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Partie II : description du code de calcul

3. Modélisation des sédiments

Nous avons vu les avantages et inconvénients des modèles classiques de prise en compte de l'étendue granulométrique. Il a paru intéressant de chercher une voie alternative. Le modèle envisagé s'appuie sur une description originale des sédiments.

3.1. Notion de compartiment sédimentaire

Définition du compartiment sédimentaire

Un compartiment sédimentaire correspond à une collection de particules présentes à un endroit donné et ayant un comportement cohérent. Ainsi, sur un bief déterminé, nous définissons:

– le compartiment M des sédiments en mouvement. Il englobe toutes les particules transportées au sein de l'écoulement, sans distinction de granulométrie ou de mode de transport. Pour le bief considéré, nous distinguons le compartiment Mam des sédiments entrants dans la maille et le compartiment Mav des sédiments en sortant.

– le compartiment A de la couche active, identique à la couche mélangée des modèles multi-classes. Il correspond aux sédiments disponibles dans la strate superficielle du lit; ces particules interagissent à la fois avec le lit et l'écoulement.

– le compartiment B de base du lit. Il constitue le stock des couches sous-jacentes. Éventuellement, s'il existe des strates sédimentaires de caractéristiques très différentes les unes des autres (banc de sable, graviers, sédiments indurés, etc.), le compartiment B

peut être constitué de sous-compartiments (B1, B2, etc.) empilés.

La composition d'un compartiment peut évoluer au cours du temps en fonction de ses interactions avec les compartiments voisins.

Caractérisation du compartiment

Un compartiment sédimentaire représente une population de particules. Dans la suite, nous considérerons que la masse volumique des sédiments est homogène. Cette hypothèse est vérifiée dans la plupart des situations que l'on rencontre dans la nature.

Nous souhaitons caractériser un compartiment sédimentaire par un petit nombre de paramètres. Dans les modèles classiques de granulométrie étendue, la courbe granulométrique est en pratique rarement découpée en plus de trois classes. Ainsi la masse de chacune des classes –ou de manière équivalente la masse totale et deux proportions– décrivent la granulométrie. Dans notre cas, nous choisissons également de modéliser la granulométrie étendue par trois paramètres, mais ayant une interprétation physique différente.

Ainsi, dans notre modélisation, un compartiment granulométrique est caractérisé par le triplet (M, D, S) interprété comme suit :

– M est la masse de l'ensemble des particules du compartiment. Elle est reliée au débit solide pour le compartiment M au cours d’un pas de temps, et au volume (ou a l'épaisseur) des strates pour les autres compartiments, la porosité étant connue.

– D est le diamètre représentatif des sédiments. Habituellement, les lois de capacité solide sont écrites pour le diamètre médian de la distribution ; il est donc logique de poser

50

D=d .

– S est le paramètre d'étendue granulométrique. La définition choisie permet de très facilement retrouver l'écart-type de la distribution des diamètres selon une très classique loi log-Normale ; pour cette raison il est parfois nommé "écart-type géométrique". Ce résultat est démontré en annexe 3. De plus, elle fait intervenir des diamètres caractéristiques habituellement notés dans les analyses granulométriques (guide du CTGREF [1980]). Nous posons :

84 16

Il faut noter que la courbe granulométrique est caractérisée par une médiane et un paramètre d'étendue que nous pouvons lier aux moments d'ordre 1 et 2 de la distribution des diamètres (annexe 3). Ces paramètres sont suffisants pour parfaitement définir les distributions

unimodales observées en rivière (Shih et Komar [1990]), en général proches de distributions Gaussiennes ou éventuellement de lois de Weibull à deux paramètres (Parker, Klingeman et MacLean [1982]). Si ces hypothèses sur la distribution semblent trop restrictives, il est tout à fait possible de compléter la description par d'autres paramètres reliés aux moments d'ordre supérieurs.

