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Bilan sur le développement économique national et cruceño Émergence de l’économie orientale dans un contexte démographique très

DEVELOPPEMENT DURABLE ET VALORISATION DES PFNL, ETAT DES LIEUX EN CHIQUITANIE

2. La Chiquitanie dans le contexte bolivien

2.3. Le développement de la Chiquitanie depuis la deuxième moitié du XXème siècle dans le contexte régional, national et international

2.3.4. Bilan sur le développement économique national et cruceño Émergence de l’économie orientale dans un contexte démographique très

dynamique

La prédominance de la zone andine dans le contexte national, qui comme le rappelle Oporto (2011) tenait beaucoup au protagonisme d’une élite économique, politique et intellectuelle construite sur l’exploitation minière, laisse peu à peu la place a une dynamique de « tropisme oriental amplifié », telle que le nomme Roux (1996). L’Orient bolivien, longtemps délaissé par manque de volonté politique comme de moyens pour sa mise en valeur (Arreghini et Roux 2000), se repositionne alors comme cœur économique du pays. L'axe andin est supplanté par un nouvel axe de développement, de direction nord-ouest / sud-est, drainant d'importants flux d'hommes et d'activités entre La Paz et Santa Cruz et, au-delà vers le Brésil où l'Argentine (Arreghini et Roux 2000).

Ainsi depuis le lancement de la « marche vers l’Orient », le département de Santa Cruz a sensiblement gagné en importance, démographiquement et économiquement. D’après les données de l’INE, entre 1950 et 2009, son poids dans le PIB national est passé de 6 à 27,2%, dépassant dans les années 1990 le département de La Paz et devenant ainsi le département qui contribue le plus au PIB national. Dans le même temps sa population est passée de 9,1% à 26,7% du total national.

Durant la même période on observe un phénomène d’urbanisation croissante. Ainsi dans le département de Santa Cruz, les villes ont absorbé le plus gros de la croissance démographique, la population urbaine étant passée entre 1950 et 2001 de 37 à 76% de la population totale départementale d’après les recensements nationaux. La ville de Santa Cruz de la Sierra en particulier, dont la population avait oscillé entre 6 000 et 19 000 habitants du XVIIIème jusqu’au début du XXème siècle -d’après la synthèse de documents historiques réalisée par (Peña et al. 2009)-, frise le million et demi d’habitants en 2010.

Un phénomène similaire s’est produit autour des villes de La Paz et de Cochabamba, qui avec Santa Cruz de la Sierra forment à présent une triade urbaine, un réseau de communications et d'échanges complémentaires s'étant établi entre ces trois pôles. Ils sont à la tête d’une hiérarchie urbaine régionale en pleine évolution, avec la « mobilité » dans le semis des petites villes : disparitions dans la zone andine et multiplication dans l’Orient du pays sous la forme d’« agro-cités » qui forment un réseau urbain secondaire, apportant les services au plus près des lieux de production (Arreghini et Roux 2000; Arreghini 2011). D’ailleurs durant le XXe siècle, 43% des 110 villes28 ayant surgi sur le territoire de la Bolivie (19 villes en 1900, 129 villes en 2001), appartiennent au Département de Santa Cruz (Arreghini 2011).

L’essor démographique des villes a été nourri en grande partie par l’exode rural. On discerne une première grande vague migratoire après la réforme agraire de 1953, qui a libéré la main-d’œuvre auparavant en servage dans les grandes propriétés ; puis une seconde vague à partir des années 1980 suite à la crise prolongée de la petite agriculture familiale (Oporto 2011), renforcée par la sécheresse prolongée de 1982 sur l’altiplano découlant du phénomène climatique El Niño. Cette crise est particulièrement marquée en

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L’auteur entend par ville les agglomérations de plus de 2 000 habitants, qui est la taille officielle des agglomérations urbaines en Bolivie.

zone andine, où la division d’une génération à l’autre des propriétés familiales, obtenue après la révolution des années 1950, a débouché sur une situation insoutenable, les familles ne disposant plus que de micropropriétés (qualifiées de « minifundio ») avec lesquelles elles peinent à assurer leur subsistance. La crise minière des années 1980 vient en outre renforcer le phénomène migratoire des Andes vers les Orients.

Figure 19 : Niveaux de la hiérarchie du système urbain bolivien en 2010

Évolution du secteur agricole à Santa Cruz

Les politiques de dérégulation imposées dans les « périphéries du monde » telle la Bolivie à partir des années 1980 par les bailleurs de fonds internationaux (Arreghini 2011), ont mis en compétition -déloyale- l’agriculture familiale et l’agriculture industrielle. Le secteur agricole, qui mobilisait 72,8% de la population active en 1950, soit 2 millions d’actifs (Averanga Mollinedo 1974) n’en mobilisaient déjà plus que 44 % en 1992, soit 1,4 million selon l'INE, puis 36% en 2011 (CEBEC-CAINCO 2012).

