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La politique autrement

1 ère partie : Genèse

Section 2 : La crise du clivage gauche/droite

B. La politique autrement

Les écologistes partagent pour la plupart la croyance dans l’efficacité de mouvements à la base, l’addition de luttes locales ou ponctuelles devant permettre de changer peu à peu la société. La conquête du pouvoir central est un objectif qui leur

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« Le mouvement écologiste ne peut fonder sa stratégie en fonction d’un lieu précis et d’un

adversaire précis, et s’identifier clairement dans l’espace social. Les adversaires du mouvement écologiste sont difficilement localisables puisqu’il intente d’abord à un procès global à une politique de croissance, un type de développement, un mode de production, et seulement de façon secondaire à telle institution particulière, l’EDF par exemple. Cette indétermination des écologistes […] les accule à l’adoption d’une stratégie électorale s’articulant autour d’un apolitisme affiché et d’une autonomie déclarée », ZENAF ZIANI Nadine, Le mouvement écologiste français. Contribution à l’étude des paramètres concourant à l’affirmation d’un courant politique, thèse de droit public de

l’université Lyon III, 1988, p.158.

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« L’écologisme a pu apparaître, à cette époque, comme une des formes d’expression, valorisées

par la conjoncture, de protestation qui, bien que rassemblées autour d’un thème producteur de consensus – l’écologie – dépassaient les seules attentes et préoccupations à l’égard de l’environnement. Elles touchaient peut-être, tout autant, au rejet du système politique, des partis traditionnels, des formes jugées surannées de la politique, au désir de démocratie directe, de participation, de libéralisme culturel, le tout accentué et connoté politiquement par l’absence d’alternance qui caractérisait la Vème République depuis quinze à vingt ans », SAINTENY

paraît dénué de sens, du moins pour la frange la plus libertaire du mouvement qui aspire à faire table rase des institutions :

« Quand les forces de transformation de la société auront pris le pouvoir aux forces

d’inertie conservatrices, la société, c’est-à-dire les gens, se réuniront là où ils vivent, sur les places publiques […]. On décidera de détruire un certain nombre d’outils institutionnels ou matériels antiécologiques, l’Etat français (par exemple). On admettre l’existence de régions francophones, l’Ile-de-France, la Bretagne, ou francophiles, Alsace, Occitanie, qui se déclarent toutes indépendantes et solidaires, sans frontières autres que naturelles et sans autre lien que l’entraide. En conséquence, tous les organismes français, tels l’armée, le Plan, les partis politiques nationaux, les syndicats ouvriers ou patronaux seront supprimés. »348 Si tous ne partagent pas ce projet radical, ils sont en accord quant au rejet de la forme partisane, source d’étouffement de l’individu : « on ne peut comprendre la difficulté, presque structurelle, des écologistes à se structurer, à s’organiser, si l’on ne se rappelle pas leur défiance absolue envers le concept de parti »349. Ce discours de remise en cause radicale de l’action politique classique est un trait saillant du mouvement écologiste dans les années 1970.

Il est partagé par la mouvance plus modérée représentée par Brice Lalonde, pour qui les partis « sont devenus un appendice de l’Etat, au lieu d’être l’expression de la

volonté populaire. Depuis la scène où s’agitent les acteurs jusqu’aux coulisses où s’emploient les machinistes, c’est de toute façon le même théâtre et à peu de chose la même pièce. Qu’ils soient assis sur des notables argentés ou sur une main- d’œuvre nombreuse, qu’ils contrôlent un côté ou l’autre du manche, les partis ont plus de ressemblances que de différences […]. Ce sont tous des organismes totalitaires [souligné par l’auteur] dont les écologistes souhaitent la métamorphose ou la disparition, en même temps qu’ils veulent mettre fin à cette redoutables aspiration de la société et de la politique dans la tuyauterie de l’Etat. »350.

On est loin de la critique mesurée des clubs, les partis de cadres et de masse sont amalgamés dans le même rejet. Certains militants vont jusqu’à nier la démocratie représentative telle qu’elle fonctionne en France : « Quand 51% d’électeurs imposent

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Arthur, La Gueule ouverte [journal écologiste, NDA], 22/12/1977, cité in ZENAF ZIANI Nadine,

op.cit., p.139.

