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Politique monétaire

Dans le document Rapport de Mission (Page 46-52)

Le gouvernement coréen a également développé et utilisé un nouveau système de gestion d’information budgétaire surnommé Système du Budget et des Comptes (Digital Budget and Accounts System, abrégé DBAS). Le budget suit dorénavant un processus d’attribution hiérarchique descendant tout comme le Québec et le Canada. Le ministère de la Stratégie et des Finances (Ministry of Strategy and Finance, MOSF) assigne d’abord à chaque ministère un plafond budgétaire établi selon le Plan national de Gestion budgétaire (National Fiscal Management Plan, NFMP), qui planifie le développement socioéconomique du pays des cinq prochaines années. Les différents ministères attribuent le budget accordé selon la priorité des différents projets.

Avant la mise en place de ce processus, il arrivait souvent que les ministères de-mandent une augmentation du budget

de 25 à 30 % par rapport à l’année pré-cédente. Cependant, depuis l’implémen-tation, l’augmentation a été contrôlée à seulement 6 %, d’après un rapport émis par le MOSF (Bae, Choi, Kang, Heo et Kim, 2011).

Le DBAS ou « cerveau intelligent » (digital brain, abrégé dBrain) a été conçu pour mieux gérer la préparation, l’exécution, la comptabilité et l’évaluation de la formance du budget. Ce système per-met la manipulation d’un grand nombre de données rapidement et de manière efficace. Il permet de centraliser toutes les données pour permettre ainsi une meilleure surveillance des dépenses par le MOSF (Bae, Choi, Kang, Heo et Kim, 2011).

D’après Cem Dener, expert en finances publiques de la Banque mondiale, le sys-tème de gestion des informations finan-cières DBAS de la Corée est parmi les plus avancés et intégrés au monde.

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Cette section explique les effets des crises sur la politique monétaire, le sys-tème bancaire coréen ainsi que les posi-tions officielles et les acposi-tions que prend la BCC.

La BCC en temps de crise

Comme mentionné précédemment, deux grands épisodes économiques difficiles ont frappé la Corée, c’est-à-dire la crise fi-nancière asiatique (abrégé CFA), ainsi que la Grande Récession de 2008.

Dans les deux cas, la BCC, le gouverne-ment et les instances internationales telles que le FMI ont dû intervenir pour éviter une catastrophe financière dans la région. Ces épisodes ont eu des effets sur le cours du won. Le won n’étant pas une monnaie refuge, c’est-à-dire une monnaie de place-ment sécurisé en temps de crise, il s’est donc dévalué durant ces périodes (voir figure en haut à droite).

Cette dévaluation du won est un défi im-portant pour les entreprises, et il s’agit d’un phénomène sur lequel elles ont peu de contrôle. Dans le but de diminuer le risque relié aux fluctuations du taux de change, les compagnies coréennes uti-lisent la stratégie de couverture de change (Choi, 2015).

Il est intéressant de remarquer la tendance similaire des taux d’intérêts au Canada et en Corée (voir figure en bas à droite). La principale différence est celle de la période de la CFA où les taux d’intérêt coréens étaient très hauts en raison de la perte de confiance générali-sée. Ces variations semblables des mon-naies ne sont pas surprenantes puisque les changements macroéconomiques se font maintenant au niveau international et les économies des pays développés sont étroitement liées.

En 2008, la Corée fut particulièrement vulnérable aux fluctuations des marchés internationaux. En effet, la demande inter-nationale pour les produits coréens dimi-nua fortement en raison du ralentissement économique mondial. Ceci fut spéciale-ment difficile pour l’économie coréenne qui dépend énormément de ses exporta-tions.

Le won coréen a donc été drasti-quement dévalué en comparaison avec le cours des autres devises asiatiques et celle du Canada. Pour comparer les fluc-tuations des valeurs des monnaies, elles ont été fixées à la valeur de 100 en 1996.

Cette astuce permet de comparer les va-riations de taux de change subséquentes en ayant un point de référence. On peut remarquer les périodes de la CFA ainsi que de la Grande Récession où le won a été beaucoup plus dévalué que les mon-naies des pays avoisinants comme le yuan chinois ou le yen japonais (OCDE, 2015).

