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CHAPITRE 4 – DE L'OEUVRE À L'ACTE : UNE PREMIÈRE STRUCTURATION DU

D. La polémique du lieu

Les commentateurs vont largement chercher les traces réelles des territoires à l’œuvre dans Madame Bovary, relevant d’une volonté d’appropriation du succès flaubertien372. « Certes l'image « externe » de la Normandie n'est pas forcément la plus dynamisante ni la plus moderne. Elle est, pour une part, fondée sur les stéréotypes de la Normandie terrienne dont nous avons parlé : celle des paysans vus par Flaubert et Maupassant, du chaland, des mondes clos décrits par Barbey d'Aurevilly. Il s'y superpose certes une image industrielle et portuaire liée à l'économie- monde, mais qui n'est pas toujours plus attractive373. » Peu importe l’image qu’il faudra rétablir

ou inventer, une véritable enquête régionale met aux prises plusieurs acteurs de la commémoration pour déterminer le lieu réel de l’action. Derrière la volonté d’affirmer l’importance de la Normandie dans l’œuvre de Gustave Flaubert, l’entente n’est en effet pas complète car les connaissances sont parcellaires, Flaubert n’étant pas le meilleur client pour révéler ses sources. Les villages de Ry et de Forges-les-Eaux croient être Yonville-l’Abbaye. Partiellement, nous pouvons tenter de faire un point sur cette querelle topographique qui dure jusqu’au milieu du XXe siècle374. Elle interroge également sur les producteurs de discours, axe

important de notre problématique de thèse. Si les élus municipaux sont les représentants « de l’expertise culturelle et du processus de décision », nous constatons que des figures transcendant la valse des maires d’alors sont au moins aussi décisives et agissent en profondeur sur les politiques culturelles rouennaises375. A la décharge du premier élu de la Ville, l’absence de

domaine précis, réservé à la culture, oblige des personnalités à s’en charger pour constituer un véritable groupe de pression.

372 IEHL Corinne, « Le texte en son lieu : La Galerie Bovary », Sociologie de l’art, OPuS 7, L’Harmattan, 2005, « Littérature, Fiction/Réel », pp. 39-62.

373 GAY François, « Normandie réelle... Normandie virtuelle. Le destin d'une région historique », Cahier des Annales de Normandie, 1992, n°24, p. 617.

374 On peut lire l’excellent article de CLEROUX Gilles, « De Yonville-l’Abbaye à Ry : nouvel examen de la question », Bulletin Flaubert Maupassant, n°22, 2008, pp. 7-35. Mon propos n’est pas aussi détaillé mais interroge ce réel s’accordant avec la fiction, quitte à se transformer pour y ressembler. Gilles Cléroux prépare un ouvrage sur la question.

375 VADELORGE Loïc, Rouen sous la IIIe République: Politiques et pratiques culturelles, Nouvelle édition [En ligne], Rennes, Presses universitaires de Renne, 2005, p. 120. URL : http://books.openedition.org/pur/10987.

C’est le journaliste et chroniqueur normand Georges Dubosc qui projette, le premier, la lumière sur ces lieux réels avec son article La véritable Madame Bovary376 et plus

particulièrement le village de Ry, où vivait le couple Delamare qui a inspiré Flaubert, du moins le croit-on. En 1907, le directeur de l’Ecole de médecine de Rouen, le Docteur Raoul Brunon, publie un article377 relatant des témoignages locaux confirmant que le village de Ry est bien

Yonville, sans faire preuve de retenue ou d’une quelconque distanciation par rapport aux propos entendus ou rapportés. Mais l’affiliation fait son chemin. La consécration vient en 1930 lorsqu’un reportage photographique378 dans l’Illustration, place Ry dans une position hégémonique et

incontestée. Déjà, à l’occasion du centenaire de la naissance de l’écrivain en 1921, le petit village de Ry est considéré comme une évidence dans le sillage d’une affirmation : « tout le monde sait que l'histoire véritable de Mme Bovary s'est passée à Ry379. » Entérinée par le flaubertiste René

Dumesnil380 dans l’entre-deux-guerres, l’enquête prend un nouvel essor après l’article de

Gabrielle Leleu381 et Jean Pommier paru dans la Revue d’Histoire Littéraire (juillet-septembre

1947). Ils pensent que Flaubert ne s’est pas inspiré de la vie de Delamare mais de Madame Pradier, une parisienne née Louise Ludovica d’Arcet, contée dans un manuscrit retrouvée par Mlle Leleu. En 1953 René Herval382 prend parti contre le village de Ry qui, selon lui, n’est pas le

principal modèle d’Yonville-l’Abbaye. Forges-les-Eaux obtient davantage ses faveurs383.

