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La politique d’accès au logement pour les bas revenus au Brésil

Chapitre III. De la mécanique de traitement l’habitat social à Brasilia

III.3. La politique d’accès au logement pour les bas revenus au Brésil

Au Brésil, comme c'est le cas dans plusieurs autres pays d'Amérique latine, la politique du logement mise en œuvre par le gouvernement met l'accent sur la promotion de l'accès à la propriété comme le meilleur moyen de répondre aux besoins de logement de la population. Les logements locatifs sont presque inexistants dans les politiques du logement, ils sont mis en œuvre dans des cas exceptionnels de secours social ou pour les familles victimes de catastrophes naturelles, inondations, glissements de terrains ou zones de risque.

Selon l’IBGE (2009) sur le total de 58,6 millions de ménages estimé en 2009 dans le pays, 73,6% étaient des propriétaires (43,1 millions) dont 69,4% avaient déjà réglé leur bien (40,6 millions) et 4,3% étaient en train d’acquérir (2, 5 millions). Selon les données de la Pesquisa Nacional por Amostra de Domicílios (Enquête nationale sur les ménages) de 2009, entre 2004 et 2009 le nombre de propriétaires (de leur maison) a augmenté de 13,4%.

Traditionnellement, la politique du logement brésilienne s’est centrée sur des financements et crédits individuels destinés à l’accession à la propriété privée, ou à la construction d’unités d’habitation également individuelles, mais sans répondre aux besoins en logement de la population à faible revenu. Ces populations trouvent une variété de solutions de logement qui comportent de modes d’occupation qui comprennent la propriété ou loyer dans le marché formel du logement mais aussi les invasions, le loyer dans les établissements informels, la cohabitation etc.

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La création du Ministério das Cidades (Ministère des Villes) / 2003 et la Politique Minha Casa Minha Vida (Ma maison, ma vie) / 2009

En janvier 2003, le Ministério das Cidades (Ministère des villes) a été créé, au début la présidence de Luis Inacio Lula da Silva (2003-2011). Ce ministère est responsable de la conception de la politique de logement social, de sa structure et de son financement aussi bien que les programmes et lignes de financement qui sont mis à disposition des Etats et des municipalités. La création de ce ministère vise à intégrer différentes politiques sectorielles et se structure en quatre départements : logement, programmes urbains, assainissement, transport et mobilité. Le ministère a également le rôle de gestionnaire pour la distribution et l’application des ressources financières5.

La décentralisation dans le domaine du logement social, acquise avec la Constitution de 1988, confère une relative autonomie aux Etats et aux municipalités ainsi qu’aux entreprises publiques dans l’élaboration des priorités, l’attribution des ressources et la mise en œuvre des projets d’aménagement urbain et de logement.

Ainsi, la planification et l’aménagement urbain ; les politiques foncières et immobilières (qui comprennent le zonage, la régularisation de possession ou de propriété et encore le code de construction) ; la revitalisation des zones centrales ; la prévention du risque d'effondrement des pentes ; et la récupération des zones d’environnement dégradées, sont des responsabilités municipales. Selon le ministère, « le ministère des Villes est conscient que c'est au gouvernement fédéral de définir les orientations générales du développement urbain national (comme le Estatuto da Cidade), mais il appartient à la municipalité (ou aux gestionnaires métropolitains, définis par la loi de chaque Etat) de prendre en main la planification et la gestion urbaine métropolitaine. C'est là, dans les villes, que les objectifs de la participation des citoyens et le fait de garantir le droit à la ville pour tous, peuvent être rendues possibles. » (Ministério das Cidades 2005).

En 2009, au cours d’élaboration du Plan national de logement social, le gouvernement lance le programme Minha Casa Mina Vida – MCMV (Ma maison ma vie). Ce programme, ainsi que le Programa de Aceleraçao do Crescimento6 –PAC (Programme d’accélération de la croissance), au regard des besoins en logement au Brésil et de la conjoncture de crise internationale, est présenté comme une mesure importante de promotion du droit à la ville, de lutte contre le chômage et d’intégration sociale. L’objectif de la première phase du programme est la construction d’un million d’unités de logement, et 2 millions dans sa deuxième phase (jusqu’à 2014)7.