Le won (en dollar américain sur ce graphique) est grandement dévalué à la suite des crises de 1997 et 2008.

source : OCDE, 2015

Comparaison des taux de change (indice à 100 en 1996). Le won réagit plus fortement aux turbulences économiques que les autres dévises.

source : OCDE, 2015

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Dans le cadre de la Grande Réces-sion, la BCC a aussi fait appel à des me-sures d’assouplissement quantitatif en fournissant 18,5 T ou 20,5 G$ en liqui-dités au marché coréen. Ceci équivalait à près de 28,5 % des réserves monétaires de la Corée à la fin de l’année 2008 (Chung, 2009).

Encore une fois, ces mesures ont eu pour effet de stabiliser la monnaie à un taux raisonnable d’avant crise pour permettre, entre autres, aux entreprises d’acheter des matières premières à des prix acceptables.

Au Canada, la situation est semblable puisque le pays exporte énormément de matières premières et il est donc sujet aux variations du taux de change. En Corée, ces fluctuations affectent directement les chaebols puisqu’ils ont une forte présence dans le domaine des importations et des exportations.

Les stratégies utilisées par les en-treprises peuvent inclure de tirer profit

des fluctuations. Au moment où la

de-vise nationale est forte, c’est un moment avantageux pour les compagnies de faire l’acquisition d’équipements, de machine-ries étrangères et de matières premières, tandis que lorsque la monnaie nationale se dévalue, c’est un moment propice pour les chaebols d’exporter leurs marchandises et produits finis.

Système bancaire coréen

Le niveau d’emprunt des particuliers et des entreprises fluctue avec le taux d’inté-rêt. Avec comme base les taux directeurs émis par la BCC et la Banque du Canada,

les institutions bancaires coréennes et canadiennes fixent leurs taux d’emprunt respectifs. Ces taux ont des impacts im-portants, car lorsqu’ils sont bas, ils sont des stimuli de croissance économique na-tionale. Les instances et fonctionnements du système bancaire permettent de com-prendre les interactions financières entre les différents acteurs d’une économie.

En Corée, il existe deux institutions pour réguler, superviser et inspecter l’envi-ronnement bancaire du pays. Il s’agit de la Commission de services financiers (Finan-cial Services Commission, abrégé FSC) et le Service de supervision financière (Fi-nancial Supervisory Service, abrégé FSS).

Au total, il y a treize banques commer-ciales en Corée. De ce nombre, sept sont nationales et six sont régionales.

De plus, il y a aussi cinq banques spé-cialisées telles que la Banque d’échange coréenne (Korea Exchange Bank, abrégé KEB), la Banque immobilière coréenne (Korea Housing Bank, abrégé KHB) et la Fédération nationale d’agriculture (Natio-nal Agricultural Cooperation Federation, abrégé NACF) (FSS, 2013).

Suite à la CFA, la restructuration du sys-tème bancaire a fait passer le nombre de banques commerciales (régionales et na-tionales) de 26 à 13, ce qui a eu pour effet d’augmenter l’efficacité de celles-ci.

Entre 1997 et 2007, les ratios de réserve en proportion des actifs à risque (ratio de Bâle), de retour sur capitaux propres (Re-turn on Equity, abrégé RoE) et de retour sur les actifs (Return on Asset, abrégé RoA) se sont tous améliorés. La transition montre un système bancaire plus robuste.

Un contrecoup à la diminution du nombre de banques est la concentration des avoirs pendant la même période comme l’indique l’indice IHH. L’indice n’a toutefois pas at-teint le seuil critique de 2500 points tel que le décrit par la Commission de commerce équitable coréenne (Korean Fair Trade Commission, abrégé KFTC) (Shin et Kim, 2011).

En guise de comparaison, il y a au Ca-nada 29 banques nationales, 27 banques étrangères et trois branches de banques étrangères (Association des banquiers Actifs coréens et canadiens selon l’indice IHH. Même après la restructuration,

les avoirs des banques sont plus répartis en Corée qu’au Canada.

source : Bank of Korea, 2008; Embree et Roberts, 2009

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canadiens, 2014). Toutefois, les six plus grandes banques détiennent plus de 90 % des avoirs bancaires au pays. L’indice IHH calculé en 2013-2014 des banques natio-nales canadiennes est de 1914 (Associa-tion des banquiers canadiens, 2015).