A l’inverse de l’agriculture familiale, l’agro-industrie connaît un essor à partir des réformes structurelles des années 1980, d’autant plus qu’avec la crise minière (suite à la chute du prix de l’étain), les efforts productifs du pays se tournent vers elle en alternative. Le cluster cruceño des oléagineux en particulier émerge à cette époque sous les efforts conjoints des producteurs, entreprises exportatrices et organismes étatiques (Oporto 2011). C’est le département de Santa Cruz qui bénéficiera le plus de cet essor, au travers entre

autres du projet Terres Basses de l’Est, qui aidera à convertir la zone à l’Est de Santa Cruz de la Sierra à la production industrielle de soja29.

En 2011, agro-élevage et agro-industrie contribuaient à hauteur de 20% au PIB départemental. Cette même année à l’échelle nationale, Santa Cruz contribuait en outre à 97% de la production agro-industrielle nationale, 79% des exportations d’origine agricole, 51% de la production d’aliments et 42% du PIB pour le secteur de l’élevage et agro-industrie (CEBEC-CAINCO 2012).

Les principaux produits d’exportation d’origine agricole, destinés essentiellement au marché Sud-Américains, sont les huiles végétales (huile de soja et dans une moindre mesure huile de tournesol), et les dérivés de la canne à sucre (sucre et alcool). Le soja concerne d’ailleurs environ 50% des superficies cultivées, soit près d’un million d’hectares d’après les données de la CAO pour l’année 2009. Comme l’explique Osinaga (2012), outre les oléagineux et la canne à sucre, le riz et le blé couvrent également des superficies importantes mais sont, tout comme les tubercules, les fruits et les légumes, essentiellement destinés au marché national. Finalement d’autres cultures qui occupent une part significative des surfaces agricoles sont le maïs et le sorgho, destinés en grande partie à l’alimentation animale (volailles et bovins).

L’élevage bovin connaît également un essor depuis plusieurs décennies : entre 1965 et 1995 le cheptel national est passé de 2,9 à 6 millions (CID 1998) et a atteint 8,8 millions début 2013 (Peredo Paz 2013). Ce développement de l’élevage bovin concerne essentiellement les départements du Beni et de Santa Cruz. En 2012 Santa Cruz abritait ainsi 2,9 millions de têtes de bétail. Le PIB généré par l’élevage dans ce département atteignait 550 millions de $US en 2011 (2,5 fois plus qu’en 2000), dont près de 50% est généré par l’élevage bovin -lait, viande et dérivés- (FEGASACRUZ 2011).

La demande interne de viande bovine frôle les 200 000 tonnes par an, et absorbe ainsi près de 95% de la production nationale. Quant aux exportations de viande bovine, régies par des quotas fixés par le gouvernement bolivien, elles ne dépassent pas les quelques milliers de tonnes annuelles et sont principalement dirigées vers le Pérou (CONGABOL 2011 cité dans Peredo Paz 2013).

Si la production agricole a considérablement augmenté, la productivité agricole stagne pour les principales cultures (cf. Figure 20). Cela signifie que, contrairement au Brésil où le gouvernement et les entreprises recherchent activement l’augmentation de la productivité agricole, le modèle bolivien de développement agricole se base sur l’ampliation constante des superficies cultivées. L’épuisement progressif des superficies libres de terres agricoles fertiles et leur perte rapide de fertilité appellent à une évolution des systèmes de production pour une gestion plus durable des terres agricoles (PDOT 2009). Pour réussir cette transition le secteur agricole de Santa Cruz nécessite d’après Osinaga (2012) des améliorations en termes de sécurité juridique, de financement, de recherche et transfert de technologie, d’infrastructures productives et de transport ainsi que d’accès aux marchés internes et externes.

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Financé par la Banque Mondiale, le gouvernement allemand et le gouvernement bolivien, le projet Terres Basses de l’Est implique entre autres le développement d’infrastructures routières et électriques ainsi qu’un appui technique à la production de soja dans les communes actuelles de Pailon, Cuatro Cañadas et San Julian.

