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CHAPITRE 6 – AU TOURNANT DU SIÈCLE : LES RÉALISATIONS

B. La politique statuaire rouennaise

Entre temps, revenons sur le Comité que nous avions laissé en plein désarroi. Ce projet de commémoration « locale » annoncée dès le lendemain de la mort de Flaubert dans le

Nouvelliste de Rouen591 masque des difficultés. Elles sont illustrées par cette lettre de Maupassant

à Caroline Commanville : « Le sous-comité se réunit vendredi prochain à 2 heures chez Tourgueneff. Comme il m'est impossible d'aller vous voir d'ici là, je vous serais infiniment obligé de vouloir bien m'envoyer un résumé de tout ce qui a été fait jusqu'ici... montant de la souscription, engagements pris, etc. etc. Hugo fait le mort. Tourgueneff lui a écrit et il n'a pas répondu. C'est le dit Hugo qui, par des prétentions et des chicanes indignes de lui, a arrêté les travaux du comité des Monuments à Mme Sand. Pourvu qu'il ne recommence pas592… ». Au-delà

du volet financier, l’importance d’Hugo réside dans l’impact considérable que sa notoriété est en mesure d’apporter à ce projet. Une précédente lettre relève également l’oubli du Comte d’Osmoy, député et ami de Flaubert, dans le Comité. Au final, nous avons vu que la somme n’étant pas suffisante pour espérer ériger, rapidement, un beau monument, sa réalisation par le sculpteur Guillaume est donc abandonnée.

Loin d’être une évidence, nous avons donc commencé par évoquer les statues en l’honneur du romancier car elles sont la finalisation d’actes de défense du souvenir qu’il faut revendiquer et défendre pour avoir le droit d’exister. Elles font désormais partie du paysage urbain et cette statuaire commémorative se comprend non pas isolée mais dans un paysage, dans une époque et dans une construction mémorielle. Ces trois conditions évoluent également alors que la statue ne change pas physiquement, ou peu. Elle peut donc être déplacée et avoir un sens différent pour les habitants ou simples touristes. « [La statuaire] apparaît en effet comme un

591 Nouvelliste de Rouen, 9 mai 1880.

carrefour culturel où se croisent une intention esthétique (décorer la ville en ses places et jardins), des contingences historiques (érection, déplacements, destructions) et l’affirmation d’une culture locale (qui préside au choix de l’édification et du maintien)593. » Pour autant, y a-t-il une

politique officielle venant de la municipalité ?

Si la IIIème République voit les réflexions culturelles amorcées par certaines communes, Rouen n’en fait pas partie. Les édiles se méfient même de certaines célébrations, à la dimension parfois politique, comme lorsque le maire Louis Ricard, soucieux de l'ordre public, interdit les défilés en l’honneur de Jeanne d’Arc en 1881 et 1882. Le développement associatif, par le biais des sociétés savantes594 -dont la création en 1886 de la Société des amis des monuments

rouennais- se démocratise et ne touche plus uniquement les élites. Cette défense patrimoniale - illustrée un peu plus tard par l’association Vieux Rouen595 en 1910- est un objectif primordial

pour ces organisations et aboutit rapidement à en faire une condition à la naissance d’une politique touristique, gérée, elle, par la municipalité. Les liens, étroits entre intérêts particuliers et exploitation touristique, permettent également de rapprocher des groupements plus anciens comme la Société libre d’Emulation du commerce et de l’industrie de la Seine-Inférieure596.

Ainsi les années passent et le 12 septembre 1883, Le Petit Rouennais, lors de la mort de Tourgueneff, en profite pour émettre quelques constatations : « A Rouen, personne ne suivait le corps de notre illustre Flaubert -la population demeurait indifférente- et l’Académie locale cherchait à diminuer sa gloire. Aucun hommage ne lui a été rendu, et, dans un pays si prodigue de statues, il n’a même pas encore son buste. » C’est également l’opinion de Edouard-Edmond Gachot, connaissance de Flaubert à la fin de sa vie, qui fait un bilan du souvenir gardé du Maître en 1890 : « Que reste-t-il aujourd’hui du cher grand homme ? Quelques volumes, une tombe modeste au cimetière monumental et à Rouen une rue étroite, sans pavés. La pioche des démolisseurs a jeté bas sa maison. Une usine s’élève à la place qu’elle occupait. La famille du

593 VADELORGE Loïc, Les statues de Rouen XIX-XXe siècles, Connaître Rouen-VII, Rouen, 1999, p. 2.

594 Elles sont largement encouragées par la création d’un poste d’inspecteur général des Monuments historiques par le ministre de l’Intérieur Guizot en octobre 1830.

