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La procrastination du consommateur : définition et perspectives

Comportement dilatoire du consommateur

4. La procrastination du consommateur : définition et perspectives

4.1. Définition

Comme nous l’avons rappelé dans la section consacrée aux causes du report d’achat, les occasions de retarder ou ralentir le processus de décision sont nombreuses. Les consommateurs peuvent éviter d’entrer dans le processus de décision et peuvent ralentir le processus en évaluant les options de l’alternative proposée ou peuvent être incapables d’agir, selon les décisions. Ces comportements déviants correspondent à l’univers de la procrastination. La procrastination existe quand le consommateur a l’intention d’acheter alors qu’il a les moyens de satisfaire cette intention (capacité financière ou besoin réel). Toutefois, on peut retarder occasionnellement un achat à cause d’événements imprévus ou d’un faible contrôle sur le cours des choses (Ajzen 1985, Ajzen et Madden, 1986) sans procrastiner pour autant : c’est de la procrastination fonctionnelle. Quand la tendance à retarder les achats devient chronique, nous appelons cette inclination à reporter, de la procrastination.

Ainsi la procrastination du consommateur sera définie comme la

tendance chronique et consciente à reporter ou ralentir un processus d’achat planifié.

De l’éveil du besoin ou du désir pour un produit, à sa consommation, le consommateur a de multiples occasions de retarder l’achat. Il peut retarder l’engagement dans le processus d’achat, prendre plus de temps qu’anticipé pour évaluer les alternatives, c’est-à-dire former son intention, et enfin se décider à acheter, c’est-à-dire à passer à l’acte d’achat proprement dit. Nous proposons la procrastination du consommateur comme variable modératrice du processus d’achat.

Cette tendance développe une incapacité à respecter les délais posés par les échéances éluctables et inéluctables.

Cette définition délimite clairement le domaine de la procrastination.

1. La procrastination est relative à une intention d’achat, que nous avons déjà définie simplement comme un achat planifié. L’achat planifié ou prévu peut être la résultante aussi bien d’un désir que d’un besoin. Il peut être aussi bien un plaisir qu’une nécessité.

Utilisant l’intention d’achat comme objet de procrastination, il est entendu que nous excluons que le phénomène étudié soit relié à la disponibilité financière. Il ne peut y avoir de procrastination que si le consommateur a les moyens de son intention (Ajzen, Fishbein, 1977). On ne retiendra donc pas l’insolvabilité du consommateur comme une cause de procrastination.

2. La procrastination est un phénomène chronique. Nous considérons qu’il y a procrastination lorsque le phénomène est chronique. Il y a donc une tendance récurrente, en diverses circonstances, à reporter. Ainsi différer un achat pour quelque motif que ce soit ne sera pas qualifié de procrastination si le phénomène est exceptionnel. Notre recherche se concentre sur l’aspect psychologique et récurrent du phénomène, et non sur les facteurs situationnels.

3. Enfin il ne peut y avoir de procrastination que s’il existe un engagement vis-à-vis de soi-même ou vis-à-vis d’autrui de réaliser l’intention. C’est pourquoi la procrastination s’évalue par rapport à une échéance éluctable ou à une échéance inéluctable.

4.2. Perspectives

Les recherches qui se sont centrées sur le report d’achat distinguent antécédents individuels ou psychologiques et facteurs situationnels. Toutefois l’effet de chaque type de facteurs n’est pas étudié en fonction de l’autre. Ainsi les recherches que nous qualifions d’exploratoires (Putsis et Srinavasan, 1994 ; Greenleaf et Lehmann, 1995) ne distinguent pas les relations d’interdépendance entre les facteurs situationnels et psychologiques qu’elles font émerger. Par ailleurs, les études centrées uniquement sur les facteurs situationnels du choix (Tversky et Shafir, 1992 ; Dhar, 1997) ne relient pas le comportement de report à une variable psychologique. Il nous semble que l’absence de pont entre facteurs situationnels et psychologiques apparaît premièrement comme un frein au développement de recherches sur le report d’achat et deuxièmement comme une limitation de la pertinence managériale des résultats. En effet, une entreprise peut agir plus facilement sur des facteurs situationnels que sur des facteurs psychologiques. Par exemple, une entreprise peut considérer qu’une promotion peut accélérer l’achat et limiter les tendances au report d’achat. Mais est-on sûr que cette promotion va modifier le comportement des procrastinateurs ? La promotion ne profiterait-elle pas uniquement aux consommateurs qui auraient de toute façon acheté le produit ?

Notre recherche entreprend donc dans un premier temps, la dissociation entre facteurs situationnels et facteurs psychologiques, pour mieux analyser dans un second temps l’effet de la personnalité sur la réaction aux antécédents situationnels du report de décision.

Pour contribuer à la compréhension du report d’achat grâce à la procrastination, nous allons maintenant nous appuyer sur les travaux développés en psychologie ces vingt dernières années.

Selon les préoccupations pédagogiques ou cliniques des auteurs, la procrastination a été étudiée par rapport aux activités académiques ou par rapport aux tâches quotidiennes que les étudiants doivent réaliser dans leur vie de tous les jours.

Lay (1986) a également observé la procrastination sur des voyageurs d’affaires, en notant cependant une plus faible proportion de procrastinateurs sur cet échantillon (la proportion passant des environs de 20% des sujets à seulement 10%). Ferrari (1992a) a étudié la réaction des individus par rapport aux courses de Noël : les acheteurs procrastinateurs à l’approche immédiate de Noël sont proportionnellement plus nombreux que pendant les quatre week-end précédents, malgré toutes les raisons que les retardataires invoquent. Fortes de ces informations, les entreprises peuvent modifier leur stratégie pour mieux adhérer aux caractéristiques de leur clientèle en utilisant la procrastination comme critère de segmentation. Cependant l’étude citée n’utilise pas une échelle spécifiquement marketing. Cette étude révèle également la tendance des procrastinateurs à modifier leur discours au fur et à mesure qu’approche l’échéance.

Si 10 à 25% des individus (Ferrari et al, 1995 ; Ferrari, 1993; Lay, 1988) présentent le trait de procrastination tel qu’il a été conceptualisé en psychologie et appliqué aux activités académiques ou aux tâches quotidiennes et potentiellement désagréables, on doit retrouver cette tendance dans le comportement du consommateur.

Le construit de procrastination peut donc se révéler porteur de réponses importantes pour le comportement d’achat.

On comprendra comportement d’achat autant dans le sens de réalisation effective de l’achat que dans le sens de manière de réaliser l’achat : il nous paraît ainsi important d’étudier quand l’achat se réalise mais aussi comment. Est-ce que l’achat procrastiné est fait rapidement sous la pression d’une échéance? Est-ce que le consommateur fait le même choix qu’il aurait fait sans contrainte? Est-ce que la fidélité à la marque est renforcée chez le procrastinateur? Est-ce que la satisfaction du consommateur procrastinateur est plus importante ou moins importante?

C h a p i t r e 2

POUR UNE CONCEPTUALISATION DE LA