Figure 20 : Évolution des rendements de plusieurs cultures agricoles dans le département de Santa Cruz

Source et élaboration CAO

Récurrence du patron primo-exportateur

La tendance à la diversification de l’économie s’inverse cependant à partir des années 2000, favorisée par l’augmentation du prix des matières premières. Le gouvernent revient à une politique extractiviste30 et on retrouve alors ces dernières années la structure d’exportation des années 1980 : les minerais et hydrocarbures représentent de nouveau plus de 80% des exportations, alors qu’un peu avant les années 2000 elles avaient baissé à environ 50%, au profit d’autres productions (cf. Figure 21).

On assiste donc à un ré-accroissement de la dépendance de l’économie nationale aux minerais et hydrocarbures. D’ailleurs avec la nationalisation des hydrocarbures en 2006, les revenus fiscaux de l’État provenant des hydrocarbures ont grimpé en flèche : de $US 618 millions en 2005 soit 2,5% du total des revenus fiscaux, à $US 30 830 millions en 2011 soit 40% du total (données de l’INE). Le gouvernement en a d’ailleurs profité pour accroître considérablement les dépenses de l’État : sur la période 2005-2011, les revenus fiscaux ont

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Le gouvernement d’Evo Morales justifie ce retour à une stratégie rentière des ressources naturelles par le concept d’ “industrialisation par étapes”. C'est-à-dire qu’après avoir très largement dirigé l’investissement public vers le secteur qu’il considère stratégique (mines, hydrocarbures) durant les deux premiers mandats, il prétend prévoir de diriger ensuite l’investissement au secteur non-traditionnel (Wanderley 2011).

été multipliés par 3,1 et les dépenses par 2,85. Selon le FMI (2012), la balance fiscale de la Bolivie serait d’ailleurs largement déficitaire sans les hydrocarbures (-8% en 2011).

Notons que les principaux partenaires commerciaux de la Bolivie sont le Brésil (28% des exportations, 17% des importations en 2012) et l’Argentine (16 et 12%), vers lesquels est exporté l’essentiel du gaz extrait en Bolivie, suivis des États-Unis (13 et 10%).

Figure 21 : Évolution de la structure d’exportation de la Bolivie 1980-2012

Source et élaboration CEBEC/CAINCO

Légende : Minerales=Minerais ; Hidrocarburos=Hydrocarbures ; No Tradicionales=Non Traditionnelles

Santa Cruz abrite un certain nombre de sites d’exploitation d’hydrocarbures, dont le département tire une rente depuis les années 1980, qui lui a permis de financer en grande partie les infrastructures et services publics urbains ainsi que le programme CORDECRUZ de développement rural. Néanmoins sa vocation économique reste éminemment productive et peu extractive (cf. Figure 22). Les hydrocarbures et minerais ne constituent qu’un tiers de ses exportations (CEBEC-CAINCO 2012), et les secteurs qui contribuent le plus à la formation du PIB cruceño sont l’agriculture, suivie de l’industrie, puis du transport et enfin des services financiers (PDOT 2009). Notons que près de 50% du PIB du secteur industriel cruceño correspond à l’industrie agroalimentaire (CEBEC-CAINCO 2012).

Le secteur agricole ayant connu une croissance moindre par rapport à l’exploitation minière et des hydrocarbures durant la dernière décennie, le département a alors perdu de son poids économique au niveau national. La brèche qui existait entre le PIB/capita de Santa Cruz et du pays (1 053 $US contre 783 en 1999) se referme peu à peu (1 910 $US contre 1 870 en 2010). D’après les données de l’INE, le département de Santa Cruz, qui était responsable de 40% de la croissance du PIB sur la période 1991-1998 (jusqu’à 76% en 1998), n’est plus responsable que de 22% sur la période 2002-2010. D’ailleurs le taux de croissance de Santa Cruz, qui était supérieur au taux de croissance national dans les années 1990 (5,3%

contre 3,8% entre 1991 et 2000) devient inférieur durant la décennie suivante (3,1% contre 3,8% entre 2001 et 2010).

Figure 22 : Vocation économique par département en 2011, en proportion du PIB

Source et élaboration CEBEC/CAINCO

Légende : Productivo=Productif ; Extractivo=Extractif ; Comercio=Commerce ; Servicios=Services

Croissance économique et investissement

En termes financiers et monétaires, la Bolivie se porte bien selon les évaluations d’institutions financières internationales. Le PIB connaît une croissance relativement stable, de près de 5% annuel en moyenne depuis 2007. La dette est contrôlée de même que l’inflation, la balance commerciale reste largement positive et le pays a sensiblement augmenté ses réserves de devises. Le rapport des Réserves Internationales Nettes sur le PIB a atteint 52% en 2012, de loin le plus élevé d’Amérique du Sud (voir http://www.bcb.gob.bo/). Comme l’explique Saint-Upéry (2009), « Le gouvernement d’Evo

