Institut de laudiovisuel et des télécommunications en Europe (IDATE)
2. Enchères ou « concours de beauté » ?
Bien quil y ait eu, à la publication dun « livre vert » de la Commission, loccasion dun débat, les États membres nont pas pu saccorder sur la nécessité dune approche globale ou harmonisée de la gestion du spectre. La décision communautaire laissait donc le soin à chaque pays de définir ses modalités, sous réserve quelles respectent les principes essentiels figu- rant dans la législation communautaire des télécommunications (procédures ouvertes, transparentes et non discriminatoires et sélection sur la base de critères objectifs définis par avance).
Dans ces conditions, le débat sur les perspectives de lUMTS se résuma vite à lopposition entre deux types de mécanisme dattribution : les enchè- res et la sélection comparative (« concours de beauté »). Les partisans des enchères pouvaient mettre en avant lindépendance de la méthode dans la sélection des opérateurs, une valorisation du spectre par ceux qui semblent finalement le mieux placés pour apprécier la rentabilité de lusage qui peut en être fait. Les partisans de la seconde approche soulignaient la complexité des choix à opérer pour définir un type denchères qui évitent réellement les phénomènes de collusion ou autres risques de contentieux.
Mais surtout, de façon plus ou moins explicite, se posait la question de la continuité du marché du GSM avec celui de la 3G. À cette époque et pour diverses raisons, le 3G était présenté comme une plate-forme sans réelle continuité avec le marché de la 2G, même si on imaginait des mécanismes d « itinérance nationale » qui permettraient aux opérateurs ne disposant pas de licences GSM de bénéficier dune couverture globale pour la voix. Source : IDATE.
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On feignait de croire quil ny avait pas de logique fondée à voir les opéra- teurs GSM en place disposer des nouvelles fréquences 3G. En fait, cette ambiguïté et linterprétation des positions de la Commission se sont tradui- tes, dans tous les pays, par la définition dun nombre de licences UMTS qui dépassait le nombre dopérateurs GSM en activité, engageant une fragmen- tation excessive du marché européen : plus de soixante licences UMTS pour les quinze pays membres
Rétrospectivement, le débat entre enchère et soumission comparative qui est un sujet parfaitement légitime apparaît un peu secondaire au regard dun autre phénomène qui a un impact considérable sur la situation que lon connaît aujourdhui. Il sagit des valeurs astronomiques données aux abonnés mobiles au cours des transactions très nombreuses des années 1999 et 2000. Face à lémiettement mentionné du marché européen et de- vant la remarquable vigueur du développement des mobiles, tous les acteurs un peu significatifs ont cherché à acquérir des parts de marché à linterna- tional. Cela a déclenché une hausse inconsidérée des prix, particulièrement bien illustrée par lextraordinaire opération de Vodafone sur Mannesmann, suivie par le rachat dOrange par France Télécom (tableau 2).
2. La valorisation des abonnés mobiles lors des principales fusions/ acquisitions réalisées entre octobre 1999 et août 2000
Source : IDATE.
Opération Date Valeur de l’abonné
(en euros) Mannesmann Orange Octobre 1999 9 189 AT&T ACC Octobre 1999 5 829 Vodafone Mannesmann Novembre 1999 6 128 KPN E Plus Décembre 1999 3 269 Vodafone Airtel Janvier 2000 5 872 France Télécom Orange Juin 2000 5 720 NTT DoCoMo KPN Juillet 2000 11 848 Deutsche Telekom Powertel Juillet 2000 9 002 BT Viag Août 2000 7 389 Deutsche Telekom VoiceStream Août 2000 26 768
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Naturellement, ces prix largement surévalués pour les abonnés mobiles sinscrivent dans le contexte de ce qui est clairement apparu ultérieurement comme la bulle TMT1. Cette bulle était explicite dès la fin du premier tri-
mestre 2000 pour les valeurs de lInternet. Elle était toutefois encore large- ment masquée au cours de lété 2000 lorsque, tour à tour, les enchères sur les deux premiers marchés dEurope débouchèrent sur un prix de 630,5 euros par habitant (37,5milliards deuros) pour cinq licences au Royaume-Uni et de 609,9 euros (50,5 milliards deuros) pour six licences en Allemagne. Pour ce qui concerne les pays qui avaient opté pour la soumis- sion comparative, on observa deux cas de figure. Certains décidèrent dat- tribuer les licences aux opérateurs ayant fourni les meilleurs dossiers avec un prix très bas daccès aux licences. Ils furent parfois fortement attaqués : ne laissaient-ils pas une rente indue aux investisseurs ? Dautres décidèrent de fixer un prix qui tiendrait compte des niveaux atteints par les enchères, avec une décote. Cest le choix fait dans un premier temps par le gouverne- ment français au cours du mois daoût 2000 en arrêtant un prix de 4,95 milliards deuros pour chacune des quatre licences disponibles (soit 19,8 milliards de recettes escomptées, ou 329,5 euros par habitant). En fait, tout a été une question de timing. Il est fort probable que si la décision avait été dentrée prise en France de procéder sans délai par enchères, les ni- veaux de prix auraient avoisiné ceux atteints au Royaume-Uni ou en Alle- magne. Si les enchères sétaient effectuées tardivement dans lannée ou au cours du premier trimestre 2001, les prix seraient restés très raisonnables à linstar de ce qui a pu être observé dès le mois doctobre en Italie (où BT a contraint Blu à sortir des enchères), puis en Autriche, en Suisse, jusquà récemment les enchères danoises qui nont pas dépassé 95 euros par habi- tant pour quatre licences.
Au final on constate une hétérogénéité très grande des conditions dac- cès au marché dans les quinze pays membres, selon le prix payé, le calen- drier des versements, le nombre de licences, la durée dusage des fréquen- ces, les ressource spectrales attribuées, les exigences de couverture, la vi- tesse de déploiement, les obligations de R&D, etc. Cette hétérogénéité peut être la source de distorsions des règles de concurrence au sein du « grand marché européen ». Même si cest avant tout les conséquences des prix at- teints sur les trois principaux marchés Allemagne, Royaume-Uni et France qui aujourdhui nous préoccupent.
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