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Préoccupations de l’UNHCR relatives à certaines dispositions de la directive qualification

Analyse critique des efforts d’harmonisation en matière de détermination des besoins de protection internationale

1. Préoccupations de l’UNHCR relatives à certaines dispositions de la directive qualification

Sur la base de ses commentaires soumis lors de l’adoption de la directive qualification12 et de son expérience durant la phase de mise en œuvre de cet instrument communautaire au niveau des Etats membres, l’UNHCR formule les observations suivantes concernant certaines notions générales relatives à l’octroi de la protection internationale (1.1.) ainsi que certaines dispositions propres à l’octroi du statut de réfugié d’une part, et du statut de protection subsidiaire d’autre part (1.2).

10

Ces commentaires sont disponibles à l’adresse suivante :

http://www.unhcr.fr/cgi-bin/texis/vtx/doclist?page=protect&id=4360c8e30.

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UNHCR, Asylum in the European Union. A Study of the Implementation of the Qualification Directive,

novembre 2007.

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1.1 Notions générales relatives à l’octroi de la protection internationale

La directive qualification introduit notamment des normes minimales concernant les notions d’acteurs de persécution et d’atteinte grave (l’article 6), de protection (l’article 7) ainsi que de protection interne (l’article 8).

Concernant les acteurs de persécution, la directive qualification résout une divergence récurrente et problématique entre les Etats membres, dont certains comme l’Allemagne et la France refusaient jusqu’alors l’octroi du statut de réfugié aux personnes persécutés par des agents non étatiques. Ladite directive dispose désormais clairement que la nature des agents de persécution est indifférente et que le statut de réfugié ou la protection subsidiaire peuvent être accordées si les acteurs de protection, Etat ou autres, tels que les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves au sens de l'article 7. Ce faisant la directive qualification a clarifié l’application de cette notion et étendu les possibilités de bénéficier de la protection internationale notamment en France et en Allemagne.

En revanche la définition des acteurs de protection visés par l’article 7 de cette directive a donné lieu à des interprétations divergentes dans les différents Etats membres de l’UE notamment concernant les critères de « contrôle du territoire », de « mesures raisonnables » pour empêcher la persécution ou les atteintes graves, et d’« accès à la protection ». Par ailleurs, la notion même d’acteur de protection non étatique est source de préoccupations tant il paraît difficile d’envisager qu’une organisation internationale ou, a fortiori, un clan ou une milice, soient en mesure d’assurer la protection d’individus au même titre qu’un Etat.

La directive qualification fixe également des critères minimums concernant la notion de protection interne, sur la base de laquelle les Etats membres peuvent déterminer qu'un demandeur n'a pas besoin de protection internationale car il peut trouver une protection à l’intérieur de son propre pays d’origine. Les effets d’harmonisation de cette directive en la matière ont été relativement limités. L’UNHCR a observé de grandes divergences entre Etats membres dans l’interprétation des critères sur lesquels l’Etat est censé se fonder pour conclure à la possibilité d’une protection interne.13 En outre, ces critères s’avèrent insuffisants pour garantir effectivement la protection de la personne concernée, notamment au regard de ce que préconise la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) sous l’angle de l’article 3 de la

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Convention des Droits de l’Homme (CEDH)14. Au terme de la directive qualification, il suffit qu’« il n'y [ait] aucune raison de craindre d'être persécuté ni aucun risque réel de subir des atteintes graves et qu'il [soit] raisonnable d'estimer que le demandeur peut rester dans cette partie du pays ».15 Dans son arrêt Salah Sheekh c. Pays Bas, la Cour EDH exige que la personne soit capable de « travel to the area concerned, gain admittance and settle there, failing which an issue under Article 3 may arise ».16 L’UNHCR recommande pour sa part que toute zone de protection interne envisagée pour le demandeur doit être accessible en pratique, légalement et en toute sécurité.17 Au vue des divergences entre Etats membres sur ce sujet et des lacunes de l’article 8 de la directive qualification, il est essentiel que cette disposition soit renforcée dans la proposition révisée que la Commission doit publier au cours de l’année 2009.

La directive qualification contient également des dispositions spécifiques concernant les critères de reconnaissance du statut de réfugié d’une part et du statut de protection subsidiaire d’autre part.