Morales a en fait complètement « blindé » la politique financière et monétaire de l’État et l’a confiée aux mains de technocrates qui mènent dans ce domaine une gestion très prudente et passablement « orthodoxe ». Cela a même valu à la Bolivie l’éloge du FMI. (Notons que cette prudence et cette relative orthodoxie sont pour bonne part dues au souvenir traumatique de l’échec spectaculaire du gouvernement de gauche de l’Union démocratique et populaire (UDP), en 1982-1985, qui fut littéralement terrassé par ses contradictions internes et par une gestion économique désastreuse débouchant sur une hyperinflation traumatique ; ce trauma fut d’ailleurs une des principales sources de légitimation des réformes néolibérales des gouvernements ultérieurs.) »

Malgré la « bonne santé » financière et monétaire du pays, la Bolivie souffre encore de déficiences basiques, particulièrement en termes d’infrastructures et d’institutions. Selon

les catégories utilisées par le forum économique mondial31, elle est alors une « économie de facteur », en transition vers une « économie d’efficience ».

L’investissement de l’État reste relativement faible, en moyenne 7,6% de son PIB entre 2005 et 2011, soit seulement 30% de ses dépenses en 2011, le reste correspondant aux dépenses courantes. Depuis 2006, environ 50% de l’investissement public est consacré chaque année aux infrastructures. Notons le rapport investissement/dépenses est resté le même qu’en 2005 bien que les dépenses totales aient presque triplé entre 2005 et 2011 d’après les données de l’INE.

Quand à l’Investissement Direct Étranger (IDE), il est également faible. Selon la CEPAL, durant les six dernières années, la Bolivie n’a reçu que 0,7% du total de l’IDE en Amérique du Sud (tandis que ses voisins recevaient en 2012 : 45% pour le Brésil, 21% pour le Chili, 8,7% pour l’Argentine et 8,5% pour le Pérou), ces investissements étant d’ailleurs pour plus de 60% destinés aux activités extractives (hydrocarbures et mines)32.

D’après América Economia, la ville de Santa Cruz arrive 46ème dans le classement des meilleures villes d’Amérique du Sud pour faire des affaires (et La Paz 50ème) ; c'est-à-dire qu’elle reste une ville relativement peu attractive pour les investisseurs. L’évaluation du rapport Doing Business en 2013 du climat d’affaire place la Bolivie 155ème de 185 pays, ses points faibles principaux étant son régime d’imposition et le coût et la complexité d’ouverture d’une entreprise (Banque-Mondiale 2013).

Importance de l’économie informelle

Certaines des barrières limitant l’IDE sont également en partie responsables du maintien d’un fort taux d’informalité dans l’économie nationale. Le secteur informel représente ainsi 65% du PIB, ce qui est le taux le plus élevé pour l’Amérique du Sud. En 2009 d’après les estimations du FMI et de la Banque Mondiale, 68% des travailleurs travaillaient dans l’informalité, particulièrement dans le secteur agricole (95%), le commerce (86%), le transport (77%), l’hôtellerie et la restauration (78%), etc.

D’après Arreghini et Roux (2000), les mesures d’ajustement structurel drastiques suivant la crise économique des années 1980 ont provoqué « des stratégies d’adaptation se

traduisant par une amplification de l'activité informelle et la multiplication des opportunités de revenu pour les ménages (enfants, femmes) ». Oporto (2011) décrit quant à lui la

croissance de l’économie populaire, en particulier la formidable expansion du commerce populaire avec des ramifications dans les activités de transports et autres services. Cette économie populaire, qui se déroule en grande partie en marge de l’intervention de l’État mais dans le cadre de conventions socialement acceptées, atteint un degré de stabilité important d’après un rapport du PNUD (2005). Ce rapport précise d’ailleurs que la majorité des acteurs privés en Bolivie agissent dans une zone grise entre la formalité et l’informalité, le légal et l’illégal. En outre beaucoup d’activités de l’économie populaire sont liées à la

31 Cf. www.weforum.org/

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Selon les investissements dans les hydrocarbures et mines génèrent relativement peu d’emplois (0,5 emploi pour chaque million de dollar US investi), en comparaison avec les investissements dans la production d’aliments et boissons (4,2 emplois), le commerce (7,1 emplois) ou encore les centres d’appel (73 emplois). L’IDE en Bolivie ne génère alors en moyenne qu’1 emploi pour chaque million de dollar US investi (ECLAC 2012)

dynamique de contrebande, au blanchissement d’argent et au narcotrafic33 (Arreghini et Roux 2000; Oporto 2011).

