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Préoccupations de l’UNHCR relatives à la procédure d’asile

Analyse critique des efforts d’harmonisation en matière de détermination des besoins de protection internationale

2. Préoccupations de l’UNHCR relatives à la procédure d’asile

La détermination du besoin de protection international est immanquablement affectée par les aspects procéduraux. En effet, il importe que l’application appropriée des critères d’éligibilité se fasse dans le cadre d’une procédure juste et efficace garantissant la qualité de la décision. À titre d’exemple, une approche harmonisée et appropriée de la notion de persécution serait dénuée d’effet si elle trouvait à s’appliquer à un demandeur d’asile privé d’entretien individuel ou contraint de soumettre sa demande dans un délai excessivement court, et donc, de fait, incapable de faire valoir de manière adéquate un risque de persécution.

Du point de vue procédural, l’UNHCR s’inquiète que certaines dispositions de la directive procédures ne permettent pas de garantir une détermination juste et efficace des besoins de protection et sont donc susceptibles de conduire à des risques de refoulement (2.1).23 Plus généralement, certains aspects liés à l’examen des faits, tels que la crédibilité et la charge de la preuve, affectent également la possibilité pour le demandeur de faire valoir effectivement son besoin de protection (2.2).

2.1 Les insuffisances de la directive procédures

L’élaboration de normes minimales au sein de l’UE concernant la procédure d’asile constitue en tant que tel un précédent, cette question n’ayant jusqu’alors pas fait l’objet d’une codification, ni au niveau international ni au niveau régional. Pour autant, la discrétion des Etats concernant le choix de la procédure d’asile n’est pas illimitée. Les Etats sont en effet tenus d’utiliser une procédure qui permette un respect plein et entier de leurs obligations de non-refoulement découlant de la Convention de 1951 et d’autres instruments pertinents comme la CEDH.

L’UNHCR a exprimé à plusieurs reprises ses préoccupations concernant le nombre excessif de cas dans lesquels les Etats membres sont autorisés à recourir à une

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UNHCR, Annotated Comments on the Amended Proposal for a Council Directive on Minimum Standards on Procedures in Member States for Granting and Withdrawing Refugee Status

procédure d’asile accélérée au terme de cette directive. L’article 23, paragraphe 4 ne prévoit pas moins de 16 motifs qui peuvent justifier le recours à une procédure accélérée. Or nombre de ces motifs ne sont liés ni au caractère infondé, ni au caractère abusif de la demande d’asile. Le Comité Exécutif de l’UNHCR a admis que des procédures d’asile accélérées pouvaient être utilisées pour des cas limitativement énumérés et clairement définis de demandes manifestement infondées ou abusives.24 Le recours excessif à des procédures d’asile accélérées permis par la directive procédures est d’autant plus préoccupant que ces procédures sont susceptibles de déroger à la procédure régulière aussi bien en termes de délais qu’en termes de garanties procédurales. Cela n’apparaît pas immédiatement à la lecture de l’article 23 qui dispose que les garanties de la procédure régulière contenues dans le Chapitre II s’appliquent à ces procédures. Il faut se reporter aux dispositions spécifiques traitant de ces garanties pour trouver parfois un paragraphe dérogatoire énumérant certains des alinéas renvoyant au motif de l’article 23, paragraphe 4. Ce paragraphe est optionnel mais autorise les Etats membres à déroger à certaines garanties du Chapitre II. C’est notamment le cas de l’entretien personnel visé par l’article 12 qui peut ne pas avoir lieu quand « l’autorité responsable de la détermination, sur la base d’un examen exhaustif des informations fournies par le demandeur, considère la demande comme infondée dans les cas où les circonstances prévues à l’article 23, paragraphe 4, sous a), c), g), h) et j), s’appliquent ». Cette disposition et en particulier la référence sous c) illustre également une confusion au sein de la directive procédures qui conduit à qualifier d’infondée une demande d’asile émanant d’une personne originaire d’un pays tiers sûr alors même que cette notion est une notion procédurale visant à déterminer qu’un autre Etat est responsable de l’examen au fond de la demande mais ne préjuge en rien du caractère fondé ou pas de la demande. L’article 35, paragraphe 2 de la directive autorise également les Etats à maintenir des procédures d’asile à la frontière préexistant à la date d’adoption de ladite directive qui dérogent aux garanties procédurales du Chapitre II. Enfin l’article 36 prévoit qu’un demandeur d’asile en provenance d’un pays tiers européen sûr puisse se voir refuser l’accès à toute procédure d’asile s’il est établi qu’il cherche à entrer ou est entré illégalement sur le territoire de l’Etat membre concerné.

