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Introduction du chapitre 2 57 La place de l'alerte dans la chaîne de la prévision

2.1. La place de l'alerte dans la chaîne de la prévision

2.1.1. La prévision : un terme générique chargé de nombreuses incertitudes

Définition générale

La prévision est une indication donnée sur l’occurrence et la qualification d’un aléa naturel sur une zone donnée (AFPCN et IMDR, 2012). Elle est définie par les Nations-Unies comme étant une estimation statistique déterministe, renvoyant à la probabilité d’un événement à venir ou d’être confronté à des conditions spécifiques pour une zone déterminée (ISDR, 2009). Elle a pour objectif de se positionner comme première source de référence pour la formulation des messages de prévention, longtemps avant l’arrivée du phénomène prévu. On peut parfois la confondre avec la prévention, qui a pourtant un sens différent : mettre en place des activités ayant pour but d’éviter les impacts négatifs éventuels du phénomène prévu (par le biais de mesures prises à l’avance, dites mesures préventives). Vue sous cet angle, la prévention rejoint la notion d’anticipation : une réaction associée à la prévision à court terme. Même si elle est avant tout relative à une opération de l’esprit partant d’une prévision du futur, l’anticipation concerne et implique surtout une action que l’on réalise avant un moment attendu ou prévu. On parle également de réaction d’anticipation pour qualifier la réaction adaptative précédant l’action à laquelle correspond l’adaptation. Cette dernière se manifestant soit à la suite de l’établissement d’une dynamique, soit par conditionnement à un stimulus précurseur. Par extension, elle peut également correspondre à l’intervalle de temps situé entre la vigilance et l’alerte. À ce niveau on sait qu’un évènement potentiellement dangereux va bientôt se réaliser. Dans l’attente, on prend les dispositions qui s’imposent, jusqu’à ce que sa venue soit confirmée par l’alerte.

La volonté de prévoir n’est pas nouvelle et elle a fait l’objet de nombreux travaux dans divers domaines : la démographie (Calot et Nadot, 1977), le transport (Bonnel, 2002), le tourisme (Thanh, 2010), la gestion des ressources (Singla, 2012) ou même l’environnement (Dubois, 2012) pour ne citer que quelques domaines. Par opposition, l’alerte est un terme utilisé par tous, souvent à tort et à travers, notamment en France. Le terme est privilégié pour les opérations des services de la sécurité civile. Cependant, du fait qu’elle soit basée sur l’expérience et contienne une dimension hautement probabiliste, celle-ci est confrontée à la difficulté qu’il est impossible de prévoir l’imprévisible. Aussi, comment prévoir ce à quoi on n’a jamais été confronté, tout en sachant que les paramètres d’entrée ou les conditions initiales environnantes ou amorçant le phénomène ne sont jamais les mêmes ? C’est en cela que la prévision, à la différence de la mesure, n’est jamais exacte et contient un degré d’incertitude élevé. Initialement, ce terme se rapporte à un discernement de l’esprit grâce auquel on annonce des événements futurs. Il est associé à l’observation d’un ensemble de données issues d’une situation initiale, qui permet d’envisager ou de connaître par avance, par déduction, par calcul, voire par une mesure scientifique, une situation future et d’entreprendre des actions pour y parer concrètement.

Bien que large et générique, la prévision fait l’objet d’une subdivision en plusieurs catégories : elle correspond à une période de 3 à 6 heures pour la prévision d’urgence (nowcasting), de 6 à 24 heures pour la prévision à court terme (short range forecasting), de 3 à 24 mois pour la prévision à moyen terme, dite saisonnière (medium range forecasting) (Collier et Krysztofowicz, 2000). Pour les prévisions allant au-delà d’un an, on parle cette fois-ci de scénario (long range forecasting), car, à ce

niveau, il s’agit de tenir compte de la variabilité climatique (NU, 1992) sur plusieurs années. Pour A. Viaut (1969), la « Prévision du temps », même à courte échéance, ne peut être entreprise avec quelques chances de succès par un observateur isolé. Elle exige des moyens considérables, dont seul peut disposer un service national. Pour G. Lambert (1996), prévoir c’est observer très attentivement l’atmosphère. Selon lui, cette observation doit être effectuée avec la technologie (capteurs, radars, ordinateurs), mais aussi et surtout avec l’œil humain, afin d’en évaluer la qualité.

