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Présentation des expériences en canal de laboratoire à l’Insa

Partie III : test du code de calcul

2. Présentation des expériences en canal de laboratoire à l’Insa

Le code RubarBE a été développé afin de rendre compte de l'évolution morphologique d'un bief soumis à un écoulement monodimensionnel. De précédentes études (Balayn [1996], Ben Letaief [1997]) ont montré l'intérêt de ce type de code mais sans pouvoir tester les différentes hypothèses simplificatrices adoptées. En particulier, le phénomène étudié était très transitoire et il était impossible de séparer les phénomènes afin d'évaluer correctement l'influence des divers paramètres de réglage. Afin de progresser dans l'étude d'un tel code de bilan, il a semblé essentiel de disposer d'expériences suivant l'évolution d'un dépôt de sédiments sous l'effet d'un débit permanent et dans des conditions clairement connues.

Une hypothèse assez forte repose sur la modélisation monodimensionnelle du problème. En effet, la variabilité des paramètres de l'écoulement est gommée à l'intérieur d'une section perpendiculaire à l'axe du canal. Au niveau hydraulique, ceci est parfaitement justifiable dans la géométrie retenue. L'objectif des expériences est d'estimer les limites de cette hypothèse si l'on considère le transport des sédiments.

D'autre part, la résolution du problème du transport de matière exige de disposer d’une relation donnant le débit solide en fonction des conditions de l'écoulement. Pour ce faire, nous nous appuyons sur une formule de capacité solide corrigée par une loi de chargement. Il existe plusieurs formules de capacité et quelques lois de chargement. Les expériences sont alors l'occasion de comparer quelques approches.

Une autre hypothèse majeure de la modélisation concerne les frottements. En effet, dans le calcul liquide, ils sont pris en compte par la formule de Manning-Strickler. Or ce type de formule mettant en jeu des paramètres globaux n'a de validité qu'à l'échelle du bief. Il est alors intéressant de savoir comment les variations ponctuelles de rugosité liées à la présence ou non des sédiments affectent le coefficient de frottement global. Par ailleurs, cette formule a été établie dans des canaux expérimentaux à fond fixe. Lorsque le fond se déforme, et en particulier en présence de dunes, il convient de vérifier si l'emploi de cette formule conduit à un calcul acceptable de la ligne d'eau et de la déformation.

2.2. Description du canal

Le Laboratoire de Mécanique des Fluides de l'Institut National des Sciences Appliquées (Insa) dispose d'un canal expérimental dans lequel nous avons pu mener les expériences. Il s'agit d'un bief homogène de section rectangulaire à parois vitrées avec un fond en PVC. Ses caractéristiques sont résumées ci-dessous :

– longueur totale de 9 m, mais longueur utile de 8,88 m car les plaques recouvrant le fond du canal ne courent pas jusqu'au bout de celui-ci, créant une discontinuité en bout de radier. De plus, les mesures en bout de canal sont malcommodes;

– largeur de 0,25 m;

– tirant d'eau maximal de 0,50 m; – pente réglable entre environ ± 5 %;

– persiennes réglables à l'extrémité afin de contrôler la condition limite aval; – débit réglable de 0 à environ 20 l/s (mais la vanne est peu précise).

2.3. Protocole de mesures

Caractérisation des sédiments

Les sédiments ont été choisis avec soin : leurs caractéristiques doivent être stables et connues assez précisément. Nous avons opté pour un sable roulé provenant des gravières du Rhône, la "silice de type G3". Les grains sont quasiment sphériques.

La granulométrie a été mesurée selon le protocole défini par la norme NF XP P18-540 de l'AFNOR [1997]. La courbe du passant cumulé indique un diamètre médian d50 de 1,0 mm ainsi qu'un facteur d'étendue (d84 /d16)1/2 de seulement 1,30. Les autres mesures ont été réalisées selon les protocoles internes définis au laboratoire de sédimentologie du Cemagref. La masse volumique vaut 2593 kg/m3 à ±10 kg/m3 près. La porosité, égale au volume de vides sur le volume total de l'échantillon, est estimée à 0,40, avec une marge d'erreur de ±0,02. La granulométrie et la masse volumique étant peu dispersées sur l’échantillon (particules monodisperses), le comportement dynamique devrait être homogène.