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SAINTENY Guillaume, Les Verts, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1991, p.13.

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LALONDE Brice, SIMMONET Dominique, Quand vous voudrez, Paris, Pauvert, 1978, p.168- 169.

leurs vues à 49%, nous ne sommes pas loin du fascisme. Les écologistes, s’ils le pouvaient, placeraient sûrement la barrière bien plus haut »351.

Cette virulence explique que les écologistes ne vont accepter une organisation politique durable que très difficilement : « à bien des égards, l’écologie politique prolonge […] une action associative. Nombreux sont les écologistes qui n’ont investi la scène politique que par l’exaspération d’être tenus, en tant qu’associatifs, pour quantité négligeable par les autorités politiques »352. Une extrême méfiance vis-à- vis de toute tentative de transformation en parti se manifeste pendant cette période, la participation à des élections n’entraînant pas dans son sillage la naissance d’une organisation durable : au contraire, les structures sont conçues comme éphémères, « les aventures électorales représentent des exercices de « biodégradibilité » délibérée »353. La candidature de René Dumont, par exemple, est portée par plusieurs associations354, mais celles-ci n’envisagent à aucun moment d’entretenir des liens durables ; les rares associations nationales sont assez lâches, la priorité allant à l’autonomie des groupes locaux. Le champ politique n’est pas considéré comme le principal terrain d’action, la sphère associative reste privilégiée : « le mouvement écologiste naît comme un mouvement social »355, par conséquent « la constitution d’un parti écologiste n’est acceptée par ceux-ci que dans le cas où il respecte et consacre une double activité associative et politique »356.

La première brèche dans le refus de constituer une organisation durable apparaît dans la foulée de l’élection présidentielle de 1974 : les Assises de Montargis voient la naissance de la première véritable organisation nationale, le Mouvement écologique (ME), qui s’apparente davantage à une coordination de comités locaux qu’à une organisation centralisée et ne recueille qu’un succès mitigé auprès des écologistes. Les élections municipales de 1977 vont être l’occasion de présenter des listes plus nombreuses mais aussi la preuve que la participation au suffrage n’implique pas une stratégie de conquête du pouvoir. Le ME indique que ses

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LEBRETON Philippe, op.cit., p.318.

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JACOB Jean, La subversion écologiste : contribution à une nouvelle intelligence de l’écologie

politique, thèse de doctorat en science politique de l’université Paris II, 1998, p.28.

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PRENDIVILLE Brendan, L’Ecologie, La politique autrement ? Culture, sociologie et histoire des

écologistes, Paris, L’Harmattan, 1993, p.19.

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Dont l’Association des journalistes et des écrivains pour la protection de l’environnement ou l’équipe du Sauvage. En revanche, la Fédération française des sociétés de protection de la nature et la Ligue de protection des oiseaux rejettent une « campagne odieusement politisée », ZENAF ZIANI Nadine, op.cit, p.106.

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SAINTENY Guillaume, L’introuvable écologisme…, p.259.

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candidats sont présents pour être écoutés, « pas pour être élus : ils n’ont ni l’illusion de pouvoir l’être, ni l’intention d’entrer dans le système, dont les élections, par délégation de pouvoir et la démission du citoyen qu’elles comportent, sont pour nous un pilier symbolique et inacceptable »357. La stratégie adoptée correspond à celle d’un groupe de pression, les écologistes espèrent que leurs idées vont se disséminer dans le champ politique, ne présentent pas de candidats là où ils estiment avoir reçu des gages que les autres formations ont pris en compte les revendications environnementales : « c’est en termes d’évolution de l’attitude des partis et des pouvoirs publics que les écologistes mesurent l’ampleur de leur succès ou de leur échec, pas en nombre d’élus ou de voix »358.

Cette orientation ne permet pas aux écologistes de pousser un avantage sectoriel qui aurait peut-être permis des gains électoraux plus rapides, mais elle correspond à l’identité profonde du mouvement, à son « affirmation répétée et continuelle d’une différence structurelle fondamentale avec les autres forces politiques »359. En effet, les écologistes refusent alors de donner des consignes de vote pour le second tour, ne profitent pas de leur réel potentiel de négociation vis-à-vis des autres partis, ce qui interroge leur efficacité en tant que groupe de pression360

.