La banque Caixa Economica Federal – CAIXA (Caisse économique fédérale) opère comme intermédiaire pour le public intéressé. Il y a trois groupes cibles pour ce programme : les familles avec des revenus jusqu’à 1.600 reais par mois (environ 512 euros) ; les familles avec des revenus jusqu’à 5.000 reais par mois (environ 1.600 euros) 8; le pouvoir public, les

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MINISTÉRIO DAS CIDADES, Política Nacional de Habitação, 2004.

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Le Programa de Aceleração do Crescimento (Programme d'Accélération de la Croissance), mieux connu sous le nom de PAC, est un important programme d'infrastructure du gouvernement fédéral du Brésil. Le programme a été lancé le 28 Janvier 2007, par l'administration Lula da Silva, constitué d'un ensemble de politiques économiques et de projets d'investissement dans le but d'accélérer la croissance économique au Brésil. Le programme disposait d'un budget de 503,9 milliards $ reais pour la période quadriennale 2007-2010. L'administration Rousseff a poursuivi le programme sous le nom de PAC-2.

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Caixa Economica Federal. Programa Minha Casa Minha Vida. Disponible sur: http://www.caixa.gov.br/habitacao/mcmv/ (Dernière visite 12/12/2013)

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entreprises de construction du secteur privé et les mouvements sociaux (coopératives associations etc). Pour le premier groupe, ceux avec les plus bas revenus (jusqu’à 1.600 reais), l’’inscription au programme se fait par la mairie de chaque ville (qui gère les projets des ensembles de logements « populaires »), ou via l’inscription dans une coopérative ou une association. Les bénéficiaires ne doivent pas déjà avoir de bien immobilier ou avoir participé à l’un des programmes de logement du gouvernement précédent. Le contrat établi est un contrat de vente et d'achat d'une propriété résidentielle en parcelle dont le paiement est calculé mensuellement à la valeur de 5% du revenu brut du groupe familial, et qui ne peut être inférieur à 25 reais (8 euros) pour une période de 120 mois, indépendamment de la valeur de la propriété; le contrat doit être de préférence au nom de la femme.

Les classes moyennes (ayant des revenus jusqu’à 5.000 reais) peuvent accéder à un financement directement auprès de la banque (CAIXA) pour acheter un bien immobilier sur le marché. Dans cette fourchette, la valeur maximale de la propriété achetée doit être 130.000 reais et le candidat ne peut pas avoir un autre financement actif par le système de financement du logement (SFH), ou posséder un bien en un autre lieu de domicile. En outre, les banques utilisent les analyses de risque pour accorder ou non le financement, comme dans n'importe quel autre cas d’accord de prêt.

Le MCMV est le programme phare du gouvernement dans le domaine du logement, mais il existe aussi d’autres programmes plus spécifiques pour les établissements informels, tels que : Programa Moradia Digna :Apoio à Melhoria das Condições de Habitabilidade de Assentamentos Precários; Apoio à Provisão Habitacional de Interesse Socia), (Programme logement digne : Soutien à l’amélioration des conditions d’habitabilité des établissements précaires ; Soutien à la fourniture d’habitations d’intérêt social) ; Programa Urbanização, Regularização e Integração de Assentamentos Precários (Programme d’urbanisation, régularisation et intégration des établissements précaires) ; Projetos Prioritários de Investimentos - PPI : Intervenções em Favelas (Projets prioritaires d’investissements : Interventions dans les bidonvilles).9

Accéder au logement dans le Distrito Federal

Le gouvernement du DF, le Governo do Distrito Federal, par le biais de la Secretaria de Estado de Habitação, Regularização e Desenvolvimento Urbano – Sedhab (Secretariat du logement, régularisation et développement urbain) et de la Companhia de Desenvolvimento Habitacional – Codhab (Compagnie de développement d’habitations), dispose du programme d'accession à la propriété, Programa Morar Bem (Habiter bien) a ceux qui « en ont besoin ».10 Dans ce programme, les appartements et maisons sont financés par le Minha Casa, Minha Vida – MCMV avec des conditions particulières. Et selon le gouvernement : Les logements seront dans des villes bénficiant d’une infrastructure complète : rue pavée, eau de ville et lumière, l’acte de propriété de l’immeuble sera au nom du bénéficiaire.