Dans le cadre du présent travail, nous n'avons pas testé cette possibilité. Il est en effet délicat de prendre en compte ces paramètres dans les lois de transport existantes. Il faudrait préalablement compléter ces dernières par des lois phénoménologiques, ce qui sous-tend un lourd travail expérimental.

3.2. Opérations sur les compartiments

Arithmétique sédimentaire sur les compartiments

Deux compartiments peuvent échanger des sédiments dans certaines conditions. Il faut alors mettre à jour leur composition granulométrique. Deux cas sont envisageables:

– le mixage qui correspond à l'intégration du contenu d'un compartiment incident C1 dans

un autre compartiment récepteur C2. Il y a alors addition sédimentaire et la composition

du compartiment récepteur évolue; ses nouvelles caractéristiques sont notées C1C2.

– le démixage est l'opération inverse. Il correspond à l'extraction de sédiments de caractéristiques connues (compartiment expulsé C5) à partir d'un compartiment

fournisseur C4. La composition du compartiment fournisseur évoluent; ses nouvelles caractéristiques sont notées C4C5.

Nous pouvons décrire les propriétés théoriques attendues de ces opérations arithmétiques sur les compartiments:

– l'opération de mixage doit être commutative: C1C2 = C2C1

– l'opération de mixage doit être associative: (C1C2)C3 = C1⊕(C2C3)

– l'opération de démixage n'est pas commutative: C4C5 C5C4

– les deux opérations sont liées: (C4C5)C6 = C4∅(C5C6)

De plus, un compartiment granulométrique étant caractérisé par un triplet (M, D, S) ayant une

signification physique, d'autres conditions théoriques apparaissent:

C1 C2 C1C2 C4 C5 C4C5

– conservation de la masse totale. Cela impose donc une somme des masses pour le mixage et une différence pour le démixage. Ainsi, le démixage n'est possible que si la masse du premier compartiment est supérieure à celle du second.

– le diamètre représentatif du compartiment mixé doit être borné par les diamètres des deux compartiments de départ.

– le paramètre d'étendue granulométrique du compartiment mixé doit être supérieur ou égal au plus petit des paramètres d'étendue de départ.

Problèmes théoriques

Physiquement, le mixage de deux compartiments granulométriques correspond au mélange homogène de deux populations. Rigoureusement, cela implique une somme sur les effectifs de chaque classe granulométrique.

Par ailleurs, la caractérisation proposée pour le compartiment granulométrique ne fait intervenir que deux paramètres descriptifs de la distribution, que nous pouvons rapprocher des moments d'ordre 1 et 2. On fait donc l'hypothèse implicite d'une distribution unimodale et symétrique.

Comme le résultat du mixage ou du démixage de compartiments sédimentaires est lui-même un compartiment sédimentaire, il serait souhaitable que la distribution de ce dernier soit unimodale et symétrique.

Or dans le cas général, la somme des effectifs de distributions symétriques n'est pas elle même symétrique; elle ne pourrait l'être que dans le cas où les distributions de départ seraient centrées sur la même valeur. La figure ci-dessous illustre cette propriété.

Figure II.3.i : illustration de la perte de symétrie de la somme des effectifs lors du mixage.

Ainsi, d'un point de vue théorique, nous pouvons montrer que, dans un cas général, il n'existe aucune forme de distribution capable de rigoureusement se conserver après une somme d'effectifs. Cependant, en pratique, dans la plupart des cas réels, il est peu probable que les diamètres représentatifs des distributions initiales soient très éloignés car la granulométrie du fond provient de l'écoulement et vice versa. De plus, la distribution théorique initiale ne représente pas forcément exactement la réalité.

Nous cherchons donc une méthode de mixage et de démixage respectant les propriétés théoriques définies au paragraphe précédent mais ne restituant pas forcément la somme exacte des effectifs. Un facteur de qualité d'une telle méthode est la prédiction du d50 du compartiment mixé; en effet, le diamètre médian intervient directement dans les formules de transport.

