• Aucun résultat trouvé

Etendue de la compétence du tribunal administratif

Etude de jurisprudence du Tribunal Administratif du Grand-Duché de Luxembourg en matière de protection internationale

4. Aspects relatifs à l’interprétation des notions donnant lieu à l’octroi de la protection internationale

5.1 Etendue de la compétence du tribunal administratif

a) Constat

Le tribunal précise son rôle en matière de détermination de la crainte de persécution comme suit : « La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d’un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité de la décision querellée à la lumière de la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance du demandeur d’asile »174. Il ressort des jugements étudiés que le contenu du recours délimite l’étendue de l’examen effectué par le tribunal. Ce dernier estime en effet, qu’il ne peut statuer en

172

Arrêt de la CEDH, précité, Salah Sheekh v. Pays-Bas.

173

Pour plus de détails : UNHCR, Statement: Subsidiary Protection under the EC Qualification Directive

for people threatened by indiscriminate violence, Genève, January 2008.

174

dehors des moyens spécifiques mentionnés dans le recours : « En effet, si le tribunal est certes investi du pouvoir de statuer en tant que juge du fond en la présente matière, il n’en demeure pas moins que saisi d’un recours contentieux portant contre un acte déterminé, l’examen auquel il doit se livrer ne peut s’effectuer que dans le cadre des moyens invoqués par le demandeur pour contrer les motifs de refus spécifiques à l’acte déféré, mais que son rôle ne consiste pas à procéder indépendamment des motifs de refus ministériels à un réexamen général et global de la situation des requérants »175.

De même, la question de la protection subsidiaire ne sera traitée que si des moyens spécifiques ont été invoqués à l’appui de cette dernière. Ainsi, le tribunal considère dans plusieurs jugements que : « Dans la mesure où, d’après le libellé formel de la requête introductive, l’objet du recours a été confiné au volet de la décision entreprise relatif au statut de réfugié et que l’élément décisionnel du refus de la protection subsidiaire n’a pas été déféré au tribunal, celui-ci ne saurait étendre son examen sur cet élément de la décision du 16 mai 2007 »176. Il statuera également que : « [quant] au volet de la décision ayant trait à la protection subsidiaire telle que prévue par les dispositions de l’article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006, force est de constater que le demandeur n’a pas attaqué ce volet de la décision par des moyens spécifiques et que les éléments mis en avant par le demandeur sont également insuffisants pour établir dans son chef un risque réel de subir les atteintes graves définies par cet article 37 »177. Dans le cas d’un demandeur somalien, le tribunal a considéré qu’ « a part les faits et craintes allégués à l’appui de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié, le demandeur n’a pas soulevé de moyen spécifique de nature à justifier dans son chef la reconnaissance d’un statut de protection subsidiaire»178.

Le tribunal semble également conditionner l’examen de la protection subsidiaire à la production par le demandeur d’autres motifs ou d’éléments « supplémentaires ». Cet aspect a été examiné supra (voir 4.2.2.2.1).

Relevons toutefois que, parmi les jugements analysés, un jugement contient implicitement une demande d’instruction complémentaire en renvoyant le dossier devant le MAEI jugeant qu’un aspect de la demande d’asile n’avait pas été suffisamment approfondi : « Il s’ensuit que le tribunal, dans le cadre du recours en réformation, est amené à prononcer l’annulation des décisions entreprises pour erreur

175

TA, 25 janvier 2008, n° 23301, Guinée, rejet.

176

TA, 10 janvier 2008, n° 23067, Bénin, rejet. Voir aussi, TA, 9 octobre 2007, n° 22623, Russie, rejet.

177

TA, 1 février 2008, n° 23549, Iraq, rejet.

178

d’appréciation des faits et à renvoyer le dossier devant le Ministre afin qu’il statue sur les demandes en obtention du statut de réfugié respectivement du statut de protection subsidiaire introduites par les époux [...] en statuant par rapport au fond de leur récit et les incidences éventuelles de l’activisme politique développé par les demandeurs contre le pouvoir en place en Iran après leur arrivée au Luxembourg »179.

b) Observations de l’UNHCR

La jurisprudence étudiée relative à la compétence du tribunal soulève notamment la question de la charge de la preuve (voir section 5.2, pp. 101 s.) et celle de l’effet limité de l’appel, en ce que, dans la pratique, l’examen des recours reste limité aux moyens invoqués, le tribunal ne soulevant pas d’initiative, des éléments qui lui sembleraient opportuns d’approfondir dans le cadre de l’évaluation de la demande de protection internationale.

Si les questions de l’étendue de la compétence du tribunal et de son pouvoir d’instruction limité surviennent dans les autres matières relevant de sa compétence, elles se posent avec une acuité particulière en matière de protection internationale. En effet, la spécificité de la protection internationale a des incidences sur des aspects tels que la charge de la preuve, appliquée différemment en droit des réfugiés qu’en matière civile.

Ainsi, dans la mesure où la charge de la preuve ne repose pas uniquement sur le demandeur d’asile (voir 5.2, pp. 101 s.), il est recommandé que l’instance de recours puisse d’initiative examiner tous les éléments relatifs à la protection internationale, même s’ils n’ont pas été abordés dans le recours, afin de garantir au demandeur un réexamen complet de sa demande de protection internationale. Il est en effet conseillé que le besoin de protection internationale soit examiné d’office et dans sa globalité. Ainsi, l’absence de moyen spécifique ou de motif supplémentaire (à ceux évoqués dans le cadre de l’examen de la demande d’asile au regard de la Convention de 1951), dans le cadre d’une demande de protection subsidiaire, ne devrait pas empêcher le tribunal d’examiner la demande de protection sous l’angle des deux formes potentielles de protection (voir aussi supra 4.2.2.2.1).

Dans le même ordre d’idées, le tribunal ne semble pas faire usage d’une compétence d’instruction propre, ce qui a pour résultat d’alourdir dans les faits la charge de la preuve pour le demandeur et ne permet pas au tribunal de jouer le rôle d’examinateur actif dans l’établissement des faits. Dès lors, l’UNHCR préconise qu’un pouvoir

179

TA, 1 février 2008, n° 23173, Iran. Dans ce cas, le tribunal a annulé la décision du MAEI et a renvoyé le dossier au MAEI « en prosécution de cause ».

d’instruction accru puisse être conféré au tribunal dans ce domaine. En l’absence d’une telle compétence, l’alternative de renvoi vers le MAEI afin de compléter l’instruction du dossier quand il estime que les moyens invoqués ne lui permettent pas d’examiner de manière approfondie tous les aspects de la demande de protection, devrait être envisagée et évaluée (voir à ce sujet infra 4.1.1.2 pointant une différence en matière de transposition de la directive qualification qui laisse à penser que la directive impose une obligation de tenir compte des éléments liés à la situation objective dans le pays d’origine à toutes les instances d’asile, y compris le tribunal).

5.2 Etablissement des faits, charge de la preuve et évaluation de la

Documents relatifs