Les institutions TD, RBC, Scotiabank, BMO, CIBC et Banque Nationale sont les plus grandes et elles ont de grandes parts de marché (Ministère des Finances du Ca-nada, 2002). C’est ce qui explique le fait qu’avec un nombre de banques similaire, l’indice IHH canadien est plus grand que le coréen.

Banques commerciales nationales La classification «  banques commer-ciales nationales » en Corée regroupe les banques nationales et régionales. Depuis

la fin du mois de juin 2008, une

struc-ture en réseaux a été adoptée pour les banques commerciales domestiques avec des branches nationales et régionales (ou provinciales). À ce moment précis, il y avait 4900 établissements.

La libéralisation du secteur bancaire au tournant des années 2000 a donné plus de pouvoir aux banques commerciales. Par exemple, depuis 2003, elles peuvent main-tenant vendre des produits d’assurances.

Les individus ont également profité de plus de liberté suite à cet assouplissement de la réglementation. En effet, un action-naire peut maintenant être propriétaire de jusqu’à 10 % des parts d’une banque, une augmentation significative de 6 % par rap-port aux lois précédentes (BoK, 2008).

Une autre mesure mise en place à cette époque est de permettre aux résidents d’investir à l’étranger et d’accepter que les non-résidents ouvrent des comptes en wons. Ces mesures ont permis d’augmen-ter les flux entrants et sortants et l’indice de prix composé du marché coréen (Ko-rea Composite Stock Price Index, abrégé KOSPI) est donc bonifié tout en restant très volatile (Stanley, 2011). Le KOSPI étant l’indice boursier du marché coréen, sa vo-latilité crée une incertitude économique.

Le principal secteur d’activité des banques nationales est d’offrir des prêts à courts et longs termes tandis que les banques régionales sont plutôt orientées

vers le support du développement des pe-tites et moyennes entreprises.

En plus des prêts de garanties du gouver-nement aux chaebols, les banques natio-nales ont rendu possibles des prêts addi-tionnels à ceux-ci à travers l’histoire.

Cela a permis aux chaebols de payer les créanciers étrangers lors de leur montée en puissance. Leur valeur de marché est donc surévaluée pour qu’ils aient accès à un meilleur ratio valeur sur dette (Murillo et Sung, 2013). Le contrecoup de ces mesures facilitatrices est que les chae-bols ont tendance à se mettre à risque en surinvestissant. C’est une des raisons qui a expliqué les difficultés importantes de la Corée lors de la CFA.

Banques étrangères

Les banques étrangères offrent plusieurs avantages dans une économie. Elles offrent une source de capitaux diversifiés et elles sont moins sensibles aux condi-tions du pays hôte que leurs contrepar-ties locales. Ces caractéristiques peuvent offrir une certaine stabilité économique à une nation.

Toutefois, elles ont le risque d’augmenter la volatilité du marché local en fonction

des fluctuations de l’économie du pays

d’où provient la banque étrangère (Jeon, Lim et Wu, 2015).

De plus, les banques étrangères sont, dans le cas de la Corée, soumises à diffé-rentes réglementations dans le but de limi-ter les fluctuations dues à leur présence.

En effet, en octobre 2010, le ministère des Finances coréen a imposé une limite de 250 % aux banques nationales en termes d’actifs en devises étrangères tandis que cette limite est de 50 % pour les banques étrangères. Le principal secteur d’activité des banques étrangères est d’offrir des services bancaires importants et à grande échelle.

Les banques étrangères et domes-tiques ont chacune des rôles respectifs, des sources de revenus différentes ainsi qu’une réglementation distincte. Les deux types sont complémentaires et néces-saires au développement de la Corée. Les institutions domestiques supportent l’ac-tivité économique interne alors que les

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banques étrangères offrent une certaine stabilité tout en facilitant les accords in-ternationaux entre les entreprises. Le rôle des institutions extérieures est d’autant plus important dans le contexte coréen en raison de leur économie basée sur l’importation et l’exportation de biens et services.