595 Son nom officiel est « société normande d’ethnographie et d’art populaire. » Georges Dubosc en est le maillon fort. Il présidera également la société des amis des monuments rouennais.

596 Lire le compte rendu de MAREC Yannick, « Rouen et sa banlieue. Histoire d'un divorce culturel ? », Annales de Normandie, n°56-4, 2006, pp. 553- 544 sur VADELORGE Loïc, Rouen sous la IIIe République. Politiques et pratiques culturelles. Préface de Jean-Pierre Chaline.

réaliste n’a pas voulu d’une maison historique qui ne rapportait rien. A siècle d’argent597! » Dans

une période vouée à l’expansion des loisirs et plus particulièrement du sport, le volet culturel n’est pas une priorité pour les édiles locaux. Le souvenir est donc minime si l’on se prend à comparer la mort de Flaubert au retentissement du décès de Victor Hugo le 25 mai 1885, dont le corps repose au Panthéon. En décembre 1886, la somme totale obtenue grâce aux souscriptions ne couvre que la moitié du budget prévu et le public sait déjà que la réalisation du monument sera exécutée par le sculpteur Chapu598. Guy de Maupassant, officiellement secrétaire de la

commission, est toujours la figure centrale pour l’organisation de cette célébration, en témoigne ce mot de Théodore de Banville, le lundi 10 novembre 1890 : « Cher confrère et ami, je serais très heureux d’écrire à la mémoire de notre grand et cher Flaubert quelques vers que n’importe qui pourrait dire, à l’inauguration du monument. Mais à mon grand regret, je ne serais pas en état de les dire moi-même. […] Je suis tout à Flaubert et tout à vous599. » Il faut donc patienter

jusqu’au 23 novembre 1890 pour que la mémoire de Flaubert s’accorde avec l’engouement statuomaniaque propre à la période. Une difficulté éclaire les susceptibilités à ménager. Maupassant demande à Zola de prononcer le discours d’inauguration pour « entendre la voix du plus grand des romanciers vivants parler de celui qui fut un des révélateurs du roman moderne, comme vous et à côté de vous600 ». Mais dans le même temps Lapierre fait la démarche similaire

auprès de Goncourt. Maupassant tente donc de sauver les apparences et lui fait parvenir ces quelques lignes: « Il vous appartient si absolument, d’abord parce que vous êtes Goncourt, ensuite parce que vous êtes président du Comité, de sortir de votre réserve connue en matière de manifestation publique, que la pensée ne m’est pas venue de m’adresser plus tôt à vous601. » Zola

laisse sa place sans faire d’histoire. L’incident rappelle une précédente difficulté, de taille cette fois : Goncourt voulait démissionner de la présidence, après un article du 1er janvier 1887 dans

597 Extrait de l’article « Gustave Flaubert », Paris, 21 novembre 1890. Reproduit dans le bulletin des Amis de Flaubert, n° 28, mai 1966, pp. 24-28.

598 Grâce aux informations du Nouvelliste de Rouen, 17 décembre 1886. Sur Henri-Michel-Antoine Chapu (1833- 1891), on peut lire FIDIERE Octave, Chapu : sa vie et son œuvre, Paris, Plon, 1894 et plus particulièrement les

pages 154-156 pour le monument Flaubert.

599 Lettre de Théodore de Banville à Guy de Maupassant relatif à l’inauguration du monument Flaubert. De Banville décède le 13 mars 1891. Tout ce texte est consultable grâce à l’URL : http://www.autographes-des- siecles.com/produit/theodore-de-banville-autographe-2/

600 MAUPASSANT Guy de, Correspondance inédite, Wapler, 1951.

601 BOCOUET Charles, « A propos de Maurice Leblanc, de Chapu et de G. Leblanc », Les Amis de Flaubert, n°60, 1982, p. 16.

