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Enchères ou « concours de beauté » ?

Dans le document Enjeux économiques de l'UMTS (Page 97-100)

Institut de l’audiovisuel et des télécommunications en Europe (IDATE)

2. Enchères ou « concours de beauté » ?

Bien qu’il y ait eu, à la publication d’un « livre vert » de la Commission, l’occasion d’un débat, les États membres n’ont pas pu s’accorder sur la nécessité d’une approche globale ou harmonisée de la gestion du spectre. La décision communautaire laissait donc le soin à chaque pays de définir ses modalités, sous réserve qu’elles respectent les principes essentiels figu- rant dans la législation communautaire des télécommunications (procédures ouvertes, transparentes et non discriminatoires et sélection sur la base de critères objectifs définis par avance).

Dans ces conditions, le débat sur les perspectives de l’UMTS se résuma vite à l’opposition entre deux types de mécanisme d’attribution : les enchè- res et la sélection comparative (« concours de beauté »). Les partisans des enchères pouvaient mettre en avant l’indépendance de la méthode dans la sélection des opérateurs, une valorisation du spectre par ceux qui semblent finalement le mieux placés pour apprécier la rentabilité de l’usage qui peut en être fait. Les partisans de la seconde approche soulignaient la complexité des choix à opérer pour définir un type d’enchères qui évitent réellement les phénomènes de collusion ou autres risques de contentieux.

Mais surtout, de façon plus ou moins explicite, se posait la question de la continuité du marché du GSM avec celui de la 3G. À cette époque et pour diverses raisons, le 3G était présenté comme une plate-forme sans réelle continuité avec le marché de la 2G, même si on imaginait des mécanismes d’ « itinérance nationale » qui permettraient aux opérateurs ne disposant pas de licences GSM de bénéficier d’une couverture globale pour la voix. Source : IDATE.

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On feignait de croire qu’il n’y avait pas de logique fondée à voir les opéra- teurs GSM en place disposer des nouvelles fréquences 3G. En fait, cette ambiguïté et l’interprétation des positions de la Commission se sont tradui- tes, dans tous les pays, par la définition d’un nombre de licences UMTS qui dépassait le nombre d’opérateurs GSM en activité, engageant une fragmen- tation excessive du marché européen : plus de soixante licences UMTS pour les quinze pays membres…

Rétrospectivement, le débat entre enchère et soumission comparative – qui est un sujet parfaitement légitime – apparaît un peu secondaire au regard d’un autre phénomène qui a un impact considérable sur la situation que l’on connaît aujourd’hui. Il s’agit des valeurs astronomiques données aux abonnés mobiles au cours des transactions très nombreuses des années 1999 et 2000. Face à l’émiettement mentionné du marché européen et de- vant la remarquable vigueur du développement des mobiles, tous les acteurs un peu significatifs ont cherché à acquérir des parts de marché à l’interna- tional. Cela a déclenché une hausse inconsidérée des prix, particulièrement bien illustrée par l’extraordinaire opération de Vodafone sur Mannesmann, suivie par le rachat d’Orange par France Télécom (tableau 2).

2. La valorisation des abonnés mobiles lors des principales fusions/ acquisitions réalisées entre octobre 1999 et août 2000

Source : IDATE.

Opération Date Valeur de l’abonné

(en euros) Mannesmann Orange Octobre 1999 9 189 AT&T ACC Octobre 1999 5 829 Vodafone Mannesmann Novembre 1999 6 128 KPN E Plus Décembre 1999 3 269 Vodafone Airtel Janvier 2000 5 872 France Télécom Orange Juin 2000 5 720 NTT DoCoMo KPN Juillet 2000 11 848 Deutsche Telekom Powertel Juillet 2000 9 002 BT Viag Août 2000 7 389 Deutsche Telekom VoiceStream Août 2000 26 768

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Naturellement, ces prix largement surévalués pour les abonnés mobiles s’inscrivent dans le contexte de ce qui est clairement apparu ultérieurement comme la bulle TMT1. Cette bulle était explicite dès la fin du premier tri-

mestre 2000 pour les valeurs de l’Internet. Elle était toutefois encore large- ment masquée au cours de l’été 2000 lorsque, tour à tour, les enchères sur les deux premiers marchés d’Europe débouchèrent sur un prix de  630,5 euros par habitant (37,5milliards d’euros) pour cinq licences au Royaume-Uni et de 609,9 euros (50,5 milliards d’euros) pour six licences en Allemagne. Pour ce qui concerne les pays qui avaient opté pour la soumis- sion comparative, on observa deux cas de figure. Certains décidèrent d’at- tribuer les licences aux opérateurs ayant fourni les meilleurs dossiers avec un prix très bas d’accès aux licences. Ils furent parfois fortement attaqués : ne laissaient-ils pas une rente indue aux investisseurs ? D’autres décidèrent de fixer un prix qui tiendrait compte des niveaux atteints par les enchères, avec une décote. C’est le choix fait dans un premier temps par le gouverne- ment français au cours du mois d’août 2000 en arrêtant un prix de 4,95 milliards d’euros pour chacune des quatre licences disponibles (soit 19,8 milliards de recettes escomptées, ou 329,5 euros par habitant). En fait, tout a été une question de timing. Il est fort probable que si la décision avait été d’entrée prise en France de procéder sans délai par enchères, les ni- veaux de prix auraient avoisiné ceux atteints au Royaume-Uni ou en Alle- magne. Si les enchères s’étaient effectuées tardivement dans l’année ou au cours du premier trimestre 2001, les prix seraient restés très raisonnables à l’instar de ce qui a pu être observé dès le mois d’octobre en Italie (où BT a contraint Blu à sortir des enchères), puis en Autriche, en Suisse, jusqu’à récemment les enchères danoises qui n’ont pas dépassé 95 euros par habi- tant pour quatre licences.

Au final on constate une hétérogénéité très grande des conditions d’ac- cès au marché dans les quinze pays membres, selon le prix payé, le calen- drier des versements, le nombre de licences, la durée d’usage des fréquen- ces, les ressource spectrales attribuées, les exigences de couverture, la vi- tesse de déploiement, les obligations de R&D, etc. Cette hétérogénéité peut être la source de distorsions des règles de concurrence au sein du « grand marché européen ». Même si c’est avant tout les conséquences des prix at- teints sur les trois principaux marchés – Allemagne, Royaume-Uni et France – qui aujourd’hui nous préoccupent.

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3. La montée des incertitudes sur la technologie

Dans le document Enjeux économiques de l'UMTS (Page 97-100)