L’association relaye ces discussions sans basculer pour Ry ou pour Forges-les-Eaux et publie donc un article384 sur la parution de René Herval, auteur de l’ouvrage Les véritables origines de

Madame Bovary385. Le président Toutain est tout de même gentiment accusé de pencher pour

376 Publié dans le Journal de Rouen, 22 novembre 1890.

377 BRUNON Raoul, « A propos de Madame Bovary », Le Normandie médicale, 1er décembre 1907. Ce notable rouennais intervient souvent dans de nombreux débats culturels de la Belle Epoque jusqu’au sortir de la Grande Guerre. Il n’aura de cesse de venir remettre en cause certaines décisions municipales.

378 CADILHAC Paul-Emile, « Au pays de Madame Bovary », L’Illustration, 9 août 1930. 379 LEROUX E., « Les origines de Madame Bovary. Flaubert à Ry » L'Eclair, 12 décembre 1921.

380 Il publie en 1932 ses recherches sous un titre que n’aurait pas renié Sainte-Beuve : Gustave Flaubert, l’homme et

l’œuvre.

381 Bibliothécaire à Rouen depuis 1927.

382 Président de la Société des écrivains normands, il se montre particulièrement actif sur ce sujet.

383 Une première conférence a été donnée le dimanche 20 décembre 1953 à la société des amis de Flaubert intitulée « Propos hérétiques sur Madame Bovary ». Il publie plusieurs articles dont, entre autres, le propos de sa conférence dans le bulletin des Amis de Flaubert sous le titre « Du nouveau sur Madame Bovary. I. Madame Bovary n’est pas Madame Delamare. II. Yonville-l’Abbaye n’est pas Ry ». Cela a le mérite d’être clair ! Citons également une parution dans Etudes Normandes n°45 du 1er trimestre 1955 et logiquement une grande conférence à Forges-les-Eaux le 20 septembre 1955.

384 Les Amis de Flaubert, n° 12, 1958, p. 63.

Forges vu qu’il lui accorde une forme d’intérêt, faisant forcément de l’ombre à Ry386. Le

27 juin 1954, l’association des écrivains normands et celle des amis de Flaubert vont même jusqu’à déposer une plaque « Ici habitait Victor Beaufils, chez qui Gustave Flaubert séjourna en juin 1848 ». Par crainte des émeutes à Rouen, il est tout à fait vrai que Flaubert et sa mère furent logés par les Beaufils, anciennement rue des Eaux Minérales, à Forges387.

La réaction du camp d’en face ne tarde pas. Organisé en « Comité Bovary » pour préparer le centenaire du roman et présidé par René Vérard, il tente de faire taire les controverses le 29 août 1955 avec la pose d’une plaque commémorative388 sur la maison qu’occupaient les

Delamare, modèles du couple Bovary. Ry décide donc de devancer ses concurrents et parvient à réunir plusieurs personnalités autour d’Allix, maire de Ry, parmi lesquelles René Vérard, des membres des Amis de Flaubert dont son président Jacques Toutain-Revel et son trésorier René Sénilh, présidé par André Marie, ancien ministre de l’Education Nationale389. Ce dernier affirme

d’ailleurs « qu’aucun doute n’était possible entre le rapprochement Delamare-Bovary, les similitudes étaient par trop frappantes »390. L’association des amis de Flaubert reste toujours

prudente, même si Toutain demande à faire partie du Comité Bovary le 4 juillet 1955391, on peut

lire ce jugement caustique à propos des mots d’André Marie: « L’orateur conclut, de façon péremptoire : « Cette plaque fera taire désormais toutes les controverses inutiles… »392. » La

fiction devient donc réelle ou plutôt le réel se réinvente pour copier la fiction. Il ne s’agit pas de célébrer Flaubert mais de prendre son texte et le mettre en scène, le rendre vivant et palpable. Faire autant référence aux luttes d’appropriation d’une éventuelle mémoire révèle que le travail archéologique n’est pas terminé, loin de là, et l’association fait écho à cette construction du souvenir. A la réflexion, il faut croire que la société flaubertiste se doit de participer à cette cérémonie afin de continuer à imprimer sa marque sur tout ce qui concerne le grand roman de