Déroulement des expériences

La première série d’expériences a été menée sans sédiment dans le canal. Les lignes d'eau observées dans le bief rigoureusement homogène et à pente nulle ont permis de déterminer le coefficient de frottement du canal nu. La condition à la limite amont est le débit liquide et la cote au point extrême du canal constitue la condition à la limite aval. Le calage a été réalisé sur trois manipulations en régime fluvial pour 3,1 l/s, 5,1 l/s et 9,0 l/s; l'absence de la vitesse moyenne à l'amont n'a pas permis d'avoir de deuxième condition à la limite dans le quatrième cas d’écoulement torrentiel pour 18,5 l/s. Le Strickler donnant le meilleur calage, i.e. minimisant l’écart quadratique entre calculs et mesures de la ligne d’eau aux neuf points de mesure est égal à Kcan = 90 m1/3/s.

Les expériences avec sédiments ont ensuite été menées. La même condition à la limite aval a été imposée pour chaque manipulation (volet fermé à 80 %) et la pente a toujours été maintenue nulle. Les débits se situent dans une fourchette intermédiaire (entre 8,6 et 8,9 l/s). Cette expérience a été lancée trois fois dans des conditions aussi proches que possible afin d'apprécier la stabilité du phénomène observé.

Le dépôt initial a une épaisseur maximale de 2,0 cm; il est constitué de trois parties: une rampe ascendante de 25 cm de longueur, puis une partie horizontale de 1,00 m et enfin une rampe descendante de 25 cm (figure III.2.i). Afin de garantir la stabilité de la forme initiale, condition de la reproductibilité de l'expérience, le tas de sédiments est lissé en suivant deux guides profilés (aluminium de 3 mm) collés contre les parois.

Figure III.2.i : schéma du dépôt initial.

Dispositif métrologique

Après le déclenchement du chronomètre, les mesures sont faites à des instants déterminés. La première à l'instant initial, puis toutes les 2 mn pendant les dix premières minutes, et ensuite toutes les 5 mn jusqu'à 65 mn.

La ligne d'eau est levée par la lecture d'échelles graduées collées contre la paroi. Nous avons choisi neuf points de mesure quasi-équidistants aux abscisses 1,0 à 8,0 m et à l'aval du canal,

Limnimètre L1 Limnimètre L2 Limnimètre L3

x = 5,0 m x = 5,5 m x = 6,0 m

. 0,25 m 1,00 m 0,25 m

soit 8,88 m. Compte tenu de la capillarité qui crée une lunule contre la paroi, des petites oscillations de la surface libre et de l'imprécision de la lecture, nous estimons la marge d'erreur à ± 1 mm.

Le profil du dépôt est levé grâce à trois piges fixes situées aux abscisses 5,0 m, 5,5 m et 6,0 m. Ces piges à manivelle graduée permettent d'atteindre une précision inférieure au millimètre.

La description de l'évolution du tas est complétée par la lecture de l'abscisse des points amont et aval du dépôt. La pente de la partie amont ainsi que la hauteur du tas à quelques centimètres de son extrémité aval ont également été notées afin de décrire plus finement sa forme. Quelques photographies numériques de ces zones particulières ont été réalisées. Cependant, la faible luminosité associée à une prise de vue au travers de la vitre ont conduit à des clichés médiocres, dès lors de faible intérêt.

Le débit est mesuré en chronométrant le remplissage d'une cuve calibrée de 240 l. Sa grande capacité alliée à un chronométrage précis à la seconde donnent pour la gamme de débits mesurés une précision inférieure à ± 0,2 l/s.

Protocole de mise en eau

La principale difficulté de l'expérience résidait dans l'établissement du régime permanent. En effet, il s'agissait de concilier deux contraintes contradictoires: avoir une transition aussi courte que possible tout en ne déstructurant pas le dépôt lors de l'établissement du régime. Afin de choisir la meilleure tactique, nous avons comparé les courbes d'évolution de la capacité de transport d'une part en fonction de l'angle d'inclinaison du canal à débit liquide fixe et d'autre part en fonction du débit liquide à angle constant (annexe 4). La transition entre une capacité de transport nulle et la capacité nominale (pour un débit liquide d'environ 8 l/s et une pente de la ligne d'énergie de l'ordre de 2 ‰) est plus marquée dans le cas où l'on joue sur la pente. C'est donc la démarche que nous avons adoptée.

