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Les moyens de preuve “classiques”

procédure civiLe : moyens de preuve et secret bAncAire

B. Les moyens de preuve “classiques”

1. Le témoignage

Le témoignage est le premier moyen de preuve “classique” qui vient à l’es-prit. L’article 169 CPC qualifie sans surprise les conditions auxquelles un témoignage est admissible : “toute personne qui n’a pas la qualité de partie peut témoigner sur des faits dont elle a eu une perception directe”. Cette définition ne surprend pas, dès lors que la doctrine et la jurisprudence ont toujours exclu qu’une partie à la procédure puisse être entendue comme témoin, tandis que le témoignage indirect (ouï-dire) n’a, en principe, pas de portée probatoire21.

Le témoin est cité à comparaître par le tribunal (art. 170 al. 1 CPC), à moins que ce dernier n’ait autorisé les parties “à amener des témoins sans qu’ils aient été cités à comparaître” (art. 179 al. 2 CPC).

Alors que certains cantons prévoyaient une assermentation du té-moin22, celle-ci disparaît avec le CPC. Ce rituel liminaire est désormais remplacé par une exhortation à répondre conformément à la vérité, le té-moin – pour autant qu’il soit âgé d’au té-moins 14 ans – étant toutefois rendu attentif aux conséquences pénales du faux témoignage, telles qu’elles résul-tent de l’article 307 al. 1 CP23. On le voit, le défaut d’assermentation n’em-pêche pas que le faux témoignage demeure punissable, à la nuance près qu’on ne se trouvera désormais plus face à un faux témoignage qualifié, au

21 Bertossa / Gaillard / Guyet / Schmidt, art. 222 N 5.

22 Ainsi à Genève, en application de l’art. 231 LPC GE : Bertossa / Gaillard / Guyet / Schmidt, art. 231 N 1 s.

23 Hofmann / Lüscher, p. 89 s.

sens de l’article 307 al. 2 CP24. Si l’on peut regretter l’abandon du rituel de l’assermentation, il faut toutefois relever que le témoin sera désormais “mis au parfum” d’entrée de cause, dès lors que le tribunal mentionnera l’aspect pénal précité avant que ne débute l’audition elle-même25.

On relèvera que l’essentiel des dépositions du témoin sera consigné au procès-verbal, ce qui n’est pas nouveau, mais que les dépositions peuvent en outre “être enregistrées sur bande magnétique, vidéo ou par tout autre moyen technique approprié” (art. 176 al. 1 et 2 CPC).

La question se pose en outre de savoir à quel titre doivent être entendus les organes d’une personne morale, comme par exemple le gestionnaire de fortune ou le directeur de la banque : s’agit-il d’un témoignage ou de l’au-dition d’une partie ? Sur ce point, l’article 159 CPC prévoit que lorsqu’une personne morale est partie au procès, ses organes (formels ou de fait) sont traités comme une partie à la procédure, ce qui exclut leur audition en qualité de témoins26.

La jurisprudence sera sans doute amenée à préciser la portée d’une telle disposition. Toutefois, à ce stade déjà, il appert que le législateur ne se réfère pas à la simple notion d’organe dirigeant. Au contraire, la simple qualité d’organe suffit pour que la personne concernée ne puisse être en-tendue comme témoin. Comme le relève la doctrine, devra être considérée comme tel toute personne habilitée à extérioriser la volonté de la personne morale, ce qui vise en tous les cas la personne qui dispose de la signature au Registre du commerce, mais pas seulement : on peut songer, par exemple, dans certaines circonstances, à l’organe de fait27.

2. Les titres

La banque appelée à collaborer à l’administration des preuves dans le cadre d’une procédure civile est bien souvent amenée à le faire par la production

24 Bertossa / Gaillard / Guyet / Schmidt, art. 231 N 1 ; BSK ZPO-Guyan P., art. 171 N 2.

25 Cela découle de l’adverbe “préalablement” mentionné à l’art. 171 al. 1 CPC. Voir en outre Weibel H. / Nägeli S., in : Sutter-Somm / Hasenböhler / Leuenberger, ZPO Komm., art. 171 N 2.

26 Message, p. 6925.

27 Hasenböhler F., in : Sutter-Somm / Hasenböhler / Leuenberger, ZPO Komm., art. 159 N 7 ss.

de pièces. Cela pourra être en qualité de partie demanderesse, à laquelle le CPC fait obligation de joindre à la demande “les titres disponibles in-voqués comme moyens de preuve” (art. 221 al. 2 lit. c CPC), ou encore en qualité de partie défenderesse laquelle, mutatis mutandis, est soumise aux mêmes exigences (art. 222 al. 2 CPC)28. On rappellera pour le surplus que les tiers à la procédure peuvent aussi être amenés à collaborer par la pro-duction de titres, ce que prévoit l’art. 160 al. 1 lit. b CPC29.

Le titre – à savoir un “document”, dont la définition est donnée à l’art. 177 CPC – peut être produit en copie en lieu et place de l’original (art. 180 al. 1 CPC). Cela n’empêche pas le tribunal ou la partie adverse d’exiger la production de l’original ou d’une copie certifiée conforme

“lorsqu’il y a des raisons fondées de douter de l’authenticité du titre”

(art. 180 al. 1 2e phrase)30. Une telle exigence devrait aussi être de mise à l’égard de la partie à la procédure qui produit un papier valeur dont elle entend tirer partie de l’effet de légitimation attaché à la possession du titre (un titre au porteur par exemple). De plus, la partie qui produit un docu-ment volumineux dont elle se prévaut à titre de preuve doit en signaler les éléments qui sont plus particulièrement pertinents sur le plan de l’apport de la preuve : on peut penser à la production d’une comptabilité, ou encore d’un relevé de compte-courant portant sur un très grand nombre de tran-sactions (art. 180 al. 2 CPC)31.