Au-delà de la production ou de la lecture d’une carte ou d’une image radar, l’observation doit conduire à une analyse critique approfondie de ce que l’on voit afin de l’expliquer, en gardant précieusement à l’esprit que ce qui est observé a au départ été modélisé et ne correspond donc pas entièrement à la réalité. En effet plusieurs échecs relatifs de prévision peuvent être expliqués par des faiblesses de l’analyse dont une révision même mineure est souvent suffisante pour améliorer

Application dans le domaine hydrométéorologique en France

Dans le domaine hydrologique, les dispositifs en place ont surtout pour objectif de déterminer les caractéristiques de l'aléa (crue) : débit, hauteur d'eau, moment de l’apparition et durée en différents points du bassin versant (DREAL, 2014). Les modèles sont empiriques, conceptuels ou combinant ces deux types. Les modèles empiriques font appel à des équations mathématiques sans rapport avec la physique du système. Ces modèles impliquent un réseau de mesures relativement dense et étendu. Les données d’entrée sont en principe des données collectées sur le terrain ou par télédétection (Thierion, 2010 ; Tucci et al., 2006). Les modèles conceptuels utilisent un ensemble de concepts hydrologiques pour simuler le comportement du bassin. Ils se composent en général de deux éléments principaux : a) un module de précipitation et d’écoulement, qui transforme la précipitation en écoulement en faisant intervenir le bilan hydrique des composants hydrologiques tels que l’interception, la zone pédologique supérieure, l’écoulement souterrain et le ruissellement de surface ; et b) un module de cheminement qui simule l’écoulement dans les rivières et réservoirs (Thierion, 2010 ; Tucci et al., 2006).

La prévision cherche à capitaliser une certaine connaissance historique afin de produire une construction mentale qui aboutira à une interprétation la plus précise possible de l’état de l’atmosphère à un instant donné ainsi que des conditions suivant lesquelles il se développe à partir d’un état précédent (Bjerknes, 1904). Une fois convaincu de la justesse de son interprétation le prévisionniste doit de reformuler cette dernière dans un langage accessible et compréhensible à la population afin qu’elle puisse véritablement comprendre ce qui se prépare. Ce travail de reformulation se traduit en amont par la mise en vigilance. Elle est élaborée en quatre étapes : 1) l’observation, 2) l’assimilation des données observées (exemple : représentation du temps qu’il fait), 3) la simulation de l’évolution de l’atmosphère au moyen de modèles numériques et 4) l’analyse des résultats par les prévisionnistes.

Pour anticiper les aléas, Météo-France s’appuie tout d’abord sur les données recueillies par les réseaux de capteurs de l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM), basées sur le Système Mondial d’Observation (SMO) : stations au sol, radars météorologiques, radiosondes et observatoires répartis sur le territoire. Météo-France dispose ensuite de son propre Réseau d’Acquisition et de Données d’Observation Météorologique Etendue (RADOME) pour la surveillance et la prévision immédiate des conditions météorologiques à échelle infra départementale, et d’ARAMIS (Application Radar A la Météorologie Infra Synoptique), étendue grâce à PANTHERE (Projet ARAMIS Nouvelles Technologies en Hydrométéorologie, Extension et REnouvellement). Ce dernier constitue un réseau de plus de 24 radars météorologiques exploités en vue d’évaluer le risque pluviométrique grâce à une meilleure estimation régionale des taux de pluie et du type de précipitations. Les données collectées vont ensuite alimenter 2 modèles : ARPEGE (Action de Recherche Petite/Echelle Grande Echelle), ALADIN (Aire Limitée, Adaptation dynamique, Développement International) et AROME (Application de la Recherche à l’Opérationnel à Méso-Echelle) (Tableau 2.1).

Systèmes Résolution

Spatiale

Données en Entrée Résolution temporelle

(prévision)

Couverture

ARPEGE 10 km 3 jours Ensemble du globe

ALADIN 10 km Sorties ARPEGE 1,5 jour Europe de l’Ouest AROME 1,3 km Sorties ALADIN et

données in situ Quelques heures

Territoire métropolitain

Source : Météo-France (2015)

Tableau 2.1 : Caractéristiques de quelques modèles météorologiques employés par Météo-France. Le réseau RADOME était constitué en 2012 de 554 stations en métropole (une tous les 30 km) et 67 en Outre-Mer, permettant d’effectuer des mesures et de transférer à intervalles réguliers (toutes les 6 minutes, toutes les heures ou une fois par jour) des données qui servent (depuis le centre Météo- France de Toulouse) selon les paramètres à divers besoins allant de l’aéronautique à la climatologie en passant par la prévision immédiate (nowcasting) (Fig.2.3).

Source : Météo-France (2012)

: stations du réseau de la veille météorologique mondiale VMM (44) ; : stations installées sur une plateforme aéroportuaire (52) ;

: 4 paramètres de base (vent, température, humidité et précipitations) du réseau national (458).

Figure 2.3 : Carte du réseau RADOME des stations en métropole (Situation au 31 décembre 2012).

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