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Entre poussées fédéralistes et néocentralisme, la régionalisation italienne en question

l’Émilie-Romagne et le Latium

1. Le débat entre régionalisation et régionalisme(s) en Europe

2.3. Entre poussées fédéralistes et néocentralisme, la régionalisation italienne en question

Au-delà des deux particularités fondamentales qui viennent d’être évoquées, la toile de fond du débat sur la régionalisation en Italie est semblable à celle de nombreux autres pays européens, elle est faite d’un mouvement saccadé d’attribution croissante d’autonomie aux collectivités régionales. Depuis leur création, les régions ont connu des réformes qui ont donné plus de visibilité à leur gouvernement régional (élection du président de région au suffrage universel) et reçu des compétences majeures dans des secteurs centraux de la vie publique. Sans prétendre là encore évoquer l’ensemble de ces compétences, retracer l’histoire de cette dynamique politique constitue une étape indispensable puisqu’une des hypothèses fortes de ce travail de thèse est que certains épisodes du processus politique de régionalisation (notamment la réforme du Titre V, au tournant des années 2000) constituent aussi des moments clés, des seuils d’inflexion des modalités de mise en récit de la région. L’éclairage de cette question nécessite de prêter une attention toute particulière à la manière dont se structurent les rapports entre l’État et les différents niveaux de collectivité territoriale, au premier rang desquels la région. Les paragraphes qui suivent constituent une tentative de périodisation synthétique des vicissitudes qu’a connu (et connaît encore) le mouvement de régionalisation institutionnelle de l’Italie.

Encadré 4. Chronologie synthétique de la régionalisation de l’État italien

1861 Naissance et unification du Royaume d'Italie, débats autour de l'instauration d'une organisation fédéraliste

1865 Lois d'unification administrative du Royaume. Imposition du modèle centraliste piémontais

1947 Rédaction de la Constitution de la République italienne. Création de Régions aux pouvoirs législatifs

1948 Régionalisation inachevée. Naissance des Régions à statuts spéciaux mais pas des Régions à statut ordinaire

1970 Naissance des 15 Régions à statuts ordinaires. Enumération des domaines de compétence administrative et législative des Régions

1993 Election directe des maires (loi 81/1993)

1997 Loi Bassanini : transfert de fonctions de l'État vers les Régions et les Provinces. (expression d’une volonté de fédéralisme administratif)

1999 Election des présidents de l'exécutif régional au suffrage universel direct. Présidentialisation du pouvoir régional

2001 Réforme constitutionnelle. Enumération des domaines de compétence exclusive de l'État, le reste est attribué aux Régions

2009 Entente de la Ligue du Nord et du gouvernement Berlusconi : Loi n° 42/2009. (expression d’une volonté de fédéralisme fiscal)

2012 Rétablissement du contrôle de l’État sur les dépenses des Régions (expression d'une volonté de recentralisation

2016 Projet de réforme constitutionnelle (expression d'une volonté de recentralisation) rejeté par référendum

La région, une idée en germe dans l’Italie unitaire

À l’échelle européenne, l’Italie est un État récent. Son unification ne s’est achevée qu’en 1871, après l’annexion de Rome et le choix, difficile, d’en faire la capitale du nouvel État italien. Cette construction est donc d’abord et avant tout contemporaine de ce que les historiens ont désigné comme le « siècle des nationalismes » et a conduit à une forme de surinvestissement de l’échelon national dans les efforts de construction identitaire (Pécout, 1997 ; Thiesse, 1999). A cette époque, plusieurs intellectuels font campagne pour un État au pouvoir décentralisé, constitué d’entités disposant de l’autonomie législative et administrative, mais l’hésitation sur le type d’objet géographique, villes ou régions, susceptible de jouer ce rôle est forte. Carlo Cattaneo, un des théoriciens du Risorgimento, insiste par exemple sur le rôle structurant des villes dans l’histoire du pays et la nécessité de ménager à cet échelon une place dans l’organisation politico-administrative du nouvel état.

