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DEVELOPPEMENT DE L’ECHELLE DE PROCRASTINATION DU CONSOMMATEUR

1. Création d'une échelle

1.3. Choix méthodologiques préliminaires

Une échelle de mesure est un rassemblement d’énoncés qui sont supposés rendre compte indirectement du phénomène sous-jacent au construit que le chercheur souhaite saisir et mesurer (DeVellis, 1991). Ces énoncés insérés dans un questionnaire sont soumis aux personnes interrogées qui expriment leur opinion par rapport à chacun d’entre eux. Cependant, la réponse donnée ne coïncide pas toujours avec cette opinion ; elle en est un reflet, un indicateur (Evrard et al, 1993). Le processus de développement nous conduit donc à retenir les meilleurs indicateurs de ce phénomène appelé aussi variable latente.

Une échelle mesure l’intensité d’un phénomène. L’objectivité de la mesure dépend pour partie des choix préliminaires relatifs à son format. Nous avons fait ces choix en posant les questions suivantes :

- Les indicateurs de l’échelle doivent-ils refléter les antécédents, les manifestations ou les conséquences du phénomène ?

- Quel sera le type d’échelle retenu pour mesurer le phénomène (ordinale ou d’intervalle) ?

- Quelle formulation et type de notation faut-il adopter ? Combien d’échelons faut-il prévoir ? Quel sera le type d’ancrage sémantique retenu ?

1.3.1. Manifestations / conséquences / antécédents

Les indicateurs peuvent être des manifestations, des antécédents ou bien encore des conséquences du phénomène que l’on souhaite mesurer.

Malgré le grand nombre d’échelles développées à ce jour, très peu d’écrits justifient ce choix.

En effet, alors que Churchill (1979) ne préconise rien à ce sujet, les échelles développées et reconnues s’appuient majoritairement sur les antécédents ou les manifestations. Ainsi les échelles d’implications renvoient-elles aux antécédents (Kapferer et Laurent, 1986: MacQuarrie et Munson, 1992) ou aux manifestations de l’implication (Zaichkowsky, 1985). D’autres échelles renvoient uniquement aux manifestations (Le Louarn, 1997; Amine et Forgues, 1993; Amine, 1990) ou à la fois aux manifestations et aux antécédents (D’Astous, Valence et Fortier, 1989).

Pour le développement de l’échelle de procrastination du consommateur, nous avons choisi de mesurer la variable latente par des indicateurs des manifestations. Déjà, la littérature relative à la procrastination nous suggère a priori deux dimensions : l’indécision et le report chronique de tâches quotidiennes. Ces dimensions sont respectivement au cœur des échelles de Mann (1982) et de Lay (1986). Cependant, nous retiendrons la conceptualisation présentée dans le chapitre 3 : les manifestations de la procrastination du consommateur sont l’indécision cognitive et l’évitement de la décision. En effet nous pensons que le retard chronique est plus une conséquence de la procrastination qu’une manifestation.

1.3.2. Une échelle de Likert plutôt qu’une échelle sémantique.

Entre les deux formats d’échelle les plus répandus en marketing, nous avons choisi l’échelle de Likert plutôt que l’échelle sémantique, car notre objectif est de mesurer l’intensité d’un phénomène plutôt que l’opinion des consommateurs par rapport au phénomène étudié. L’échelle de Likert est plus adaptée à la finalité de l’outil de mesure, alors que l’échelle sémantique est adaptée à la mesure d’opinions, par rapport à des produits par exemple (Pinson, 1983).

1.3.3. Une échelle intervalle plutôt qu’une échelle ordinale On distingue quatre catégories d’échelle (Evrard et al, 1993) :

- de proportion

- ordinale

- nominale

Les échelles de proportion sont plus couramment utilisées en physique que dans les sciences sociales. Les mesures en prix et en poids font exception. Les échelles nominales, couramment utilisées dans les études marketing, ne sont pas appropriées à une échelle d’intensité d’attitude ou d’opinion, car il serait difficile de prévoir des classes a priori. C’est pourquoi les échelles psychométriques sont soit ordinales soit d’intervalle.

Traditionnellement, les échelles développées en marketing, à l’instar des autres sciences sociales (DeVellis, 1991) sont principalement des échelles d’intervalle. Très souvent les contraintes de traitement statistique guident ce choix. En effet, les méthodes classiques d’analyse de données régulièrement utilisées (moyenne, écart-type, analyse factorielle exploratoire, analyse de covariance) sont adaptées aux échelles d’intervalle et non aux échelles ordinales. Si d’un point de vue conceptuel, l’échelle ordinale est idéale pour les sciences humaines, la gamme des méthodes d’analyse est réduite (Evrard et al, 1993).