Masse

Somme des effectifs

de C1 et C2

C1

C2

Diamètre

Limites d'application

Le cas de distributions très dissemblables semble rare; il peut cependant se rencontrer. Par exemple, lors d'une petite crue à l'aval d'un barrage, des sédiments fins incidents peuvent interagir avec un lit pavé formé de particules grossières.

Il est alors probable que les masses des compartiments granulométriques mis en jeu soient très différentes. Si tel est le cas, l'effet du compartiment minoritaire doit avoir une influence négligeable sur les caractéristiques du compartiment mixé.

Reste à examiner le cas où les caractéristiques sédimentaires des deux compartiments incidents sont très différentes et que leurs masses ne sont pas négligeables l'une devant l'autre. L'opération de mixage n'a alors plus aucun sens physique; en effet, un mélange de sable fin et de cailloux grossiers en égales proportions ne peut pas être assimilé à un compartiment granulométrique homogène. Nous sommes alors dans la configuration d'une courbe granulométrique bimodale, ce qui pose un problème théorique: la description sédimentaire du compartiment est en effet adaptée à une population unimodale. On ne peut donc plus correctement représenter les sédiments ainsi; la solution consiste alors à considérer deux compartiments différents.

Proximité de deux compartiments sédimentaires

En pratique, le cas de mixage posant problème se rencontre lorsqu'une population très fine vient se déposer sur un lit grossier. La solution pour éviter d'avoir à mixer ces deux populations est alors de déposer les particules fines dans une nouvelle strate à la surface du lit. La state sous-jacente ainsi définie est stockée dans la base du lit (compartiment B) tandis que la nouvelle strate superficielle constitue la couche active (compartiment A). Ceci nécessite de définir un critère de proximité sur les compartiments granulométriques.

Si deux compartiments sont jugés "proches" selon ce critère, ils sont mixés dans un nouveau compartiment unique; sinon l'un est stocké dans le lit tandis que l'autre constitue le nouveau compartiment actif.

Le critère de proximité proposé est très simple: si D1 est compris entre D2 /S2 et D2S2 et que symétriquement D2 est compris entre D1 /S1 et D1S1, alors les compartiments (M1, D1, S1) et (M2, D2, S2) sont considérés comme "proches".

Mise en œuvre

Compte tenu des problèmes et limites évoqués ci-dessus, nous cherchons une méthode de mixage s'approchant le plus possible de la somme des effectifs –meilleure solution théorique– et donnant un nouveau compartiment sédimentaire en assurant l'associativité et la commutativité. De plus, l'opération de démixage doit être parfaitement cohérente avec le mixage.

Outre ces impératifs théoriques, la méthode recherchée doit rester raisonnable au niveau du volume de calcul afin d'assurer son intérêt pratique. En effet, nous verrons que pour chaque maille sédimentaire et à chaque pas de temps, les opérations de mixage et démixage doivent être menées au moins trois fois.

À première vue, la méthode de fractionnement semble séduisante. Elle consiste dans une première étape, à décomposer les deux compartiments de départ (Mi ;Di ;Si)[i=1,2] en classes granulométriques les plus fines possibles; cela nécessite le choix d'une distribution granulométrique de référence, par exemple une distribution log-Normale. Ensuite, on somme la masse de chaque classe. A partir de cette courbe granulométrique 'mixée', on calcule les quantiles d16, d50 et d84. La masse M du compartiment sédimentaire 'mixé' est la somme des

Cette méthode est numériquement d'autant plus lourde que l'on désire une somme précise, donc un fractionnement fin en classes; mais elle n'a d'intérêt que justement si la somme est précise. De plus, elle présente l'inconvénient d'imposer le choix d'une loi de répartition dont dépendront fortement les résultats du mixage. Pourtant, son plus grand défaut est de n'être pas rigoureusement associative: les tests montrent que cela entraîne une divergence rapide.

