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en s’intégrant à l’oligopole des télécommunications

Dans le document Enjeux économiques de l'UMTS (Page 64-67)

Le passage à la 3G intervient dans le prolongement d’un déplacement de frontières dans l’industrie japonaise des télécommunications. KDDI est issu de la fusion en octobre 2000 des opérateurs DDI, KDD et IDO, J-Phone étant le produit du rapprochement de Digital Tu-Ka et de Digital Phone à la même période.

DoCoMo pourrait être détachée des activités filaires de NTT, si le dé- mantèlement envisagé par le Gouvernement est conduit à son terme, mais tout indique que cette firme restera durablement le centre de l’industrie des télécommunications. Le succès d’i-mode est tel qu’il fait de DoCoMo la locomotive de NTT. Cette dernière a même lancé un service l-mode, équi- valent fixe du i-mode… et sans doute lointain cousin du minitel. L’augmen- tation du chiffre d’affaires de NTT de 26 % en 2000 et du bénéfice net de NTT s’expliquent en quasi totalité par l’activité mobile. Autre signe de cette dépendance. Mais les résultats de 2001 montrent le caractère « versatile » de cette contribution de DoCoMo dont les comptes ont été largement dé- gradés (pertes de 2,5 milliards d’euros sur le premier semestre) du fait de ses participations dans KPN et Verio. Cependant, comme KDDI et J-Phone subissent la même tendance en 2001, la position du leader ne semble pas sérieusement contestée.

Nonobstant ces difficultés, DoCoMo anticipe que la 3G devrait prolon- ger sa dynamique sur le marché intérieur : grâce à la force de sa marque et à son parc d’abonnés, DoCoMo envisage la profitabilité de ses activités 3G dès 2004. Pour ses concurrents directs, la profitabilité devrait être moindre et plus tardive en raison de leur base initiale plus fragile sur la 2G. DoCoMo bénéficiera également de liens de longue date avec les équipementiers do- minants comme Matsushita et NEC, la stratégie de ses concurrents, comme J-phone, étant alors d’essayer de se rapprocher de fournisseurs plus margi- naux comme Sharp. La proximité opérateurs-équipementiers est un point essentiel car la différenciation des terminaux devrait constituer un levier stratégique important12.

Le passage à la nouvelle génération induit aussi une nouvelle concur- rence internationale entre opérateurs qui accroît ces déplacements de fron- tières. Vodaphone a pris une participation dominante dans J-Phone (45 %) et choisi d’engager sa réorganisation profonde en fusionnant en une seule entité les trois filiales régionales de J-Phone, J-Phone Est, J-Phone Ouest et J-Phone Central, l’objectif étant de devenir numéro deux sur le marché 3G, ce que les prévisions ne laissent cependant pas entrevoir (cf. tableau 3).

DoCoMo, en revanche, a pris des participations mineures réparties en Asie (20 % chez KG Telecom, 19 % chez Hutchison), aux États-Unis (16 % 12. Goldman Sachs (2001), op. cit.

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de Wireless) et en Europe (16 % de KPN)13. DoCoMo a donc choisi de

prendre différentes options sur les marchés étrangers, mais les effets de cette stratégie sont encore très incertains. En dehors de l’Archipel, l’opéra- teur sort d’un cadre protégé où les conditions de son développement ont été réunies et est soumis à des facteurs exogènes très chaotique. Pour preuve, le report de sa cotation sur le New York Stock Exchange et le London Stock Exchange, qui était envisagée pour septembre 2001, à cause de la baisse des valeurs technologiques. DoCoMo affiche cependant la volonté d’intro- duire la 3G en Europe d’ici la fin 2002 via Hutchison UK.

Cette ouverture internationale touche également les équipementiers jus- qu’alors entravés sur leur marché intérieur. Certains procèdent en établis- sant des partenariats, comme Sony avec Ericsson, dans les terminaux ou encore NEC avec Siemens dans les réseaux. Pour les outsiders, comme Sony, le passage à la 3G est une occasion pour intégrer le centre du jeu. C’est ainsi que doit se comprendre son association à Ericsson. Mais, si les équipementiers japonais disposent d’atouts de par leur expérience dans l’Internet mobile, ils en affrontent également les écueils techniques, ce qu’illustrent les nombreux rappels de terminaux depuis le début 2001. Matsushita en a rap- pelé 100 000 fournis à DoCoMo. Sony a fait de même avec 560 000 batte- ries destinées au réseau de KDDI, tandis qu’un défaut logiciel rendait éga- lement défectueux 420 000 de ses appareils fournis à DoCoMo. Le coût pour Sony de ces opérations aurait été de 200 millions d’euros.