386 PIOLE Guy, « Comment Ry, le calme petit bourg, sera supplanté par Forges-les-Eaux, la remuante », Liberté- Normande, 4 juillet 1954. Cartons 9, archives Dubuc, consultées le 4 mai 2011 au Musée Flaubert et d’Histoire de la médecine, actuellement en classement aux Archives départementales de Seine-Maritime.

387 PIOLE Guy, Nous autres Yonvillais. Les Normands et Madame Bovary, Piolé, Rouen, 1972, p. 89 et p. 91. 388 « Une plaque scellée sur la maison de Mme Bovary a été dévoilée hier », Paris-Normandie, 30 août 1955. Carton 10, archives Dubuc, consultées le 4 mai 2011 au Musée Flaubert et d’Histoire de la médecine, actuellement en classement aux Archives départementales de Seine-Maritime. Figure 2.

389 André Marie (1897-1974) est élu au conseil municipal de 1925 à 1928 et très porté sur le domaine de la culture qu’il entend faire progresser.

390 Les Amis de Flaubert, n° 8, 1956, p. 70.

391 Lettre de Jacques Toutain à René Vérard, 4 juillet 1955. Carton 10, archives Dubuc, consultées le 4 mai 2011 au Musée Flaubert et d’Histoire de la médecine, actuellement en classement aux Archives départementales de Seine- Maritime.

leur Maître. L’hypothèse se tient grâce au jugement d’André Dubuc, alors président de la Société Libre d’Emulation, lors du centenaire de la parution de Madame Bovary le dimanche 6 mai 1956 : « Il serait plus sage de considérer ce bourg d’Yonville-l’Abbaye comme une sorte de satellite artificiel de la région rouennaise, créé et aménagé par Flaubert pour assurer l’existence même de son roman et lui donner à la fois sa compréhension et son équilibre393. »

393 Les Amis de Flaubert, n° 9, 1956, p. 47.

Figure 2 : Une commémoration mineure.

Source : « Une plaque scellée sur la maison de Mme Bovary a été dévoilée hier », Paris-Normandie, 30 août 1955. Les Amis de Flaubert, n° 8, 1956, p. 70.

En 1958, le Comité Bovary publie une étude sur les Origines et les Sources de Madame Bovary, continuant d’affirmer que Ry représente Yonville. Le Bulletin, qui mentionne l’existence

de cette étude, rappelle fort sagement le mot de Jean Pommier, qui voyait les lieux d’actions du premier roman de Flaubert comme une « chimie littéraire394. » Cette référence signifie que

Yonville peut donc être inspirée de plusieurs lieux visités par Gustave Flaubert, ou même simplement imaginés. En décembre de la même année, c’est pourtant le président des Ecrivains Normands, René Herval, qui est récompensé par le prix littéraire Maria Star de la Société des Gens de Lettres pour son livre Les véritables Origines de Madame Bovary. Cependant, le puissant Comité Bovary continue ses efforts en faisant éditer un plan de Ry annoté des lieux où vécue Delphine Delamare, née Couturier. Nous avons là une première structuration de l’espace non uniquement patrimonial mais touristique, avec la volonté de prendre par la main le visiteur et de lui faire vivre l’expérience Bovary à laquelle Ry se dévoue. L’association reçoit ainsi trois exemplaires de ce plan, afin que deux d’entre eux soient déposés à la Bibliothèque municipale et au Musée Flaubert de l’Hôtel-Dieu. La polémique se termine en 1959 avec la publication du journaliste René Vérard sur « la victoire de Ry395 » à laquelle Herval ne répond pas. Pour le

centenaire de la mort de Flaubert, les auteurs Guy Piolé et François Vicaire reviennent sur Yonville396 pour un rappel historiographique et apaiser le débat en signifiant que Ry s’est

tellement approprié Yonville qu’il est justice de leur reconnaître une sorte de filiation. Désormais ce petit village peut donner libre cours à son imagination créative pour donner naissance à la Galerie Bovary en 1977. Riche de plus de 300 automates inspirés du roman, c’est l’angle visible des actions de René Vérard et Michel Burgaud, artisan-horloger, pour faire du chef d’œuvre flaubertien la clé du développement touristique local397. Selon Dubuc, le flot des touristes en

