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Poids des différents acteurs locaux dans la déforestation dans les Terres Basses et en Chiquitanie

DEVELOPPEMENT DURABLE ET VALORISATION DES PFNL, ETAT DES LIEUX EN CHIQUITANIE

2. La Chiquitanie dans le contexte bolivien

2.4. Dynamique de déforestation et prise en compte du pilier écologique dans la politique bolivienne, la législation et la pratique écologique dans la politique bolivienne, la législation et la pratique

2.4.2. Poids des différents acteurs locaux dans la déforestation dans les Terres Basses et en Chiquitanie

Les Terres Basses boliviennes ont fait l’objet de vagues de colonisation successives depuis la conquête espagnole, particulièrement accentuées depuis les années 1950. Ainsi en zone rurale, en plus des populations indigènes, on retrouve aujourd’hui une grande variété d’acteurs économiques dont les éleveurs bovins (traditionnellement extensifs mais aussi intensifs depuis les années 1970), les communautés interculturelles, japonaises et mennonites (depuis les années 1950), les agriculteurs cruceños et corporations de l’agro-industrie (particulièrement depuis les années 1980), ainsi que les exploitants forestiers concessionnaires ou associatifs (ASL depuis les années 1990).

Leur contribution à la déforestation varie fortement, comme on peut l’observer sur la Figure 31. Selon les résultats de l’étude de Killeen et al. (2008) sur les Terres Basses boliviennes, en 2004 la petite agriculture peu ou pas mécanisée, mise en place par les communautés indigènes et interculturelles, concernait entre 4 et 5 millions d’hectares et était responsable d’environ 31% du changement de couverture du sol. L’agriculture fortement mécanisée, mise en place par les agriculteurs cruceños et corporations agro-industrielles ainsi que par les colons japonais et mennonites, occupait un peu plus de 3 millions d’hectares et était responsable d’environ 41% du changement de couverture du sol. L’élevage extensif (en pâturages naturels) et plus intensif (en pâturages artificiels) concernait quant à lui près de 27 millions d’hectares mais n’était responsable que de 20% du changement de couverture du sol. Finalement les usages forestiers et de conservation concernaient près de 44 millions d’hectares et ne concentrait que 8% du changement de couverture du sol. Müller et al. (2013) arrivent à des résultats assez distincts pour la période 1992-2004, de même que l’ABT (2011) pour la période 1996-2010 (cf. Figure 30). Ces différences, prises dans une perspective temporelle, semblent indiquer que l’agriculture mécanisée a joué un rôle particulièrement important dans la déforestation dans les années 1990, puis que l’élevage tend à la rejoindre dans les années 2000. La petite agriculture, particulièrement celle mise en place par les communautés indigènes, est quant à elle responsable d’une part moindre de la déforestation.

Pokorny et al. (2012) observent pour la région Amazonienne qu’à l’échelle de la famille, les membres de communautés et les petits propriétaires (smallholders) contribuent moins à la déforestation que les grands propriétaires. Cette observation nous paraît extrapolable à l’échelle des Terres Basses boliviennes, où la petite agriculture, qui représente la part la moins importante de la déforestation, inclut un nombre de famille très supérieur aux autres catégories. Les chiffres exacts seront certainement connus à la publication du recensement agraire de 2013. Précisons néanmoins cette contribution peut être significative dans les contextes très dynamiques démographiquement, caractérisés par une faible consolidation socio-économique (Godar 2009), comme c’est notamment le cas en Bolivie pour les communautés interculturelles nouvellement formées.

Figure 30 : Impact des différents acteurs économiques sur la déforestation dans les Terres Basses de Bolivie

Élaboration propre sur la base de Killeen et al. 2008, Müller et al. 2013 et ABT 2011

Sur la Figure 31 on observe nettement que la « zone intégrée » autour de la ville de Santa Cruz de la Sierra concentre l’essentiel de l’agriculture hautement mécanisée, qui est alors la principale cause de déforestation dans cette zone.