D'autre part, l'opération de démixage associée est délicate à définir. Par cohérence, on fait la différence des effectifs de classe. Dans certaines configurations, cela peut aboutir à un effectif de classe négatif (figure II.3.ii). Pour éviter cette situation problématique, il faudrait, avant de

mener le calcul, tester si le démixage est possible et mettre en place un limiteur. Or d'une part ce test serait hautement dépendant de la loi choisie et d'autre part il ne garantirait même pas que le démixage soit représentatif d'une situation réelle. Par ailleurs, l'opération de démixage par la méthode du fractionnement n'est pas forcément l'exact inverse du mixage associée ! L'ensemble de ces objections a conduit au rejet de la méthode de fractionnement. En particulier, il est apparu que l'associativité était une condition tout à fait essentielle.

Figure II.3.ii : illustration des problèmes de démixage par la méthode du fractionnement.

Il faut donc envisager une autre méthode. Au premier ordre, on peut approximer les quantiles de la somme des effectifs de deux distributions par une moyenne pondérée. Dans notre cas, cela correspond à une moyenne des paramètres d'étendue, pondérée par les masses. Les termes d'ordre supérieur peuvent être pris en compte par un coefficient de correction.

Si l'on s'intéresse aux diamètres des particules, il semble naturel de faire une moyenne arithmétique. Cependant les distributions granulométriques étant en général représentées en échelle logarithmique (Norme du CTGREF [1980], Shih et Komar [1990]), la moyenne géométrique s'impose pour D et S. Pour M, nous avons toujours une somme.

La forme générale de la loi de mixage proposée est donc:

( )

( )

( ) ( ) ( ) ( ) ; ; ; ; ; ; ; ; ; ; 1 1 2 2 1 2 1 1 2 2 1 2 M M M M M M D M M M M M M S 1 2 1 2 1 2 1 2 1 2 1 2 1 2 1 2 1 2 1 2 1 2 1 2 M M M M M D D D D D f M M D D S S S S S S S f M M D D S S + + + +  = +        ⊕ = = ⋅ ⋅               = ⋅ ⋅ (II.3.i)

Les termes correctifs fD et fS sont adimensionnels. Ils doivent assurer que le mixage soit commutatif et associatif. Par ailleurs, ils doivent vérifier les propriétés suivantes:

( )

( )

ou et ou 0 ; ; ; ; ; 1 0 ; ; ; ; ; 1 D S 1 1 2 1 2 1 2 2 1 2 1 2 1 2 1 2 M f M M D D S S M f M M D D S S D D =   =   =   =  = (II.3.ii) Masse Problème: C1 effectif négatif dans cette zone !

C2 Différence des

effectifs de

C1 et C2

Diamètre

Plusieurs idées ont été testées quant à la forme des fonctions fD et fS. Des formes additives, des quotients et des formes mixtes sur les diamètres et les étendues, avec une modulation par les masses de type arithmétique (multiplicateur) ou géométrique (puissance) ont été essayées. Cependant, il est apparu particulièrement difficile de trouver des formes simples assurant simultanément l'adimensionnalité et l'associativité du mixage. Pour cette raison nous avons choisi les solutions triviales:

1 D

f = et fS =1 (II.3.iii)

Ce choix présente l'avantage d'être simple et peu lourd en calcul. En revanche, le paramètre d'étendue granulométrique S reste toujours borné entre S1 et S2. Ceci est peu satisfaisant lorsque D1 et D2 sont relativement éloignés pour M1 et M2 du même ordre de grandeur. Cependant, en cas de processus morphologique monotone sur une période suffisamment longue pour que la masse déposée ou érodée soit grande devant la masse initiale de la couche active (compartiment A), ce défaut devient finalement assez peu sensible.

En outre, l'opération de démixage associée au mixage ainsi défini est très simple et remplit l'ensemble des exigences théoriques. Ainsi, en posant fD = fS = 1 et en vérifiant M4> M5, elle s’écrit comme un mixage, mais avec une masse négative:

( ) ( ) ( ) ( ) 4 4 5 5 4 5 4 4 5 5 4 5 M M M M M M M M M M M M 4 5 4 5 4 5 4 5 4 5 4 5 M M M M M D D D D D S S S S S = −         ∅ = = ⋅          =      (II.3.iv)