Le mouvement qui s’opère vers l’acceptation d’une forme durable d’organisation est marqué par des hésitations. Les Amis de la Terre (AT), après avoir organisé en 1976 les Assises de St Ouen en vue d’élaborer une charte de référence pour les candidats aux élections municipales, se structurent à l’échelon national en créant le Réseau des Amis de la Terre (RAT) en 1976-77 : celui-ci laisse chaque groupe local « libre de ses orientations et de ses structures pourvu qu’elles soient compatibles avec les textes de base du réseau »361 ; la centralisation de l’organisation est très relative. Le RAT constitue certes un pas en avant vers une action politique tendant à faire converger les différents mouvements contestataires (lutte antinucléaire, mouvement pour la non-violence, etc), mais ceci davantage dans l’idée de créer un « espace » radical que de viser la conquête du pouvoir. En 1977 apparaît

357

Action écologique, 3, 1976, p.1.

358

SAINTENY GUILLAUME, op.cit., p.269-270.

359

Ibid., p.277.

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« Sans négociations d’appareils, sans consignes de votes en échange des contreparties, sans

accord électoral en bonne et due forme, les différents mouvements écologistes qui se succèdent ou coexistent n’ont plus aucun moyen de contrôler, après le second tour, l’application des positions affichées, à leur demande, par les partis entre les deux tours. Au soir du second tour, ils n’ont plus ni les attributs d’un parti de pouvoir, ni les moyens de continuer à exercer leur pression », ibid.,

Sos Environnement, qui entend regrouper les animateurs des associations de protection de la nature, d’usagers des transports, des cyclistes, des pêcheurs…mais il ne deviendra pas un mouvement réellement politique, la logique d’addition de mouvements sectoriels ne débouche pas encore sur une « montée en généralité ». De son côté, le ME rappelle à l’occasion des élections municipales qu’il n’est pas dans sa vocation « d’accepter comme objectif de participer activement à la prise du pouvoir central, même par des forces favorables à nos objectifs. L’objectif du Mouvement écologique est avant tout la réduction ou la dissolution des pouvoirs »362.

Le score obtenu par la liste Europe-Ecologie aux élections européennes de 1979, inférieur à 5%, est un succès relatif qui pousse certains militants à envisager sérieusement la création d’une organisation durable : en novembre de la même année est fondé le Mouvement d’écologie politique (MEP), dont la légitimité est contestée par les AT notamment363. Une partie des animateurs du RAT réagit en lançant fin 1980 la Confédération écologiste, organisme très souple qui autorise la double appartenance, on trouve dans cette fraction du mouvement la peur d’une évolution partisane, symbolisée à ses yeux par le MEP, jugé beaucoup plus rigide. Le refus de la transformation en parti va constituer l’obstacle principal dans le processus d’unification de la mouvance écologiste qui se déroule avec difficulté dans la première moitié des années 1980. Le principe d’une organisation politique durable acquis, il n’en reste pas moins que la culture « basiste » des écologistes continuera à s’exprimer à travers la mise en place de règles très strictes pour lutter contre la loi d’airain de l’oligarchie, règles qui entraîneront un certain nombre d’effets pervers (voir infra, 2ème partie). Les AT, fortement investis dans le processus, décident d’opérer un « recentrage associatif » en 1983, estimant avoir dispersé leur énergie dans ces longues opérations et débats organisationnels. L’espace politique disponible pour un mouvement qui se veut alternatif au clivage gauche/droite semble plus grand dans les années 1980, l’alternance n’ayant entraîné que de faibles changements d’orientation en matière d’environnement, notamment sur la question du programme nucléaire, poursuivi par des socialistes qui avaient pourtant sollicité les suffrages

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SAINTENY Guillaume, Les Verts…, p.16.

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écologistes en promettant au minimum un moratoire. Là aussi, l’émiettement organisationnel et les hésitations stratégiques empêchent les écologistes de profiter d’un contexte potentiellement porteur.

