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Etude de jurisprudence du Tribunal Administratif du Grand-Duché de Luxembourg en matière de protection internationale

2. Présentation de l’analyse

Ce chapitre abordera l’objectif (2.1), le cadre général (2.2) et la méthodologie (2.3) de cette analyse de jurisprudence. Il exposera ensuite quelques données chiffrées (2.4).

2.1 Objectif

Plus d’un an après l’entrée en vigueur de la loi du 5 mai 2006, il est apparu opportun de procéder à une analyse de l’interprétation par le tribunal administratif de certaines dispositions de cette législation. L’objectif de la présente analyse de jurisprudence est

ainsi d’approfondir la mise en œuvre par le tribunal de la protection internationale au Grand-Duché de Luxembourg.

L’UNHCR souhaite de la sorte contribuer à une réflexion constructive dans le cadre de l’évaluation de la loi du 5 mai 2006 et à engager une collaboration avec les autorités compétentes dans le cadre du suivi de cette analyse.

2.2 Cadre général

En adoptant, le 14 décembre 1950, le Statut du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, l’Assemblée générale des Nations Unies a confié à l’UNHCR la responsabilité de veiller à la protection internationale des réfugiés. Peu de temps après, a été adoptée la Convention de 1951 qui constitue la pierre angulaire de la protection internationale des réfugiés. En vertu de l’article 35 de cette Convention, les Etats contractants s’engagent à coopérer avec l’UNHCR dans « l’exercice de ses fonctions et (…) à faciliter sa tâche de surveillance de l’application de cette Convention ». C’est à ce titre que l’UNHCR a entrepris la présente analyse de jurisprudence du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg.

Sur le plan national, la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection4 a transposé la directive qualification. Lors des débats relatifs à l’adoption de cette loi, l’UNHCR, estimant que le texte de cette directive ne reflétait pas entièrement les standards de la Convention de 1951, avait invité les autorités luxembourgeoises à remédier à ses failles dans le cadre de sa transposition en droit national. A cette occasion, il avait notamment été rappelé que la directive qualification n’édictait que des normes minimales laissant ainsi aux Etats la possibilité de les améliorer. La législation adoptée le 5 mai 2006 reste toutefois très proche et souvent même identique au texte européen5.

Au Grand-Duché de Luxembourg, une demande de protection internationaleest introduite auprès du MAEI , qui est compétent pour enregistrer, traiter et statuer sur les demandes de protection internationale. Si le MAEI s’estime compétent, il examine la demande dans le cadre d’une procédure « normale » ou accélérée6. Le MAEI procède d’abord à un examen de la demande de protection internationale au regard de la définition du réfugié de la Convention de 1951 et ensuite de la protection subsidiaire.

4

Entrée en vigueur le 13 mai 2006.

5

UNHCR, Commentaires du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés au sujet du projet de loi n° 5437 relatif au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, 5 mars 2005,

Document parlementaire J-2005-O-0068, 11 octobre 2005.

6

Voir article 20 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection.

Les décisions du MAEI sont susceptibles d'un recours devant les juridictions administratives. En cas de décision négative, un recours devant le tribunal administratif est possible. Si le tribunal rejette le recours, seules les personnes dont la demande a été examinée dans le cadre d’une procédure « normale » peuvent introduire un recours en annulation devant la Cour administrative.

2.3 Méthodologie

La présente étude est basée sur les jugements7 rendus par le tribunal entre le 15 septembre 2007 et le 15 mars 2008, dans le cadre de recours en réformation contre des décisions de refus de protection internationale émanant du MAEI. Elle porte sur une période restreinte, qui n’est pas nécessairement représentative de l’ensemble de la jurisprudence du tribunal. De plus, l’étude examine l’argumentation utilisée par le tribunal dans ses jugements, sans toutefois connaître le fond des dossiers.

Les principaux critères relatifs à l’interprétation de la Convention de 1951 et de certains aspects de la protection subsidiaire sont examinés dans la mesure où les jugements les évoquent. Seuls sont traités ici les critères d’inclusion8 de la protection internationale, dans la mesure où aucun jugement dans la période passée en revue n’a évoqué la question de l’exclusion ou de la cessation du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire. La compatibilité de la jurisprudence étudiée avec les principes relatifs à la protection internationale tels qu’énoncés par l’UNHCR a aussi été examinée.

