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L’UMTS est avant tout une nouvelle technologie d’accès radio

Dans le document Enjeux économiques de l'UMTS (Page 52-54)

Philippe Lucas

5. L’UMTS est avant tout une nouvelle technologie d’accès radio

L’UMTS : une nouvelle interface radio. Certes, cela se justifie par le fait que de nouvelles bandes de fréquences sont disponibles. Mais on a vu par le passé que de nouvelles bandes de fréquences n’impliquent pas systémati- quement une nouvelle technologie, le DCS 1 800 déployé par Bouygues Telecom en France en est l’exemple frappant.

Rappelons que la construction d’un réseau GSM en France est estimée entre 20 et 30 milliards de francs, avec un retour sur investissement sur une période de huit à dix ans en fonction des opérateurs. Le réseau capillaire (sous-système radio) représentent à lui seul plus de 60 % de ces investisse- ments. Remplacer cette technologie permet aux industriels d’aborder l’ave- nir sereinement, dans la mesure où les opérateurs sont capables d’investir aussi massivement.

Les investissements dans le déploiement de stations émettrices GSM diminuant vers la fin des années quatre-vingt-dix, les principaux industriels et en particulier Ericsson, fort de sa position dominante dans les infrastructures, vont pousser l’industrie à changer de sous-système d’accès radio et imposer une nouvelle norme radio pour l’UMTS. Les arguments techniques et commer- ciaux sont bien évidemment ceux avancés pour convaincre l’industrie.

D’un point de vue technique, cette technologie devrait permettre le dé- ploiement de services innovants. Néanmoins, un certain nombre de points fondamentaux relatifs à cette nouvelle interface radio doivent être présen- tés afin de ne pas propager des idées fausses qui ont été à l’origine des aberrations que nous pouvons regretter et qui ont eu lieu en 2000 à propos de la troisième génération.

Premièrement, le spectre UMTS utilisable (2 x 60 MHz) est moins im- portant que le spectre GSM/DCS représentant 2 x 25 MHz + 2 x 75 MHz. Ceci peut paraître surprenant dans la mesure où cette technologie est ame- née à proposer plus de débit que la seconde génération. Sachant que le GSM utilise une technologie radio optimisant le débit par unité de fréquence (de ce côté là aucune amélioration n’était attendue), à débit plus important le spectre nécessaire doit être plus important. Or ce n’est pas le cas! Les

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technologies utilisées permettent de faire passer environ 1 bit/Hz.

Peut-on donc s’attendre raisonnablement à utiliser en tant que client un service à 2 Mb/s ? La réponse est oui, mais dans des conditions drastiques :

• être seul dans la cellule radio ;

• être en situation de quasi immobilité. Par ailleurs, les facteurs de durée de vie des batteries ne permettront pas avant quelques années le support de ce type de services pour le grand public.

Alors qu’attendre de l’interface radio UMTS ? Les clients peuvent s’at- tendre, dans une première version, à disposer d’un débit moyen plus impor- tant que celui proposé par le GSM. Non pas 2 Mb/s, mais quelques dizaines de kb/s, débit beaucoup plus proches des débits offerts par les réseaux télécoms avec des modems connectés au PC.

Quelles conséquences en termes de déploiement des stations émettri- ces ? Premièrement, du fait de la fréquence utilisée, la propagation des on- des radio est moins performante lorsque la fréquence est haute ; or l’UMTS utilise la bande des 2 GHz, alors que le GSM utilise la bande des 0,9 GHz ; ce dernier est donc bien plus favorisé. Le nombre de stations de base né- cessaires pour atteindre une couverture nationale sera donc beaucoup plus important. Par ailleurs, les débits utilisés étant a priori plus importants, la couverture d’une station radio sera inférieure. Les experts radio UMTS estiment le nombre de sites radio nécessaires pour couvrir la France entre 15 000 et 20 000, alors que l’ordre de grandeur en GSM est de 10 000 sites. La réutilisation des sites GSM existants sera probablement la première solu- tion pour réaliser un déploiement rapide. Cela ne couvrira évidemment pas les besoins en couverture et pour cela il conviendra de veiller au déploie- ment des réseaux UMTS par les opérateurs, pour assurer une couverture la plus large. Le recours au partage d’infrastructure radio entre opérateur est alors une solution à étudier, afin d’assurer la viabilité économique d’un dé- ploiement national, nécessaire au succès commercial des réseaux UMTS. Il convient ici de rappeler que les opérateurs GSM n’ont vu le parc de leurs clients exploser qu’avec une couverture du territoire décente.

L’expertise existe-t-elle pour le déploiement d’un nouveau système ra- dio à la norme WCDMA ? En Europe, hormis une bonne maîtrise théorique, l’expertise dans le déploiement des systèmes radio CDMA est inexistante. Dans ce domaine, l’expérience de terrain est déterminante pour la réalisa- tion d’un système radio à grande échelle et permettant la maîtrise de la qualité de service nécessaire en capacité et en qualité. Il est donc à prévoir un certain retard dans le déploiement maîtrisé à grande échelle des systè- mes UMTS en Europe.

La technologie est-elle mûre ? Nous pouvons affirmer que la technolo- gie permettant de déployer un système cellulaire WCDMA est aujourd’hui mûre. En revanche, les technologies permettant de déployer des terminaux à grande échelle et des stations émettrices à des coûts raisonnables est

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encore en développement. Même si certains constructeurs annoncent la disponibilité de matériel, cela n’est pas envisageable pour un démarrage commercial avant 2003. Nous verrons par la suite que, hormis la compo- sante radio des terminaux, les services que ces derniers devront supporter seront l’élément clé du succès commercial de l’UMTS. Et sur ce sujet, il manque aujourd’hui dans l’industrie une certaine maturité.

L’UMTS, une sur-couche au réseau GSM/GPRS : on ne peut concevoir le déploiement d’un réseau GSM sans le support du réseau GSM/GPRS, dans les zones où la couverture UMTS ne peut être assurée. Aucun client ne pourra accepter que sa communication s’arrête par défaut de couverture UMTS. Il est donc indispensable que les terminaux UMTS soient bi-modes. Or cela complexifie singulièrement la réalisation de ces terminaux. Les der- nières années ont montré combien la conception et mise au point d’un termi- nal mobile sont de plus en plus délicates et provoquent des retards de déve- loppement de services (cf. WAP et GPRS).

Cela amène à avoir un regard pragmatique sur la disponibilité des termi- naux de troisième génération et, comme vient de le montrer Chris Gent

(Chief Executive Officer de Vodafone), l’UMTS ne pourra démarrer la

commercialisation qu’à partir de 2003 dans le meilleur des cas.

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