Il faut attendre la fin des années 1980 pour observer une croissance forte de l’influence écologiste, à la faveur de la crise du clivage gauche/droite : celle-ci profite dès le début de la décennie à une organisation importante dans l’histoire des structures non-partisanes, la Fondation Saint Simon.

§2 : Un nouveau Club Jean Moulin ? La Fondation Saint Simon

Les années 1980 voient s’opérer un changement graduel mais profond, aussi bien en ce qui concerne les termes du débat politique que le rapport des intellectuels à l’engagement : la Fondation Saint Simon (FSS) semble être la synthèse de ces évolutions croisées, en même temps qu’elle est actrice de ces mutations.

On a évoqué plus haut l’inquiétude de certains intellectuels de gauche devant la réactivation des idées libérales et conservatrices, tandis que le camp progressiste stagnait selon eux en termes de défense de ses valeurs. Certes, la gauche remporte la séquence électorale de 1981 ; il n’en demeure pas moins que sur le plan idéologique ses projets de société, dans leurs variantes socialiste et communiste, semblent affaiblis par la crise de leurs modèles respectifs, particulièrement dans le cas communiste par le déclin brutal de l’image de l’URSS. Plusieurs intellectuels effectuent de sévères diagnostics sur la situation française : pour Alain Touraine, « l’époque du socialisme est terminée. Il est grand temps de s’en apercevoir et de vivre avec son temps »364 ; pour Jacques Julliard, « électoralement, la gauche ne se portait pas si mal, comme la suite allait le montrer. […] Intellectuellement, elle était dans un état de coma dépassé »365. Un des fondateurs de la FSS (créée en 1982), Pierre Rosanvallon, développe une analyse de la vie politique française qui n’est pas sans rappeler les prises de position du Club Jean Moulin en son temps, rejetant à la fois le dogmatisme et l’opportunisme politique : « cette vision française du politique a e effet un coût très lourd : elle nous fait osciller depuis deux siècles entre la

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La motion annonçant la création du MEP n’aurait pas été soumise au vote de l’assemblée présente aux Assises de Dijon et serait apparue comme une véritable scission du mouvement.

364

TOURAINE ALAIN, L’après-socialisme, Paris, Grasset, 1980, p.271.

365

FURET François, JULLIARD Jacques, ROSANVALLON Pierre, La République du centre Paris, Hachette, coll. « Pluriel », 1988, p.95.

violence et l’ennui, l’affirmation de bonnes intentions et la revanche des dures réalités. […] D’un côté, le raisonnement en termes de choix globaux de société, d’affrontement entre le totalitarisme et la démocratie, de l’autre, le réalisme plat et silencieux, le ronronnement gestionnaire »366.

Tout comme son illustre prédécesseur, la FSS entend influencer en premier lieu la gauche non communiste, en espérant la faire évoluer vers l’acceptation d’un certain libéralisme économique, d’un capitalisme régulé. La tâche semble difficile au moment où la Fondation est créée, la France semblant coupée en deux après l’arrivée de la gauche au pouvoir, comme le rappelle Alain Minc, autre acteur important de St Simon : « la Fondation est née en pleine guerre froide idéologique et sociologique. Aujourd’hui on parle, mais il faut se souvenir d’où l’on vient. Albert Costa de Beauregard, conseiller économique de Barre à Matignon, et Jean Peyrelevade, directeur adjoint du cabinet de Mauroy, n’échangeaient pas jusqu’au jour où St Simon leur a permis de découvrir qu’ils avaient 70% de leurs idées en commun »367. Le but de la Fondation est de rassembler un ensemble d’acteurs jusque là séparés artificiellement par les frontières partisanes, de faire travailler ensemble « certaines personnes à l’intérieur d’un espace idéologique allant de la droite intelligente à la gauche intelligente »368, ce qui constitue une première différence, nette, avec Jean Moulin, qui ne tolérait guère de représentants de la majorité gaulliste en son sein. Cette volonté de décloisonnement des milieux sociaux est un principe directeur de la FSS, on y trouve côte à côte journalistes, chefs d’entreprise, hauts fonctionnaires, syndicalistes : la dimension de sociabilité à l’œuvre dans les structures non- partisanes est ici mise en avant (voir infra).

