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Les principaux dispositifs de la politique urbaine de 1970 à 1989

Chapitre II. Genèse de la ville et de l’habitat populaire à Brasilia

II.7. Les principaux dispositifs de la politique urbaine de 1970 à 1989

Cette période est caractérisée par la continuité des processus antérieurs de la gestion foncière et l'occupation territoriale. Il y a une certaine participation du secteur privé dans la construction de logements et une réduction de l'offre de terres.

Ensuite, une décision politique de réduire et arrêter la production de logements. L'accent est mis dans les instruments de caractère normatif et de planification dans cette période avec un plan directeur qui envisage l'ensemble du territoire du DF (le PEOT).

Le processus d’agglomération commence à ce stade, avec la prolifération des invasions dans les municipalités voisines en raison de l'absence de législation en ce qui concerne l'occupation urbaine en ces lieux et aussi d'une politique du logement efficace pour les familles à faible revenu à Brasilia. Bien qu'il existe des actions liées à l’amélioration des invasions -le GEPAFI (1983-1985) et qu’un un groupe spécial ait été crée pour les étudier et agir sur les invasions - la politique d'expulsions revient au devant de la scène comme un instrument de politique à la fin de cette période.

Il y a une perte progressive du principe d’organisation spatiale rigide avec la régularisation des invasions par le gouvernement renforçant la forme polynucléaire de la ville, bien qu'il y ait un effort pour renforcer la zone centrale. Il y a aussi une perte progressive du pouvoir total exercé par le gouvernement et le début d’une participation populaire. Le rôle de l’agence foncière TERRACAP comme acteur dans le marché immobilier continue, mais un marché immobilier légal et illégal se dévelope pour répondre à la demande de logements en hausse.

La fin de cette période est marquée par le moment pré élections après la longue dictature militaire.

Maintenir le caractère politico administratif de la ville

Maintenir le caractère politico-administratif de la ville était la principale préoccupation dans cette période. Des actions ont été établies d'une manière prohibitive pour contrôler la croissance de la ville, ce qui augmente le contrôle sur le territoire et rend la création de nouveaux espaces dans le DF plus difficile. En conséquence l'intensification de la ségrégation spatiale et l'augmentation des prix des terrains repoussent le logement des plus pauvres très loin, au-delà des frontières du Distrito Federal, en milieu rural. Là les terres ont été transformées en zones d'habitation, en lotissements dans un processus de marché foncier urbain similaire au processus bien connu dans d’autres villes brésiliennes.

Ce processus spéculatif que le projet de la nouvelle capitale cherchait justement à éviter de reproduire…

Construction d’unités

Entre 1973 et 1978, la Sociedade de Habitações de Interesse Social – SHIS (Société de Logements d’Intérêt Social), l'agence de logement, avec des ressources du Sistema Financeiro de Habitação - FSH (Fonds national du logement) construit autour de 60.000 unités de logement pour les ménages qui gagnent jusqu'à 5 fois le salaire minimum.

Etudes et rapports ou l’observation des invasions sur le terrain (monitoring and reacting) Plusieurs études et rapports ont été faits pour diagnostiquer la situation des invasions - localisation et nombre de ménages – pour ensuite procéder aux actions d’éviction et

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transfert des familles dans les villes satellites crées à cette fin, et puis dans les lotissements créés dans les villes satellites existantes.

Ce sont des actions à court terme, plutôt que de donner des pistes pour construire une politique du logement à long terme. Ces actions sont en fait des réactions face à la précarité. Les évictions et transferts de familles dans les invasions sont souvent mis en place car il y a une « menace » éminente que aurait pu compromettre les concepts urbanistiques du Plan Pilote. Ainsi un modèle, une mécanique de réaction à court terme, ou plutôt un cercle vicieux est créé face aux « invasions », à la précarité du logement.

Le GEPAFI et le Programme d’Habitation d’Urgence - PAPE

Le Grupo Executivo para Assentamento de Favelas e Invasões) - GEPAFI (Group stratégique pour le règlement des bidonvilles et invasions) est crée comme une unité indépendante dans le gouvernement pour faire face au problème des « invasions »

Le Programa de Assentamento Populacional de Emergência – PAPE (programme d’établissement populationnel d'urgence), fut la première politique qui visait à l'amélioration des « favelas ». Le programme est considéré comme «innovant», car il a évité l'«éradication» des invasions et leur transfert vers des sites distants. Il préconise l’établissement des familles dans leur lieu d’occupation originel ou pas très loin dans le cas des zones à risque.

