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Partie IV : application du code de calcul à des cas réels

1. Collecteur d’assainissement Tobélem

Contexte

Le collecteur Tobélem se trouve sous la rue Sauveur à Marseille. La partie étudiée, rectiligne, comprend un premier bief à pente forte (2,6 %) suivie de deux tronçons a pente plus faible (0,2 et 0,3 %). Dans ces deux zones, une quantité conséquente de sable provenant de l’érosion urbaine en amont s’est déposée, faute de conditions hydrauliques suffisantes pour continuer vers l’aval. La section de cet égout visitable de 1,70 m est initialement ovoïde et régulière. Le dépôt, d’une quinzaine de centimètres de hauteur, y forme un lit plat.

0 57 115 -8,5 -40 18,36 18,54 18,66 18,88 19,71

Figure IV.1.i : schéma du collecteur d’assainissement Tobélem. z (m) Niveau d’ouverture 0,72 m Largeur 1,00 m Hauteur 1,70 m Niveau de fermeture 0,27 m H0 m H57 m H115 m Dépôt x (m)

L’obstruction de la section diminue la capacité hydraulique en cas de crue (le système unitaire récupère les eaux de pluie) et aggrave le risque de mise en charge. En outre, le dépôt riche en matière organique pose des problèmes de salubrité et peut libérer en période de pluie un important flux polluant. Pour ces raisons, il est nécessaire de curer régulièrement ce collecteur d’assainissement.

Dans ce type de collecteur, les opérations de curage sont en général réalisées manuellement, ce qui est pénible et coûteux. Une solution d’entretien alternative a donc été proposée; il s’agit, grâce à une vanne automatique (photographiée en annexe 6) installée en amont du dépôt, de lâcher sur celui-ci des intumescences liquides. Le débit est alors suffisant pour remobiliser l’amont du dépôt et le chasser un peu plus loin. En répétant l’opération, les sédiments sont peu à peu repoussés vers l’aval jusqu’à une fosse de décantation facile à vider depuis la surface.

Une campagne de mesure a été lancée en 1996 sur les chasses dans le collecteur Tobélem. Le but était de tenter une première modélisation numérique de ce cas (Balayn [1996]) afin d’optimiser la forme de l’hydrogramme de chasse.

Données

Nous disposons de la géométrie générale du collecteur. En outre nous avons pu lever les profils du dépôt avant le début des chasses, puis après les 1er, 3 ème, 6ème, 8ème, 17ème et 64ème lâchers.

Lors des chasses, nous avons également mesuré les vitesses et hauteurs instantanées (intégrées sur quelques secondes) en trois points fixes du dépôt au niveau des accès de surface, aux abscisses 0, 57 et 115 m.

Ces données ont été complétées par des analyses granulométriques réalisées au laboratoire de la Société d’Exploitation du Réseau d’Assainissement de Marseille (SERAM). Ces analyses indiquent que la composition des sédiments est homogène sur le linéaire. Le diamètre médian est de 2,0 mm pour un facteur d’étendue S de 2,75. La masse volumique avoisine 2700 kg/m3 et la porosité du dépôt en place est d’environ 0,2.

Intérêt

Le cas des chasses du collecteur Tobélem est intéressant car –chose rare pour un cas réel– les données sont suffisamment denses et les conditions connues assez précisément. En outre, le tronçon est rectiligne et même lorsque le fond se déforme et que la hauteur d’eau varie, la largeur des sections varie peu. La géométrie ne pose donc pas de problème d’interpolation. Les phénomènes géomorphologiques allient érosion et dépôt, situation idéale pour le test et l’application du code de calcul.

Ce cas permet d’explorer des phénomènes fortement transitoires, atypiques et très exigeants pour un calcul de la déformation du fond. L’ouverture de la vanne s’apparente en effet à une rupture de barrage, cas non traitable par la plupart des codes à fond variable.

D’autre part, un modèle numérique avait été proposé lors de mon DEA pour traiter le même cas de chasses hydrauliques. De très profondes modifications ont été apportées au niveau du schéma numérique et le report du bilan solide n’est plus effectué de la même manière. L’ancien code faisait appel à une méthode de détection et correction des instabilités numériques; ses résultats sur Tobélem étaient, grâce à cela, tout à fait corrects mais son principe de calcul n’était pas conceptuellement satisfaisant. Le code RubarBE n’a plus recours à un procédé d’élimination des oscillations. Il est donc particulièrement intéressant de voir s’il est néanmoins capable de modéliser correctement les chasses transitoires.