Si l’existence de cette économie populaire a permis que les récentes crises financières et accidents climatiques majeurs aient « plus touché ses voisins que la Bolivie

elle-même, dont une grande partie de la population a déjà fait preuve d’adaptation dans la précarité » (Arreghini et Roux 2000) ; on ne peut nier néanmoins que l’informalité affecte

négativement l’économie : mauvaise qualité de l’emploi, pertes fiscales de 2 à 3 milliards USD annuellement (CEBEC-CAINCO 2012) et compétition déloyale aux entreprises légalement établies.

Le contexte politique actuel n’est cependant pas propice à la formalisation du secteur privé. D’après Wanderley (2011), « l’orientation politique du modèle actuel va a contre sens

de la construction d’une institutionalité qui favoriserait complémentarité entre l’État et le secteur privé ». L’auteur pointe du doigt une vision simplificatrice : manque de clarté du

gouvernement sur la pluralité économique bolivienne, pas de stratégie adaptée au secteur « socio-communautaire » et aux petites entreprises, construction des politiques de développement productif sans articulation avec le secteur privé consolidé. D’autre part elle relève les intérêts politiques sous-jacents à l’étatisation de l’économie, comme le fait que la création d’entreprises publiques, plutôt que pour compenser les déficiences du secteur privé, a souvent été réalisée pour répondre à des conflits ou demandes sociales voire pour affaiblir certains entrepreneurs de haut profil politique.

Pauvreté et mobilité sociale

La croissance économique nationale cache des inégalités profondes en termes économiques. La Bolivie a d’ailleurs été identifiée comme le pays où les inégalités étaient les plus élevées de toute l’Amérique Latine sur la période 1995-2005 (PNUD 2010).

D’après le recensement de 2012, la pauvreté continue de toucher environ 50% de la population et l’extrême pauvreté 25%. Les revenus restent très inégaux (coefficient de Gini : 0,51) et leur niveau varie significativement entre hommes et femmes, ruraux et urbains, indigènes et non-indigènes. Ainsi d’après l’analyse du PNUD (2010), une femme indigène travaillant en ville sur le marché informel gagne en moyenne 30% de moins qu’une femme non-indigène, 2 fois moins qu’un homme indigène dans sa situation, 3 fois moins qu’une femme non-indigène insérée sur le marché formel et entre 3,5 et 4 fois moins qu’un homme inséré sur le marché formel selon qu’il est indigène ou non (cf. Figure 23).

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Comme le synthétisent Arreghini et Roux (2000), le narcotrafic de cocaïne a émergé en Bolivie dans les années 1960. L'extension sans contrôle des cultures, est le résultat combiné de la misère paysanne, de l'échec économique de la Réforme Agraire et de l’instabilité politique du pays (particulièrement des années 1960 à 1980). De par sa position géographique centrale et ses frontières difficiles à contrôler, la Bolivie est devenue une plaque tournante du trafic de la cocaïne. La population insérée dans la filière coca-cocaïne à la fin des années 1990 était estimée à 6 % des actifs dont au moins 20 000 cultivateurs. A cette même époque, la masse financière dégagée au niveau local était estimée à 800 millions de dollars annuels. Ces chiffres auraient continué d’augmenter jusqu’à aujourd’hui. D’ailleurs le gouvernement actuel a augmenté les quotas de superficies cultivables en coca et montre une certaine tolérance vis-à-vis des cultivateurs. Les mafias des drogues pèsent indéniablement sur le milieu politique, et dirigent leurs investissements dans nombre de secteurs de l'économie orientale : immobilier, agriculture, industries, transports, tourisme, commerce de luxe, etc.

Figure 23 : Inégalité des revenus moyens en ville en 2007 (Bs)

Élaboration PNUD (2010) sur la base de données de l’INE Bolivie

D’après les estimations d’Andersen (2002), la Bolivie était en 2001 le pays où la mobilité sociale était moindre en Amérique Latine. L’un des facteurs principaux compromettant les possibilités de mobilité sociale ascendante serait, selon son étude, la brèche éducative.

Bien que les inégalités restent élevées, la pyramide sociale évolue progressivement. Entre 1999 et 2007, le PNUD (2010) observait ainsi le transfert de 6% de la population depuis la strate basse (en termes de revenus) vers la strate moyenne, débouchant sur la pyramide sociale suivante : strate basse 59%, strate moyenne 36%, strate haute 5%. Cette mobilité serait due au processus d’urbanisation croissante, à l’amélioration de l’accès aux services éducatifs et de santé et au transfert d’une partie de la population active du secteur primaire vers le tertiaire. Selon Oporto (2011), l’augmentation de la mobilité sociale découlerait également de l’avancée de la démocratie et du climat de libertés encourageant les initiatives