Enfin, la directive procédures ne garantit pas le caractère suspensif du recours contre une décision de refus d’octroi du statut de réfugié. En vertu de son article 7, le demandeur d’asile n’est autorisé à rester sur le territoire de l’Etat membre concerné

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Comité Exécutif de l’UNHCR, Conclusion No. 30 (XXXIV) – 1983, Le problème des demandes

que durant la première instance de l’examen de sa demande. Cette lacune n’est que partiellement comblée par l’article 39 relatif au droit à un recours effectif qui se contente de renvoyer aux obligations internationales des Etats sans explicitement exiger de prévoir le caractère suspensif du recours. Or, cette garantie est essentielle, au moins concernant les demandes d’asile qui ne sont manifestement pas infondées, pour assurer le respect effectif de l’obligation de non refoulement, eu égard notamment à la proportion importante de décisions de refus de protection internationale qui sont cassées en appel.25 Par ailleurs, il est à présent établi dans la jurisprudence de la CEDH relative à l’article 13 de la CEDH que l’Etat a l’obligation de prévoir un recours à caractère suspensif de plein droit au profit d’un requérant invoquant un grief défendable sous l’angle de l’article 3 de la CEDH.26

2.2 Questions relatives à l’examen des faits

Dans le cadre de la procédure d’asile, le devoir d’établir et d’évaluer les faits pertinents est la responsabilité conjointe du demandeur d’asile et de l’autorité responsable de l’examen de la demande.27 Si initialement il appartient au demandeur d’asile de fournir les preuves nécessaires à l’appui de sa demande, il est essentiel de prendre en compte la situation particulière dans laquelle il se trouve. En effet, le demandeur d’asile, du fait des traumatismes dont il a pu être victime dans son pays d’origine mais aussi durant son déplacement, se trouve souvent dans l’incapacité d’étayer son besoin de protection ou de fournir tous les documents requis dans les délais impartis.

A cet égard, il importe de se reporter à la jurisprudence pertinente de la CEDH en la matière. Tout en indiquant qu’il revient « dans toute la mesure du possible » au requérant de produire « des pièces et informations permettant aux autorités de l'Etat (…) d'apprécier le risque allégué »28 de violation de l’article 3 de la CEDH, la Cour reconnaît « qu'il peut être difficile d'obtenir des preuves documentaires directes établissant que pour une raison quelconque un requérant est recherché par les autorités de son pays ».29 Or, l’article 4 de la directive procédures relatif à l’examen des faits ne reflète pas cet équilibre. Il prévoit notamment que le demandeur d’asile ne

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A l’échelle mondiale cette proportion était d’environ 14% en 2007(voir UNHCR, Statistical Yearbook

2007, p. 48). En France, pour la même année, cette proportion était de 19.9%, ce qui constitue une

augmentation significative par rapport à 2006 (15,3% ; voir le rapport de la Cour Nationale de l’Asile de 2007, p. 7. Au Royaume Uni, cette proportion était supérieure à 20% en 2008 selon un rapport du Centre for Social Justice.

26

Voir e. a. arrêt de la CEDH du 26 avril 2007, Gebremedhin c. France, n°25389/05.

27

UNHCR, Guide des procédures, point 196.

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bénéficie d’un allègement de la charge de la preuve que si cinq conditions sont remplies parmi lesquelles l’établissement de la crédibilité générale du demandeur.

La question de la crédibilité est un facteur prépondérant dans le cadre de la détermination du besoin de protection internationale. L’acquis communautaire en la matière est également source de préoccupation. Tout d’abord comme nous l’avons mentionné précédemment, le manque de crédibilité d’un demandeur d’asile peut justifier le recours à une procédure d’asile accélérée caractérisée par des garanties moindres. L’article 23, paragraphe 4, sous c) de la directive procédure prévoit cette possibilité en cas de déclarations incohérentes ou contradictoires de la part du demandeur ce qui peut conduire à le priver d’entretien individuel alors même que cette garantie s’avère essentielle pour clarifier de telles incohérences. En effet, ces contradictions ne signifient pas nécessairement que la demande est infondée et peuvent se justifier notamment du fait d’un traumatisme dont le demandeur a pu être victime.

A cet égard, il est utile de se reporter à la jurisprudence de la CEDH qui reconnaît que « compte tenu de la situation particulière dans laquelle se trouvent souvent les demandeurs d’asile, il est fréquemment nécessaire de leur accorder le bénéfice du doute lorsque l’on apprécie la crédibilité de leurs déclarations et des documents qui les appuient »30. Par ailleurs, la CEDH ne requiert pas une cohérence complète de la part du requérant et admet qu’il puisse y avoir des incohérences dans sa requête. Dans son arrêt N c. Finlande, bien qu’elle ait émis des réserves quant à la crédibilité du témoignage du requérant, la Cour a néanmoins conclu, sur la base d’autres éléments, que sa requête était suffisamment crédible31 et qu’elle risquait d’être soumise à un traitement prohibé par l’article 3 de la CEDH s’il était renvoyé en République démocratique du Congo.

