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Accès au marché de l’emploi pour les demandeurs de protection internationale : Changements opérés par la loi modifiée du 5 mai

2006

Jean-Paul Reiter

Traditionnellement, compte tenu de la différence fondamentale entre asile et immigration, les demandeurs d’asile n’avaient pas accès au travail. Accorder un accès au marché de l’emploi à des demandeurs d’asile revenait en effet à concilier deux idées a priori antagonistes, à savoir d’un côté la volonté d’éviter un détournement des procédures d’asile à des fins économiques, et d’un autre côté, celle de ne pas contraindre les demandeurs d’asile à une oisiveté forcée pendant une longue période.

A l’issue de négociations difficiles, la directive 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les Etats membres (« directive accueil »)1 a pour une première fois prévu la possibilité d’accès au marché de l’emploi dans le chef de demandeurs d’asile.

Dans son article 11, ladite directive dispose que les Etats membres prévoient une période commençant à la date de dépôt de la demande d’asile durant laquelle le demandeur n’a pas accès au marché du travail. Si une décision en première instance n’est pas prise un an après la présentation d’une demande d’asile et que ce retard ne peut être imputé au demandeur, les Etats membres décident dans quelles circonstances l’accès au marché du travail est octroyé au demandeur. La directive accueil prévoit en outre que l’accès au marché du travail n’est pas refusé durant les procédures de recours, lorsqu’un recours formé contre une décision négative a un effet suspensif, jusqu’au moment de la notification d’une décision négative sur le recours. Enfin, il est prévu que pour des motifs liés à leur politique du marché du travail, les Etats membres peuvent accorder une priorité aux citoyens de l’Union européenne et à ceux des Etats parties à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE), ainsi qu’aux ressortissants de pays tiers en séjour régulier.

Le législateur luxembourgeois a introduit l’accès au marché de l’emploi dans le cadre de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection2.

1

D’après son article 14, le demandeur de protection internationale (DPI) n’a pas accès au marché de l’emploi pendant une durée de neuf mois après le dépôt de la demande de protection internationale mais cet accès devient possible lorsque la durée de l’instruction de la demande est trop longue. Ainsi, lorsqu’aucune décision n’est intervenue sur cette demande dans les neuf mois, et que le retard ne peut pas être imputé au demandeur, ce dernier est admis à introduire une demande d’accès au marché de l’emploi par le biais d’un futur employeur.

Il convient de préciser que les DPI ne peuvent obtenir un véritable permis de travail : un permis spécifique leur est délivré, appelé « autorisation d’occupation temporaire » (AOT). L’octroi comme le renouvellement de l’AOT peuvent être refusés pour des raisons inhérentes à la situation, à l’évolution ou à l’organisation du marché de l’emploi, compte tenu de la priorité à l’embauche dont bénéficient les citoyens de l’Union européenne, les citoyens des Etats liés par l’accord sur l’EEE, les ressortissants de pays tiers en vertu d’accords spécifiques ainsi que les ressortissants de pays tiers en séjour régulier inscrits comme demandeurs d’emploi.

L’AOT, d’une durée maximale de six mois et renouvelable sur demande tant que les conditions sont remplies, ne donne pas droit à un titre de séjour. Autrement dit, les salaires ainsi perçus ne seront pas à considérer comme « moyens d’existence personnels et suffisants », au sens de la législation en matière d’entrée et de séjour des étrangers3, et le ministre pourra donc refuser le séjour au DPI au motif que ce dernier manque desdits moyens.

Afin de lancer la procédure de demande en obtention d’une AOT, l’employeur doit au préalable faire une déclaration de poste vacant à l’ Administration de l’emploi (ADEM). Faute de candidats disponibles auprès de l’ADEM, l’employeur sollicite une AOT auprès de l’ADEM.

L’AOT perd sa validité, soit au bout de six mois, soit au moment où une des deux parties contractantes résilie la relation de travail, soit au moment où la demande de protection internationale est définitivement rejetée. De même, cette autorisation sera retirée si son bénéficiaire exerce une autre profession que celle qui a été autorisée ou si des déclarations inexactes ont été faites en vue de l’obtention de l’AOT.

3

L’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers (Mémorial A n°24 du 13 avril 1972, pp. 818 s.) dispose que « l’entrée et le séjour au Grand-Duché de Luxembourg pourront être refusés à l’étranger : - qui est dépourvu de papiers de légitimation prescrits, et de visa si celui-ci est requis, - qui est susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics, - qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ».

Des dispositions similaires sont prévues par l’article 22 de la loi modifiée du 5 mai 2006 pour les bénéficiaires d’une « tolérance », statut réservé aux DPI déboutés, mais pour lesquels l’éloignement est matériellement impossible en raison de circonstances de fait indépendantes de leur volonté.

Dans la pratique, 367 AOT ont ainsi été délivrées depuis l’entrée en vigueur de la loi du 5 mai 2006, soit 76 % de réponses positives.

L’autorisation d’occupation temporaire : Expériences vécues par les

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