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Le titre authentique exécutoire en droit interne

procédure civiLe et exécution forcée, séquestre et Acte Authentique exécutoire

A. Le titre authentique exécutoire en droit interne

Aussi est-il bienvenu que le législateur ait créé dans le champ du droit in-terne suisse l’institution juridique de l’acte authentique exécutoire. Ceci ne fut pas sans mal : une telle institution a été perçue comme une transgres-sion des règles relatives à la protection judiciaire. Des dispositions régula-trices ont ainsi été prévues aux art. 347 ss CPC. Il en résulte en bref une exigence de contenu, une exigence de forme et des exclusions.

– Le contenu : le document doit indiquer (i) l’admission par le décla-rant que son engagement peut conduire à l’exécution forcée directe de l’obligation, (ii) la description du fondement de cette obligation et (iii) les conditions d’exigibilité de l’obligation.

– L’exigence de forme : l’acte doit revêtir la forme authentique, laquelle, selon la définition classique, “consiste en ce qu’une personne chargée

par l’Etat de cette mission [l’‘officier public’] a établi, selon une forme et une procédure fixées par la loi, un document constatant des faits ou des déclarations ayant une portée juridique”51.

– Des exclusions : l’acte authentique est inapte à créer des effets exécu-toires au sens des art. 349 et 350 CPC s’il porte sur les matières décrites à l’art. 348 CPC (loi sur l’égalité, droit du bail, loi sur la participation, contrat de travail et contrats conclus avec les consommateurs).

On donne ci-après l’exemple d’un acte authentique exécutoire qui respecte les prescriptions de forme du droit fédéral (art. 347 CPC) et du droit ge-nevois (art. 12 de la loi sur le notariat52), étant mentionné qu’il est prudent d’accompagner cet acte du certificat prévu à l’art. 54 CL rév., dont le mo-dèle figure en Annexe VI53 à la CL rév., de manière à faciliter sa circulation au sein des Etats membres de la CL rév. :

Ce 25 janvier 2011, par devant Arthur Absalon, notaire, de résidence à Genève, comparaît en son Etude, 1 rue Chausse-Coqs, Genève,

Bernard Blier, commerçant, né le 17 mars 1955, de nationalité française, domicilié 17 chemin de la Colombe, 1231 Conches,

Lequel déclare :

– Qu’il est au bénéfice d’un prêt commercial de CHF 100 000.– octroyé par le Crédit Commercial de Carouge SA (ci-après : la banque), 8 Place du Marché, 1227 Carouge, le 2 juillet 2003 et exécuté par versement du même jour sur un compte de l’emprunteur auprès de ladite banque,

– Qu’il se reconnaît débiteur de la banque de la somme de CHF 100 000.– avec intérêts à 5% l’an dès le 3 juillet 2003, s’engageant à lui restituer cette somme accrue de ses intérêts au 10 décembre 2011 au plus tard, sans nécessité de mise en demeure.

– Qu’il est informé que son engagement peut faire l’objet d’une exécution di-recte, les conséquences d’un non-paiement selon les art. 80, 81 et 271 LP lui ayant été exposées.

Ainsi fait à Genève le 25 janvier 2011

Signent après que le notaire en a donné lecture à haute voix : Arthur Absalon Bernard Blier

51 Steinauer P.-H., “Le Titre préliminaire du Code civil”, in Traité de droit privé suisse, II/1, Bâle (Helbing & Lichtenhahn) 2009, no 729.

52 RS des lois genevoises E 6 05 ; voir aussi art. 107 loi (genevoise) d’application du Code civil suisse et autres lois fédérales en matière civile (LaCC), E 1 05.