1.2 Questions spécifiques au statut de réfugié et à la protection subsidiaire

La définition de l’acte de persécution au terme de son article 9 constitue une contribution importante de ladite directive. En effet, à ce jour, cette notion n’était définie dans aucun instrument international ou régional.18 La directive qualification requiert une certaine gravité de l’acte qui peut résulter de sa nature ou de son caractère répété. En vertu de l’article 9, un acte isolé peut donc être constitutif d’une persécution.

La directive définit également la notion d’atteinte grave qui fonde la reconnaissance d’un besoin de protection subsidiaire dans les cas où il existe des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine, serait exposée à un risque réel de subir une telle atteinte. L’article 15 de ladite directive dispose que les atteintes graves peuvent être les suivantes :

a) la peine de mort ou l'exécution, ou

b) la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine, ou

14

Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (telle qu'amendée par le Protocole n°11) du 9 novembre 1950, entrée en vigueur le 3 septembre 1953, STCE n°005.

15

UNHCR, Study on the implementation of the Qualification Directive, op.cit., p. 10.

16

Arrêt de la Cour EDH du 6 juillet 2006, Salah Sheekh c. Pays-Bas, n°1948/04, point 141.

17

UNHCR, Construire une Europe de l’asile : Recommandations de l’UNHCR pour la Présidence française de l’Union européenne (juillet – décembre 2008), 9 juin 2008, p. 10.

18

UNHCR, Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés (« Guide des

c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle ou en cas de conflit armé interne

ou international.

Cependant, des difficultés et des divergences d’interprétation sont apparues concernant l’interprétation de l’article 15 (c) aussi bien entre les Etats membres qu’au sein même de certaines juridictions. L’étude de l’UNHCR documente en détail ces divergences d’interprétation et de transposition qui concernent notamment le rapport entre la notion de menace individuelle et la notion de violence aveugle ainsi que les critères et la méthode retenus pour qualifier une situation de conflit armé.19 En outre, les variations parfois radicales de traduction entre les différentes versions linguistiques accentuent la confusion. A titre d’exemple la version anglaise de l’article 15 (c) indique clairement que la violence aveugle doit s’inscrire dans une situation de conflit armé20 tandis que dans la version française l’atteinte grave peut résulter, soit de la violence aveugle, soit d’un conflit armé.

Concernant en particulier l’interprétation de la notion de menace individuelle, certains Etats membres, s’appuyant notamment sur une lecture restrictive du considérant 26 du préambule de la directive, exigent que le demandeur démontre un plus grand degré d’individualisation par rapport au reste de la population contrairement aux recommandations de l’UNHCR.21

Récemment, la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE) a clarifié le sens à donner à cette expression et a conclu notamment que « l'existence de menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne du demandeur de la protection subsidiaire n'est pas subordonnée à la condition que ce dernier rapporte la preuve qu'il est visé spécifiquement en raison d'éléments propres à sa situation personnelle ».22 La CJCE souligne que « l'existence de telles menaces peut exceptionnellement être considérée comme établie lorsque le degré de violence aveugle caractérisant le conflit armé en cours (…) atteint un niveau si élevé qu'il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu'un civil renvoyé dans le pays concerné ou, le cas échéant, dans la région concernée courrait, du seul fait de sa présence sur le territoire de ceux-ci, un risque réel de subir lesdites menaces ». L’arrêt Elgafaji c. Staatssecretaris van Justitie a donc

19

UNHCR, Study on the implementation of the Qualification Directive, op.cit., pp. 11-13.

20

Dans sa version anglaise l’article 15(c) dispose que « serious harm consists of serious and individual threat to a civilian's life or person by reason of indiscriminate violence in situations of international or internal armed conflict ».

21

UNHCR, Statement on Subsidiary Protection under the EC Qualification Directive for People Threatened by Indiscriminate Violence, January 2008.

22

Arrêt de la CJCE du 17 février 2009, Elgafaji c. Staatssecretaris van Justitie (C-465/07, JO C 90 du 18 avril 2009, p. 4).

contribué à clarifier certaines incertitudes, mais la CJCE ne précise pas quels critères doivent être pris en compte pour évaluer le degré exceptionnel de violence aveugle. Par ailleurs, la notion de conflit armé, qui ne faisait pas l’objet du recours préjudiciel, n’a pas été clarifiée.

Ces incertitudes concernant l’interprétation de l’article 15 (c) entravent les efforts d’harmonisation mais également les chances de personnes ayant besoin d’une protection internationale d’en bénéficier au sein de l’UE.

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