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L’arrêt non publié Nordea Bank

Dans le document Journée 2010 de droit bancaire et financier (Page 191-194)

chronique de LA jurisprudence civiLe

A. L’arrêt non publié Nordea Bank

Dans l’affaire Nordea70, la résiliation du prêt est intervenue le 29 juin 2001, soit un peu plus de trois mois avant le dépôt de la demande de sursis concordataire par SAirGroup, le 4 octobre 2001.

Nordea et SAir Group avait conclu un premier credit facility en juin 1999, lequel prévoyait le remboursement du capital pour le 31 août 2001 mais réservait la possibilité pour le prêteur de résilier le contrat de ma-nière anticipée en cas de détérioration substantielle de la situation finan-cière de SAir Group. Ce prêt fut résilié de manière anticipée le 20 juin 2001 et remplacé par un second contrat de prêt d’une durée plus courte, soit jusqu’au 29 juin 2001. A cette date, Nordea a exigé le remboursement et SAir Group s’est exécutée pour un montant en capital et intérêts de USD 61 191 000.

L’arrêt Nordea n’a pas été publié au Recueil officiel car il ne fait que confirmer ce que nous savons depuis l’ATF 134 III 452 et les décisions qui ont suivi : le remboursement d’un crédit bancaire, en capital et en inté-rêts, à l’échéance ordinaire ou en cas de résiliation anticipée, unilatérale ou conventionnelle, constitue un préjudice aux intérêts des autres créanciers et peut être révoqué si les autres conditions de l’art. 288 LP se trouvent également réalisées71.

68 ATF 134 III 452, RSDA 2009 (note 66) 290 s., r41.

69 Cf. également un autre arrêt rendu le même 24 février 2010, 5A_570/2008, RSDA 2010 (note 32) 325 s., r38.

70 TF, 3 août 2010, 5A_358/2008.

71 Idem, c. 2.1.1 et 2.1.2.

B. L’arrêt publié Communauté d’intérêts des obligationnaires de SAirGroup Sàrl c. Banque LBLux SA

En revanche, l’arrêt qui déboute l’action en révocation intentée par un groupement de créanciers obligataires de SAir Group contre la Banque LBLux SA a été, à juste titre, publié au Recueil officiel72. A la différence des affaires précédentes, LBLux n’a pas résilié le crédit octroyé en 1992 à la compagnie aérienne, mais s’est contentée d’encaisser pour la dernière fois le 28 septembre 2001 (soit 7 jours avant la demande de sursis concordataire) les intérêts annuels au taux de 7¾%. Le liquidateur de SAir Group avait renoncé à demander la révocation de ce paiement d’intérêts contractuels.

La communauté d’intérêts des créanciers obligataires de SAir Group s’est fait céder cette prétention qu’elle a exercée, en vain, devant les tribunaux zurichois et jusqu’au Tribunal fédéral.

Dans ses considérants, le Tribunal fédéral a jugé que, contrairement au cas du remboursement anticipé ou ordinaire du capital prêté, l’élément objectif du préjudice porté aux autres créanciers n’était en l’espèce pas réa-lisé. L’action révocatoire n’a pas pour but de priver le débiteur de sa capa-cité d’action et de l’immobiliser. Cela l’amènerait immédiatement à une situation de faillite, ce qui est rarement dans l’intérêt de la communauté des créanciers. En d’autres mots, le débiteur doit pouvoir poursuivre ses affaires normalement même dans une situation financière difficile et un traitement inégal de ses créanciers doit être possible dans le cadre de cette activité pour des motifs justifiés73.

Si l’on considère les nombreux arrêts déjà rendus dans la faillite SAir Group, ces grandes déclarations de principe ne rassureront que modéré-ment les débiteurs en difficulté, leurs créanciers et ceux qui les conseillent.

En revanche, on est rassuré de constater que le paiement régulier des intérêts pour un crédit maintenu ne réalise en principe pas la condition objective du préjudice causé aux créanciers74. Le service des intérêts est, en effet, la condition nécessaire au maintien du crédit. Il y a équivalence de prestations entre la poursuite du crédit et le paiement des intérêts échus.

Ceci est vrai même lorsque, comme c’est la règle, les intérêts ne sont pas

72 ATF 136 III 24 (5A_758/2008).

73 ATF 136 III 247, c. 2 in fine ; Hans-Ueli Vogt, “Die neue bundesgerichtliche Rechtspre-chung zur Absichtsanfechtung und ihre Bezüge zur aktienrechtlichen Sorgfaltsplicht der Organe”, PJA 2010, p. 1075-1091, 1080 s.

74 ATF 136 III 247, c. 5.

payés d’avance (prenumerando), mais périodiquement pour la durée cou-rue (postnumerando)75. Il reste néanmoins que des éventuelles manipula-tions frauduleuses (Zinsmachenschaften), telles que le versement des inté-rêts avant leur échéance ou de montants plus élevés (höhere Zahlungen), restent révocables76.

En lisant cela, on peut concevoir une petite inquiétude. Quid des clauses contractuelles qui prévoient une augmentation du taux d’intérêt en cas de péjoration de la situation financière du débiteur (par exemple, abaissement de sa notation) ? De telles clauses, si elles ne sont pas lésionnaires et si elles ont été introduites dans le contrat de crédit avant les difficultés financières du débiteur, devraient être considérées comme valables et le paiement de tels intérêts majorés ne devrait pas constituer une Zinsmachenschaft. En cas d’abaissement de la notation financière du débiteur, la majoration du taux d’intérêt est, en pratique, la condition du maintien du crédit. Elle fa-vorise donc la poursuite de l’activité économique du débiteur, ce qui est précisément le but visé par le Tribunal fédéral dans le considérant 6 de cet arrêt. En outre, si les parties se voyaient interdire un ajustement contrac-tuel du taux d’intérêt, elles prévoiraient une résiliation immédiate dans une telle situation, ce qui est plus défavorable pour le débiteur comme pour ses autres créanciers.

C. Un enseignement

Quel enseignement faut-il tirer de la comparaison entre ces deux dé- cisions ?

Le créancier qui a des raisons de soupçonner la prochaine faillite de son débiteur, qui résilie le crédit et obtient le remboursement du capital et des intérêts échus a toutes les chances de voir ce paiement révoqué en cas de faillite. Il se retrouvera alors produire dans la faillite pour le capital et les intérêts. Les établissements financiers se trouvant dans une telle situa-tion auront particulièrement de mal à prouver qu’ils ne pouvaient déce-ler l’intention dolosive du débiteur puisqu’ils disposent de par leur métier d’informations et de critères de calcul des risques qui vont au-delà de ce que la majorité des créanciers peuvent avoir à leur disposition.

75 Idem, c. 6.

76 Idem, c. 6 in fine.

En revanche, dans les mêmes circonstances, le créancier qui encaisse les intérêts échus mais renonce à résilier son crédit obtient un paiement soustrait à la révocation en cas de faillite. Si la faillite survient, il lui restera à produire sa créance de capital (et intérêts courus depuis le dernier paie-ment). Il se trouve dans une situation préférable à la première hypothèse puisqu’il a obtenu ici un paiement d’intérêts non révocable.

Un tiens vaut-il mieux que deux… tu les perdras ?

IV. Obligations de renseigner les héritiers

Tribunal de commerce de Zurich, 30 juin 2009, HG080094/U/ei ; TF, 29 juillet 2009, 4A_249/2009 ; ATF 136 III 461 (4A_421/2009) ; TF, 13 septembre 2010, 5A_638/2009

Dans le document Journée 2010 de droit bancaire et financier (Page 191-194)

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