53 FF 2009 1599.

L’intérêt du titre authentique exécutoire est qu’il ouvre au créancier la voie de l’exécution forcée directe54 : si l’obligation porte sur une prestation en argent, l’ouverture à la mainlevée définitive de l’opposition est donnée au créancier (art. 349 CPC), lui permettant par ailleurs d’agir de manière inopi née par la voie du séquestre (art. 271 al. 1 ch. 6 nouveau LP) ; si l’obli-gation porte sur une oblil’obli-gation d’une autre nature, le créancier peut, après la notification du titre par un officier public, saisir directement le tribunal de l’exécution (art. 350 CPC), requérant de lui, le cas échéant, le prononcé de mesures conservatoires (art. 340 CPC).

Dans le champ du droit interne, deux problèmes paraissent d’emblée ardus : la cessibilité de l’acte et les conditions d’invalidation de l’acte.

Il sera délicat de déterminer si le titre authentique exécutoire est ces-sible. On distinguera tout d’abord entre la cessibilité de la créance – laquelle répond aux conditions ordinaires des art. 164 ss CO – et la cessibilité de la déclaration de force exécutoire de l’art. 347 litt. a CPC. On retiendra que le rapport contractuel à l’origine de la déclaration de force exécutoire est de nature personnelle et qu’une cession détériorerait sensiblement la posi-tion du débiteur cédé, d’autant que ce dernier est exposé en tout temps au mécanisme rigoureux et inopiné du séquestre. Ce dernier trait rapproche la question de la cessibilité de la déclaration de force exécutoire de celle de la cessibilité d’une garantie à première demande55. Ainsi, la cessibilité de la déclaration de force exécutoire ne paraît pas possible56. On en voit toutefois le prix : l’acte authentique exécutoire peut avoir été conclu dans une relation de crédit ou dans un cadre transactionnel dépourvu de tout caractère personnel. L’institution, par l’incessibilité de la déclaration de force exécutoire, peut perdre ainsi une part de son intérêt commercial ou financier.

Autre question : à quelles conditions un titre authentique exécutoire peut-il être invalidé (art. 352 CPC) ? Le titre exécutoire est doté de la force

54 C’est sans compter que, selon l’art. 9 CC, il bénéficie d’une force probante accrue. Mais nous quittons là le champ de l’exécution forcée.

55 Rapp J.-M., “Garanties à première demande et autres garanties bancaires”, in Sûretés et garanties bancaires, Lausanne (CEDIDAC) 1997, no 33, p. 288-289 ; voir aussi les décisions citées par Barbey R., “Jurisprudence récente du droit bancaire privé”, nos 18 et 19, in Journée 1994 de droit bancaire et financier, Berne (Stämpfli) 1994, p. 16.

56 Cf. dans ce sens : Visinoni-Meyer Cl., in Schweizerische Zivilprozessordnung, Spühler K. / Tenchio L. / Infanger D. (éds), Bâle (Helbing & Lichtenhahn) 2010, ad art. 347 no 17 ; Jeandin N., “Les titres exécutoires”, in Procédure civile suisse, Bohnet Fr. (éd), Neu-châtel (Schulthess) 2010, p. 460 no 17.

exécutoire mais non de la force de chose jugée. Sans doute, le régime de l’inexistence, de l’extinction ou encore de la suspension de l’engagement consigné dans l’acte authentique exécutoire est celui qui prévaut pour toute obligation. Il n’y a ainsi pas d’obstacle pour le débiteur à se prévaloir, dans une action en annulation de poursuite (art. 85 LP) ou en constata-tion négatoire de droit (art. 85a LP ou 88 CPC) ou encore en répéticonstata-tion de l’indu (art. 86 LP)57, des objections et des exceptions du droit civil, sauf les difficultés qu’il aura à se distancer d’un acte conclu avec solennité devant l’officier public. La difficulté paraît ailleurs ; elle est de déterminer le cours de l’exécution forcée jusqu’à droit jugé sur la contestation. Des mesures conservatoires58 paraissent en général justifiées d’autant qu’à défaut, rien – ou si peu de choses – dans les conséquences ne distinguerait le titre au-thentique exécutoire d’un titre ordinaire.

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