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ème Les dérogations au principe de l’exemption (XIII e – début XIV e siècles) : la soumission à la loi pénale particulière pro communi utilitate et l’interdiction d’exporter les

TERRITORIAUX ET LES STATUTS PROHIBITIFS (XII E XVI E SIECLES).

Section 3 ème Les dérogations au principe de l’exemption (XIII e – début XIV e siècles) : la soumission à la loi pénale particulière pro communi utilitate et l’interdiction d’exporter les

marchandises.

L’abandon du dogme de la territorialité absolue, au profit d’une véritable théorie sur le conflit de lois – qu’elle prenne l’apparence, chez les canonistes, du principe de l’exemption de l’étranger ou, chez les civilistes, celle de la maxime statutum non ligat nisi subditos – imposait, de toute évidence, à tous les juristes du début du XIIIe siècle de reconsidérer le statut de l’étranger présent

sur le territoire et, partant, l’étendue de l’empire auquel peut prétendre la loi locale. Que l’idée traditionnelle fût ainsi renversée pour avoir été jugée excessive est une chose ; qu’elle soit disqualifiée au profit d’un retour à un régime de personnalité des lois en est une autre et jamais il ne fut question chez les juristes de l’utrumque jus de franchir un tel pas. Ils étaient trop conscients de la force que conservait le principe de territorialité pour s’en détacher pleinement. En revanche, puisque celui-ci était devenu relatif et non plus absolu, il leur était désormais possible d’entamer, à travers leurs gloses, une étude approfondie par matière et de déterminer ainsi les jura propria (lois particulières ou statuts) qui pouvaient encore, selon les cas, prétendre à être d’application territoriale.

52 ACCURSE, Glossa ordinaria, à la loi Cunctos Populos au titre De Summa Trinitate (C. 1. 1. 1), v° Quos : « L’argument

soutenu ici est que, si le Bolonais est assigné à Modène, il ne doit pas être jugé selon les statuts de Modène, auxquels il n’est pas soumis, puisqu’il est dit ici : « ceux que régit l’empire de notre clémence » » (Argumentum quod si Bononiensis conveniatur Mutinae, non debet judicari secundum statuta Mutinae, quibus non subest : cum dicat « Quos nostrae clementiae regit imperium », Corpus juris civilis Justiniani cum commentariis Accursi, Lyon, 1627, 6 volumes, volume n°4, livre 1, titre 1, p. 13). Sur Accurse, voir, supra, pp. 15-16, et note37.

JacopoBALDUINI, Glossa ad Codicem, à la loi Cunctos Populos au titre de De Summa Trinitate (C. 1. 1. 1) : (« De cette loi, l’on peut induire que, si le ressortissant d’une cité citait en justice le ressortissant d’une autre cité que celui qui intente la citation, les statuts de la cité dans laquelle il est cité ne devraient point lui porter préjudice. Il est vrai que l’on soutient le contraire en se basant sur la loi Juris du titre De jurisdictione omnium judicium et de foro competenti (C. 3.13.2), où il est dit que : actor sequitur forum rei, donc à ses propres dépens. Cependant, il semble plus vrai de soutenir la première proposition et c’est ainsi qu’il doit être jugé, même s’il est Bolonais. Ja[copo Balduini] » (Ex ista lex potest elici argumentum quod, si aliquis civis alicujus civitatis citare fecerit civem alicujus alterius civitatis quod illi civi qui citat, non debeant noceri statuta civitatis in qua citatus est. Verum tamen est contra argumentum infra De jurisdictione omnium judicium et de foro competenti, lex Juris, ubi dicitur quod actor sequitur forum rei, ergo cum suo onere. Videtur tamen quod primum esse verius et ita debet judicari quamvis aliud sit Bononie. Ja[cobus Balduinus], Glossae ad Codicem, Londres, British Museum, XI, Plut., VII (fol. 5), rapportée par Eduard-Maurits MEIJERS, « L’histoire des principes fondamentaux », op. cit., aux pp. 595-596. Sur Balduini, voir, supra, p. 22, note 51.