1980 est également le fait « de la route fort pittoresque de Ry à Blainville, longeant le Crevon398. » Aujourd’hui le musée des automates est fermé depuis 2014, simplement ouvert aux

groupes sur réservation : le fils Burgaud ne parvient pas à s’entendre avec la mairie locale pour

394 POMMIER Jean, « En marge de Madame Bovary », Les Amis de Flaubert, n°6, 1955, p. 36. Jean Pommier (1893- 1973) était agrégé, normalien et professeur en Sorbonne.

395 VERARD René, La victoire de Ry, épilogue de l’affaire Bovary, Maugard, Rouen, 1959.

396 PIOLE Guy, VICAIRE François, « A la recherche deYonville-l’Abbaye… », Le Bulletin de l’Arrondissement de Rouen et des Cantons voisins, 1er août 1980. ADSM Fonds Charles Nicolle, J 1428.

397 Les deux hommes sont à l’initiative d’un nouvel ouvrage : VERARD René, Ry, pays de Madame Bovary, Bois- Guillaume, 1983, 95 pages. Il est destiné à la boutique de la Galerie Bovary et publie quelques extraits de flaubertistes accréditant l’affirmation du titre. Toutefois, il a l’honnêteté de citer René Herval dans la bibliographie sommaire présente en fin d’ouvrage (pages 92 à 94), preuve qu’ils n’ont plus rien à craindre des adversaires ? 398 DUBUC André, « Yonville-l’Abbaye, est-ce vraiment le bourg de Ry ? », Les Rouennais et la famille Flaubert, Edition des Amis de Flaubert, p. 88.

moderniser un lieu qui reste ancré dans les années 1970. Si la municipalité a rénové le parcours avec de nouveaux panneaux explicatifs, tout au long d’un court trajet en dix points de curiosités, il manque ici aussi un lieu résumant le rapport de Flaubert à Ry, ou plus honnêtement l’histoire des querelles autour du débat entre lieux réels et lieux fictifs : cette « représentation sincère » doit faire de Ry un exemple fort de cette trajectoire patrimoniale hors du commun.

Un point rapide sur cette période nous montre donc les limites d’une politique patrimoniale incontrôlée. D’ailleurs ce dernier mot pose une question : à qui revient le droit d’être le censeur de cette politique ? Personne. Les discours ne viennent pas de n’importe qui puisqu’il s’agit tout de même de plusieurs spécialistes rivalisant de détails et de formules pour convaincre les intéressés : au départ des flaubertistes, puis les journalistes chargés d’en faire la promotion ou au moins en assurer l’écho, enfin en bout de la chaîne le touriste. Pour autant le patrimoine en construction, se définissant par des luttes aboutissants à des choix, se règle-t-il par des décisions arbitraires ? Les habitants des villages concernés décident de se reconstruire par rapport au roman, en se racontant des anecdotes et des faits généraux qui n’ont, pour la plupart, jamais existé. Il n’est pas difficile de diffuser des histoires qui glorifient le village, lui donnant une fonction et une forme de singularité. S’appuyant sur quelques personnalités actives, un patrimoine peut se construire dans l’erreur et la surinterprétation. Soucieux d’une exclusivité qui n’existe pas, ces quelques localités se mesurent dans de véritables batailles de clochers, et sont l’exemple même des limites d’appropriation d’un patrimoine. On constate que la société des Amis de Flaubert n’est pas toute puissante et ne peut tout réguler, elle n’est pas le censeur officiel. Aujourd’hui, certains ne souhaitent plus adhérer à cette identité factice les obligeant à se conformer à l’histoire réinventée du village399.

