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La mouvance gaulliste

2 ème partie : Morphologie

Section 1 : La mobilisation de forces militantes

B. La mouvance gaulliste

La mouvance gaulliste, plus particulièrement dans sa composante « gaulliste de gauche », occupe une position subtile dans le champ politique, assez proche de celle du centre-gauche par certains aspects : mal intégrée au parti majoritaire de son camp (l’UNR puis l’UDR), elle entretient avec ce dernier des relations mêlant hostilité et loyauté ; s’y ajoute le rapport bien particulier des gaullistes de gauche au général de Gaulle, dont le charisme contribue à « court-circuiter » l’intermédiaire qu’est le parti. Pour certains auteurs, une analyse psychanalytique s’imposerait pour rendre compte de cette fidélité sans faille au leader :

« Au sein de la famille gaulliste, règne une profonde illusion, celle de la présence

d’un chef (le général de Gaulle) qui aime d’un amour égal tous les membres de la collectivité. Tout le reste se rattache à cette illusion. Si elle disparaissait, la famille gaulliste ne tarderait pas à se désagréger. Toutes les exigences adressées à l’individu découlent de l’amour du général. Un souffle démocratique anime la

famille parce que tous sont égaux devant le général, parce que tous ont droit à son amour. »517.

Il est en tout cas certain que les gaullistes de gauche dissocient systématiquement le général de Gaulle de la majorité, accusée de conservatisme : le problème est que les différents responsables des gaullistes de gauche développent chacun leur propre interprétation de ce qu’est (ou de ce que devrait être) la pensée du général518, ainsi que leur propre conception de la place que doivent occuper les organisations gaullistes de gauche au sein de la majorité. Il n’y aura ainsi jamais d’accord entre Jacques Dauer, leader du Front du progrès, qui ne conçoit l’action de son mouvement que dans une optique extrêmement critique vis-à-vis de la majorité et donc avec une indépendance organisationnelle très affirmée, et Philippe Dechartre519, beaucoup plus favorable à une intégration réelle des gaullistes de gauche au sein de la majorité : l’animosité entre les deux hommes pèsera sur le devenir des tentatives de regroupement, en poussant inexorablement les gaullistes de gauche vers la marginalisation (voir infra, 3ème partie).

Mais ce ne sont pas les seuls protagonistes de cette mouvance, puisque des personnalités comme René Capitant520, Edgard Pisani ou encore Gilbert Grandval incarneront tour à tour l’espoir, soit d’une réunification de la mouvance, soit d’une influence sur la politique du gouvernement, illusions rapidement déçues, la portée des réformes sur la participation des salariés aux résultats des entreprises s’avérant assez limitée, à l’image de l’amendement Vallon de 1965. Il faut ajouter à cette liste la figure de Léo Hamon, venu du MRP et de la Jeune République, qui créera en 1974 le club Notre présence puis en 1975 le club Initiative républicaine et socialiste, en se montrant de plus en plus favorable à un rapprochement avec l’union de la gauche. Il est assez représentatif de cette famille politique, au sens où il n’a jamais réellement réussi à trouver sa place sur l’échiquier politique et est demeuré marginal, « aussi

517

COMBLES DE NAYVES (de) Dominique, VILLEMOT Dominique, op.cit., p.93.

518

Karella Pachomoff souligne à raison l’absence d’un système doctrinal gaulliste : de rares tentatives sont faites pour systématiser les valeurs du mouvement, comme celle de Roland Nungesser qui publie en 1972 La Charte du gaullisme, mais pour la plupart des militants, à l’instar de Jacques Dauer, le gaullisme est d’abord une « attitude devant la vie, devant l’évènement, devant les

hommes », cité in MAUS Catherine, op.cit., p.8. Une telle définition laisse le champ libre à toutes les

interprétations possibles de l’action et de la pensée du général de Gaulle.

519

Secrétaire d'État à l'Équipement et au Logement dans le gouvernement de Georges Pompidou et dans celui de Maurice Couve de Murville puis secrétaire d'État auprès du ministre du Travail, de l'Emploi et de la Population dans le ministère de Jacques Chaban-Delmas.

520

bien au sein même de la famille gaulliste, où il fait figure de dissident, qu’au sein de la famille socialiste, pour qui son ralliement reste ambigu »521.

A cette dispersion s’ajoute une autre faiblesse, celle des effectifs, comme le note François Goguel dans un article de la revue du club Nouvelle frontière :

« Sans doute parce que le gaullisme de gauche est plus riche en personnalités

d’audience nationale qu’en militants de base. Entre ces dirigeants et les électeurs gaullistes provenant sociologiquement de l’extrême-gauche, ce qui manque, ce sont en bien des régions les cadres locaux, les élus municipaux et départementaux, les dirigeants syndicaux. Si valables que soient les personnalités qu’on trouve aux échelons centraux des organisations du gaullisme de gauche, il y a là une faiblesse dont ils ne peuvent pas ne pas avoir conscience. »522

A l’image du centre-gauche, la mouvance gaulliste utilise les structures non- partisanes pour tenter de compenser sa faible intégration aux rouages du parti majoritaire ; cependant, la dispersion et le manque de cohérence idéologique qui la caractérisent l’empêchent d’acquérir une réelle influence auprès des gouvernements successifs523.

Après avoir évoqué les « ressources humaines » des structures non-partisanes, il convient d’évaluer les moyens financiers dont elles disposent pour mener à bien leur action.

Section 2 : Les ressources financières : les spécificités du modèle