Dans un élan commun, mais par des trajectoires différentes, canonistes et civilistes vont s’attacher, tout au long du XIIIe siècle et jusqu’au XIVe siècle encore, à aménager le nouveau

principe d’exemption de l’étranger en rappelant quelles en sont les exceptions. Dans certaines matières, et particulièrement quand viennent se mêler au conflit de lois des considérations d’intérêt public, l’étranger est assimilé, quant aux effets de la loi locale, au membre de la communauté ou au citoyen et soumis à la même potestas statuendi. Parmi ces matières où l’empire de la loi locale s’impose d’évidence à leurs yeux, comme les contrats ou les biens immobiliers, il convient d’en distinguer ceux où, de l’aveu propre de ces juristes, cet empire est justifié par « l’utilité commune ou publique » : la loi pénale, qui contraint l’étranger ratione delicti, et, plus propre à la doctrine civiliste, l’interdiction d’exporter des marchandises à l’étranger, pour prévenir les cas de pénurie. Cette prohibition, édictée par les autorités publiques, répond à un impératif majeur de préservation de l’ordre juridique et économique du for, autorisant ainsi son extension aux ressortissants étrangers présents sur le territoire. C’est donc tout à la fois en application et en réaction par rapport au nouveau principe que se discernent, en creux, les figures annonciatrices des « lois de sûreté » et des « lois de police ».

Toutefois, si, dans le cas de l’interdiction d’exportation, l’application impérative de la loi territoriale ne suscite ni difficulté, ni contestation, la soumission de l’étranger à la loi locale en vertu de l’application de la lex loci delicti, elle, nourrit de longues discussions entre les divers intervenants tout au long du XIIIe siècle afin d’en cerner les contours et, surtout, les limites qui doivent en

tempérer la rigueur. Le principe d’exemption est désormais trop bien ancré dans les consciences pour que les canonistes, et les civilistes après eux, ne soient pas mus par volonté d’épargner à l’étranger l’application d’une loi locale qui lui serait inconnue. Dans cette question de la connaissance ou de l’ignorance du droit local, le jus commune est alors appelé à jouer un rôle d’étalon-maître, chez les canonistes comme chez les civilistes.

Dans une période d’intense travail doctrinal, au terme duquel les règles de conflit parviennent à maturité, la lex loci delicti, davantage que la règle relative à l’interdiction d’exportation, connaît ainsi une destinée des plus singulières. Les termes mêmes de la décrétale A nobis, promulguée en 1193, qui intervient en matière délictuelle pour consacrer le principe d’exemption de l’étranger, font naître une controverse parmi les canonistes sur son interprétation et sur le type d’acte qu’il vise : cette controverse ne trouve son terme qu’avec une deuxième décrétale, Ut

animarum, prise par Boniface VIII en 1298. La soumission de l’étranger à la loi pénale particulière

ne fait dès lors plus aucun doute, mais elle est désormais assortie de l’excuse d’ignorance légitime qui peut être accordée ou refusée à un tel justiciable (§ 1). Chez les civilistes, en revanche, les deux lois d’application territoriale, qui concernent l’interdiction d’exportation et la lex loci delicti, sont, pendant longtemps, communément acceptées sans soulever d’intenses débats parmi les différents auteurs. C’est sous l’influence de la doctrine canonique que leur conception de la loi applicable aux délits commence à s’infléchir et à évoluer vers une articulation qui prenne désormais en compte la conformité au droit commun et l’excuse d’ignorance légitime (§ 2).

§ 1. La soumission de l’étranger à la loi pénale particulière pro communi utilitate chez les canonistes.

La doctrine de Huguccio, qui formulait, dès la fin des années 1180, le principe de l’exemption de l’étranger à l’égard des lois particulières du territoire, a trouvé sa consécration quasi immédiate dans la décrétale A nobis en date de 1193, même si le type d’acte normatif visé par ce

texte a été sujet à débat. En vertu de l’autorité qui émane de la loi pontificale, le principe ne fut plus jamais remis en cause par la doctrine canonique ultérieure. Les canonistes s’en sont bien plutôt servis pour en faire le vrai point de départ de leurs développements en matière de conflits de lois. Si grande que soit la valeur de la règle officiellement consacrée, elle n’épuisait pas, à elle seul, toutes les réflexions sur le sujet. Bien au contraire, doctrine et législation se sont accordées sur la nécessité de l’assortir d’exceptions justifiées par la considération des intérêts en cause et des matières concernées. Grâce au travail patient de la doctrine canonique du XIIIe siècle, soutenue par les

textes pontificaux, le principe s’est avéré, au moins, aussi riche des exceptions qui lui ont été reconnues que des déclinaisons qui en ont été faites.