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Autres programmes disponibles : Habitação de Interesse Social – HIS; Ação Provisão Habitacional de Interesse Social; Ação Provisão Habitacional de Interesse Social - Modalidade: Assistência Técnica; Ação Apoio à elaboração de Planos Habitacionais de Interesse Social – PLHIS; Ação de Apoio à Produção Social da Moradia;Habitar Brasil BID – HBB; Programa Brasileiro da Qualidade e Produtividade do Habitat - PBQP-H; Programa de Subsídio à Habitação de Interesse Social; Projetos Prioritários de Investimentos - PPI (Intervenções em Favelas); Carta de Crédito Individual; Carta de Crédito Associativo; Programa de Atendimento Habitacional através do Poder Público - Pró-Moradia. Disponible sur:

http://www.cidades.gov.br/index.php/programas-e-acoes

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GOVERNO DO DISTRITO FEDERAL, SECRETARIA DE ESTADO DE HABITAÇÃO, REGULARIZAÇÃO E DESENVOLVIMENTO

URBANO, COMPANHIA DE DESENVOLVIMENTO HABITACIONAL DO DISTRITO FEDERAL. Programa Morar Bem. Disponible sur: http://www.morarbem.df.gov.br/direito.aspx (Dernière visite : 13/08/2013)

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Conformément à la loi 3.877/2006, qui règlemente la politique du logement du District fédéral, peut participer à des programmes de logement d'intérêt social, le demandeur qui satisfait aux exigences suivantes : résider dans la circonscription du Distrito Federal au cours des cinq dernières années ; ne pas être, ou avoir été propriétaire, acheteur ou cessionnaire d’un immeuble résidentiel dans le district fédéral ; avoir un revenu familial d'un maximum de douze fois le salaire minimum11.

Les personnes intéressées doivent s’inscrire dans un cadastre, le Cadastro da Habitaçao de la Companhia de Desenvolvimento Habitacional – Codhab. Les critères utilisés dans la sélection des béneficiaires des programmes de logement sont, temps de résidence dans le DF, nombre de personnes dépendantes, personnes handicapées ou âgées, le revenu familial per capita ; il est également considérée la durée d'inscription dans le cadastre de la Codhab. III.4. L’articulation entre le tiers habitat, les programmes gouvernementaux de logement pour les familles à bas revenus et le marché immobilier spéculatif

A Brasilia, depuis le début, tel quel prévu le gouvernement devait avoir le contrôle total sur le foncier, ce qui n’était pas vraiment la réalité comme nous avons démonstré. De toute façon, c’est le gouvernement qui a encore le contrôle et la propriété d’une grande majorité du foncier, spécialement des zones les plus importantes de l’agglomération comme les zones centrales. Les pouvoirs publics déterminent aussi des règles strictes pour les nouvelles constructions dans la zone du Plano Piloto à cause de la patrimonialisation. C’est le gouvernement, à travers son agence immobilière, la TERRACAP QUI met à disponibilité du marché des nouvelles zones résidentielles à être construites (selon des règles strictes), comme par exemple le nouveau secteur Noroeste à l’extrémité de la Asa Norte, prévu par l’étude publiée dans les années 1980, Brasilia Revisitada de Lucio Costa.

Le gouvernement propose donc des programmes de logement pour les familles à bas revenu – car il n’y a pas d’offre suffisante et économiquement accessible dans le marché – c’est à dire, l’accès à la propriété au moins d’une parcelle viabilisé à minima.

