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La montée des incertitudes sur la technologie et les marchés de l’UMTS

Dans le document Enjeux économiques de l'UMTS (Page 100-102)

Institut de l’audiovisuel et des télécommunications en Europe (IDATE)

3. La montée des incertitudes sur la technologie et les marchés de l’UMTS

La question du prix des licences a pris une ampleur considérable quand on commença à découvrir les risques très sérieux qui pesaient sur les opéra- teurs 3G. D’abord, la crise des firmes Internet commençait à s’étendre aux valeurs des télécommunications. On a compris que le caractère physique des actifs des opérateurs de télécommunication (au regard du caractère « virtuel » attribué aux valeurs de l’Internet) ne mettait pas à l’abri les nou- veaux opérateurs qui avaient investi dans d’énormes réseaux optiques sou- vent redondants entre les continents et les capitales économiques, pas plus qu’il n’épargnait les nouveaux opérateurs de boucles locales dont le cash

burning allait de pair avec la croissance des abonnés. À ces premières

alertes d’une consolidation, somme toute logique après la phase d’efferves- cence qui avait suivi la libéralisation, s’est ajoutée une sensibilité nouvelle des grands opérateurs de télécommunication à la dette. Les marchés finan- ciers avaient été très friands des valeurs télécoms, particulièrement en Eu- rope où ils leur accordaient des multiples qui allaient au-delà de ce que connaissaient les firmes du secteur outre-Atlantique. Le retournement très brutal des cours s’est traduit par une prise en compte cruelle des survaleurs, découlant d’acquisitions souvent en actions, mais parfois aussi en cash. Il a mis provisoirement fin aux procédures de cotation de filiales qui assuraient une source aisée de financement. Il a fait peur aux banques qui sont appa- rues surexposées aux risques du secteur des télécoms et se sont montrées plus hésitantes à financer les opérateurs. Les quelque 130 milliards d’euros ponctionnés par les Trésors publics européens au titre de l’attribution des licences UMTS ne pouvaient pas, dans ce contexte, passer inaperçus. Ils ont, naturellement, amplifié le phénomène de défiance qui s’amorçait vis à vis des télécommunications en général et des mobiles 3G en particulier.

Il est cependant juste de reconnaître que le prix des licences n’est pas la seule composante de ce scepticisme. Les fournisseurs d’équipements sont apparus un peu présomptueux quant à leur capacité à mettre sur le marché, à des prix raisonnables et avec des garanties de fiabilité et de stabilité, des infrastructures réseaux et des terminaux 3G. Le challenge était d’autant plus difficile qu’il leur fallait répondre à une demande simultanée de dizaine d’opérateurs. De plus, les commandes pour les stations sont multipliées au regard du GSM, dans la mesure où la couverture des cellules UMTS est moins importante. Les mises au point sont apparues complexes. À ce jour, les fournisseurs n’ont pas pu livrer aux opérateurs de véritables plates- formes de test. Quant aux terminaux, il est probable que ce ne soit qu’au cours du dernier trimestre 2002 que les constructeurs soient en mesure d’opé- rer les premières livraisons en quantité (d’autant qu’il faut pouvoir compter sur des terminaux compatibles 2/3G).

Ces retards dans la disponibilité des matériels 3G au regard du calendrier initial sont, somme toute, assez peu surprenants. Ce fut le cas pour le GSM, qui connut aussi de grosses difficultés au départ. Pour les opérateurs, les

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délais ne poseraient pas en eux-mêmes de problèmes s’ils ne devaient par ailleurs payer sans possibilité de report la totalité ou une première partie des licences acquises. Ainsi tandis qu’en France Orange et SFR devaient (avant le revirement de novembre dernier) verser dès cette année et en deux fois, le 30 septembre et le 31 décembre, 1 230 millions d’euros chacun, en Alle- magne les six bénéficiaires de licences UMTS ont déjà dû verser chacun plus de 8 milliards d’euros. Pour les constructeurs, ce retard qui a conduit les opérateurs un peu méfiants à différer ou à étaler les commandes, ag- grave leur situation. Car logiquement les commandes d’équipements de ré- seaux GSM se sont quasiment arrêtées en Europe et ce n’est pas les com- mandes d’équipements GPRS qui peuvent les pallier. Pour les terminaux, la situation n’est pas beaucoup plus brillante. Le ralentissement du rythme de croissance des abonnés GSM (singulièrement en Europe), combinée avec la faiblesse du renouvellement des terminaux sous l’effet de l’échec du WAP et du retard dans le lancement du GPRS, devraient se traduire par un nombre de terminaux vendus pour la première fois depuis longtemps en retrait par rapport à l’année passée.