« En Italie […] la ville formait avec son territoire un corps inséparable. Traditionnellement, et depuis des temps immémoriaux, le peuple des campagnes, bien qu’il ait aujourd’hui accédé à une grande part de la propriété, prend pour nom celui de sa propre ville, et ce jusqu’à ce qu’il rencontre une autre population qui prend, elle, le nom d’une autre ville. Dans nombre de provinces, la ville est la seule patrie que le peuple connaît et ressent. Notre peuple, dans son usage domestique et spontané, ne s’attribua pas le nom géographique et historique de Lombard ; jamais il ne se familiarisa avec les divisions administratives des départements et des provinces qui passaient hors les anciennes limites municipales. […] Cette adhésion du paysan à la ville peut s’expliquer par des attirances étrangères ou des contraintes exercées par un autre État similaire […]. Mais quand, pour une raison ou une autre, cette attraction ou cette contrainte diminue, l’élasticité originelle resurgit et le tissu municipal retrouve sa vitalité d’autrefois. Le territoire fait alors renaître la cité détruite. La permanence du municipal est un autre fait

fondamental et quasi commun à toutes les histoires italiennes. » [Cattaneo, 1957, pp. 1000-1001, cité en français dans Cavazza, 2002]

Il faut souligner ici la résurgence de ce débat aujourd’hui, à l’heure où la « région urbaine globale » (Salone, 2019) et les métropoles sont érigées en chefs de file du développement territorial. La question de l’organisation régionale ou non du territoire se pose pourtant dès les premières années de l’Unité nationale puisqu’on trouve les traces d’une telle proposition dans les discours des ministres de l’intérieur Farini et Minghetti dès 1860-1861105. Ces derniers, tous deux Émiliens, étaient favorables à l’introduction d’une forme de décentralisation et d’autonomie accordée à des « compartiments régionaux », dotés d’une personnalité morale. Les régions en question devaient être découpées en fonction de considérations historiques, privilégiant la longue durée et donc différer assez largement de la situation des États pré-unitaires (Desideri, 2015, p. 95). Dans cette genèse de l’idée d’une régionalisation institutionnelle, l’échelon d’administration créé devait toutefois être dirigé par un gouverneur nommé par le pouvoir central, il s’agissait donc plus d’une volonté de déconcentration que d’une véritable tentative de décentralisation.

Malgré cette percée précoce, le thème des régions n’a longtemps pas eu les faveurs des élites politiques italiennes. Les acteurs les plus influents du Risorgimento, ceux d’origine piémontaise, considéraient déjà le projet des ministres émiliens comme trop audacieux et sont restés résolument ancrés dans une vision centraliste de la construction nationale, avec une législation et une administration unique (Mazzega et Musitelli, 1980). Leur objectif était de faire table rase des organisations en vigueur dans les États pré-unitaires, pas d’en consacrer l’existence en leur reconnaissant des limites administratives et une autonomie, même minime. L’historien S. Romano écrit à ce sujet qu’ « au lieu de se demander si un État rigidement unitaire était le plus apte à rassembler des peuples aussi différents, ils ne pouvaient envisager d’autre solution que la mise en place d’une administration fortement centralisée sous un gouvernement sévère » (Romano, 1977, p. 27). Tout discours d’orientation régionaliste fut alors considéré comme suspect et « anti-unitaire » et le projet des ministres émiliens fut enterré dès la mort de Cavour et son remplacement par Ricasoli à la tête du gouvernement. Ce dernier retire le projet porté par Minghetti et choisi d’étendre à l’ensemble du pays106 la partition, inspirée du modèle napoléonien, en communes et provinces adoptée par le Piémont en 1848 (Ragioneri, 1974) et restée présente avec diverses adaptations dans d’autres parties du pays (Galluccio, 1998, 2015). La promulgation de la loi du 20 mars 1865 sur l’unification administrative du Royaume inscrit ce choix de la province comme maille de référence dans la durée et interdit pendant des décennies toute référence à

105 Projet de loi présenté à la chambre des députés le 13 mars 1861, cité dans Rotelli, 1973

la région du point de vue législatif ou administratif. L’histoire de la régionalisation en Italie commence donc avec un faux-départ.