Malgré le débat qui existe sur la pertinence d’utiliser une échelle d’intervalle plutôt qu’une échelle ordinale, nous préférons utiliser la première dans le souci d’utiliser les méthodes d’analyse de données adéquates, notamment les analyses de covariance pour déterminer le degré de liaison entre les diverses variables, c’est-à-dire entre les énoncés. L’analyse factorielle s’effectuera sur la base de ce tableau de covariance que seule une échelle d’intervalle peut nous fournir.

Cependant, nous pensons pouvoir atténuer l’impact de ce parti pris conceptuel en prenant quelques précautions quant à la formulation de l’échelle et notamment :

- En concevant les énoncés de telle sorte que les individus répondent sur toute la plage d’échelons qui leur est offerte.

- En augmentant jusqu’à sept le nombre d’échelons offerts pour répondre, la taille relative des intervalles par rapport à un continuum de procrastination, étant ainsi diluée. L’effet d’ordre devient relativement plus continu car l’équidistance entre les échelons est plus acceptable qu’avec une échelle en cinq points.

Cette dernière suggestion nous conduit naturellement à considérer le nombre de catégories de réponses pour chaque énoncé et plus généralement la formulation de l’échelle de notation.

1.3.4. Formulation de l’échelle de notation

1.3.4.1. Une échelle à sept points

Beaucoup d’échelles développées en Marketing sont en cinq points. Bien qu’on ne puisse pas considérer qu’il y ait une règle précise quant au nombre d’échelons à retenir pour une échelle (Perrien, Chéron, Zins, 1983), une méta-analyse des recherches consacrées au développement d’échelles montre, que plus il y a d’échelons sur une échelle plus la solidité de celle-ci est assurée (Churchill et Peter, 1984). Comme Miller (1956), Cox (1980) préconise de construire des échelles à 7 échelons. Un nombre impair de réponses est également préféré lorsqu’on suppose une position centrale neutre (Cox, 1980), ce qui est légitime dans notre cas, car l’échelle est supposée intervalle et continue. Alors que la tradition des échelles de Likert en marketing oriente les chercheurs vers des échelles à 5 échelons, nous avons préféré développer une échelle en 7 barreaux pour les raisons suivantes :

• Les individus ont tendance à être plutôt affirmatifs (« yes-sayers ») lorsqu’il répondent aux questionnaires. Augmenter le nombre de barreaux permet aux individus de s’exprimer avec plus de nuances sans nécessairement recourir à l’échelon extrême de désaccord ou d’accord.

• En choisissant de considérer l’échelle comme une échelle d’intervalle, nous pensons qu’il y aura moins d’erreurs dans l’interprétation de 7 intervalles égaux plutôt que de 5, toujours parce qu’on permet ainsi plus de nuances.

• Les échelles à 7 points sont plus solides que les échelles à 5 points (Churchill et Peter, 1984).

1.3.4.2. Le support de l’échelle

Nous avons opté pour une notation mixte avec des ancrages sémantiques à chaque extrémité et une visualisation de style graphique catégorisée avec 7 intervalles, présentée ci-dessous avec des items de style Likert.

Í Pas d’accord D’accord Î

1. Enoncé 1

/__/ /__/ /__/ /__/ /__/ /__/ /__/

2. Enoncé 2

Ce type d’échelle est bien adapté lorsqu’on recherche l’équidistance entre les intervalles (Wildt & Mazis, 1978).

Cette échelle est facile à mettre en œuvre (Churchill, 1995) et elle est plus facile à interpréter que des échelles avec ancrage sémantique à chaque intervalle, car les individus ont des difficultés à interpréter de façon similaire la signification des ancrages (Churchill, 1995). Cette difficulté est encore plus grande lorsqu’il faut interpréter 7 niveaux différents.

Or ce type d’échelle permet d’obtenir la même distribution des réponses qu’une échelle avec ancrage sémantique à chaque niveau (Wildt et Mazies, 1978). Cette présentation de style graphique permet également d’échapper aux interprétations que les personnes interrogées font des chiffres apparaissant dans chaque case (Schwarz et al, 1991). Afin de donner l’impression d’une règle continue, nous avons donc préféré cette présentation pour l’échelle en cours de développement.

Cependant, afin de ne pas concentrer les réponses sur les cases centrales, défaut souvent relevé des échelles graphiques (Churchill, 1995), nous avons proposé des ancrages sémantiques modérés aux extrémités de l’échelle : pas d’accord et d’accord.

Cette présentation a été utilisée lors des prétests qualitatifs et n’a pas engendré de problèmes de compréhension de la part des répondants.

Après collecte des données, les cases furent notées de 1 à 7.