Enfin, le CPC n’indique pas s’il est possible de produire un support électronique valant copie de pièce existant sous format papier, partant du principe que le contenu ainsi reflété est conforme à l’original (ainsi, une clé USB). Il devrait être répondu affirmativement à une telle question : d’une part le CPC prévoit la possibilité de produire de tels supports électroniques, d’autre part cela correspond à l’évolution technologique qui accorde une place de plus en plus large à de tels supports32. On soulignera aussi que le législateur tient compte lui-même de cette réalité puisqu’il est désormais possible pour les parties de procéder à des actes procéduraux en usant de la voie électronique (art. 130 al. 2 CPC).

28 BSK ZPO-Dolge A., art. 180 N 2.

29 BSK ZPO-Dolge A., art. 180 N 1 ; Gasser / Rickli, art. 160 N 7.

30 Message, p. 6931 s.

31 BSK ZPO-Dolge A., art. 180 N 12 ss.

32 Voir à ce propos BSK ZPO-Dolge A., art. 180 N 10.

3. L’inspection

L’inspection, qui habilite le tribunal à constater directement des faits ou à acquérir une meilleure connaissance de la cause par l’observation d’un ob-jet, d’une pièce ou de la configuration des lieux (art. 181 et 182 CPC)33, n’est pas appelée à jouer un rôle déterminant dans les litiges faisant intervenir une banque ou l’un de ses organes.

L’inspection ne doit pas être confondue avec d’éventuelles mesures d’exécution forcée qui seraient ordonnées par le tribunal en cas de refus injustifié de collaborer de la part d’un tiers, par exemple en cas de refus de produire des pièces (art. 167 al. 1 lit. c CPC).

4. L’expertise

L’expertise, un moyen de preuve auquel il peut être recouru d’office ou à la demande d’une partie, est destinée à permettre au tribunal d’apprécier des questions de fait d’une certaine technicité : en d’autres termes, l’expert vient en aide au juge pour lui permettre d’apprécier des faits nécessaires à la solution du litige en usant de connaissances techniques qu’il n’a pas34. Bien souvent, l’expert intervient en matière de construction, lorsque est litigieuse la question de savoir si un édifice a été érigé selon les règles de l’art. On peut penser aussi à la fixation de la valeur vénale d’un objet, à la question de savoir si un administrateur a agi conformément à ses obliga-tions en matière d’établissement de bilans, ou encore lorsqu’il s’agit d’ap-précier dans quelle mesure le banquier a procédé à une gestion des actifs qui lui ont été confiés d’une façon conforme aux règles de la profession35. Le lecteur se référera aux articles 183 à 188 CPC, qui n’appellent point de commentaire particulier.

On relèvera que le tribunal peut, si nécessaire, faire appel à un collège d’experts (art. 183 al. 1 CPC), auquel s’appliquent les articles 47 à 51 relatifs à la récusation (art. 183 al. 2 CPC). Comme le témoin, l’expert – toujours une personne physique36 – n’est pas assermenté. Il est toutefois exhorté à

33 Message, p. 6932.

34 BSK ZPO-Dolge A., art. 183 N 2.

35 Weibel Th., in : Sutter-Somm / Hasenböhler / Leuenberger, ZPO Komm., art. 183 N 4 ss.

36 Weibel Th., in : Sutter-Somm / Hasenböhler / Leuenberger, ZPO Komm., art. 183 N 30 ss.

répondre conformément à la vérité : le tribunal le rend ainsi attentif aux conséquences pénales d’un faux rapport au sens de l’article 307 CP ainsi que de la violation du secret de fonction au sens de l’article 320 CP (art. 184 al. 1 et 2 CPC). La loi précise en outre que l’expert doit être rendu attentif aux conséquences d’un défaut ou d’une exécution lacunaire du mandat (art. 184 al. 2 CPC in fine), sans fournir de plus amples précisions sur ce point37.

Le CPC prévoit en outre la faculté pour le tribunal de faire appel aux connaissances spécifiques de l’un de ses membres en lieu et place d’un ex-pert (art. 183 al. 3 CPC). Le procédé peut paraître insolite : il emporte toute-fois des avantages puisqu’il évite la procédure partoute-fois longue et coûteuse de l’expertise proprement dite. Il est toutefois important que les parties puissent se prononcer à ce sujet, ce que prévoit explicitement l’article 183 al. 3 CPC.

Enfin, il peut arriver que l’expert doive procéder personnellement à des investigations en vue de remplir sa mission. On peut penser à un trans-port sur place, ou à l’audition de telle ou telle personne en charge d’une comptabilité. De telles investigations doivent toutefois revêtir l’aval préa-lable du tribunal, charge à l’expert d’en exposer les résultats dans son rap-port (art. 186 al. 1 CPC). Il est vrai qu’à certains égards ce type de procédé peut porter atteinte au droit des parties de participer à l’administration des preuves, raison pour laquelle le tribunal pourra, à la demande d’une par-tie ou d’office, ordonner que les investigations faites par l’expert lui-même soient effectuées une nouvelle fois selon les dispositions applicables à l’ad-ministration des preuves (art. 186 al. 2 CPC). En référence aux exemples précédents, le transport sur place pourra être renouvelé, tout comme l’au-dition de l’une ou l’autre personne en charge de la comptabilité en présence des parties38.

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