3. Conclusion

Le régime d’asile européen commun actuellement en cours d’élaboration a contribué à certaines améliorations en matière de détermination des besoins de protection internationale. Néanmoins, des lacunes fondamentales subsistent aussi bien dans la formulation que dans la mise en œuvre des normes minimales communes notamment dans la directive qualification et la directive procédures. La seconde phase du

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Arrêts de la CEDH du 21 juin 2005, Matsiukhina and Matsiukhin c. Sweden, n°31260/04, et du 8 mars 2007, Collins and Akaziebie c. Sweden, n°23944/05, point 12.

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Arrêt de la CEDH du 20 April 2007, N c. Finland, n°38885/02, points 154 et 155. Pour plus de details sur cette question voir T. Spijkerboer, Subsidiarity and ‘Arguability’: the European Court of Human

Rights’ Case Law on Judicial Review in Asylum Cases, dans : « International Journal of Refugee

processus d’harmonisation offre une opportunité précieuse de combler ces lacunes afin de garantir que toutes les personnes ayant besoin d’une protection internationale en bénéficient au sein de l’UE, et que, par conséquent, l’engagement pris par les chefs d’Etats et de gouvernements à Tampere, il y a presque 10 ans, est respecté : « élaborer un régime d’asile européen commun, fondé sur l'application intégrale et globale de la Convention de Genève et assurer ainsi que nul ne sera renvoyé là où il risque à nouveau d'être persécuté » 32.

Discussion des conditions d´accueil au Parlement Européen :

Le rapport de M. Masip du 17 mars 2009

Pablo Sanchez La Chica

À la suite du Conseil européen de Tampere, durant la première phase du régime d'asile européen commun (RAEC ; 1999-2005), l'objectif était d'harmoniser les cadres juridiques mis en place par les États membres à travers une série de règles communes minimales. La deuxième phase suppose la mise en œuvre d'une procédure d'asile commune et d'un statut uniforme pour les bénéficiaires du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire.

C'est dans ce contexte qu'a été adoptée la directive 2003/09/CE du Conseil du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les États membres1 (« directive accueil »), qui laissait à ces derniers une large marge d'appréciation.

Après quelques années d'application de cette directive, les évaluations réalisées par la Commission européenne et les visites effectuées par la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen (commission LIBE) ont révélé que les procédures et conditions d'accueil des demandeurs d'asile demeuraient très problématiques et disparates, ce qui provoquait des mouvements secondaires et allait à l'encontre du principe d'égalité d'accès à la protection dans toute l'Union européenne (UE).

D’autre part, les parlementaires ont dénoncé les épreuves à plusieurs reprises, qu’ils jugent inacceptables dans l'UE, que traversent les demandeurs d’asile. Ils ont également mis en lumière l'inégalité de la charge financière et organisationnelle qui incombe aux différents États membres.

Afin de pallier les inégalités constatées, l’UE a créé le Fonds européen pour les réfugiés. Si sa création a bien permis d’accroître les moyens financiers dont disposent certains États, par la mise en place d’un système de redistribution financière, cette mesure reste néanmoins insuffisante pour garantir la réalisation des objectifs que l'UE s'est fixés.

Dans ce contexte, en vue d’améliorer le fonctionnement du système d’asile européen et de renforcer les droits des demandeurs d’asile, la Commission, tenant compte des constats faits par les députés, a présenté au Parlement un « paquet asile » regroupant

quatre propositions. Les députés ont introduit quatre rapports de codécision visant à amender ces propositions dans le sens d’un renforcement de la solidarité entre États membres.2

Cette première série de rapports de codécision sur l'asile représente une avancée significative dans le rôle joué jusqu'à ce jour par le Parlement européen3, et son objectif est tout aussi notable puisqu’elle vise à harmoniser les législations nationales en matière d’asile par la création d’une réglementation commune.

L’une des quatre propositions4 prévoit de réviser la directive accueil. C’est à cette proposition, amendée par le rapport d'Antonio Masip Hidalgo (Parti socialiste européen)5 que l’on s’intéressera ici. L’exposé des motifs du rapport de M. Masip6, qui procède d’un examen détaillé et critique de la proposition de la Commission, en présente les aspects essentiels ; il est reproduit ci-dessous.

1. L’exposé des motifs du rapport de M. Masip

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