Parmi ces exceptions, qui touchent à des domaines importants de la vie juridique (lois pénales, contrats, immeubles, formes des actes juridiques), la loi pénale se distingue, très tôt, par l’unanimité qui se dégage pour reconnaître la territorialité de principe qui la caractérise et qui peut se réclamer de l’autorité du canon Quae contra53. La décrétale A nobis, qui semble, à première vue,

soutenir le contraire en matière pénale, offre ainsi l’occasion à l’ensemble de la doctrine de disserter sur le sens, la portée et les limites à accorder à ce texte (A). Le débat qui s’engage, tout au long du XIIIe siècle, sur ce texte fondamental, n’est définitivement tranché que par une seconde décrétale,

la décrétale Ut animarum prise par Boniface VIII en 1298. Si ce dernier texte réaffirme le principe de la soumission de l’étranger à la loi pénale du territoire, il tire le bénéfice d’un siècle de réflexion doctrinale et affine la règle de conflit en lui reconnaissant une possible dérogation, dans le cas où l’étranger peut se prévaloir d’une ignorance du droit local pour s’excuser de son inobservation (B). Les commentateurs de la décrétale, en particulier Guy de Baiso et Jean André, contribueront à en éclaircir les termes et à poser les fondements du droit canonique en la matière.

A. De la décrétale A nobis (1193) à la décrétale Ut animarum (1298) : l’obligation indirecte de l’étranger et sa soumission à la loi particulière ratione delicti.

La décrétale A nobis, promulguée en 1193 par le pape Clément III ou par son successeur Célestin III, demeure l’un des textes fondamentaux du droit canonique en matière de conflits de lois. Elle a même trouvé sa consécration en étant insérée, dès 1234, dans le Liber Extra, ou

Décrétales de Grégoire IX, au canon 21, au livre V, au titre XXXIX De sententia excommunicationis. Le

canon A nobis a été, par la suite, allégué par la plupart des Décrétalistes pour justifier le principe de l’exemption, mais son interprétation n’a pas été de tout repos. En effet, il doit sa notoriété autant pour la confirmation qu’il apporte officiellement à la doctrine professée, à la même époque, par Huguccio, que pour la controverse que ses termes mêmes ont pu susciter parmi ses commentateurs :

[Canon A nobis] Tu nous as demandé si, au cas où quelqu’un a statué en ce sens : « Que celui qui se sera rendu coupable de vol soit excommunié », pareille sentence générale se réfère aux sujets de celui qui l’a prononcée ou si l’on doit en étendre les termes à tous ceux qui ne se trouvent pas sous sa juridiction. A cela, nous répondons que ceux qui ne sont pas ses sujets ne sont pas tenus par une

53 Sur chacune de ces dérogations au principe de l’exemption de l’étranger aux lois particulières du territoire, voir

Alfons VAN HOVE, « La territorialité et la personnalité des lois », op. cit., pp. 307-321 et Willy ONCLIN, De territorialitati

vel personali legis indole, op. cit., pp. 23-100, ainsi que son article : « Le statut des étrangers dans la doctrine canonique médiévale », op. cit., spéc. pp. 52-62.

Sur le droit pénal canonique, voir aussi les quelques pages qu’y consacre Henri DONNEDIEU DE VABRES, Introduction à l’étude du droit pénal international, Paris, 1922, pp. 81-93 (ci-devant : Introduction).

telle sentence, sauf dans le cas où des pouvoirs plus grands et plus étendus lui auraient été déférés par le délégant.54

Davantage que le sens de cette disposition, c’est son champ d’application qui a soulevé de nombreuses questions que la doctrine canonique du XIIIe siècle s’est donnée pour mission de

résoudre. Quelle portée convenait-il d’accorder à la règle qui est formulée et à la règle contre laquelle elle semble s’ériger ? En effet, si la décrétale semble s’intéresser exclusivement à la question de la sentence d’excommunication et, ainsi, intégrer les dispositions à caractère pénal, il semble bien que l’intention du législateur ait été, ici, de se conformer à l’enseignement de Huguccio et de donner son assentiment au principe que celui-ci avait formulé quelques années auparavant et qui tranchait avec la doctrine qui était traditionnellement reçue jusqu’alors.