Gil Blas602. Les relations avec Maupassant s’étaient refroidies en 1888, comme il le narre dans son Journal en date du 9 janvier 1888 : « Dans la préface de son nouveau roman, Maupassant, attaquant l’écriture artiste, m’a visé sans me nommer. Déjà, à propos de la souscription Flaubert et de l’article de Gil Blas, je l’avais trouvé d’une franchise qui laissait à désirer. Aujourd’hui,

l’attaque m’arrive en même temps qu’une lettre où il m’envoie par la poste son admiration et son attachement. Il me met ainsi dans la nécessité de le croire un Normand très normand. Du reste, Zola m’avait dit que c’était le roi des menteurs603… »

La somme ayant pu être réunie « par un souscripteur anonyme, peut-être Maupassant604» -

qui avait déjà ajouté mille francs en 1887- l’inauguration prévue pour le 1er octobre 1890 est reportée au 23 novembre afin de permettre au même Maupassant de rentrer de son voyage en Algérie. Ainsi le président du Comité Flaubert, Edmond de Goncourt, inaugure le Mémorial Flaubert en prononçant un court discours élogieux -alors qu’il n’aimait pas le monument- traçant un portrait de leur Maître et n’annonçant pas exactement une statue mais une chromolithographie en bas-relief605, exécutée par Henri Chapu, préparée par de nombreuses esquisses puis réalisée à

Seravezza près de Carrare d’où provient le marbre.

602 L’auteur de cet article doute fortement de l’investissement mis par Goncourt pour mener à bien ce projet et honorer ce poste de président du Comité.

603 Les Amis de Flaubert, n°20, 1962, p. 23.

604 GOUBE Jacqueline, « Les deux statues de Gustave Flaubert à Rouen », Les Rouennais et la famille Flaubert, Edition des Amis de Flaubert, 1980, p. 13.

Figure 7 : Monument de Chapu.

Source : Jardin du Musée Flaubert et d’histoire de la médecine. Rouen. David Michon. 2006.

La figure classique d’une muse grecque, plume à la main, a pu surprendre606. Néanmoins

le discours de Goncourt est une véritable passerelle entre la vérité d’une vie d’artiste qui aura été malmenée et la postérité accordant à Flaubert une place tout de même plus élevée607. Ces

quelques mots révèlent la réception souvent sévère à l’encontre des romans flaubertiens. Leteurtre, maire de Rouen, débat pour minimiser les tensions existantes, au moins depuis 1872, entre la municipalité et Flaubert tandis que Félix, membre de l’Académie rouennaise, présente un Flaubert fort amiable avec ceux qui l’aimaient. L’assistance est toute satisfaite de statufier un homme qui aurait sûrement eu bien des choses à écrire sur cette scène pour le moins digne de

Madame Bovary. Oublieux des opinions de son Maître, on peut donc dire que Maupassant « représente Flaubert de manière immédiatement stéréotypée, figée608 ». En 1900, l’inauguration

de la statue de Maupassant est finalement l’occasion de réunir les deux intimes dans une fête très locale que tous deux auraient largement cru inimaginable… Quant à l’emplacement, si en 1890 la statue de Flaubert se trouve sur la façade principale du Musée des Beaux-Arts de Rouen609, elle

est mise à l’abri le 21 novembre 1908 par une décision du Conseil municipal du 8 septembre précédent.

606 « Non pas que ce Normand sanguin et ironique fût insensible aux séductions puissantes de la poésie classique ; mais dans la vie antique comme dans la vie contemporaine, ce qui paraît l’avoir intéressé, c’est l’explosion âpre et égoïste des passions communes et brutales, l’étrangeté et la corruption des siècles de décadence plutôt que la grâce et l’élégance des civilisations à leur apogée. » FIDIERE Octave, Chapu : sa vie et son œuvre, Paris, Plon, 1894, p. 155. 607 « Cette vie remplie de chefs-d’œuvre lui mérita quoi ? la négation, l’insulte, le crucifiement moral. Ah ! il y aurait un beau livre vengeur à faire de toutes les erreurs et de toutes les injustices de la critique, depuis Balzac jusqu’à Flaubert. » Journal, Robert Laffont, coll. « Bouquins », t. III, p. 497.

608 MARCOIN Francis, « Maupassant et la statue de Flaubert » in LECLERC Yvan (dir.), Flaubert-Le Poittevin- Maupassant. Une affaire de famille littéraire, Actes du colloque international de Fécamp (octobre 2000), Publications de l’Université de Rouen, 2002, p. 235.

