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L ’absence de contrôle

2. Méthodologie des entretiens

3.5. Portrait du procrastinateur :

Il y a deux types de procrastinateurs : celui qui est indécis et celui qui évite.

• L’indécis trouve qu’il est compliqué de décider (MB, YJ) alors que celui qui évite trouve qu’il est désagréable d’entrer dans le processus d’achat (LB). Le procrastinateur indécis est jouisseur (MB), préfère retarder les achats qui ne sont qu’utiles alors qu’il ne reporte pas les achats plaisir (YJ).

• Le procrastinateur d’évitement délègue volontiers la recherche d’information (YJ) alors que le procrastinateur indécis s’engage dans cette étape (MB, YJ).

Tous les procrastinateurs refusent cependant de s’engager (MB, YJ, LB). Tous comptent sur un futur meilleur (MB, YJ,LB). Le procrastinateur a tendance à reporter un achat destiné à lui-même alors qu’il ne retarde pas quelque chose qui est requis par autrui (YJ). En situation d’urgence, le procrastinateur délègue volontiers l’achat (LB) ou se satisfait d’une solution de substitution (YJ).

Le plaisir et l’utilité apparaissent modérateurs (YJ, JLB) dans un sens contraire selon qu’on est procrastinateur ou non. La nature de l’échéance également.

3.6. Le carré sémiotique de la procrastination

Lorsqu’on applique le carré sémiotique de la procrastination aux différents entretiens, on peut répartir les verbatim sur les quatre pôles temporels de la décision.

Maintenant Plus tard

Pas maintenant Pas plus

tard

•J ’évite de me décider rapidement •J ’évite le choix moyen

•je vois l’étude de marché comme une corvée

•Du coup, j ’ai encore reporté l ’achat en disant « il faut que je réflechisse ».

•Est-ce que j’ai trouvé ce que je cherche ? Est-ce que je ne suis pas en train de faire une folie ?

•j’analyse beaucoup la valeur des produits

•Je pense que la solution alternative que je trouverai dans le futur a une valeur ajoutée supérieure à la situation présente •C ’est trop compliqué de décider

•Qu’est-ce que cela me coûte de ne pas décider •J ’achète dès que l ’opportunité est bonne

•L’opportunité fait tomber les barrières •L ’intention, c ’est l ’achat •En règle générale, tout ce que j ’avais projeté d ’acheter, s ’est fait beaucoup plus vite que prévu •Quand j ’ai décidé d ’acheter, j ’achète

•Les courses de Noël sont une corvée;il faut s ’en débarrasser au plus tôt. •Si aucune des solutions de remplacement n ’était disponible, j ’achèterais le premier produit proposé •Quand la décision est prise, il faut que cela se fasse

figure 3-5. : projection des verbatims sur le carré sémiotique de la procrastination

4. Synthèse

En conclusion du premier chapitre, nous avions retenu que la littérature marketing met en lumière que le report peut avoir lieu avant de s’engager dans la recherche d’information, comme après. En effet, le consommateur peut chercher à éviter l’étape de recherche s’il trouve celle-ci déplaisante ou bien s’il doute de la réalité du besoin. Alors que, lorsqu’il a l’information, il peut être conduit à retarder le choix par l’information qu’il ne peut pas traiter. Ce sont deux étapes du processus qui conduisent au report d’achat. Le report est une conséquence. La définition usuelle du mot procrastination réfère au comportement. De nombreuses causes situationnelles et psychologiques peuvent être suggérées comme source du comportement. Concentrant sur l’aspect psychologique, nous avons conceptualisé la procrastination du consommateur comme une tendance individuelle en amont du comportement et en aval des causes.

Deux types de procrastination émergent de la littérature en psychologie : la procrastination décisionnelle, réaction cognitive à un conflit attendu, et la procrastination comportementale,

réaction comportementale à une tâche désagréable. Ces deux types voisins se confondent même: un conflit attendu est un choix désagréable. Ces construits ne saisissent donc que la tendance à reporter suite à une tâche désagréable.

Nos entretiens ont clairement montré que la perception de la tâche désagréable mais aussi la difficulté de choisir sont des manifestations du report. En cela nous rejoignons les approches développées dans la littérature marketing. Afin de poursuivre des recherches sur le report d’achat, en saisissant les facteurs individuels, nous sommes amenés à concevoir une échelle de procrastination du consommateur qui s’appuie sur les deux dimensions identifiées dans le second chapitre.

Comme nous l’avons montré dans la première section de ce chapitre, la littérature met en évidence deux dimensions de la procrastination qui sont fortement corrélées. L’évitement et l’indécision. Ces deux dimensions ressortent clairement dans nos entretiens qualitatifs, mais elles sont conceptuellement indépendantes.

• L’évitement : on peut éviter d’entrer dans le processus de décision, parce que le processus est lui-même perçu comme déplaisant, alors qu’on ne peut avoir aucune difficulté à choisir lorsqu’on est contraint de le faire.

• L’indécision cognitive: on peut aimer entrer dans un processus de décision, mais être incapable de décider rapidement face aux options proposées par les alternatives.

Dans les deux cas, le résultat est le même : la décision est reportée.

La procrastination du consommateur se manifeste donc selon deux dimensions, l’évitement, l’indécision cognitive.

1. Parce que l’achat est considéré comme une corvée ou comme une activité particulièrement désagréable (LB, YJ, MB), le consommateur procrastinateur aura tendance à éviter d’entrer dans la situation de décision d’achat, et continuera à éviter et temporiser jusqu’à ce que l’échéance devienne impérative pour qu’il prenne une décision (MB,LB). Cependant ce consommateur peut facilement décider et prendre une décision, certes à la dernière minute, mais il ne bloquera pas sur la décision (LB). C’est effectivement le cas de LB qui n’a aucun problème pour décider, aussi longtemps que la décision aura d’achat été préparée par une autre personne : c’est la femme de LB qui recherche l’information avant d’acheter la voiture familiale ou des costumes masculins ; LB fait le choix de l’alternative finale.

2. Lorsque le consommateur est au cœur de la décision et évalue sans cesse et en boucle les options qui lui sont proposées, c’est la deuxième dimension de la procrastination qui est active : l’indécision cognitive. Le consommateur n’a pas les capacités cognitives pour arriver à la décision finale.

3. Par apprentissage cette situation peut devenir particulièrement désagréable pour le consommateur. M. B. évite l’achat parce que « c’est trop compliqué » de décider. L’évitement peut donc précéder l’indécision cognitive. Le consommateur peut cacher l’indécision cognitive et de ce fait préserver sa confiance dans sa capacité de décider (Burka et Yuen, 1983) en évitant la situation de décision.

4. Il y aurait donc un parcours de la décision du procrastinateur. C’est ce parcours que nous avons montré au moyen d’un carré sémiotique basé sur les compétences nécessaires à la décision.

D e u x i è m e P a r t i e