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EXPÉRIMENTATION ET CLINIQUE

A- ÉTATS DES LIEUX DES BATTERIES ET DONNÉES EXISTANTES

2- Praxies gestuelles et vieillissement normal

En dehors des quelques performances de groupes contrôles présentées dans les travaux traitant de l’apraxie, il existe très peu de données sur l’examen des capacités praxiques chez des groupes de sujets sains.

Les premiers travaux que nous retrouvons en ce sens sont dus à Ska, 1994 (voir également Ska et Nespoulous, 1987). Son travail est divisé en deux parties. La première partie traite des gestes significatifs. Les gestes proposés sont classés en 9 catégories suivant qu’ils sont unimanuels ou bimanuels, simples ou complexes, produits une seule fois ou répétés. La production est une imitation différée (juste après la présentation). Pour cette partie, 54 sujets sont répartis en deux groupes, 23 en dessous de 65 ans et 31 au dessus de 65 ans. L’étendue va de 56 à 84 ans, il y a 34 femmes et 20 hommes. D’après les analyses de l’auteur, les sujets plus âgés ne se comportent pas de manière significativement différente des sujets jeunes. En revanche, la présentation des résultats nous montre bien que les sujets sains sont loin de réussir parfaitement tous les types de gestes puisque le pourcentage de réussite pour les 36 gestes proposés s’étale de 9,4 à 96,3 %. Les facteurs de variabilité se retrouvent au niveau du nombre de répétition et de la complexité du geste, nombre de postures ou de membres sollicités. La seconde partie de ce travail s’intéresse aux mimes d’action. Les 42 gestes respectent plusieurs dissociations, ils sont somato-centrés ou extéro-centrés, unimanuels ou bimanuels, simples ou complexes (impliquant plusieurs positions). Ils sont produits sur commande verbale. Les premières analyses ne montrent pas, non plus, de différence entre des sujets de 55 à 65 ans et de sujets de plus de 65 ans, la suite des résultats est donc présentée pour trois groupes d’âge : 20-30 ans, 40-50 ans et plus de 55 ans. Les performances du groupe âgé sont toujours inférieures à celles des deux groupes plus jeunes. Les erreurs de type assimilation du corps à l’objet sont très présentes, cela rejoint le travail ultérieur de Peigneux et Van der Linden (1999) qui confirme dans une large étude de groupe (160 sujets sains) l’influence de l’âge et du niveau d’éducation sur ce type d’erreurs (voir également Ska et Nespoulous, 1987). Pour autant, les performances des plus jeunes ne sont pas, non plus, parfaites pour tous les types de gestes. Dans l’ensemble, il apparaît que les erreurs sont plutôt relatives à la précision des gestes produits mais pas à leur représentation globale, ils sont toujours reconnaissables. Enfin, ces données placent un seuil de déclin, pour les capacités praxiques, autour de 55 ans.

Cavalcante et Caramelli (2009) proposent d’examiner l’influence des variables démographiques sur un protocole d’évaluation de l’apraxie. Ils examinent 96 sujets (48 femmes et 48 hommes) droitiers sans antécédents neurologique ou psychiatrique, répartis en deux groupes d’âge : 60-74 ans et 75-88 ans et quatre niveau d’études : illettrés, 1-3, 4-7 et supérieur ou égal à 8 années d’études. Le protocole d’évaluation est celui de Ska et al. (1997), 17 gestes unimanuels : pantomimes d’utilisation d’objets (n=6), gestes symboliques (n=4) et gestes non significatif (n=7), sur commande verbale (pas les gestes non significatifs) et sur imitation. Chaque geste est noté sur deux points pour un total de 54 points. Les sujets utilisent la main droite ou les deux. Il n’apparaît pas de différence entre les deux conditions, imitation et commande verbale. Le genre ne joue pas sur les performances. En revanche, il apparaît une différence significative entre les deux groupes d’âge, autant pour l’imitation que la commande verbale et ce, pour les gestes symboliques et sans signification. Un effet significatif de l’âge est également mis en évidence, les sujets présentant un nombre d’années d’études supérieur ou égal à 8 sont meilleurs que les trois autres groupes et les sujets illettrés présentent des capacités significativement inférieures aux trois autres groupes. Les auteurs fournissent également des données sur la fidélité inter-juge et test-retest qui tend est assez bonne dans l’ensemble.

Peigneux (2000) apporte également des données recueillies avec la BEP auprès de 15 sujets droitiers âgés de 58 à 77 ans. En premier lieu, il n’apparaît aucune erreur dans la manipulation concrète d’objets, tout en sachant que cette épreuve teste cette dimension de manière très réduite. Ensuite, il apparaît significativement plus d’erreurs simples (non consistantes) pour les gestes unimanuels gauches que pour les droits. Les erreurs les plus fréquentes sont les erreurs spatiales dont la fréquence augmente pour l’imitation de gestes non-significatifs, ce qui ne nous paraît pas très étonnant puisque cette dimension y est particulièrement présente et qu’il est finalement assez difficile d’y trouver d’autres types d’erreurs ! Par ailleurs l’auteur retrouve également dans cette tâche une importante variabilité interindividuelle. Les performances dans les épreuves de réception de gestes montrent de bonnes capacités de discrimination des gestes chez les sujets âgés mais nous savons que cela dépend des modalités de présentation et de questionnement des sujets comme le montrent les travaux d’Osiurak et al. (2011). Malheureusement, l’auteur ne donne pas de précision sur l’influence des variables démographiques sur les différentes épreuves, peut être du fait d’un échantillon restreint.