Figure 8: Monument de Chapu à son emplacement initial.

Le monument prend sa place actuelle en août 1982 dans le petit jardin du Musée Flaubert et d’histoire de la médecine. Il est la première forme de reconnaissance collective, loin de ce qu’il a vécu de son vivant. Goncourt ne cache d’ailleurs pas la vérité sur ce manque de considération à l’égard du célébré : « Mais sait-on, à l’heure présente, que, de son vivant, la critique mettait une certaine résistance à lui accorder même du talent ? Que dis-je « résistance à l’éloge » ?… Cette vie remplie de chefs-d’œuvre lui mérita quoi ? la négation, l’insulte, le crucifiement moral. Ah, il y aurait un beau livre vengeur à faire de toutes les erreurs et de toutes les injustices de la critique, depuis Balzac jusqu’à Flaubert. » Ce premier hommage rouennais a donc le mérite de ne pas lisser un souvenir assez récent mais encore marquant pour les proches du romancier. Flaubert n’a pas de grandes statues en pied érigées par des Rouennais pour des Rouennais et si la symbolique du livre de l’immortalité et de la figure de la Vérité ornent son monument, l’ensemble n’est qu’un minimum acceptable par rapport aux élévations voulues juste après sa mort.

Après cette inauguration, l’histoire de la politique statuaire flaubertienne offre plusieurs difficultés communes au genre. Nous pouvons désormais nous demander si ces deux monuments (celui de Chapu et celui de Bernstamm) ne posent pas un problème de déséquilibre de leur lieu d’emplacement, puisque les reproductions ne se situent plus à leurs places d’origine?

Effectivement lorsqu’une statue est déplacée, il est possible de maintenir le vide (c’est alors nier l’effet de complémentarité qui existait entre l’œuvre et son contexte), créer une nouvelle œuvre contemporaine (ce que préconise la Charte de Venise en 1964) ou réaliser une réplique de l’original, par exemple un moulage. Pour Flaubert le choix va au plus pratique. Le positionnement de la chromolitographie au fond du jardin du Musée de l’Hôtel-Dieu correspond à un rapprochement entre le romancier devenu célèbre et son lieu de naissance, là où il vécut ses premières années. Déjà, ce tout premier monument commémoratif a été déplacé puis mis à l’abri pendant la guerre. Si « l’évolution de la voirie610 » explique souvent le déplacement des

monuments, ce n’est pas le cas ici pour Flaubert. Cette mesure de protection permet de conserver le monument en l’état et de le transmettre puisqu’il ne subit pas les diverses opérations de conservation en plein air. Aussi peut-on penser que cette mise à l’abri maintient une notion d’authenticité, à laquelle le public est très attaché ? Elle le protège d’une destruction et une réplique -aussi fidèle soit-elle- dévalue la qualité de l’œuvre. C’est exactement ce qui a pu arriver

610 PROST Antoine, « Les monuments aux morts », NORA Pierre (dir.), Les Lieux de mémoire, I, Paris, Gallimard, Quarto, [1984], 1997, p. 204.

à la statue créée par Bernstamm devant l’église Saint-Laurent, fondue par les Allemands en 1941, tandis que le socle resta en place jusqu’en 1949. Le même modèle en pierre avait été commandé au sculpteur Lamourdedieu dès 1943611. Le moule est retrouvé au musée de Menton en 1955 par

André Marie, maire de Barentin et le fait reproduire grâce au financement des villes de Rouen, Trouville612 et donc Barentin613. Dans ce type de réalisation, il est certain que la subvention

publique est vue comme une évidence de la considération à l’égard de l’objet à commémorer, ici Flaubert et Rouen, entre autres. La capitale normande reproduit la statue en fonte et les deux autres villes en pierre. Quant à celle de Bernstamm, il a tout de même fallu attendre dix ans entre sa reproduction terminée et prête à être réédifiée : en effet ce n’est qu’en 1965 que le conseil municipal décide de la positionner place des Carmes614. Cette statue était-elle devenue

encombrante ? Ce choix d’emplacement ne vient sanctionner aucune logique apparente, sinon combler un vide artistique de l’urbain et replacer une statue initialement située devant l’ancienne église Saint-Laurent. Malgré l’opinion de Jacques Toutain, fils de Jean Revel, souhaitant réinstaller la sculpture au même endroit qu’en 1907 -par respect pour les acteurs de l’époque-, le conseil municipal « choisissait la place des Carmes, en remplacement du marché aux fleurs qui devait s’établir vers la rue Saint-Lô615 ». Si nous pouvons être surpris par cette forme de

compensation, nous sommes sur la piste d’un possible lien avec sa sœur Caroline qui aurait habité la place, mais il n’a pas été possible de confirmer cette hypothèse616. La statuaire est aussi

une organisation de l’espace, simple souci d’urbanisme, primant parfois les raisons historiques617.

