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L’avertissement : une mise en garde face à la survenue plausible d’un aléa

Introduction du chapitre 2 57 La place de l'alerte dans la chaîne de la prévision

2.1. La place de l'alerte dans la chaîne de la prévision

2.1.3. L’avertissement : une mise en garde face à la survenue plausible d’un aléa

Définition générale

L’avertissement traduit une action : provenant du latin "advertere", il signifie « tourner, diriger

vers » (son esprit ou quelque chose) ou « faire attention à… » (Dictionnaire étymologique du CNRTL, 2012). Autrement dit, cela sous-entend le fait d’attirer l’attention d’un individu ou d’une société sur une action déterminée à accomplir. C’est également un appel à l’attention de quelqu’un, un rappel à l’ordre, une mise en garde pour le garder d’une chose fâcheuse, le détourner d’une action, d’un danger.

Les termes « avertissement » et « alerte » sont parfois confondus pour désigner l’action d’une seule autorité : le service de prévision hydrométéorologique. En Belgique par exemple, l’Institut Royal Météorologique (IRM) possède un système de détection de la foudre permettant de détecter les coups

de foudre au sol, mais aussi les éclairs intra-nuages. Moyennant un abonnement payant, un service dit « d’avertissement » par SMS est proposé (Reyniers, 2008). Toutefois le descriptif10 détaillé de ce système peut vite entraîner une confusion entre ces termes : « Les utilisateurs du service SMS peuvent être avertis de l’arrivée d’un orage grâce à des messages envoyés sur leur GSM…. Un premier message de pré-alerte est envoyé lorsque des éclairs sont détectés dans un rayon de 15 km autour du lieu spécifié par l’utilisateur. Un message d’alerte est ensuite envoyé si des éclairs sont détectés dans un rayon de 8 km. Après une pré-alerte ou une alerte, un message de fin d’alerte est envoyé lorsqu’aucun éclair n’a été détecté dans un rayon de 15 km pendant une période de 45 minutes ».

Cela s’observe aussi lorsque l'on s'intéresse au système « d’avertissement » météorologique que propose également l’IRM (2011) en Belgique (2011). L’ambigüité subsiste11 donc : « Un niveau d’alerte (jaune, orange ou rouge) est assigné à ces avertissements en fonction du degré d’impacts attendus ainsi que de la probabilité du phénomène concerné…… Un avertissement de niveau jaune est émis sur une province dès que des visibilités inférieures à 500 m sont prévues en de nombreux endroits de cette province… La zone orageuse avait en effet très bien été prévue et avait fait l’objet d’un avertissement de niveau « jaune. ». Étant donné qu’en France l’usage du terme « alerte » relève

du maire et des services de la sécurité civile, il est courant de constater que le terme « avertissement » est utilisé par les services de prévision quand ils veulent s’adresser directement aux populations.

Application dans le domaine hydrométéorologique en France

Deux dispositifs12, nommés AIGA (Adaptation d’Information Géographique pour l’Alerte) et APIC (Avertissement Pluies Intenses à l’échelle des Communes) illustrent bien cette action d’avertir. Ils sont déjà opérationnels (depuis 2011 pour APIC ; depuis 2013 dans le sud-est pour AIGA, ce dernier étant en phase d’expérimentation sur l’ensemble de la France pour être actif en juillet 2016).

En se basant sur la comparaison des pluies de référence SHYREG qui signifie régionalisation de la méthode SHYPRE (Simulation d’HYdrogrammes pour la PREdétermination des crues) (Lavabre

et al., 2003) on qualifie le caractère intense, voire très intense de l’évènement pluvieux en cours. C’est

la partie AIGA « PLUVIO » et on parle de « caractérisation de l’aléa PLUIE ». Les données observées et transmises en temps réel, servent aussi à anticiper une inondation par ruissellement ou une crue rapide avec un préavis relativement court (à l’aide du modèle de transformation PLUIE - DEBIT GRD). Le franchissement de certains seuils de quantités de précipitation est un bon précurseur de conséquences hydrologiques de type ruissellement en zone urbaine ou crues rapides de petits cours d’eau (Fig. 2.6). Ce système compare ensuite les données des radars hydrométéorologiques avec les cumuls historiques observés au même endroit afin de déterminer leur caractère (intense, très intense), là aussi en fonction de certains seuils prédéfinis. C’est la partie AIGA « HYDRO ». Cette fois on compare les observations avec les débits de référence (SHYREG).

Source : Lavabre et Gregoris (2005)

Figure 2.6 : Principe de fonctionnement de la méthode AIGA.