1.2. Construction du modèle numérique

Géométrie et sédiments

Dans ce cas fortement transitoire, un ressaut hydraulique se forme après la vanne et se déplace sur l’amont du dépôt. Sa modélisation au niveau hydrodynamique impose de ne pas choisir un pas d’espace trop court. Cependant, les phénomènes géomorphologiques intéressants ayant lieu dans une zone relativement limitée, nous avons bien peu de latitude pour le choix du pas spatial de discrétisation. Une valeur de 1 m semble dans ces conditions être un compromis acceptable.

Le choix du pas de temps est crucial pour un calcul fortement transitoire dans laquelle la résolution hydrodynamique est perturbée par le mouvement du fond. Un pas automatique respectant un nombre de Courant maximal de 0,5 a donné satisfaction: aucune oscillation suspecte n’a été constatée.

Par ailleurs, la modélisation de la géométrie ne pose pas de problème particulier. La moitié supérieure du collecteur n’a aucun intérêt dans notre cas et a donc été supprimée. Dans la zone du dépôt, deux strates sont superposées: une couche de sédiments recouvre le fond bétonné, inérodable.

La largeur active a été choisi constante, partout égale à la largeur de la bande de sédiments, soit 38 cm.

Comme indiqué plus haut, les caractéristiques sédimentaires ont été précisément mesurées. Elles ne posent donc pas de problème particulier.

Dans toute la gamme de débits du temps sec, le dépôt sédimentaire reste stable: aucune particule ne bouge car les conditions hydrauliques sont trop faibles pour atteindre la contrainte critique de mise en mouvement. Dans ces conditions, une loi de capacité solide à seuil semble indiquée. La formule de Meyer-Peter et Müller [1948], valide sur cette gamme sédimentaire, est donc logiquement choisie.

Conditions initiales et aux limites

Le bâti de la vanne n’est pas bien étanche et un léger débit de fuite, estimé à 5 l/s court sur le dépôt. Ces conditions initiales évitent d’avoir le cas de l’avance d’une intumescence sur front sec.

À l’aval du modèle, les conditions ont peu d’importance; le bief est suffisamment long pour qu’une condition à la limite en sortie libre convienne parfaitement.

Pour les conditions limites amont, deux modélisations ont été envisagées et testées. Elles diffèrent sur la prise en compte de la vanne automatique.

Dans un premier temps, nous avons tenté de la modéliser comme un ouvrage avec une loi de débit particulière. Au début, la cote de la retenue est inférieure au niveau d’ouverture et le réservoir se remplit en ne laissant s’échapper qu’un faible débit de fuite. Lorsque la cote requise est atteinte, un fort débit transite en suivant une loi de déversoir dénoyé (il y a en fait deux ouvrages pour modéliser les veines liquides de part et d’autre du volet mobile). La retenue est rapidement vidangée, jusqu’au niveau de fermeture. La vanne est alors manœuvrée et un nouveau cycle de remplissage commence. Cet ouvrage n’a malheureusement pas donné les résultats escomptés dans le modèle. Sa présence perturbe le calcul et conduit à une évolution instable du fond mobile.

Une solution plus classique a finalement été adoptée: un hydrogramme transitoire est injecté à l’endroit de la vanne. Du fait de la déconnexion amont-aval liée au passage en régime torrentiel, il est complété par le limnigramme correspondant. Ceci conduit à une évolution stable et satisfaisante du dépôt. Un hydrogramme très sommaire a été considéré: 300 l/s s’écoulent pendant 25 s avant un retour au débit de fuite quasi nul en 5 s, tandis que la hauteur d’eau initiale, de 50 cm, baisse progressivement jusqu’à 5 cm.

Ces conditions amont ont été validées par comparaison des limnigrammes calculés et mesurés en trois points. La figure IV.1.ii montre que le calage est satisfaisant aux deux premières abscisses mais qu’il y a un décalage dans l’arrivée du front au troisième point. La modification du coefficient de frottement et de la forme de l’hydrogramme amont n’a pas permis de meilleur calage sur les trois abscisses. Deux raisons peuvent expliquer ce décalage. En premier lieu, il peut être interprété comme une mauvaise représentation du profil réel des vitesses sur le front par les équations de Saint-Venant. En effet, nous avons constaté que sur le front de l’intumescence, l’écoulement était constamment ré-alimenté par le dessus, ce qui donne un profil des vitesses éloigné de la forme théorique du régime uniforme. Par ailleurs, une conduite arrivant entre les deux dernières sondes a déversé des débits intermittents, non mesurés; la modification des conditions initiales a pu favoriser la propagation du front dans la partie aval du collecteur. Le décalage constaté n’a cependant pratiquement aucune incidence sur l’évolution du dépôt dans la zone qui nous intéresse.