En pratique, le premier découpage de l’Italie naissante en entités de grande taille a été réalisé sous la forme de compartiments statistiques à l’occasion du premier recensement de ce qui est alors le Royaume d’Italie. Pietro Maestri, dirigeant le premier Institut statistique du Royaume d’Italie107, délimite ces compartiments en regroupant des provinces, échelon privilégié par l’administration piémontaise. De l’aveu même de Maestri, ils étaient quelque peu improvisés, s’appuyant sur des découpages fréquemment croisés dans des travaux sur les divisions physiques et historiques du territoire italien, et n’avaient pas vocation à être pérennes. Pour lui, « la détermination définitive des compartiments économiques et statistiques ne pourra pas avoir lieu tant que des études topographiques, météorologiques et agronomiques n’auront pas été mieux menées » (Maestri, 1864, p. VI‑VII). Les regroupements de provinces qu’il effectue pour la présentation du recensement, au nombre de 16, ne seront toutefois jamais réellement réexaminés et prendront le nom de « région » dans les annuaires statistiques à partir de 1911, à l’occasion de la publication du rapport pour le Cinquième recensement général du Royaume d’Italie. L’absence de maille administrative ou de toute forme de gouvernement à l’échelle régionale n’a cependant pas empêché la vitalité des réalités sociales, culturelles et linguistiques à caractère régional. Les revues qui mettent en scène le régionalisme, publiées avec le concours des élites culturelles locales, sont nombreuses et les stéréotypes régionaux se dessinent (Finzi, 1997). De même, l’existence d’un courant fédéraliste au sein des parlementaires est attestée tout au long de la période qui va de l’Unification à la fin de la Première Guerre mondiale.

À l’époque de cette première partition en « régions », le Latium ne fait pas partie des compartiments statistiques de l’Italie unifié puisque les États pontificaux résistent encore et que les troupes du Royaume d’Italie n’ont toujours pas fait leur entrée dans Rome108. Le refus du Pape Pie IX de reconnaître l’existence de l’État italien, se considérant lui-même comme prisonnier dans Rome dès l’annexion de la ville, a formalisé le conflit entre le pouvoir politique italien et la sphère catholique de la nouvelle société nationale. Ces prises de position inconciliables et leurs conséquences, décrites sous l’appellation « question romaine » (terme qui n’a donc aucun lien avec la question régionale qui est au cœur de cette thèse) ont donné lieu à une certaine méfiance des élites catholiques vis-à-vis de l’État unitaire. Les catholiques italiens ont donc été les premiers à « exalter l’autonomie locale et régionale comme contrepoids du pouvoir central » (Mazzega et Musitelli, 1980, p. 18) et la décentralisation

107 Giunta centrale di statistica, organe dépendant du ministère de l’Agriculture, de l’Industrie et du Commerce à partir de 1859.

108 La défaite de Napoléon III dans la guerre franco-prussienne de 1870, en retirant la protection militaire que la France accordait aux derniers territoires restés sous l’autorité pontificale (qui correspond à peu de choses près – j’y reviendrais – aux limites du Latium actuel) permet aux soldats italiens d’achever la conquête de la péninsule et le processus d’unification politique.

resta une constante des revendications du Parti Populaire Italien (ancêtre de la Démocratie Chrétienne), fondé par Luigi Sturzo en 1919. Ce détour historique permet de nuancer une vision particulièrement répandue chez les acteurs rencontrés lors des entretiens, en Émilie-Romagne comme dans le Latium, selon lequel les poussées vers la décentralisation et la régionalisation sont avant tout une position adoptée par « la gauche ».