La Planification de l’ensemble – PEOT 1978

Le Plano Estrutural de Organização Territorial – PEOT (Plan structurel d’aménagement territorial), est un plan qui considère pour la première fois le DF dans son ensemble. Le plan a comme objectif de poser des directives ; des principes retenus pour l’orientation de la croissance urbaine et la croissance du DF y sont clairement exposés: rationaliser l’usage des terres ; consolider la structure urbaine existante et affirmer la fonction de la capitale comme siège administratif du pays102.

Ce plan présente aussi des directives pour la création de nouvelles unités de logement, mais avec des limites strictes pour l'ouverture de nouveaux espaces. Celles-ci correspondent à la préoccupation des autorités de limiter l'offre de terrains afin de freiner et réduire sinon d’empêcher la migration vers Brasilia et de maintenir la capitale dans sa fonction principale, politique et administrative nationale. Le PEOT n'a pas délimité précisément des lieux pour l'emplacement des futurs logements, mais des zones prioritaires dans lesquelles l’occupation serait plus favorable notamment parce que l’extension des équipements tels que l'assainissement ou le transport y est possible et les effets nocifs sur les réserves en eau y ont été évaluées comme minimum. Ce qui était visé dans ce plan était de densifier l’occupation le long des axes du quart sud-ouest du District Fédéral, entre Gama et Taguatinga, avec la conscience alors déjà acquise que la conurbation avec les communes voisines serait inévitable.

Ce plan renforce donc, dans le domaine de la planification territoriale, un choix d’un modèle de développement en deux villes, la ville planifiée et urbanisée, et la ville informelle et précaire de l’autre.

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Le choix d’affirmer la fonction de la capitale comme siège administratif du pays, en renforçant son caractère politico-administratif, exclut clairement la possibilité d’avoir d’autres choix économiques pour le développement de la ville tels quels les activités industriels.

Brasilia Revisitada par Lucio Costa

La présentation de ce projet de Lucio Costa en 1985 va être d’une extrême importance pour le futur de Brasilia, car c’est ce document qui servira de base pour la patrimonialisation des concepts urbanistiques du Plano Piloto pour l’UNESCO en 1987. Cependant, le maître Lucio Costa ne va pas donner vraiment des pistes pour l’aménagement du DF dans son ensemble. Il suggère une solution architecturale les «Quadras Econômicas» , solution à laquelle aucune suite ne sera donnée.

Contrôle de la croissance par la réduction de l’immigration et priorité à la politique des évictions après 1986

Après 1986 il y a un retour en arrière avec les politiques mises en place. Si auparavant le groupe GEPAFI donnait priorité à l’établissement des populations sur les lieux d’invasions, les politiques qui suivent vont pratiquer le contraire. Il y a un durcissement avec une politique que donne priorité aux évictions et traite les populations qui vivent dans la précarité comme des vrais envahisseurs de la ville. Ces populations doivent être renvoyées à leurs lieux d’origine ou établies dans des communautés rurales loin de la ville. La ville ne leur appartient pas, Brasilia, ce n’est pas pour elles.

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7.1 Synoptique des principaux instruments de la politique urbaine: Rapports, Commissions, lois et décrets, projets et actions, plans et zonages de 1978 a 1989

Projet politique annoncé Engagements explicites Engagements implicites

Réponses concrètes Impact des politiques sur la société (effets attendus et inattendus) Mantien du caractère politico-administratif de la ville Consolidation des espaces urbains déjà établis Actions prohibitives pour contrôler la croissance de la ville Réduction de l’offre foncière/ nouvelles zones urbaines Augmentation de la valeur immobilière des propriétés Intensification de la ségrégation spatiale Accès au logement au delà des frontières du DF pour les familles les plus démunies Logement social

1973-1978

Construction d’unités de logement social pour les familles à revenu jusqu’à 5 salaires minimum

Pas d’offre de logement pour les familles à bas-revenus

Construction de 60.000 unités (à Brasilia c’est toujours l’accession à la propriété) à travers lesProgrammes d’Habitation (avec des fonds fédéraux)

Impossibilité des familles à bas-revenus de faire partie des programmes du gouvernement et donc d’accéder au logement légal Etudes sur la situation du logement des familles défavorisées et des invasions (établissements informels) 1975 Pas de politique explicite sur les établissements informels Reconnaissance de l’incapacité des familles plus démunies pour accéder aux programmes de logement du gouvernement