Revenons à Rouen. Comment Flaubert, en mal de reconnaissance locale au XIXe siècle,

est-il devenu un nom commun assurant succès touristique et identification normande ? On peut même se demander s’il ne faudrait pas être flaubertiste en dehors de Rouen. C’est l’histoire du prophète en son pays, si classique mais à interroger pour éclairer la destinée patrimoniale de ce nom. Comment saisir cet espace vécu entre le discours épistolier, expression d’une posture souhaitée, et les actes concrets non pas pour avoir la prétention de juger Flaubert, mais pour

399 En 2014, les propriétaires du restaurant Le Bovary ont laissé un mot au moment de leur dépôt de bilan : ils précisent que « le temps passe, tout doucement vous vous conformez ou vous vous détruisez, renoncez à ce que vous êtes vraiment tout en déployant une autre identité que l’on vous a choisie. Quel choix que de penser fuir ce paradis d’enfer pour exister ? » Lire l’article de LANDROT Marina, « L’âme d’Emma Bovary est là, à Ry », Télérama, n°3371, 23 août 2014.

évaluer cet entre-deux qui ouvre forcément un large champ des possibles ? « L'auteur, dans son œuvre, doit être comme Dieu dans l'univers, présent partout, et visible nulle part. L'art étant une seconde nature, le créateur de cette nature-là doit agir par des procédés analogues : que l'on sente dans tous les atomes, à tous les aspects, une impassibilité cachée et infinie. L'effet, pour le spectateur, doit être une espèce d'ébahissement. Comment tout cela s'est-il fait ! Doit-on dire, et qu'on se sente écrasé sans savoir pourquoi400. » Flaubert a probablement réussi son tour de force

littéraire, mais a échoué dans l’application privée de ce précepte : sa vie a été étudiée et ses actions décortiquées, son nom couvre tout l’espace rouennais. Ce travail ne fait pas mieux. Mais l’écrivain reste un homme bien obscur pour une majorité de Rouennais alors certains déplacent la question (à Ry et Forges par exemple) et n’affrontent pas l’auteur en face (Emma paraît plus docile). « Il me semble qu’il serait plus sage de considérer ce bourg d’Yonville-l’Abbaye comme une sorte de satellite artificiel de la région rouennaise, crée et aménagé par Flaubert pour assurer l’existence même de son roman et lui donner à la fois sa compréhension et même son équilibre401. »

Cette polémique du lieu est creuse à Rouen, puisque non questionnée par un réel trop- plein qui la vide de tout son sens. En effet le nom « Flaubert » est partout présent dans la capitale de la Haute-Normandie. Dernièrement, il a été donné au sixième pont rouennais et il est légitime de s’interroger sur une forme de saturation de l’espace public par les signes flaubertiens qui finissent par devenir une « coquille vide ». De l’école maternelle au lycée, du restaurant de Rouen à celui de Canteleu, le nom est devenu commun402. Nombreux sont les jeunes Rouennais,

qui arrivés à l’adolescence, avouent n’avoir jamais lu Flaubert403 : ils « vivent » avec lui depuis

toujours, partout dans la cité normande. Il est donc paradoxal d’être le concitoyen de Gustave Flaubert, et de le connaître si peu. Avant de revenir sur plusieurs attributions de son nom, terminons ce chapitre par le positionnement géographique du romancier.

400 FLAUBERT Gustave, lettre à Louise Colet, 9 décembre 1852, Correspondance, op. cit., T. II, 1980, p. 204. 401 André Dubuc, discours prononcé au Pavillon de Croisset, le dimanche 6 mai 1956 repris dans Les Amis de Flaubert, n°9, 1956, p. 33.

402 « Il existe une avenue Flaubert, un bar Flaubert, un lycée Flaubert, une maison de retraite Flaubert, et plus récemment un « écoquartier » Flaubert. » in LECLERC Yvan, « La cathédrale de Rouen dans Madame Bovary », Bulletin Flaubert Maupassant, n°31, 2015, p.161. Nous ajoutons qu’il est même possible de se faire soigner dans un laboratoire Flaubert.

403 Je m’étais livré en mai 2011 à plusieurs interviews de jeunes Rouennais entre 15 et 25 ans afin de connaître leur rapport à l’auteur. Au-delà des lectures imposées par le programme, ils pensaient surtout à un nom d’établissement scolaire, d’un quai ou d’un restaurant.