Cette étude fait également référence à la jurisprudence de la Cour administrative9 lorsque celle-ci a développé une jurisprudence spécifique relative aux aspects de la protection internationale soulevés dans l’analyse ou lorsqu’elle a réformé10 ou annulé une décision du tribunal durant la période étudiée11.

7

Ces jugements, au nombre de 131, ont pu être consultés sur le site internet du tribunal administratif (TA), www.ja.etat.lu.

8

Les critères d'inclusion énoncent les conditions qu'une personne doit remplir pour être réfugié. Ils sont contenus au paragraphe 2 de la section A de l'article 1er de la Convention de 1951 selon lequel le terme «réfugié» s'applique à toute personne «qui, par suite d'événements survenus avant le 1er janvier 1951 et craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner». Outre les critères d’inclusion, la définition comporte également des clauses de cessation et d’exclusion du statut de réfugié.

9

203 arrêts ont été prononcés par la Cour administrative du Grand-Duché de Luxembourg (CA) pendant la période du 15 septembre au 15 mars 2008, dont 45 arrêts concernant des demandes de protection internationale.

10

Le tribunal administratif, la Cour administrative et le MAEI ont été informés de la réalisation de cette étude.

DONNEES CHIFFRES

Entre le 15 septembre 2007 et le 15 mars 2008, le tribunal a rendu un total de 538 jugements. 131 d’entre eux, soit près d’un quart, sont relatifs à des recours contre une décision de refus de protection internationale émanant du MAEI. De ces 131 jugements, 14 réforment la décision du MAEI dont 10 octroient le statut de réfugié et 4 attribuent le statut de protection subsidiaire. Environ 11% du total des jugements concluent donc au besoin de protection internationale ; les 117 autres jugements confirment la décision du MAEI, refusant la protection internationale.

Les 131 jugements concernent des ressortissants des pays suivants :

Afghanistan 2 Albanie 5 Algérie 3 Angola 4 Bénin 1 Bosnie-Herzégovine 3 Biélorussie 1 Burundi 6 Côte d’Ivoire 1 Ethiopie 2 Gambie 2 Géorgie 1 Ghana 1 Guinée 7 Kazakhstan 1 Iran 8 Irak 2 Libéria 2 Macédoine 1

Mali 1

Mongolie 1

Monténégro 3

Nigéria 5

République démocratique du Congo 8

Russie 6

Serbie (y compris Kosovo) 43

Sierra Leone 2 Somalie 3 Tanzanie 1 Togo 2 Ukraine 2 Zimbabwe 1

Il ressort de ces chiffres qu’environ un tiers des jugements pris concerne des demandeurs d’asile originaires de Serbie, principalement du Kosovo.

Le tribunal a octroyé le statut de réfugié aux demandeurs de protection internationale ressortissants des pays suivants :

Afghanistan 1 Albanie 1 Ethiopie 1 Serbie (Kosovo) 3 Iran 1 Nigéria 1

République démocratique du Congo 2

Ceux ayant obtenu le statut de protection subsidiaire sont des ressortissants des pays suivants :

Albanie 2

Sierra Leone 1

Dans la même période du 15 septembre 2007 au 15 mars 2008, la Cour administrative a annulé un jugement reconnaissant la protection subsidiaire à un ressortissant somalien12.

En 2007, le taux de réformation par le tribunal des décisions du MAEI en matière de protection internationale était de 8,1%13 (6,5%14 en ne visant que l’asile au sens de la Convention de 1951), alors qu’il était de 0,65% en 2006. Le MAEI a, quant à lui, octroyé, en 2007, une protection internationale dans 22,41%15 des décisions prises. En 2006, ce taux était de 6,78%. Il est toutefois difficile de tirer des conclusions de cette augmentation significative du taux de reconnaissance en 2007 par rapport à 2006 et aux années précédentes, en l’absence d’information relative au taux de reconnaissance par nationalité.

3. Compétence du tribunal administratif et de la Cour administrative

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