Il y a des programmes et projets locaux qui impliquent des promoteurs privés – sur des fonds de l’Etat (comme dans le programme « minha casa minha vida »), mais finalement ce sont les municipalités qui gèrent les programmes de logement (dans le cas de Brasilia c’est le gouvernement du Distrito Federal – GDF).

Ces opérations de logement dans beaucoup de cas bénéficient plutôt à ceux qui ont quelques moyens. Dans le cas particulier des programmes impliquant les associations et coopératives du logement il peut y avoir des détournements, où les présidents et directeurs des associations bénéficient de plusieurs parcelles de façon cachée (distribution au nom des membres de sa famille par exemple). Et en plus avec un effet collatéral de capitalisation politique non négligeable : la création d’un capital électoral via une notoriété et un pouvoir délégué à ces représentants, l'entrée et l’inscription de leaders dans la hiérarchie et les réseaux des pouvoirs politiques.

C’est diffèrent du marché spéculatif qui se développe à partir du mécanisme des invasions, lotissements illégaux. Ce marché là est bien une réponse au manque d’offre de logement pour les bas revenus, mais il est aussi le vecteur de l’imposition d’une urbanisation future de zones définies par le pouvoir urbanistique comme impropre à l'urbanisation et de protection environnementale. Ce cas là débouche généralement sur des lotissements aussi bien des

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classes moyennes que des classes populaires. Il s’agit du mode de réponse du marché spéculatif au problème du tiers habitat et habitat déclassé (forcé) car les pouvoirs publics ne fournissent pas suffisamment ni les logements ni les espaces pour la résolution du manque de logements par le marché.

Dans ce cas là il y a aussi un marché politique collatéral : ces lotissements font émerger une classe de leaders territoriaux qui vont représenter le quartier auprès des autorités. Pour obtenir leur reconnaissance et pérenniser le quartier ils vont travailler et réclamer auprès dse autorités au nom de la population pour : obtenir les infrastructures, les équipements et au final la légalisation de l'occupation, en jouant sur les enjeux électoraux et le poids électoral que représente la population du dit quartier. C’est à dire pour le haut pouvoir (gouverneur) il y a l’intérêt des votes des habitants de ces établissements là et aussi pour le leader qui les représente auprès des pouvoirs publics qui peut ainsi acquérir une notoriété lui permetant de candidater et d’accéder à un poste politique local (député districtal).

Il y a là une double dynamique d’intégration urbaine issue de cette articulation entre le tiers habitat, les programmes gouvernementaux de logement pour les familles à bas revenus et le marché immobilier spéculatif local : l’intégration au marché foncier d'une part et l’intégration au marché politique d'autre part.

L’intervention des pouvoirs publics par les programmes gouvernementaux de logement pour les familles à bas revenus ouvre la possibilité aux plus pauvres d’intégrer cette dynamique, sachant qu’il s’agit des seules occasions pour eux de pouvoir le faire. La politique publique agit alors comme un instrument de rééquilibrage égalitaire des chances, elle ouvre des opportunités aux « en bas », de participer à un système d’intégration urbaine profondément concurrentielle.

Quand l’Etat a décidé de promouvoir un programme de lotissement a minima dans les années 1990, il a en fait reproduit le modèle d’occupation informelle, avec une urbanisation minima. Il a donc baissé le niveau de qualité et de standards de son offre (celle de l'urbanisme moderne du Plano Piloto). Il s’est ainsi adapté aux leçons de la réalité de la ville quotidienne en acceptant d’être à l’origine d’un parc de logement de type tiers habitat, sous-développé et dégradé dans la ville légale, pour permettre à ces plus pauvres d’accéder au minimum de l’intégration urbaine : c’est-à-dire d’être ainsi en capacité de participer au système d’intégration urbaine, être inclus et non plus exclus de fait, grâce à leur pouvoir économique ou politique inexistant.

III.5. Conclusion synthèse et modélisation de la mécanique : les périphéries de Brasilia,