La FSS entend être une organisation de type nouveau et se distinguer des modèles précédents : pour Pierre Rosanvallon elle est un « espace d’échange social et de production intellectuel totalement indépendant, différent à la fois des clubs politiques et des institutions universitaires »369. On observe ici la transition qui s’opère dans la sphère des structures non-partisanes : il ne s’agit plus de tenter d’œuvrer à des recompositions politiques d’ampleur, sur le modèle de l’expérience 366 Ibid., p.184. 367 Les Echos, 04-05/04/1997. 368

LAURENT Vincent, « Les architectes du social-libéralisme », Le Monde diplomatique, septembre 1998. L’article est hostile à une FSS qui veut acclimater la gauche au libéralisme, sa publication la même année que la création d’ATTAC (en partie à l’initiative du mensuel, voir infra) témoigne d’une prise de conscience dans la gauche antilibérale de l’importance de la bataille des idées.

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de la FGDS. Les états-majors ne sont plus considérés comme des interlocuteurs privilégiés, la stratégie adoptée par la FSS va être recentrée sur la production intellectuelle, les débats de fond, en vue d’exercer une influence plus diffuse. Ce changement d’orientation accompagne une mutation des milieux intellectuels : l’époque où de grandes figures telles Jean-Paul Sartre ou Michel Foucault sur le terrain politique semble révolu ; on assiste selon Rémy Rieffel « à une atomisation du milieu intellectuel, c’est-à-dire, en fin de compte, à une perte d’autonomie des clercs sous la poussée de la médiatisation des idées »370. Davantage insérés dans des réseaux d’équipes et de crédits, les intellectuels seront désormais plus enclins au réalisme. La référence au philosophe du 19ème siècle n’est pas innocente : « il s’agirait d’être au fait de la situation et de posséder des instruments analytiques performants (les sciences sociales) pour résoudre les « problèmes concrets » que rencontrent nos sociétés, et ce de manière « objective », non polluée par les logiques pernicieuses des considérations « idéologiques » »371. On retrouve ici la démarche « technocratique » qu’avait élaborée le Club Jean Moulin, à deux différences près : la base sociale de la FSS est plus large, les hauts fonctionnaires n’y ont pas une place prépondérante ; ses liens avec le champ politique sont plus lâches. Le changement de contexte politique, désormais plus consensuel, explique l’originalité de la FSS : « son existence manifeste l’éclatement des cadres habituels de la pensée qui caractérisaient la société intellectuelle des années soixante-dix. Elle réhabilite en même temps la figure de l’intellectuel-expert, gardien de certaines valeurs, soucieux d’œuvrer à une meilleure compréhension de la société de son temps et à une forme de consensus démocratique, sans adhérer pour autant à un parti politique ou à une association militante »372.

Rassemblant des « décideurs » de différents bords, la FSS se différencie des clubs politiques classiques par la distance qu’elle entend conserver vis-à-vis du champ politique. Elle serait d’après ses animateurs la première ébauche d’un groupe de réflexion de type anglo-saxon en France : « la Fondation St Simon s’est d’une

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RIEFFEL Rémy, La Tribu des clercs. Les intellectuels sous la Vème République, Paris, Calmann- Lévy, 1993, p.215. L’auteur insiste également sur l’originalité de la Fondation comme « organisation qui, par rapport aux clubs et associations des décennies précédentes, favorise les

contacts entre des acteurs de la vie politique, économique, culturelle et sociale qu’il eût été difficile de réunir lorsque les clivages idéologiques étaient encore très marqués » (p.212).

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JULIA David, La Fondation St Simon et la Fondation March Bloch : analyse comparative des

enjeux et des structures, mémoire de DEA de sociologie politique de l’université Paris I, 2001 (ce

certaine manière « universitarisée », constituant le premier exemple d’un think tank à la française, fonctionnant à la fois comme un éditeur et comme un organisateur de groupes de réflexions débouchant sur des productions »373. Son activité se traduit par la publication de livres et surtout des célèbres « notes » portant sur des sujets très