Les canonistes qui, dès avant même son insertion dans le Liber Extra, ont eu à commenter cette décrétale, n’ont pas manqué de procéder à un jeu de distinctions pour tenter de percer à jour ce que ce texte avait de plus sibyllin. Pour déterminer l’étendue de l’obligation à laquelle l’étranger est soumis à l’égard de la loi particulière qui a cours sur le territoire où il se trouve, les canonistes ont ainsi distingué entre l’obligation directe de la loi, c’est-à-dire celle qui résulte de la potestas

statuendi et qui s’applique à ses seuls sujets, et l’obligation indirecte, c’est-à-dire celle qui trouve sa

justification en dehors de la loi même. Cette distinction essentielle, lentement dégagée tout au long du XIIIe siècle et, sans doute, déjà aperçue par Huguccio, nous est rapportée par le canoniste

Guillaume Durand dans son célèbre Speculum judiciale, rédigé dans les années 1270 :

Et tu noteras qu’une loi n’oblige que ceux qui sont les sujets du législateur… Mais, évidemment, cela est contraire à ce qu’enseigne la Distinction VIII, canon 2, Quae contra mores… D’aucuns soutiennent, par conséquent, que, même si une loi n’oblige pas ceux qui ne sont pas sujets de manière directe, elle les oblige cependant de manière indirecte. Car, si un Biterrois conclut un contrat avec un Narbonnais à Narbonne, il doit suivre les statuts et la coutume de Narbonne, car le demandeur doit se soumettre au tribunal et au droit du défendeur…55

L’étranger n’entrant pas dans le périmètre de la sujétion à l’égard du législateur local, il est, en principe, exempt de l’observation des dispositions qui émanent de ce même législateur : il n’est donc soumis à aucune obligation directe par rapport aux autorités publiques du lieu. En revanche, en vertu des actes qu’il peut passer ou des faits qu’il peut commettre sur ce territoire, il est tenu par une obligation indirecte, qui le rend justiciable des tribunaux du lieu, ainsi que des lois qui y ont

54 Liber Extra, canon 21, A nobis, au livre V, titre XXXIX De sententia excommunicationis, 1 : A nobis fuit ex parte tua

quaesitum utrum si quis ita pronunciaverit : « quisquis furtum fecerit excommunicatus sit » : haec generalis clausula ad ipsius excommunicatoris subditos referatur, an generaliter extendatur ad omnes qui non sunt de iurisdictione illius ? Ad quod dicimus, quod hac sententia non nisi subditi obligantur, nisi forte plus contulerit maior et largior auctoritas delegantis.

55 Guillaume DURAND, Speculum judiciale, livre IV, Ière sous-partie, De constitutionibus, n°5 et 6, § Et nota : Et nota quod

constitutio solum ligat subjectos constituentis ... Sed evidenter est contra VIII Distinctio, Quae contra mores... Unde dicunt alii quod licet constitutio non liget directe non subjectos, ligat tamen indirecte. Nam si Bitterensis convenit Narbone Narbonensem, sequitur statuta et consuetudinem narbonensem, nam actor forum rei et jura fori sequi debet ... (Speculum juris cum J. Andreae, Baldi et aliorum additionibus, t. III et IV, Venise, 1585, pp. 79-80).

Guillaume Durand l’Ancien (v. 1230-1296), dit le Speculator, se présente comme le docteur de la juris pratica, qui tente d’appréhender les règles canoniques, et l’interprétation que la doctrine leur donne, à travers des problèmes pratiques. Dans son œuvre majeure, le Speculum judiciale (ou juris), rédigé dans les années 1270 et révisé jusque dans les années 1290, il s’appuie fortement sur les œuvres de ses prédécesseurs, et, en particulier, celle de son maître Hostiensis, et il les confronte, sans faire toujours preuve de beaucoup de soins et sans toujours chercher à en faire la concordia. Il est évêque de Mende de 1285 jusqu’à sa mort en 1296. Sur Guillaume Durand et le Speculum judiciale, voir Franck ROUMY, « DURAND (Durantis) Guillaume, l’Ancien », in Patrick ARABEYRE, Jean-Louis HALPERIN et Jacques KRYNEN (dir.), Dictionnaire historique des juristes français, XIIe-XXe siècle, 2ème édition, Paris, 2015, pp. 281-283.