4. Le Japon : pionnier ou leader ?

L’avènement d’une téléphonie mobile de troisième génération replace les firmes japonaises dans le jeu international des télécommunications. Jus- qu’alors, l’adoption de normes nationales spécifiques les en avait laissé en marge, même si ce choix leur a permis de développer in vivo l’expérience originale d’Internet mobile à bas débit qui fait leur force.

Le Japon donne en la circonstance à l’Europe une leçon de pragmatisme en ayant placé ses opérateurs dans les conditions de transférer vers la 3G certains avantages acquis dans la 2G en ne les surchargeant pas pour l’accès au spec- tre. Par une telle politique, l’État japonais s’est gardé de tout « courtermisme » budgétaire, attitude héroïque pour une économie dont la dette publique brute représente environ 130 % du PIB. L’occasion n’a pas été perdue de faire de la politique industrielle pour contribuer à sortir de la crise.

Reste à savoir si cette base confère au Japon le statut de pionnier ou, au- delà, de futur leader dans la téléphonie mobile de haut débit. On ne peut sur ce point que formuler quelques observations sans prétendre trancher :

• le Japon est sans nul doute un pionnier qui se confronte avec 12 ou 24 mois d’avance à des difficultés que rencontreront ensuite les Européens : 13. Des négociations ont été entreprises en Malaisie (Telekom Malaysia), en Corée du Sud (SK Telecom) et au Canada (TIW).

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gestion des réseaux, conduite de la transition 2G-2,5G-3G, émergence des contenus, définition de modèles de tarification, etc. La base du i-mode et de ses concurrents J-Sky et Ezweb facilite considérablement cette démarche pionnière. Si la gestion technique du haut débit induit des problèmes nou- veaux, les clients et les fournisseurs de contenu sont déjà là, avantage dont les opérateurs européens peuvent mesurer toute la valeur ;

• pour autant, ces avantages spécifiques acquis par les firmes japonai- ses seront-ils transférables sur les marchés étrangers ? Pour les opérateurs, seul DoCoMo semble en mesure de traduire à l’étranger son avantage lo- cal, KDDI et J-Phone, en position de suiveurs, ne pouvant s’appuyer sur une base aussi forte. Surtout, en dehors de leur marché local, les opérateurs nippons ne bénéficient plus d’un microclimat particulièrement favorable au développement de leurs activités. Pour preuve, les difficultés rencontrées même par DoCoMo dont KPN est le principal relais en Europe ;

• opérateurs aussi bien qu’équipementiers sont fortement incités à cette ouverture vers les marchés étrangers. Le Japon reste aujourd’hui une éco- nomie malade qui, au mieux, entrera prochainement en convalescence. Le succès des firmes japonaises sur la 2G n’est pas reproductible dans les mêmes conditions d’autarcie sur la 3G. C’est la raison pour laquelle les feux sont poussés : les premières spécifications de base pour la technologie de 4e génération de téléphonie mobile ont déjà été développées par NTT

DoCoMo, KDDI, J-Phone et certains équipementiers, en coopération avec le ministère des télécommunications. L’ambition est de commercialiser la norme en 2005 avec pour projet – hypothétique à ce stade – de proposer des services 4G en 2006, perspective qui n’est pas envisagée en Europe avant 2010.

Quoi qu’il en soit, gardons à l’esprit qu’en conduisant avec succès le développement de l’UMTS dans l’Archipel, les firmes japonaises produi- raient une « externalité positive » pour l’industrie mondiale des télécommu- nications : faire au Japon la démonstration que la téléphonie mobile de haut débit n’est pas une chimère conférera du crédit aux projets de l’ensemble des opérateurs mondiaux.

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Complément E

Les principales données statistiques

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