Si l’on s’intéresse à la Chiquitanie on remarque au contraire que l’agriculture ne concerne que des surfaces réduites. D'ailleurs d’après Pacheco et Mertens (2004) la dynamique observée en Chiquitanie est différente de celle des autres zones d’expansion en ce que l’élevage y est l’activité économique dominante (avec l’exploitation forestière), ce qui est lié entre autres à la capacité des sols de cette région (cf. chapitre 2.1.2). Néanmoins durant la dernière décennie, la déforestation s’est accentuée selon les tendances que l’on voit à peine apparaître sur la Figure 31: l’agriculture hautement mécanisée s’est étendue dans la région avec la multiplication rapide des communautés mennonites et l’installation d’agro-industriels cruceños et étrangers ; les communautés interculturelles se sont également multipliées et augmentent rapidement leur surfaces agricoles et leur niveau de mécanisation ; finalement les éleveurs tendent à intensifier leur production en ouvrant de plus en plus de pâturages artificiels. D’ailleurs d’après l’ABT (2011), la Chiquitanie est la région des Terres Basses boliviennes qui présente ces dernières années les plus forts indices de déforestation liés aux activités d’élevage. Les communautés indigènes restent les acteurs les moins « prédateurs » de l’environnement. Cependant elles auraient tendance à

développer et intensifier l’élevage ainsi qu’à se lancer dans certaines cultures commerciales, profitant d’un contexte favorable à ces activités et apprenant de leurs nouveaux voisins (Tafforeau 2010). En Annexe 9 nous avons placé une carte permet d’apprécier plus en détail l’extension de l’agriculture et de l’élevage à l’échelle de la commune de Concepción. On y voit une claire différence d’usage des sols entre l’extrême sud de la commune, caractérisé par des terres planes et fertiles occupées par l’agriculture intensive et l’élevage semi-intensif (modèle répandu dans la « zone intégrée » du département) et le reste de ses terres, plus vallonnées et moins fertiles, qui restent essentiellement boisées mais où s’étend de plus en plus l’élevage extensif et semi-intensif.

Figure 31 : Empreinte géographique des principaux acteurs économiques dans les Terres Basses boliviennes en 2004, sur la base de la conversion des surfaces boisées

D’autres acteurs contribuant à la dégradation environnementale en Chiquitanie sont les exploitants miniers, qui ont tendance à se multiplier dans la région. Quant aux secteurs

de l’artisanat, du commerce et du tourisme, ils sont également cités par Vides et al. (2007) mais ils sont assez peu développés et leurs impacts environnementaux sont très faibles.

Tableau 4 : Principaux acteurs économique de la Chiquitanie et leur impact sur les ressources naturelles

Acteurs

Principales activités économiques réalisées sur

leurs terres Occupation territoriale Impact négatif sur l’environ- -nement Tendance de l’impact Communautés indigènes Chiquitanos Agriculture de subsistance, élevage extensif,

chasse-pêche-cueillette Faible & Constante Faible Croissance faible Communautés interculturelles Agriculture familiale et commerciale Faible & Croissante Moyen Croissance continue Communautés mennonites Agriculture familiale et commerciale intensive Faible & Croissante Fort Croissance continue Éleveurs privés Élevage extensif à

semi-intensif

Importante

& Croissante Moyen

Croissance continue Agriculteurs cruceños et Agro-industriels Agriculture commerciale intensive Faible & Croissante Très fort Croissance modérée Concessionnaires forestiers Exploitation forestière primaire Forte &

Décroissante Faible Stable Associations Sociales de Lieu Exploitation forestière primaire Moyenne & Croissante Faible Croissance modérée Élaboration propre sur la base de Vides et al. (2007), Killeen et al. (2008) et Pacheco et Mertens (2004)

2.4.3. Les années 1990 : intégration du pilier écologique dans la