L’avènement du paiement mobile La structure transactionnelle des banques devient un enjeu important dans le do-maine des technologies de l’information.

Samsung et Apple sont aux abords d’un nouveau champ de bataille féroce. En effet, avec l’introduction en 2015 des mé-thodes de paiement mobile Samsung Pay et de Apple Pay, il sera pertinent d’obser-ver les différences entre les deux.

Selon le professeur John Kim du KAIST (Korean Advanced Institute of Techno-logy), le système bancaire coréen est mieux préparé que le système bancaire nord-américain à l’arrivée de cette techno-logie. En effet, les habitudes de paiement coréennes sont déjà plus axées sur les virements informatiques. L’infrastructure des banques nord-américaines n’est pas encore totalement prête à l’arrivée de ce nouveau mode de paiement.

C’est un avantage majeur pour Samsung Pay qui pourra profiter du marché coréen pour déployer et développer sa technolo-gie avant de tenter de l’implanter mondia-lement.

Objectifs de la BCC

À la fin de l’année 2012, la banque cen-trale coréenne a émis l’objectif de main-tenir l’inflation à 3 % avec une fourchette de 0,5 % (Reuters, 2015). Les avantages de maintenir les taux d’intérêt relative-ment bas sont multiples. Le premier est de garder un certain contrôle sur l’évolution économique du pays. Cela permet en effet d’éviter les périodes d’extrêmes, c’est-à-dire des périodes prospères tout comme des périodes de récession, et ainsi d’assu-rer une évolution saine. Ce contrôle aide également à mieux réagir aux crises éco-nomiques.

Le Canada avait adopté une politique simi-laire en 1991 qui a été un facteur important permettant au pays d’être l’un des pre-miers à sortir de la crise de 2008.

De plus, en observant encore le modèle canadien, on remarque que la stabilité du taux d’inflation permet une prise de décisions économiques plus judicieuses aussi bien de la part des entreprises que des particuliers. Cela a donc entraîné une chute du chômage ainsi que la baisse des taux hypothécaires (Banque du Canada, 2015).

Les objectifs actuels de la BCC sont de soutenir la croissance économique coréenne. En 2015, un ralentissement des marchés émergents est observé incluant les voisins chinois. Il s’agit d’un enjeu pour la Corée puisque la Chine est la destina-tion de 25 % des exportadestina-tions coréennes.

En réponse à cela, la BCC baisse son taux directeur pour stimuler l’économie.

En mars 2015, il a atteint 1,75 %. C’est un taux plus bas que celui utilisé en réponse à la Grande Récession qui était de 2 %. Le but est d’atteindre les objectifs de crois-sance économique de la BCC de 3,2 % en 2015 et 3,8 % en 2016.

Au niveau monétaire, cela a pour effet de tenter de dévaluer le won pour obtenir un avantage comparatif face à la compétition japonaise. Ces mesures d’assouplisse-ment monétaire ne dureront toutefois plus très longtemps puisque la dette augmente.

Enfin, grâce au surplus prévu de 6,5 % par année du PIB en 2015-2016, les perspec-tives d’avenir sont bonnes pour la Corée (McCully et Shankar, 2015).

Les Coréens sont déjà des habitués du paiement sans contact, comme ici dans le métro de Séoul. © MC

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En conclusion, la CFA fut un moment marquant pour la Corée d’un point de vue macroéconomique. En effet, le gouverne-ment tente de promouvoir l’innovation et les PME dans le but de stimuler la création d’emploi tout en réduisant sa dépendance des chaebols.

Au niveau des finances publiques, c’est la réforme budgétaire qui a permis d’as-surer un meilleur contrôle des dépenses publiques en changeant d’un système de

comptabilité de caisse à celui de compta-bilité d’exercice.

Ensuite, l’objectif de la BCC est de sou-tenir la croissance économique du pays malgré les difficultés actuelles de la Chine qui compte pour 25 % des exportations coréennes. Une grande portion de ces exportations sont des produits des sec-teurs des technologies de l’information et des transports où l’innovation est la clé du succès.

Synthèse

La bibliothèque du siège social de Naver, ouverte au public. © MC

« On peut construire une montagne en rassemblant

des grains de poussière. »

Dans le document Rapport de Mission (Page 46-52)