611 LAMOURDEDIEU Raoul, Gustave Flaubert, statue, 1943, F/21/6889. Archives nationales.

612 Flaubert passait ses vacances d’été à Trouville, marqué par le souvenir d’Elisa Schlesinger rencontrée sur une plage en août 1836. Durant l’été 1842, il s’était lié d’amitié avec la famille Collier. C’est également le lieu d’écriture de Mémoires d’un fou.

613 Cette ville organise des manifestations en l’honneur du romancier normand comme en octobre 1953 : dans le cadre de l’Université populaire de Barentin, « MM. René-Marie Martin et Pierre Pani ont évoqué la jeunesse de Gustave Flaubert », Paris-Normandie, 30 octobre 1953. Carton 9, archives Dubuc, consultées le 4 mai 2011 au Musée Flaubert et d’Histoire de la médecine, actuellement en classement aux Archives départementales de Seine- Maritime.

614 « Rouen retrouve Flaubert », Le Figaro, 21 décembre 1965, archives Dubuc, consultées le 4 mai 2011 au Musée Flaubert et d’Histoire de la médecine, actuellement en classement aux Archives départementales de Seine-Maritime. 615 GOUBE Jacqueline, « Les deux statues de Gustave Flaubert à Rouen », Les Rouennais et la famille Flaubert, Edition des Amis de Flaubert, 1980, p. 21.

616 DUMESNIL René, Le rideau à l’italienne, Mecure de France, 1959, 251 pages.

617 Plus récemment un courrier véhément revient sur ces dispositions malhabiles, même si c’est davantage le sujet que l’emplacement qui semble déranger l’auteur des lignes suivantes. « […] J’invite les Rouennais à militer pour le bannissement des statues qui ne sont pas à leur place dans la ville. Gustave Flaubert pose en majesté devant l’entrée de l’Hospice Général (devenu CHU) dans lequel il n’a probablement jamais mis les pieds. Cet être mesquin n’aimait pas les médecins et ne connaissait rien à la médecine. Dans Bovary, sa volonté affichée d’altérer la mémoire d’un praticien victime d’une infortune conjugale n’est pas jolie-jolie. Sa description du pouls d’Emma agonisante est inepte. Surtout, la thérapeutique du pied-bot, qu’il vilipende à pleines pages, est en fait une technique novatrice à

Ce n’est pas toujours aisé618. Pourtant, la statue et son socle imposant se détachent mieux dans cet

environnement ouvert que confondue contre le mur de l’église Saint-Laurent.

« Mais la commémoration c’est aussi un objet culturel en soi, une représentation de la société culturelle, et on devra analyser ensuite les biais par lesquels se développe une mise en scène complexe et étalée dans le temps. Car l’évènement monumental n’est que l’aboutissement d’un cycle commémoratif, amorcé dès 1914 et mobilisant un certain nombre d’acteurs culturels. L’érection d’un monument est enfin l’occasion de confrontations entre diverses intentions : intention politique de la municipalité qui le subventionne en partie, intention symbolique de la société culturelle qui éprouve ici sa cohésion, intention esthétique enfin des commanditaires, qui définissent à travers lui, les limites d’une iconographie et proposent à la postérité, une représentation convenable du publiciste619. » Nous suivons le raisonnement de Loïc Vadelorge

car Rouen se distingue par une défense classique de son patrimoine, c’est-à-dire qu’il s’agit de célébrer les figures locales avec des réalisations évidentes, comme les statues, sans que, à propos de Flaubert, la municipalité soit au premier plan. « Au-delà d’une simple commémoration ponctuelle, il faut souvent voir dans la statuaire urbaine l’expression d’un manifeste culturel qui reflète les intentions des différents acteurs présents. L’érection d’un monument à Georges Dubosc devient ainsi l’occasion pour la municipalité de manifester une capacité en matière de