L’idée régionale sous le fascisme

La période fasciste, connue entre autres pour son centralisme exacerbé, a été dense en remaniements de la trame provinciale, soit par création de nouvelles provinces, soit par modification des limites de certaines d’entre-elles. Je reviendrai plus loin sur le détail de cette refonte du maillage et ses conséquences sur la forme et l’extension spatiale du territoire des deux régions sur lesquelles cette thèse se concentre. Initialement pourtant, la tendance partagée par les premières élites politiques du régime fasciste durant les années 1920 est plutôt favorable sinon au développement d’un régionalisme culturel, tout au moins à une reconnaissance de la diversité culturelle au sein de la nation italienne. La réforme engagée par le ministre de l’éducation Gentile, qui propose en 1923 d’introduire l’usage du dialecte dans les écoles élémentaires, en constitue un témoignage parlant. Dans la même veine, l’institution Dopolavoro, en charge des loisirs des travailleurs au sein du régime fasciste, introduit le folklore dans ses programmes de loisirs destinés aux masses, et ce jusqu’à la fin de la décennie (Cavazza, 2002). Le virage autoritaire qui caractérise la période fasciste peut toutefois être plutôt regardé comme un moment de centralisation et donc de blocage des aspirations à l’autonomie des collectivités locales. L’attention qui leur est accordée n’avait alors d’autre objectif que de renforcer le contrôle des agents de l’État sur le territoire. En effet, à partir des années 1930, la manière dont fut pensée et réalisée la construction de l’État fasciste ne prenait aucunement en compte la question régionale, perçue comme antithétique à un État fort et hypercentralisé (Desideri, 2015). Mussolini revint lui-même sur ces réformes dès le début des années 1930 en décidant de l’élimination du dialecte dans toutes les écoles. (Cavazza, 2002). Parmi les idéologues du fascisme, la thèse la plus répandue était celle d’une nation conçue comme communauté organique qui s’identifiait entièrement à l’État fasciste. Le fascisme défend dans ce deuxième temps une vision traditionnelle du territoire, avec pour finalité une exaltation de l’italianité, dont Rome est la figure de proue, ce qui ne sera pas sans effet pour la délimitation territoriale de la région Latium. La chute du régime a été à cet égard l’occasion d’un grande rupture, même si certains voient dans la lenteur avec laquelle ont été mises en place les régions institutionnelles après l’Assemblée Constituante un signe que les principes édictés dans les années 1930 ont durablement marqué les mentalités des dirigeants politiques nationaux (Rotelli, 1973).

La difficile mise en application des dispositions de la Constitution de 1948

Dans l’immédiat après-guerre, lors de la rédaction de la Constitution de la République, il apparaissait évident que l’idée de nation qui devait aller de pair avec la République naissante ne pouvait plus être celle, organique et totalisante, qui s’était imposée jusqu’alors. L’idée d’une organisation régionale de l’État est largement répandue parmi les députés issus des mouvements antifascistes de la Constituante (Gambi, 1964 ; Rotelli, 1973 ; Treves, 2004) qui font pression pour que la division en régions figure en bonne place dans le texte fondant la République Italienne et devienne un véritable pilier de l’État.

Les soulèvements sociaux dans le sud du pays et les deux îles principales viennent alors reposer de manière virulente la « question méridionale », déjà évoquée plus haut, fondée sur les disparités de développement entre le Nord et le Sud et dont l’expression avait été freinée par le régime fasciste. De fait, avant même la fin de la guerre pour certaines, ce sont d’abord les régions aux particularismes culturels les plus affirmés, notamment sur le plan linguistique, qui sont instituées et immédiatement dotées d’un « statut spécial » (Figure 16). Cette touche de fédéralisme concerne les régions insulaires (Sicile et Sardaigne) ainsi que le Trentin-Haut-Adige, dont les germanophones constituent une part importante de la population et le Val d’Aoste, dont la majorité des habitants est alors francophone. Ces quatre régions - puis cinq avec l’ajout en 1963 du Frioul-Vénétie Julienne (dont la population comprend alors des minorités linguistiques slovènes, germanophones et frioulanes) - sont toutes situées en position périphériques par rapport au territoire national. À travers ce statut spécial, l’État confie aux régions en question de larges pouvoirs législatifs, la capacité de protéger leurs particularités linguistiques et une forte autonomie budgétaire qui leur permet de conserver une large part des impôts perçus sur leur territoire (Dumont, 2014). Le Val d'Aoste retient par exemple 90 % des impôts payés par ses habitants, la Sicile parfois la totalité (Profeti, 2012). L'État a conservé néanmoins ses compétences en matière de justice, d'ordre public et de défense. Il est évident que c’est d’abord la volonté de désamorcer les tentations séparatistes qui a motivé la mise en place de ces régions privilégiées (Bartole, Mastragostino et Vandelli, 1984 ; Putnam, 1993). Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la Sicile est notamment sujette à de nombreuses insurrections, parfois très violentes109, et l’acquisition de l’indépendance revient régulièrement parmi les revendications. Il faut cependant se garder de surévaluer la portée de ces régionalismes militants : le mouvement séparatiste sicilien ne reposait pas sur une véritable idéologie régionaliste, et la Démocratie Chrétienne en prit rapidement le contrôle (Cavazza, 1995) pour le rendre moins incompatible avec le maintien de l’île au sein de l’État italien.

