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Introduction du chapitre 2 57 La place de l'alerte dans la chaîne de la prévision

2.1. La place de l'alerte dans la chaîne de la prévision

2.1.4. L’alerte : un danger imminent qui signale le temps de l'action

Définition générale

Dérivé de la locution adverbiale, "estre a l’herte" c’est-à-dire « être sur ses gardes, sur le qui- vive », l’alerte se manifeste par une inquiétude subite, qui se concrétise sous la forme d’une alarme ou d’un appel confirmant un danger imminent. L'alerte engage à prendre les dispositions nécessaires pour l’éviter et elle se place dans le temps de l'action ; elle a un caractère bidirectionnel dans la mesure où on peut également alerter les autorités. Dans un autre sens, il peut s’agir du signal prévenant une force militaire d’une attaque ennemie, lui imposant de prendre les mesures de sécurité voulue et de se tenir prête à intervenir. En cas de maladie, de sinistre ou d’appel à l’aide, doublée d’une demande d’intervention et d’assistance immédiate, cette alerte s'adresse directement à la personne ou aux organismes compétents (médecin, pompiers...) (AFPCN et IMDR, 2012). Elle naît sur fond de veille, de surveillance ou d’attention et suppose l’activation d’une mémoire, qu’elle réponde à un phénomène en train de se produire ou à une éventualité, à l’imminence d’une catastrophe ou à l’évaluation d’un risque mal connu ou sous-estimé (Chateauraynaud et Torny, 1999). Se pencher sur les éléments fondamentaux de l’alerte implique de retenir spontanément l’idée générale d’une transmission, opérée entre un observateur et des personnes qui ne peuvent observer ou qui ne sont pas en contact avec le phénomène observé (Créton-Cazanave, 2010). Il existe donc une certaine distance à franchir, qu’elle soit physique ou mentale, et cela suppose de faire appel à un messager qui va :1) transporter l’information pour que le signal d’alerte parvienne à son récepteur (donc sans la modifier), et 2) la livrer de manière adéquate afin que les destinataires en comprennent le sens (Bourrelier et al., 2000).

Au-delà de ces aspects sémantiques, il faut bien distinguer différents types d'alertes, classés en fonction d'une temporalité pas toujours facile à circonscrire. L’alerte "classique" (warning) se base sur

un système de prévision urgentiste et dans un délai court (moins de 6h avant l’évènement). L'alerte d’urgence (nowcasting) est un signal donné avec une plus forte acuité temporelle, en allant de 1h à 6h

en avance en fonction des observations mises à jour fréquemment. Cette alerte d'urgence englobe une description de l’état actuel de l’atmosphère et anticipe la façon dont l’atmosphère va évoluer au cours des futures minutes, voire des prochaines heures (Mass et Mass, 2011). Ces prédictions font donc appel à des observations qui sont disponibles en temps pseudo-réel (c'est-à-dire au plus proche du réel) et elles sont dynamiques (en lien avec l’évolution et le déroulement des événements concernés). Ce terme s’applique aussi à des conditions de prévision dans les 30 prochaines minutes pour un site spécifique, par exemple la survenue probable de micro-rafales dans un aéroport (Oxford Dictionary of Weather (2e éd., 2008). Dans tous les cas, l'apparition d’un danger (« severe warning ») est le point de

Traditionnellement l'alerte précoce se décline en 3 phases : 1) l’observation ou monitoring en vue de détecter des signes avant-coureurs, 2) les prévisions des évènements probables et 3) l’émission de l’alerte. Pour une inondation, cette alerte précoce englobe une alerte et l’émission de messages (disant en substance que le changement climatique entraîne l’augmentation du risque de précipitations extrêmes par exemple), ce qui aurait comme réponses la mise à jour continuelle des cartes de risque et l’identification de groupes vulnérables, ou des actions de reboisement et de renforcement de maisons. Pour un cyclone, un typhon ou un ouragan, les messages d’alerte précoce peuvent avoir la même teneur (i.e. l’augmentation de la probabilité d’apparition de tels phénomènes), mais les réponses d’urgence préconisées seraient de prendre des mesures de prévention, d’atténuation ou de préparation en construisant des maisons et des abris résistants, voire de mener des plaidoyers pour un respect strict des codes de construction. De plus, ces dispositions seraient complétées par des séances de formation au sein des communautés identifiées comme vulnérables, et induiraient donc des actions différentes tout en connaissant le poids des incertitudes face à de telles décisions. Plusieurs retours d’expérience confirment également qu’une alerte précoce n’est efficace que si elle est immédiatement suivie d’une réponse (Fig. 2.10) et avant tout centrée sur la population à risque (IFRC, 2008 ; UNEP, 2012 ; Mercy Corps et Practical Action, 2010 ; Bogardi et al., 2006). L’objectif des systèmes d’alerte précoce axés sur la population est finalement d’encourager les individus et les communautés menacés à agir à temps et de façon adaptée de façon à réduire les risques de blessures, de décès et de dégâts matériels et sur l’environnement (United Nation, 2006), tout en étant très contestable, car très délicate.

Source : Kouadio (2014)

Figure 2.10 : Les étapes d’un système d’alerte précoce efficace.

Finalement, à la différence de la vigilance (qui est un état d’esprit qui s’adopte, se pratique, se construit ou se maintient), l’alerte se comprend plus facilement, car elle est synonyme d'une action qui est déclenchée par un signal caractéristique : l'alarme. Celui-ci est un signal univoque (ou un stimulus) qui doit déclencher des comportements pré-organisés et planifiés (Créton-Cazanave, 2010).

Cela passe alors par une définition en amont de la situation dangereuse afin d’en tirer des indicateurs qui, une fois consolidés, deviennent des seuils pour la déclencher. Le signal associé à une alarme n’est toutefois pas discutable : aucune place ne doit être laissée à l’évaluation de la situation. Dès lors, "alors que l’alerte stimule et impose l’interprétation, l’alarme la clôture" (Créton-Cazanave, 2010).

Application dans le domaine hydrométéorologique en France

Dans ce domaine, l’alerte traduit la survenue indéfectible d’un aléa (= crue) qui aura des effets dommageables sur la société (= inondation). Une fois qu’elle est donnée, l’alerte doit se traduire par une conscience effective du risque en cours et par une réaction appropriée. Compte tenu de la gravité des situations qu’elle annonce, cette tâche incombe uniquement aux Etats et aux services de sécurité civile. En France, dans une approche régalienne et très jacobine (Vinet, 2010),c'est l'État qui contrôle, administre et effectue l'alerte aux inondations (crues dommageables), en s'appuyant sur des services spécialisés. C'est aussi l'État qui est en charge d'en diffuser l'information jusqu'à la population. Certains dispositifs existent parfois de manière "alternative", mais à des échelles locales et en réponse à des enjeux territoriaux spécifiques. Ce terme d’alerte étant au cœur de cette recherche, les dispositifs existants ou en cours doivent alors être détaillés avec soin dans les sections suivantes.

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