Philippe Lucas
5. LUMTS est avant tout une nouvelle technologie daccès radio
LUMTS : une nouvelle interface radio. Certes, cela se justifie par le fait que de nouvelles bandes de fréquences sont disponibles. Mais on a vu par le passé que de nouvelles bandes de fréquences nimpliquent pas systémati- quement une nouvelle technologie, le DCS 1 800 déployé par Bouygues Telecom en France en est lexemple frappant.
Rappelons que la construction dun réseau GSM en France est estimée entre 20 et 30 milliards de francs, avec un retour sur investissement sur une période de huit à dix ans en fonction des opérateurs. Le réseau capillaire (sous-système radio) représentent à lui seul plus de 60 % de ces investisse- ments. Remplacer cette technologie permet aux industriels daborder lave- nir sereinement, dans la mesure où les opérateurs sont capables dinvestir aussi massivement.
Les investissements dans le déploiement de stations émettrices GSM diminuant vers la fin des années quatre-vingt-dix, les principaux industriels et en particulier Ericsson, fort de sa position dominante dans les infrastructures, vont pousser lindustrie à changer de sous-système daccès radio et imposer une nouvelle norme radio pour lUMTS. Les arguments techniques et commer- ciaux sont bien évidemment ceux avancés pour convaincre lindustrie.
Dun point de vue technique, cette technologie devrait permettre le dé- ploiement de services innovants. Néanmoins, un certain nombre de points fondamentaux relatifs à cette nouvelle interface radio doivent être présen- tés afin de ne pas propager des idées fausses qui ont été à lorigine des aberrations que nous pouvons regretter et qui ont eu lieu en 2000 à propos de la troisième génération.
Premièrement, le spectre UMTS utilisable (2 x 60 MHz) est moins im- portant que le spectre GSM/DCS représentant 2 x 25 MHz + 2 x 75 MHz. Ceci peut paraître surprenant dans la mesure où cette technologie est ame- née à proposer plus de débit que la seconde génération. Sachant que le GSM utilise une technologie radio optimisant le débit par unité de fréquence (de ce côté là aucune amélioration nétait attendue), à débit plus important le spectre nécessaire doit être plus important. Or ce nest pas le cas! Les
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technologies utilisées permettent de faire passer environ 1 bit/Hz.
Peut-on donc sattendre raisonnablement à utiliser en tant que client un service à 2 Mb/s ? La réponse est oui, mais dans des conditions drastiques :
être seul dans la cellule radio ;
être en situation de quasi immobilité. Par ailleurs, les facteurs de durée de vie des batteries ne permettront pas avant quelques années le support de ce type de services pour le grand public.
Alors quattendre de linterface radio UMTS ? Les clients peuvent sat- tendre, dans une première version, à disposer dun débit moyen plus impor- tant que celui proposé par le GSM. Non pas 2 Mb/s, mais quelques dizaines de kb/s, débit beaucoup plus proches des débits offerts par les réseaux télécoms avec des modems connectés au PC.
Quelles conséquences en termes de déploiement des stations émettri- ces ? Premièrement, du fait de la fréquence utilisée, la propagation des on- des radio est moins performante lorsque la fréquence est haute ; or lUMTS utilise la bande des 2 GHz, alors que le GSM utilise la bande des 0,9 GHz ; ce dernier est donc bien plus favorisé. Le nombre de stations de base né- cessaires pour atteindre une couverture nationale sera donc beaucoup plus important. Par ailleurs, les débits utilisés étant a priori plus importants, la couverture dune station radio sera inférieure. Les experts radio UMTS estiment le nombre de sites radio nécessaires pour couvrir la France entre 15 000 et 20 000, alors que lordre de grandeur en GSM est de 10 000 sites. La réutilisation des sites GSM existants sera probablement la première solu- tion pour réaliser un déploiement rapide. Cela ne couvrira évidemment pas les besoins en couverture et pour cela il conviendra de veiller au déploie- ment des réseaux UMTS par les opérateurs, pour assurer une couverture la plus large. Le recours au partage dinfrastructure radio entre opérateur est alors une solution à étudier, afin dassurer la viabilité économique dun dé- ploiement national, nécessaire au succès commercial des réseaux UMTS. Il convient ici de rappeler que les opérateurs GSM nont vu le parc de leurs clients exploser quavec une couverture du territoire décente.
Lexpertise existe-t-elle pour le déploiement dun nouveau système ra- dio à la norme WCDMA ? En Europe, hormis une bonne maîtrise théorique, lexpertise dans le déploiement des systèmes radio CDMA est inexistante. Dans ce domaine, lexpérience de terrain est déterminante pour la réalisa- tion dun système radio à grande échelle et permettant la maîtrise de la qualité de service nécessaire en capacité et en qualité. Il est donc à prévoir un certain retard dans le déploiement maîtrisé à grande échelle des systè- mes UMTS en Europe.
La technologie est-elle mûre ? Nous pouvons affirmer que la technolo- gie permettant de déployer un système cellulaire WCDMA est aujourdhui mûre. En revanche, les technologies permettant de déployer des terminaux à grande échelle et des stations émettrices à des coûts raisonnables est
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encore en développement. Même si certains constructeurs annoncent la disponibilité de matériel, cela nest pas envisageable pour un démarrage commercial avant 2003. Nous verrons par la suite que, hormis la compo- sante radio des terminaux, les services que ces derniers devront supporter seront lélément clé du succès commercial de lUMTS. Et sur ce sujet, il manque aujourdhui dans lindustrie une certaine maturité.
LUMTS, une sur-couche au réseau GSM/GPRS : on ne peut concevoir le déploiement dun réseau GSM sans le support du réseau GSM/GPRS, dans les zones où la couverture UMTS ne peut être assurée. Aucun client ne pourra accepter que sa communication sarrête par défaut de couverture UMTS. Il est donc indispensable que les terminaux UMTS soient bi-modes. Or cela complexifie singulièrement la réalisation de ces terminaux. Les der- nières années ont montré combien la conception et mise au point dun termi- nal mobile sont de plus en plus délicates et provoquent des retards de déve- loppement de services (cf. WAP et GPRS).
Cela amène à avoir un regard pragmatique sur la disponibilité des termi- naux de troisième génération et, comme vient de le montrer Chris Gent
(Chief Executive Officer de Vodafone), lUMTS ne pourra démarrer la
commercialisation quà partir de 2003 dans le meilleur des cas.