Le Test Lillois d’Apraxie Gestuelle (Anicet et al., 2007) offre une normalisation réalisée sur 48 sujets sains qui se distinguent suivant 3 critères :

- Age : 20-34 ans, 35-49 ans, 50-64 ans et 65-80 ans.

- Education : 1 (durée de scolarisation inférieure ou égale à 8 ans), 2 (scolarisation supérieure à 8 ans et inférieure à 12 ans) et 3 (scolarisation supérieure à 12 ans). - Sexe.

D’après les résultats, l’influence de l’âge se retrouve au niveau de l’imitation de gestes non significatifs digitaux, l’imitation totale de gestes non significatifs et la connaissance sur les séquences d’action. Une tendance proche de la significativité se retrouve également pour la dénomination et la reconnaissance des gestes d’utilisation. Les performances sont généralement plus faibles pour les sujets âgés de plus de 65 ans qui sont également plus lents dans les tâches d’appariements fonctionnels et de connaissances des séquences d’action. Le niveau d’éducation agit discrètement sur les connaissances des séquences d’action. Le sexe n’a pas d’influence notable sur les performances mais un effet, lenteur des hommes, se retrouve sur certains temps de passation. Sinon, les performances pour la tâche d’évaluation de l’utilisation réelle d’objets plafonnent et ne permet donc pas d’analyse.

Comme nous l’avons déjà évoqué, Vanbellingen et al. (2010) examinent un groupe conséquent de sujet sains (n=50). Malheureusement, l’étendue d’âge de ce groupe est très importante, de 43 à 93 ans, et aucune différence n’est faite sous forme de classe d’age. Les effets des variables démographiques ne sont pas analysées. Notons néanmoins que les échelles proposées ne montrent pas d’effet plafond ni plancher, aucun des sujets sains n’obtient la note maximum ou la note minimum dans un subtest.

Bartolo et al. (2008) examinent également un vaste groupe de sujets sains (n=60) dont l’étendue d’âge va de 17 à 81 ans. Mais ils précisent que, d’après leurs résultats, ni le sexe, ni l’âge des participants n’interagit avec les performances dans les épreuves. Cela leur permet de considérer le groupe entier comme homogène, notamment pour fournir des scores seuils aux épreuves. Les auteurs soulignent des effets plafond pour l’utilisation d’objets isolés et l’imitation de gestes (significatifs ou non). L’identification de gestes et de pantomimes est parfaitement réalisée. La reconnaissance de gestes et de pantomimes est satisfaisante et amène généralement peu d’erreur.

Power et al. (2010) proposent la FABERS à 16 sujets sains droitiers âgés de 55 à 83 ans. D’après les analyses statistiques, les performances de huit épreuves sur les treize présentent une distribution normale. Ceci est une première observation intéressante, nombreuses épreuves neuropsychologiques ne bénéficient pas de cette qualité psychométrique. Néanmoins, de nombreuses épreuves de la FABERS se caractérisent par un effet plafond. Par ailleurs, peu de corrélations significatives sont retrouvées entre les épreuves. Les tâches de pantomimes sous différentes modalités de présentation et d’exécution sont corrélées entre elles. La dénomination est évidemment associée à la production de pantomimes sur consigne verbale et la sélection d’objets est corrélée à la production de pantomimes sur présentation photographique des objets. Quelques corrélations négatives apparaissent entre l’imitation de gestes non significatifs et la reconnaissance de pantomimes. Par contre, aucune corrélation ne se retrouve entre les gestes transitifs et intransitifs, ce qui plaide en faveur du maintien de cette distinction même si dans cette batterie aucune tâche n’implique une utilisation réelle des objets mais seulement des pantomimes. L’ensemble des résultats amène les auteurs à conclure à des apports positifs pour la validation du modèle de Rothi et al. (1991, 1997a) concernant la distinction de différentes modalités d’entrée et la distinction d’une voie directe et d’une voie indirecte. De même que Peigneux (2000), aucune précision n’est fournie sur l’influence des variables socio-démographiques.

Ces données apportent des résultats intéressants mais souvent peu cohérents sur les rapports entre les capacités praxiques et les variables démographiques. La question d’un seuil d’âge pour un éventuel fléchissement normal des capacités praxiques, par exemple, n’obtient pas de réponse constante. Le sexe ne semble pas jouer véritablement, hormis pour quelques résultats isolés chez Anicet et al. (2007). L’influence du niveau socio-culturel semble également mince sauf chez Cavalcante et Caramelli (2009) qui montrent un effet des extrêmes. Précisons que l’ensemble de ces données concerne de nombreuses épreuves praxiques intéressant différentes modalités d’entrée, mais très peu l’utilisation réelle d’objets. En revanche, lorsque c’est le cas, un effet plafond et peu d’influence des variables socio- démographiques semblent apparaître.