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La méthode AIGA anticipe finalement les variations de débit des cours d’eau observés et cela aboutit à un niveau d’avertissement hydrologique, basé sur trois seuils correspondant à trois périodes de retour : 2 ans : bleu (T2), 10 ans : violet (T10) et 50 ans : rose (T50) (Saint-Martin, 2014). Un lien avec les dégâts potentiellement craints est actuellement à l'étude (thèse de Saint Martin à l'IRSTEA) et les inondations à La Londe-les-Maures (survenues le 19 janvier 2014) ont été l'occasion de tester une nouvelle méthode (pour affiner la qualité de l'avertissement), en intégrant des données relatives à l’occupation des sols : présence d'enjeux, degré d'exposition, endommagements possibles (Fig. 2.7). À partir de la pluviométrie observée (entre 180 et 250 mm), Saint-Martin a obtenu des données de débit qui ont pu conduire aux déclenchements d'avertissement de crue relatifs à plusieurs cours d’eau dont le Maravenne et le Pansard (Fig. 2.7). Les premiers essais montrent les limites de l'usage restrictif de la méthode AIGA-Hydro : tandis que le Maravenne a reçu un avertissement maximum pour une crue de période de retour de 50 ans (T50), le Pansard a été concerné par un avertissement maximum pour une crue de période de retour de 10 ans (T10), mais c'est bien le long de ce tronçon, et notamment dans la partie aval urbanisée, que les dégâts ont été les plus importants (Saint-Martin, 2014).

Source : C. Saint-Martin (2014)

Figure 2.7 : Gravité et niveaux d’avertissement lors des inondations du 19 janvier 2014 à La Londe-les-Maures.

De son côté, le dispositif APIC fournit une carte des communes concernées par des pluies de forte intensité en temps réel. APIC signale toutes les communes (abonnées ou non) au sein desquelles l’estimation de la lame d’eau est supérieure à certains seuils. Mise à la disposition des maires et des préfets et des services de la sécurité civile français, cette carte leur est accessible via l’extranet APIC (https://apic.meteo.fr.) (Fig. 2.8). Un message d’avertissement est transmis par SMS, mail et message vocal (au choix) à cinq personnes ressources identifiées sur une commune. Une commune peut aussi s’abonner aux avertissements que reçoivent des communes voisines (10 au maximum), en particulier sur les communes situées en amont pour anticiper les ruissellements et les éventuels débordements à venir. Ce service n’est toutefois disponible que sur les communes dans les zones où l’estimation des cumuls de pluie par le radar est satisfaisante. En outre, il peut lui arriver d’être indisponible quand la qualité de la mesure radar se dégrade temporairement ou parfois manquer de précision en envoyant des

Source : Météo-France (2011)

Figure 2.8 : Extranet et message SMS APIC.

Si les systèmes AIGA et APIC sont des initiatives portées par des structures parapubliques (IRSTEA et SCHAPI), certaines communes ont engagé des démarches individuelles pour se doter de leurs propres systèmes d'avertissement qui leur permettent de garantir une meilleure gestion des crues locales. C’est le cas de Nîmes, par exemple, qui a initié en 2004 le projet ESPADA (Evaluation et Suivi des Précipitations en Agglomération pour Devancer l’Alerte). Sujette à des crues qui peuvent être meurtrières (1963,1988, 1990, 1998), la ville de Nîmes a encouragé la mise en œuvre d'un tel dispositif « clé en main » pour répondre à trois principales prérogatives : 1) le suivi et la prévision hydrométéorologique pour anticiper des évènements pluvieux, 2) la gestion des alarmes et des alertes, 3) la gestion des plans de parade (Raymond et al., 2007).

Source : Raymond et al. (2007)

Opérationnel depuis 2005, ce système récolte et valide diverses données hydrométéorologiques (images radar, prévisions des précipitations à 1h30 maximum et capteurs pluviographiques et limnigraphiques) sur des bassins versants de quelques km², pour identifier le scénario d’aléa le plus vraisemblable (Fig.2.9). Ce scénario est ensuite intégré dans deux modèles mathématiques : le GR4 du CEMAGREF pour les zones rurales (Editjano et Michel, 1989 ; Perrin, 2000) et le modèle RERAM pour les zones urbanisées (Chocat, 1997). Ces données permettent de faire correspondre ce scénario à des niveaux d'avertissement associés au plan de crise de la ville de Nîmes :

‐ niveau 1 : mise en vigilance du personnel d’astreinte à partir des bulletins Météo ‐ niveau 2 : faibles débordements du réseau d’eaux pluviales, inondation des points bas ‐ niveau 3 : début du débordement des cadereaux et à la limite d’efficacité des retenues amont ‐ niveau 4 : inondation grave généralisée, risque humain.

Le système ESPADA est géré par un Système d’Information Géographique (SIG) qui permet la mise à jour des données (aléa, vulnérabilité et risque) en temps différé et le changement de scénario en temps réel (Raymond et al., 2007). Il est transposable à d’autres crues urbaines (qui nécessitent la même acuité temporelle et la mise en œuvre rapide d'une information à destination des habitants).

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