mention. En troisième lieu, il est établi que le statut ne peut disposer sur ce que le droit civil interdit de régler : or, le droit civil veut que même une ordonnance de l’Empereur ne vaille, si elle ne précise : nonobstant telle loi.192

En pareille matière, il convient de relever que non seulement, et dans la mesure où seuls les enfants légitimes ou dûment légitimés sont admis à la succession, il n’est pas possible au père d’instituer son bâtard héritier, mais qu’il est également interdit à un statut municipal de disposer qu’à titre subsidiaire, et à défaut d’héritier légitime, le bâtard serait appelé à la succession de son père. En effet, ce serait contrevenir à l’incapacité successorale qui frappe les enfants illégitimes, et porter une atteinte frontale à la prérogative impériale qui, si l’on suit Balde, est la seule habilitée à

192 BALDE, « La lectura de Balde sur Cunctos populos », op. cit., n°63, 64 et 65 : 63. Statutum quod pater possit instituere

filium spurium an valeat. Primo permittit statutum patri quod institutat spurium, quaero utrum valeat statutum ? Haec quaestio fuit de facto in civitate ista, in qua est statutum quod pater possit relinquere filio spurio non existentibus filii (sic) legitimis, & quod iudices statuta talia debeant observari facere sub certa poena. Et arguitur ad partem negativam, quod non valet statutum & primo, quia prohibentur capere, & nemo potest contrarium statuere, nisi Imperator : ut in authentica Quibus modis natura efficiuntur sui, supra, fin. collatio septima. Quod ergo est soli Imperatori reservatum, inferior disponere non potest : ut dicam in les Rescripta, infra, De praecibus (sic) imperatori offerendis.

64. Statutum non potest legitimare spurium. Secundo hoc probatur : statutum non potest legitimare spurium, & ita déclaravit Papa Bonifacius : ut refert Cyn. post Oldradus in lex Omnes populi ff. De iustitia et iure. Tunc arguitur sic. Si statutum non potest providere in causa, non in effectu : sed effectus legitimationis est succedere : ergo si non provideretur in legitimatione, nec in successione : ut. ff. De sponsalitio (sic), lex Oratioi (sic) sicut medicus non potest sanare aegrotum nisi removeat causam morbi.

65. Statutum non potest disponere super eo quod ius civile prohibet statui non facta mentione de illa. Tertio probatur statutum non potest disponere super eo, super quo ius civile prohibet statui : sed ius civile vult quod etiam statutum Imperatoris non valeat, nisi dicatur, non obstante tali lege ? (traduction Bertrand ANCEL, op. cit., supra, note 188).

effacer la macule née de la bâtardise193 et à autoriser l’enfant à intégrer le rang des successibles, par

l’effet de la légitimation.

Cette question est donc particulièrement lourde d’enjeux tenant aussi bien au droit public qu’au droit privé, en ce qu’elle agite tout à la fois le problème des rapports entre pouvoir normatif impérial et pouvoir normatif local, et celui de la corrélation entre l’institution de la légitimation et l’effet qu’on veut lui faire produire : l’accès à la succession. Il est manifeste que la question du statut de l’enfant illégitime recouvre des intérêts qui dépassent la simple sphère du droit privé pour toucher à des impératifs d’ordre public. Le fait qu’il s’agisse ici d’une question – légitimation du bâtard et effet successoral – qui concerne à la fois le droit civil et le droit canonique met à jour ces impératifs d’une manière particulièrement aiguë.

Ainsi, un statut qui permettrait à un père d’instituer son bâtard héritier se voit fermer les portes de la validité – y compris sur le territoire de l’autorité qui a édicté un pareil statut – et, partant, frappé de nullité, car un tel statut aboutirait à la négation d’un interdit posé aussi bien par l’Empereur que par la Papauté. Cela revient à postuler qu’il existe un certain nombre de dispositions matérielles issues du droit commun qui ne souffrent pas l’existence et donc la validité de dispositions contraires. Cela revient aussi à admettre qu’il existe un ordre juridique supérieur – ici, caractérisé par la volonté impériale ainsi que par l’interdit pontifical – qui peut s’ériger en juge des ordres juridiques locaux, à la condition, toutefois, que ceux-ci présentent des dispositions qui heurtent les valeurs défendues par le droit commun.

L’arbitrage entre ces différents ordres juridiques, entre la strate supérieure composée des droits universels et la strate inférieure représentée par les jura propria, suppose donc qu’un certain nombre de questions touchant à l’ordre public – comme, ici, la légitimation et la succession des bâtards à défaut d’héritiers légitimes – échappe à l’évidence à l’emprise ou l’empiètement des ordres juridiques municipaux. Sortant de leur champ d’action, les cités, en prenant des mesures législatives sur ces questions, se verraient « sanctionnées » par la nullité des dispositions concernées. Parce qu’ils ne sont pas placés sur un pied d’égalité vis-à-vis du droit commun, les ordres juridiques municipaux ne peuvent totalement s’émanciper de ce dernier et de l’ordre public « impérial » qu’il entend faire respecter.

