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Position de la FINmA et état de la jurisprudence

Dans le document Journée 2010 de droit bancaire et financier (Page 130-133)

Les procédures coercitives AdministrAtives et Les procédures pénALes sous L’empire

B. Position de la FINmA et état de la jurisprudence

La FINMA considère que ses procédures d’enforcement ont en principe un caractère civil, au sens que l’art. 6 CEDH donne à ce terme51. Certes, la FINMA ne constitue pas un “tribunal indépendant” et ne tient pas de dé-bats publics. Toutefois, ce “vice” est corrigé en raison de l’existence d’une possibilité d’un recours judiciaire s’étendant aussi bien à l’opportunité qu’à la légalité des décisions attaquées, et dans le cadre duquel des débats publics peuvent être tenus52. En revanche, la FINMA considère que ses procédures n’ont pas de caractère pénal au sens de l’art. 6 CEDH53. Ce point a de nombreuses conséquences :

46 Art. 6 § 1 CEDH.

47 Art. 6 § 2 CEDH.

48 Voir la note 33 ci-dessus.

49 Art. 6 § 3 lit. a CEDH.

50 Art. 6 § 3 lit. d CEDH.

51 Rapport de la CFB sur les sanctions (note 6), ch. 7.1, 41.

52 Urs Zulauf / David Wyss / Daniel Roth (note 1), 256. Voir aussi l’art. 40 al. 1 LTAF, selon lequel en cas de recours, le juge instructeur du Tribunal administratif fédéral peut ordonner des débats publics si une partie le demande ou qu’un intérêt public important le justifie et “[s]i l’affaire porte sur des prétentions à caractère civil ou sur une accusation en matière pénale au sens de l’art. 6, par. 1, de la Convention du 4 no-vembre 1950 de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales”.

53 Rapport de la CFB sur les sanctions (note 6), ch. 7.1, 41.

– Le droit de ne pas s’incriminer n’existe pas devant la FINMA. La partie visée par une procédure d’enforcement a l’obligation de colla-borer à l’établissement des faits. En pratique, la FINMA indique aux personnes interrogées qu’un refus de répondre aux questions posées pourra être considéré comme un élément à charge54.

– La présomption d’innocence et le principe in dubio pro reo ne trouvent pas application dans les procédures d’enforcement. La FINMA sup-porte certes le fardeau de la preuve des faits qu’elle entend faire établir, mais le standard de preuve n’est pas le même qu’en matière pénale.

Alors qu’une condamnation pénale suppose que les faits pertinents aient été établis de façon à exclure tout doute objectif55, une “convic-tion fondée sur des motifs valables, supportée par l’expérience de la vie et le bon sens” suffit à supporter une mesure coercitive dans une procédure d’enforcement56.

– Le droit d’être informé d’une manière détaillée de la nature et de la cause de l’accusation n’existe pas dans les procédures d’enforcement.

La FINMA doit informer les parties de l’ouverture d’une procédure57, mais les personnes visées ne sont généralement pas informées de la na-ture exacte des griefs qui leur sont faits. Il n’est d’ailleurs pas toujours facile pour ces dernières de déterminer si les questions qui leur sont posées le sont dans le cadre d’une procédure formelle ou d’une investi-gation préparatoire informelle.

– La personne visée par une procédure d’enforcement n’a que peu de moyens de requérir des mesures d’instruction. L’administration des

54 Voir les notes 39 à 42 et le texte qui les accompagne.

55 “Als Beweiswürdigungsregel besagt die Maxime, dass sich der Strafrichter nicht von der Existenz eines für den Angeklagten ungünstigen Sachverhalts überzeugt erklären darf, wenn bei objektiver Betrachtung Zweifel bestehen, ob sich der Sachverhalt so verwirklicht hat.” ATF 124 IV 86 c. 2a.

56 “Vielmehr kann die von der Lebenserfahrung und der praktischen Vernunft getragene, mit Gründen gestützte Überzeugung genügen”, ATF 2A.500/2002 du 24 mars 2003 c. 3.5. L’arrêt est mal cité dans l’ATAF B-1215/2009 du 9 novembre 2010 dans la cause Ronny Pecik et Georg Stumpf c. Sulzer AG c. 9.2. Dans ce dernier arrêt, le Tribunal admi-nistratif fédéral indique en se référant à l’arrêt précité qu’une “vraisemblance excluant tout doute raisonnable” serait requise (“ein so hoher Grad an Wahrscheinlichkeit, dass keine vernünftigen Zweifel bleiben”). L’ATF 2A.500/2002 du 24 mars 2003 c. 3.5 ne mentionne cependant pas un tel standard de preuve.