0.00 0.05 0.10 0.15 0.20 0.25 0.30 0 50 100 150 200 250 300 Mesure à 0 m Calcul à 0 m Mesure à 57 m Calcul à 57 m Mesure à 115 m Calcul à 115 m

Figure IV.1.ii : calage de l’hydrogramme amont sur les mesures limnimétriques. (lors du 7ème basculement, représentatif et peu bruité)

Calage des paramètres

Le coefficient de frottement a été calé pour se rapprocher du temps de transit mesuré. Comme indiqué ci-dessus (figure IV.1.ii), le modèle de frottement rend mal les phénomènes observés. Cependant la valeur du coefficient de Strickler de 45 m1/3/s trouvée est jugée satisfaisante car elle correspond à celle indiquée par Lin [1993] sur le collecteur 13 à Marseille, comparable à Tobélem.

L’influence du coefficient multiplicateur de la capacité de transport est tout à fait conforme aux attentes: plus celui-ci est élevé et plus le front du dépôt est rapidement érodé. Il commande donc la rapidité de l’évolution. Dans notre modèle, un coefficient de 1,0 a semblé satisfaisant avec la formule de capacité de Meyer-Peter et Müller [1948].

La distance de chargement joue sur le lissage de la forme du dépôt. Les grandes distances étalent davantage le front en limitant légèrement son recul et en écrasant sa hauteur dans la partie amont. Ce résultat n’est pas non plus très surprenant. Une distance de chargement de 1,5 m a été retenue.

Hauteur d’eau (m)

1.3. Résultats

La qualité des simulations est appréciée selon deux critères principaux: le rendu de la forme générale du dépôt après les différents lâchers (présence ou non d’oscillations) et la simulation correcte du recul du front.

La figure IV.1.iii compare les simulations aux mesures. Pour en faciliter la lecture, elle est éclatée en deux schémas. Si l’on considère la complexité des phénomènes mis en jeu et le cumul des imprécisions résultantes sur 64 lâchers successifs, les résultats sont extrêmement bons. En effet, la forme du fond simulé reste lisse et fidèle aux observations, tandis que le recul du front est partout retrouvé à moins d’un pas d’espace de la mesure.

Par ailleurs, les pentes du front sont tout à fait correctes compte tenu de la discrétisation. En effet, le pas spatial de 1 m rend délicate la comparaison de pentes du front sur seulement quelques mètres.

En ce qui concerne les hauteurs de sédiments, l’erreur maximale ne dépasse pas 3 cm à l’abscisse 3 m pour le calcul après 17 lâchers. Cet écart reste faible et ponctuel. Il est difficile d’apprécier la qualité des résultats sur ce critère car les hauteurs mesurées peuvent être imprécises. En effet, ces dernières ont été mesurées par le plantage d’une pige et la lecture du bout du pouce à la lampe frontale et avec un gros gant… Leur précision moyenne est estimée à 1 cm, mais ponctuellement des erreurs plus importantes ont pu être commises. D’autre part, le dépôt a été piétiné pendant le relevé du niveau, ce qui a pu affecter certains points de mesure.

Nous retrouvons donc d’excellents résultats, d’ailleurs assez proches de ceux obtenus avec l’ancien code de calcul. Les différences résident dans l’étalement du front qui était légèrement supérieur dans l’autre version et donc moins conforme aux observations. Ceci s’explique par le processus de correction des oscillations qui avait tendance à davantage lisser le fond. Les différences sont cependant loin d’être flagrantes et nous concluons que la qualité des résultats est bonne et comparable sur le cas du collecteur Tobélem. Toutefois, l’absence de recours à une douteuse méthode de lissage des oscillations souligne la très grande stabilité numérique du code RubarBE.

18.6 18.7 18.8 18.9

-10 -5 0 5 10 15 20 25

Dépôt initial Fond du collecteur Mesure après 3 lâchers Calcul après 3 lâchers Mesure après 8 lâchers Calcul après 8 lâchers Mesure après 64 lâchers Calcul après 64 lâchers

n4 -8.5 V anne aut o mat ique 18.6 18.7 18.8 18.9 -10 -5 0 5 10 15 20 25

Mesure après 1 lâcher Calcul après 1 lâcher Mesure après 6 lâchers Calcul après 6 lâchers Mesure après 17 lâchers Calcul après 17 lâchers

n4

Figure IV.1.iii : simulation de l’évolution du dépôt dans le collecteur Tobélem. z (m)

2. Canal d’irrigation de Jarwari