Le protocole suivant a été arrêté:

1– mise en place des sédiments dans le canal. Le dépôt est lissé en suivant deux profils afin de garantir une forme reproductible;

2– basculement de la pente du canal à –1 %;

3– mise en eau aussi progressive que possible, en particulier lorsque la vague avançant sur front sec arrive sur l'amont du dépôt. Ouverture lente de la vanne jusqu'à l'établissement du débit nominal. Les particules ne doivent pas bouger;

4– retour du canal à l'horizontale, à rythme lent dans un premier temps afin d'éviter les vagues lors du transfert de la masse d'eau stockée dans la contre-pente, puis avec un mouvement plus rapide dès les premiers déplacements de particules (la pente est alors d'environ –0,2 %). L'expérience de l'opérateur permet de rendre les oscillations imperceptibles à l'œil;

5– déclenchement du chronomètre.

2.4. Observations et mesures

Trois expériences avec sédiments ont été menées dans des conditions aussi proches que possible. Seul le débit liquide, difficile à régler, a été légèrement plus faible (–5 %) lors du dernier essai.

Nous observons toujours les mêmes phénomènes qualitatifs. Le mouvement général du tas est un étalement associé à un reprofilage et un léger recul. La hauteur ne diminue que très lentement et très peu de sédiments sortent du canal.

Nous notons que le charriage est le mode de transport dominant. Il n'y a aucune particule dans la masse de l'écoulement liquide: le débit solide se concentre dans une couche de 3 à 4 mm d'épaisseur. Là, il est difficile de distinguer les mouvements de roulement, glissement ou saltation à faible hauteur. Les grains sont en constante interaction entre eux ainsi qu'avec le fond. Certains avancent rapidement sur quelques décimètres puis se bloquent, sont recouverts ou repartent de manière apparemment aléatoire.

Par ailleurs, les particules érodées à l'amont et sur la partie centrale du dépôt se redéposent à l'aval immédiat de celui-ci. Dans cette zone, nous observons des courants de retour qui ramènent les grains à l'aval du tas. Ainsi, au moins dans un domaine situé à l'aval du dépôt, l'écoulement est clairement bidimensionnel dans le plan vertical, voire tridimensionnel. Par ce phénomène, le charriage relativement important sur le dépôt ne continue pas dans le canal; le tas se déforme en ne perdant quasiment pas de masse. Ce mécanisme de transport évoque les avancées de dunes décrites par Yalin [1992].

Sur le dessus du tas, l'écoulement semble monodimensionnel, pourtant le profil en travers indique une courantologie plus complexe. En effet, en amont du dépôt, dans la partie majoritairement érodée, le profil en travers est moins épais au milieu que sur les bords. À mi-longueur du tas, le profil en travers est quasiment plat. Vers l'aval, il est plutôt bombé en son centre.

C'est dans la zone amont que la non régularité de la section en travers est la plus marquée. De plus, le milieu y est érodé plus rapidement que les bords; il s'en suit un recul du centre du tas plus rapide que celui des bords. Vue de dessus, la forme de l'amont du dépôt dessine un "V". Nous avons transcrit cette morphologie particulière par deux traits indiquant les limites de la forme de l'amont du tas sur les coupes en long (figure III.2.ii).

0.00 0.01 0.02 0.03 0.04 0.05 0.06 0.07 0.08 0.09 0.10 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9

Mesures et forme indicative du dépôt à 0 mn Mesures et forme indicative du dépôt à 30 mn Mesures et forme indicative du dépôt à 65 mn

Figure III.2.ii : schéma de l'évolution du dépôt (expérience n°3).

Les deux premiers essais ont été menés avec un débit similaire, de 8,9 l/s, contre 8,6 l/s pour le troisième. Assez logiquement, les vitesses de recul des fronts amont et aval sont inférieures dans le dernier cas (de l'ordre de 15 %). Dans la suite de l'étude, nous avons choisi de présenter plus particulièrement ces dernières mesures car elles ne comportent pas de lacunes. Cependant les tableaux de l'ensemble des mesures sont reportés en annexe 5.

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