Parmi les prérogatives impériales que le droit commun entend imposer aux cités, le pouvoir de légitimation exercé à l’égard d’un enfant illégitime est réservé au seul Empereur, quand il ne peut l’être aux seuls parents par leur mariage subséquent. Balde prend bien soin d’expliquer, par la suite, que la gravité de la faute que représente la bâtardise et les conséquences importantes qu’entraîne l’effacement de cette faute justifient assez que ce pouvoir soit confié à la seule autorité impériale.

67. Pourquoi l’institution du bâtard est interdite. En quatrième lieu, il est reconnu que l’institution du bâtard est interdite afin que les parents se gardent de fauter ; or, ce statut encouragerait le contraire par voie de conséquence, donc il n’y a rien de plus à ajouter (infra, à la dernière loi du titre De naturalibus liberis, soit la loi Cuidam du Code, C. 5.27.12), à la lettre, la conséquence est nécessaire. Et il faut remarquer que lorsque le statut permet que le bâtard soit institué, il s’adresse par priorité au père et non à l’enfant, et ainsi invite à la faute. [Des auteurs comme Jacques Butrigario et Recuperus de San Miniato en concluent de même…]

193 De manière tout à fait caractéristique, Balde n’omet pas de préciser quelques paragraphes plus loin que « la

légitimation est réputée valoir remise du péché. Ce qui est établi par la loi Quis tam iniquus, au livre dixième du Code De decurionibus (C. 10.32.52) » (BALDE, « La lectura de Balde sur Cunctos populos », op. cit., n°68 : legitimatio dicitur remissio peccati. Hoc probatur in lex Quis tam [inveniri] iniquus, De decurionibus libro decimo : traduction Bertrand ANCEL, op. cit., supra, note 188).

68. La légitimation emporte rémission du péché. … parce que la légitimation est réputée valoir remise du péché. Ce qui est établi par la loi Quis tam [inveniri] iniquus, au livre dixième du Code De decurionibus (C. 10.32.52). De même, celui qui légitime est en quelque sorte réputé adopter, comme l’indiquent la loi Prima au titre Ad municipalem du Digeste (D. 50.1.19), &, infra, la loi Filios, au titre De municipibus et originariis du Code (C. 10.39. 3).

69. La légitimation relève en propre de l’Empereur. Et c’est pourquoi la légitimation ressortit en propre à l’Empereur.194

La motivation d’une telle interdiction relève donc bien d’un impératif d’ordre public qui réserve, par ailleurs, à l’Empereur l’exclusivité du pouvoir de légitimer par lettres et qui remet donc entre ses mains le pouvoir de réparer la faute commise. Dans l’esprit de Balde, un statut municipal qui permettrait l’institution du bâtard constituerait bien une atteinte à la prérogative impériale, seule habilitée à prononcer la décision qui ferait de ce bâtard un enfant légitimé et, donc, un successible légitime. Cette incompatibilité entre les compétences normatives reconnues aux ordres juridiques locaux et celles qui sont dévolues à l’Empereur exige ainsi que toute validité soit déniée à des statuts qui contrarieraient l’ordre public « impérial ».

La lecture particulièrement restrictive que fait Balde de la légitimation, et qui le conduit à refuser que soit ouverte la faculté, pour un ordre juridique local, de racheter la faute des parents en leur permettant de légitimer leur enfant naturel simple, se fonde sur une double justification formelle et matérielle. Examinant, dans le cadre d’un exposé des arguments pro et contra des plus classiques, quelles raisons pourraient être invoquées en sens contraire195, l’auteur marque sa

préférence pour une interdiction inconditionnelle de l’institution de bâtard et pour l’impossibilité pour une autorité subordonnée à l’Empereur d’ouvrir la voie à la successibilité par le biais d’une légitimation par lettres. Un argument, en particulier, retient l’attention de l’auteur (n°70) :

70. Le statut qui permet au père de substituer le bâtard va contre une fiction de droit civil, et non contre le droit naturel. En outre, ce statut ne va pas contre le droit naturel, mais contre une fiction du droit civil : parce que, tant que la nature régissait les hommes, tous naissaient légitimement (dans l’Authentique Quibus modis naturales efficiuntur sui, in principio, Novelle 89). N’y contredit pas que ce statut soit réputé cause de péché, car, si cela était, l’Empereur même ne pourrait statuer ainsi, ce qui est faux. De même, si cela était, même l’enfant naturel ne pourrait être institué, parce que né de la fornication, laquelle est péché mortel.

Ceux qui soutiennent ainsi que le statut local qui autoriserait l’institution de bâtard ne ferait que réagir contre une fiction de droit civil – celle qui distingue les enfants légitimes des enfants

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