Un modèle de projection de léquilibre du secteur des télécommunica- tions français à lhorizon 2015 est utilisé dans notre étude afin dexplorer les perspectives financières du secteur pris globalement. La projection centrale repose sur les hypothèses suivantes. LUMTS commencerait à se substi- tuer au GSM de façon significative à partir de 2004. La vitesse de pénétra- tion serait comparable à celle du GSM, le taux de pénétration passant de 10 à 70 % en environ six ans. Pour la téléphonie GSM (voix seulement et SMS), lARPU serait à peu près stabilisé en francs constants. Pour lUMTS, nous avons retenu pour les premières années (2002-2003) un ARPU presque deux fois plus élevé que pour le GSM actuel (70 euros par mois pour lUMTS les toutes premières années du lancement commercial), une baisse modeste de lARPU dans les premières années sous leffet de la concurrence (envi- ron 60 euros vers 2006-2010), puis une remontée de lARPU qui serait en fin de période 50 % au-dessus de lARPU correspondant à la voix seule. Le scénario central retient au départ le montant et les modalités de paiement des redevances telles quils étaient prévus lors de lattribution initiale des licences en France (environ 4,5 milliards deuros par opérateur).Dans le scénario central et pour lensemble du secteur, le besoin de financement du secteur serait négatif, mais relativement modeste, jusquen 2007. Pour le seul UMTS, le besoin de financement cumulé atteindrait en revanche envi- ron 15 milliards deuros en 2005. Il commencerait à se réduire ensuite pour revenir à zéro au-delà de la fin de la décennie. Ces résultats montrent que léquilibre approximatif du secteur pris dans sa globalité masque (et néces- site) des redéploiements internes très importants entre le fixe et le GSM dune part, et lUMTS dautre part.
Le même modèle peut être utilisé pour mesurer limpact de certaines hypothèses alternatives. Des recettes supérieures de 10 % aux hypothèses du compte central (ARPU plus élevé) améliorent le taux de rentabilité moyen du secteur de deux points (et vice versa dans le cas de recettes inférieures). Une baisse du coût des équipements de 20 % par mise en commun des équipements améliore la rentabilité de trois points.
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Les hypothèses de trois opérateurs (au lieu de quatre), dune redevance proportionnelle au montant des recettes et dun allongement à vingt ans de la durée des licences sont toutes trois favorables à léquilibre économique du secteur. Le passage à une redevance proportionnelle au lieu dune rede- vance fixe a un impact positif très fort sur le résultat (+ 12 points sur lindi- cateur de rentabilité). Ce nest pas son seul intérêt. Une redevance propor- tionnée au chiffre daffaires ne réduit certes pas lincertitude technologique du projet mais elle limite considérablement leffet financier du risque com- mercial.
Le modèle ne permet pas de trancher lalternative entre trois et quatre opérateurs pour le marché français. La seule conclusion est quun marché à trois opérateurs serait plus assuré de la réussite quun marché à quatre opérateurs, mais que la moindre concurrence entraînerait aussi probable- ment un prix de vente au consommateur plus élevé.
On notera que le même modèle transposé au marché allemand montre une très faible probabilité que six opérateurs puissent être viables, compte tenu notamment du prix élevé des licences payées. Il y a là un élément dinstabilité dont les conséquences peuvent peser sur lensemble du marché européen.
Lhypothèse retenue dans cette étude est que lEurope peut réussir la troisième génération du téléphone mobile, à la condition toutefois de prendre de nouvelles initiatives et de renforcer à lavenir les conditions de son déve- loppement. Le véritable enjeu est de savoir si une diffusion de masse peut être espérée prochainement. Les incertitudes techniques et commerciales ne permettent pas encore de trancher. Du point de vue économique, une condition essentielle est une forte baisse du prix des terminaux. Or, le prix des terminaux est évidemment lié à la taille du marché. La réussite est donc conditionnée par la capacité à enclencher à léchelle du continent européen un cercle vertueux entre la baisse des prix et la diffusion de masse des équipements et des services.
La décision française de revenir à une redevance proportionnelle aux résultats financiers (et en définitive très modeste) est un élément favorable au développement du secteur. Mais dautres pays européens parmi les plus importants nont pas encore pris conscience de lobstacle que constitue le prélèvement financier fixe et a priori au titre des licences, non seulement pour le développement de leur marché mais aussi pour le développement du marché européen dans son ensemble. Les États européens ont une respon- sabilité collective directe dans la réalisation du projet UMTS.