On voit là que les incertitudes techniques rejoignent les incertitudes du marché. Initialement, là aussi, un cheminement était tracé pour préparer les consommateurs, comme les opérateurs, à ce que l’on appelait encore l’ « Internet mobile ». La première étape était associée à l’introduction de la technologie WAP. Il s’agissait d’équiper progressivement les terminaux GSM d’un mini-browser à même de leur permettre de dialoguer avec un serveur

ad hoc pour afficher sur leur mini-écrans des informations. Le lancement

fut plutôt catastrophique car précipité et trahissant une absence de réelle réflexion sur les services qui pouvaient supporter l’ergonomie assez fruste des terminaux. Si une part significative du parc des abonnés mobiles en Europe est composé de terminaux WAP, les utilisateurs des services sont très minoritaires2 et le temps passé en connexion – et donc générant des

ressources pour les opérateurs – par ces derniers très limité3. La deuxième

étape programmée par les constructeurs et les opérateurs, consistait à intro- duire, toujours sur les réseaux GSM, un mode paquet dédié aux applications de données. L’objectif est d’offrir un débit notablement plus élevé que les 9,6 kbits par seconde (kb/s) des accès autorisés aujourd’hui sur GSM, mais surtout de proposer un mode always on qui permet un accès immédiat au service et une tarification indépendante de la durée, alors que le WAP, tel qu’il est accessible actuellement, est en mode circuit. Échaudés par l’échec du WAP et tirant argument des retards des fournisseurs de terminaux, les opérateurs n’ont pas encore lancé en vraie grandeur leurs services GPRS en Europe, bien que leurs réseaux soient équipés. Si l’on met de côté des opérations limitées à des cibles restreintes, ce lancement est aujourd’hui attendu courant 2002, soit avec plus d’un an de retard.

2. À la fin 2000, l’Europe de l’Ouest comptait seulement 5,8 millions d’utilisateurs réguliers des services WAP sur un total de 243 millions d’abonnés GSM.

CONSEIL D’ANALYSE ÉCONOMIQUE 260 0 40 80 120 160 200 1997 1998 1999 2000 2001 (estimations) Prépayé Postpayé Polynomial (Prépayé) Polynomial (Postpayé)

Ne pouvant compter avant 2003 sur des recettes significatives de l’ « Internet mobile », les opérateurs européens ont dû faire face, non pas à une stagnation de leur nombre d’abonnés, mais à un taux de croissance beaucoup moins important : quelque 8,2 % pour les cinq principaux marchés européens au cours du premier semestre de cette année, contre 28 % un an plus tôt. Il leur a fallu baisser les frais d’acquisition et stimuler le trafic de leurs abonnés facturés, pour limiter la baisse de l’ARPU (recette moyenne par abonné) qui est depuis plusieurs années tirée à la baisse par le poids croissant de leurs abonnés utilisant des cartes prépayées (graphique 2). Fi- nalement, la seule source de recette nouvelle est venu de la messagerie SMS qui connaît un très grand succès chez les jeunes et représente aujourd’hui entre 5 et 10 % des recettes totales des opérateurs.

2. Progression des cartes prépayées

Alors, au regard de ces efforts et de ces succès plus modestes, la tech- nologie UMTS et les marchés de l’ « Internet mobile » constitueraient-ils des chimères héritées de l’ « exubérance excessive » des marchés ? Ce n’est pas notre point de vue. On voit mal pourquoi, dès lors que de nouvelles fréquences sont attribuées, il faudrait s’en tenir aux caractéristiques techni- ques du GSM conçues il y a près de vingt ans. Quant aux marchés, il y a lieu d’insister sur la remarquable réussite de l’i-mode au Japon et de la transi- tion que les opérateurs ont su ménager avec la 3G.

Dans le document Enjeux économiques de l'UMTS (Page 100-102)