109 C’est le cas notamment des actions de l’Esercito Volontario per l’Indipendenza della Sicilia, branche armée du Mouvement pour l’Indépendance de la Sicile, dont la figure de proue Salvatore Giuliano conserve encore aujourd’hui une forte charge symbolique parmi les partisans de l’indépendance de l’île.

Dans les régions où la question des particularismes culturels se pose de manière moins virulente, la question de la naissance effective des collectivités territoriales régionales dites « ordinaires » est rapidement mise de côté. Il faudra attendre vingt ans pour que les dispositions émises par l’Assemblée Constituante, qui faisaient de la maille régionale une composante essentielle de l’État républicain, soient réalisées et que la régionalisation revienne sur le devant de la scène politique. Les raisons avancées pour expliquer ces blocages diffèrent, mais la frilosité ou la prudence des élites politiques en place au niveau étatique est une constante retrouvée dans la plupart des travaux sur le sujet (Bartole et Mastragostino, 1997 ; Bonora et Coppola, 1997 ; Desideri, 2015). Le délai dans l’application des dispositions constitutionnelles sur les régions à statut ordinaire n’est pas présenté comme la manifestation d’une incapacité des différents gouvernements à honorer les engagements de l’Assemblée Constituante. Au contraire, « il faut parler en l’occurrence de volonté délibérée et systématique de geler une situation pour éviter de déclencher des conséquences politiques non souhaitées, à savoir l’apparition de contre-pouvoirs régionaux concurrençant l’État central, incarné et colonisé par la Démocratie Chrétienne » (Mazzega et Musitelli, 1980, p. 33). Il apparaissait très clairement en effet que certaines régions, en particulier dans le Centre-Nord (Toscane, Ombrie, Émilie-Romagne) constitueraient des bastions pour l’exercice du pouvoir par l’opposition composée du Parti Communiste et du Parti Socialiste. De manière paradoxale, malgré le fait que la volonté de décentraliser ait été un leitmotiv de ses fondateurs au début du siècle, la victoire très large de la DC lors des premières élections législatives de 1948, immédiatement consécutives à la rédaction de la Constitution, a donc contribué à la mise en sommeil de la régionalisation. Un autre élément avancé pour expliquer ce retard réside dans les modalités de la reconstruction mises en place dans cette période d’après-guerre. Les entreprises d’État et les structures publiques de développement économique qui étaient les garantes de cette reconstruction fonctionnaient à partir de périmètres d’intervention qui n’étaient pas régionalisés (Cassa per il Mezzogiorno, etc.), ce qui a contribué à convaincre que les Régions n’étaient pas indispensables. Une fois de plus, malgré les intentions affichées par l’Assemblée Constituante, la période de l’après-guerre constitue un faux-départ dans la création d’un État régional. A ce stade, la régionalisation est loin de présenter les accents fédéralistes qui avaient présidé à l’inscription des Régions dans la Constitution. La rédaction des statuts juridiques des Régions à statut particulier s’est faite essentiellement au sein de l’État et la mise en place des Régions de droit commun est suspendue. Il faudra attendre 1968 pour que l’État promulgue les premières lois encadrant l’élection des Conseils Régionaux.

Les années 1970 ou le lent redémarrage de la régionalisation

Après cette mise en acte deux fois manquée, c’est à travers l’optique fonctionnelle que sera finalement réalisée la première forme de régionalisation à l’échelle du territoire italien. En 1965 sont créés par décret les CRPE (Comités Régionaux de Programmation Economique), sur le modèle des Commissions de Développement Economique Régional en France. Ces

comités ont pour objectif d’associer directement les collectivités territoriales (provinces et communes) à l’expérience de planification, prérogative jusqu’ici réservée à l’administration centrale et à ses antennes déconcentrées. Les CRPE reproduisent la division régionale de