De façon générale, les effets externes positifs liés à léconomie de lin- formation et à linnovation pourraient justifier non seulement que les États sabstiennent de prélèvements excessifs mais quils soutiennent les projets porteurs dinnovation. Une des suggestions possibles pourrait consister à ce que les investissements nécessaires en recherche technologique, en innova- tion et en développement de services nouveaux soient financés en commun
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par le versement dune partie des prélèvements fiscaux déjà réalisés par les États au titre des licences UMTS. Ces reversements nationaux pourraient être réunis dans un Fonds Européen pour le développement des nouveaux services de télécommunications. Une telle démarche permettrait de renfor- cer la capacité industrielle européenne dans le domaine des équipements, de rééquilibrer les prélèvements nets opérés par les différents États, enfin dac- célérer le développement de lUMTS en Europe.
LÉtat doit aussi veiller au maintien dune concurrence efficace. Le sec- teur des télécommunications est régulé parce que lun des facteurs de pro- duction est un bien public et parce que la concurrence sur ce marché est nécessairement oligopolistique. Or laccroissement des coûts fixes (équipe- ments et licences) dans la nouvelle génération pousse à la concentration des marchés. Le paradoxe serait quaprès avoir réussi la deuxième génération en ouvrant le marché à la concurrence, larrivée de la troisième génération se traduise par une reconcentration excessive du marché. Dans le cadre actuel de la réglementation, linterdiction de revendre les licences dexploi- tation en cas de difficulté entraîne un coût de sortie du secteur. Lexistence de coûts de sortie dun marché perturbe aussi le processus dentrée sur ce marché. Il est donc recommandé de créer un marché secondaire sur lequel les fréquences acquises pourraient être revendues de façon à encourager linvestissement par la diminution des coûts de sortie du secteur.
Les décisions du Conseil européen de 1998 laissant à chaque États le choix des modalités dattribution des licences ont conduit dans le passé à une très mauvaise coordination des décisions nationales en partie responsa- ble des difficultés rencontrées par le secteur et des problèmes de lUMTS. Il semble donc quun élargissement du champ de la coordination commu- nautaire soit nécessaire pour un développement harmonieux du marché et pour une plus grande efficacité du secteur. Le rôle des autorités nationales devrait naturellement rester fondamental pour la gestion des questions clai- rement locales ne relevant pas de léchelon communautaire, mais une auto- rité communautaire devrait unifier les règles de base du secteur des télé- communications.
Une difficulté à laquelle lEurope doit faire face rapidement est la distor- sion de traitement entre les opérateurs créée par la disparité des modes dattribution de licences dexploitation. Comment par exemple régler le pro- blème éventuel de fusion entre opérateurs qui disposeraient chacun de li- cences en Allemagne et en Angleterre ? De façon générale, il conviendrait que la commission énonce, même a posteriori, les règles de ce qui eût été souhaitable et quelle propose, à travers des arrangements fiscaux adaptés à chaque pays, un retour vers une situation jugée plus normale et plus cohé- rente entre pays. Quelques conclusions semblent aussi devoir être tirées dune expérience de pilotage économique assez malheureuse, qui a finale- ment conduit le gouvernement français à revenir très largement sur des décisions antérieures inadaptées. Les études économiques qui nont mani- festement pas été conduites avant le lancement du projet peuvent encore
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lêtre utilement sous réserve que des moyens y soient effectivement affec- tés. Il est frappant de constater à quel point des décisions publiques très lourdes en termes financiers ont été prises sans que les études économiques nécessaires aient été préalablement conduites. Or le projet UMTS, nen est quà ses débuts et après la troisième génération une quatrième se profile déjà.
LEurope a réussi la deuxième génération de mobile. Réussira-t-elle la troisième ? Sans prétendre répondre à cette question, nous insistons sur le fait que léconomie du projet suggère que la réussite sera dautant plus assurée quelle sera collective, cest-à-dire quune coordination suffisante aura pu être mise en uvre dune part entre les États, les opérateurs et les équipementiers, dautre part entre les pays européens afin de développer rapidement un marché de masse. La révision des conditions dattribution des licences décidée par le gouvernement français le 16 octobre 2001 est dans son principe conforme aux propositions que ce rapport sapprêtait déjà à formuler car elle a transformé une redevance fixée a priori en une redevance assise sur les résultats. Mais elle ne concerne que la France. Il convient maintenant de redonner au projet UMTS sa dimension européenne et de prendre collectivement une initiative de relance du projet au niveau européen.
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