cours. Si la décrétale A nobis ne fait, au fond, que consacrer le principe de l’exemption de l’étranger, elle n’épuise pour autant pas l’entièreté du débat et elle n’apporte pas une réponse claire à une question qui agite beaucoup la doctrine canonique : la règle de l’exemption qu’elle pose doit-elle s’étendre à tout le champ du droit pénal ?

Huguccio, le premier, semble-t-il, a soutenu explicitement, dès la fin du XIIe siècle, que, en

dépit de l’exemption dont il devait bénéficier d’une manière générale, l’étranger était néanmoins soumis au respect d’un certain nombre de lois particulières et, notamment, des lois pénales qui ont cours sur le territoire. Pour cela, le célèbre Décrétiste a pris appui sur le canon Ibi (cause III, question III, 1) du Décret pour énoncer la règle en question et, en guise d’illustration, développer le cas de l’archevêque dont le comportement hors de son archidiocèse est délictueux au regard des règles posées par les autorités locales. Huguccio décide alors que l’archevêque délinquant peut être jugé par ces autorités locales, quand bien même il n’est pas soumis à leur pouvoir, et ainsi encourir la peine d’excommunication qu’elles auront édictée par une disposition générale contre les auteurs de telles infractions :

[Canon Ibi] Car l’étranger qui commet le délit dans un territoire est justiciable du tribunal où siège le juge de ce territoire, à raison du délit qu’il a commis. Car quelqu’un peut être attrait devant le tribunal d’un juge étranger pour de multiples raisons : à raison d’un délit, à raison d’un contrat, à raison de son domicile, à raison du lieu de situation d’un bien… Que doit-on décider lorsqu’un archevêque commet semblable délit dans l’archidiocèse d’un autre archevêque ou dans le diocèse de l’évêque suffragant d’un autre métropolitain ? Je concède qu’il pourrait être excommunié par ledit archevêque ou ledit évêque suffragant dans le diocèse desquels il a commis son délit. Je prends argument du canon Duo (distinction XCVI, canon 10), dans lequel Saint Ambroise a excommunié l’empereur (Théodose) pour un crime qu’il avait commis à l’intérieur de son diocèse, ce qu’il n’aurait pas osé faire autrement. Mais, par exemple, un évêque jette comme anathème : « quiconque se rendra coupable d’une pareille arrogance se rend passible d’excommunication », et, ensuite, l’évêque d’un autre diocèse ou son propre archevêque ou un autre archevêque encourt ainsi ladite sentence d’excommunication. Mais est-ce que la sentence de l’évêque du lieu les oblige ? Non, parce que celui qui appartient à un autre diocèse, et qui va à l’encontre de cette sentence, ne sera pas lié par cette sentence, parce que cette sentence qui aura été prononcée par celui qui n’est pas son juge n’aura pas de force à son égard, ainsi que le démontrent les premiers canons de la question I de la Cause II du Décret. Mais il encourt la sentence d’excommunication par la seule autorité du canon, parce qu’il se rend passible d’un fait déjà condamné et quiconque se rend coupable d’un fait déjà condamné par une sentence d’excommunication doit être jugé de la peine de l’excommunication, en vertu de l’autorité du canon, ainsi que les prouvent les questions I, II et III de la Cause XXIV56.

Il ne fait aucun doute que la glose sur le canon Ibi traite principalement de la compétence judiciaire en matière de délits et, donc, en l’espèce, de la compétence de l’évêque du lieu à connaître du délit perpétré par l’étranger. Mais Huguccio insiste tout autant sur la compétence législative :

56 HUGUCCIO, Summa Decreti, glose au canon Ibi, cause III, question VI, 1 : Nam extraneus qui delinquit in alterius territorio,

ratione delicti, efficitur de foro judicis illius loci. Nam multis rationibus sortitur quis forum alterius judicis, ratione delicti, ratione

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