Ces études montrent le nombre de ménages vivant dans les établissements informels et en sous-location

Diagnostic de 1.509 ménages vivant dans les établissements informels et environ 40.000 familles en sous-location Plano Estrutural de Organização Territorial – PEOT (Plan structurel de aménagement territorial) Plan directeur d'ensemble qui prend en compte pour la première fois l'ensemble du territoire du Distrito Federal Caractère sanitaire compte tenu de la menace de la pollution sur le bassin du Paranoá. Réduction de l'offre de terrains et diminution / arrêt dans la production de logements pour éviter la migration et maintenir le caractère politico-administratif de la ville Une réglementation foncière stricte à la création de nouvelles zones est mise en place Pas de programme de logement officiel adressé à des groupes à faible revenu jusqu’en 1982

Le plan n'a pas tenu compte des

établissements informels, mais utilise des

instruments restrictifs forts pour les contrôler Invasions de terres publiques et croissance du marché du logement illégal Etudes/rapports sur les établissements informels 1981/1982 Programa de Assentamento Populacional de Emergência – PAPE 1983/1985 Réponses du gouvernement au problème brûlant du logement pour les familles à bas revenus Création d’un groupe de travail spécial, le GEPAFI (Grupo Executivo para Assentamento de Favelas e Invasões) pour faire face au problème

Nécessité d'une réforme

institutionnelle et d’un changement dans les politiques publiques, en particulier celles qui affectent le secteur du logement Le GEPAFI a identifié 70.000 personnes vivant dans des quartiers informels et a coordonné des actions pour l’urbanisation des établissements informels où ils se trouvaient

Pour la première fois une politique considère l’amélioration / urbanisation des établissements informels ou leur relocalisation dans les zones voisines -l’éviction des familles n’est plus la principale politique

Les études considèrent les aspects sociaux et il y a une interaction du groupe de travail avec les communautés impliquées

Projet politique annoncé Engagements explicites Engagements implicites

Réponses concrètes Impact des politiques sur la société (effets attendus et inattendus) Contrôler la croissance de la ville en réduisant la migration et priorité à la politique des expulsions après 1986 Don de billets de transport aux migrants pour qu’ils puissent retourner dans leurs villages d'origine Aide à l’urbanisation des établissements informels dans les régions avoisinantes, dans les franges du DF

Arrêter ou réduire la migration pour contrôler la croissance de la ville Fin du GEPAFI, priorité aux politiques d’expulsion

Programmes comme

« Retorno com Dignidade » (retour

avec dignité), et, «

Entorno com Dignidade » (région

des environs (du DF) avec dignité), Pénurie de logements - 48 établissements informels abritant 120.000 personnes dans le cadastre de l'Agence du logement - SHIS et avec une projection de 129.000 personnes

supplémentaires pour l'année suivante, en attente d'une opportunité de logement

6.2 Le cadre institutionnel et l’identification des acteurs

Le cadre institutionnel lié aux établissements informels a été en premier la Secretaria de Serviços Sociais (secrétariat de services sociaux), qui a produit deux documents relatifs aux établissements informels à faible revenu (invasions). La coopération entre le gouvernement fédéral et local pour définir le PEOT - 1978 caractérise une période de règles rigides d'occupation des sols et l'expulsion des établissements informels (invasions).

Ensuite, au début des années 80 le GEPAFI (Grupo Executivo para Assentamento de Favelas e Invasões) est un acteur très important dans le cadre institutionnel. Selon Acioly (1986), le GEPAFI a suggéré la création d’un Secrétariat Extraordinaire du Logement, mais les actions institutionnelles et administratives n’ont pas donné suite. En plus, le groupe, qui avait accès direct avec les prises de décisions, était favorable à une offre plus extensive du logement mais les concepts « préservationnistes » étaient contre cette idée103.