57 Art. 30 LFINMA.

preuves est essentiellement laissée à la discrétion de la FINMA. Un droit d’“interroger ou faire interroger les témoins à charge” et d’“ob-tenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge” n’existe pas. Le droit d’être entendu est en principe limité aux questions de fait. La personne visée n’a qu’exceptionnellement la faculté de s’exprimer sur les consé-quences juridiques que la FINMA entend tirer des faits retenus58. Or en l’absence d’indications quant aux arguments juridiques de l’auto-rité, il est souvent difficile – voire impossible – de déterminer les me-sures d’instruction nécessaires à la défense. Le justiciable ne bénéficie au demeurant pas d’un accès direct à l’autorité de décision. Le comité d’enforcement ou, le cas échéant, le conseil d’administration de la FINMA statue hors de la présence des parties, sur la base d’un rapport et d’un projet de décision préparés par les collaborateurs ayant instruit l’affaire, et auquel les personnes concernées n’ont pas accès59.

– La FINMA cumule les fonctions de poursuite, d’instruction et de sanction dans les procédures qu’elle conduit. Il est d’ailleurs d’usage que les collaborateurs qui ont assuré l’instruction des affaires ré digent également le rapport à l’intention du comité compétent ainsi que le projet de décision60. Le Tribunal fédéral considère que cette façon de procéder ne prive pas l’autorité de l’indépendance garantie par la Constitution fédérale et la loi de procédure administrative61. Un tel cumul est cependant incompatible avec la garantie d’impartialité que consacre l’art. 6 CEDH dans les causes à caractère pénal62.

– Un cumul de sanctions administratives et pénales est en principe possible. Le principe ne bis in idem ne s’applique pas en matière ad-ministrative. Une poursuite pour les mêmes faits par les autorités administratives et pénales serait en revanche exclue si la procédure

58 Urs Zulauf (note 40), 188 ; Urs Zulauf / David Wyss / Daniel Roth (note 1), 220-221.

59 Urs Zulauf (note 40), 190-191 ; Urs Zulauf / David Wyss / Daniel Roth (note 1), 255-256.

60 Urs Zulauf / David Wyss / Daniel Roth (note 1), 255.

61 ATF du 2 février 2000 dans la cause Credit Suisse Group et Credit Suisse First Boston, re-produit au Bull. CFB 40 (2000) 37, 52-53 c. 3b. Voir aussi ATF 2A.65/2002 du 22 mai 2002, reproduit au Bull. CFB 43 (2003) 15, 20 c. 2.2.1, et ATF 2A.91/2005 du 9 février 2006, reproduit au Bull. CFB 49 (2006) 36, 56 c. 3.2.3.

62 Dubus S.A. c. France (requête no 5242/04) du 11 juin 2009, §§ 55-62. ATF 112 Ia 290, 300-301 c. 5b.

administrative était considérée comme ayant un caractère pénal au sens de l’art. 6 CEDH63.

Les tribunaux suisses n’ont jusqu’ici pas contesté la régularité de cette situa-tion. Le Tribunal administratif fédéral a récemment considéré que l’exis-tence d’un recours judiciaire contre les décisions en matière d’enforcement suffit à garantir le respect du volet civil de l’art. 6 § 1 CEDH64. La question de savoir si les procédures d’enforcement ont un caractère pénal au sens de cette disposition n’a cependant pas été tranchée65.

Considérer que les procédures d’enforcement ont un caractère pénal au sens de l’art. 6 § 1 CEDH aurait des conséquences profondes sur le fonc-tionnement de la FINMA. Une telle qualification obligerait cette autorité à revoir entièrement la façon dont ces procédures sont menées. Il est en effet douteux que l’écart qui sépare actuellement les procédures de la FINMA de procédures conformes au volet pénal de l’art. 6 § 1 CEDH puissent être comblé devant le Tribunal administratif fédéral.

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