Encore selon Acioly, qui a lui même participé au GEPAFI, « l'apparition d'une unité indépendante dans le cadre institutionnel du gouvernement a donné la preuve de trois faits: la nécessité d'une réforme institutionnelle, la stagnation de l'Agence de logement social - SHIS et la nécessité d'un changement radical dans les politiques publiques, en particulier celles qui affectent le secteur de l'habitation. »104

Synoptique des principaux acteurs

acteurs Cadre Institutionnel Rôle

Gouvernement local Secretaria de Serviços Sociais 1975

Présentation d’études et analyses sur les établissements informels existantes

Gouvernement local et féderal

Secretaria de Planejamento da Presidência da República (Seplan); Governo do Distrito Federal – Secretaria de Governo

Coopération pour l’élaboration du plan structurel de aménagement territorial – PEOT 1978

Grupo Executivo para Assentamento de

Sociedade Habitacional de Interesse Social (SHIS)

Unité de travail indépendante à l'intérieur du cadre institutionnel de l'organisme d'habitation,

103

Acioly, Claudio (1986). "Governmental Policy and Proposals for the Housing Sector", vols. I & II, co-author with Arq.Lucia Andrade and Arq.Joaquim Silva. A housing sector study of Brasilia, the Brazilian Capital, and proposals for government programmes to address housing needs of middle income and low income families.

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The appearance of an idependent unit in the institutional framework of the Government gave evidence of three facts: the

need for an institutional reform, the stagnation of the Social Housing Agency – SHIS and the need for a radical change in public policies, especially those affecting the Housing sector.” Acioly, C. 1992, Low-income Housing Policies in the Development of Brasília. In: Housing in the Third World: Analysis and Solutions.

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Favelas e Invasões – GEPAFI (1982)

et a identifié et cadastré 70.000 personnes vivant dans des bidonvilles ou des invasions, dont certains ont été améliorés ou se sont réinstallées.

6.3 La situation du mal-logementet de précarité : les invasions

La première moitié de la décennie des années 80 se caractérise par des invasions massives de terres publiques et la croissance du marché du logement illégal. Les estimations montrent que de 1980 à 1981, environ 30% de la population vivent dans des logements loués ou prêtés. L’établissement informel du Paranoá a connu une augmentation de la population de 5100 à 15.000 entre 1980 et 1982. Il a été estimé qu’ en 1982, il y avait 100.000 personnes, environ 20.000 familles105 vivant dans les bidonvilles au sein du DF. Malgré les actions du GEPAFI à la fin de cette période, les invasions persistent.

Le cadre suivant montre les établissements informels identifiés par les études et des rapports du gouvernement dans cette période:

Inventaire des occupations spontanées, établissements informels et invasions (1972-1987) Type / année

de registre

Caractéristiques Localisation Etablissements - quantification Actions principales/ Aboutissements Etablissement s informels – invasions106 1975 2 types : Etablissements denses Etablissements dispersés Dispersés sur le territoire 1.166 familles 343 familles

La politique d’expulsions était le principal instrument, mais aucune action significative n’est signalée dans les registres officiels établissement s informels – invasions Etablissements denses Etablissements dispersés Dispersés sur le territoire le plus important – Paranoá 20.000 familles 15.000 personnes Amélioration et urbanisation des établissements existants ou relocalisation aux environs

Familles a bas revenus vivant en sous-location107 1989 Familles vivant dans des chambres louées ou logement précaire, considérées comme des squatters et envahisseurs potentiels

Dans les cours ou fonds de lots dans les villes satellites

40.000 familles Pas d’action mentionnée sur ce rapport (ces familles seront concernées lors de la période suivante avec la grande politique des lotissements dans les nouvelles villes satellites)

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Source: GDF. Secretaria de Serviços Sociais. Invasões no Distrito Federal: Bases para um Programa de Ação 1983/1985. Brasília, Outubro, 1982.

106

GDF. Secretaria de Serviços Sociais. Comportamento das Invasões no Distrito Federal.1975

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Familles avec des revenus jusqu’à 3 salaires minimum selon l’étude: GDF. Secretaria de Serviços Sociais. Invasões no Distrito Federal: Bases para um Programa de Ação 1983/1985. Brasília, Outubro, 1982.

Il faut souligner que les campements de chantier subsistent ; établissements historiques ils ne sont pas classés dans ces études et rapports gouvernementaux et restent présents après cette période. Paranoá et Candangolândia ont non seulement bénéficié d’une caractérisation historique mais ont aussi fait objet de projets d’amélioration et d’habilitation urbaine. La Vila Planalto qui a été mentionné par Lucio Costa dans son projet « Brasilia Revisitada » en raison de son importance historique et la Vila Telebrasilia vont subsiter longtemps, et ce dans une condition illégale et informelle.

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II.8. DE 1990 a 2010 : l’expansion de l’agglomération, la planification de l’ensemble et les