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La place de la victime et de sa déclaration

3.3 La détermination de la peine

3.3.3 La place de la victime et de sa déclaration

C’est lors de la détermination de la peine que la victime jouit d’un rôle plus important. Tout cela découle, entre autres, des principes entourant la détermination de la peine. Plusieurs d’entre eux sont issus de la prise en compte de la victime, soit de la gravité du crime qui a été commis à son égard, sa nature, s’il s’agissait d’une personne vulnérable et, enfin, des répercussions que le crime aura eues à son égard. Plusieurs développements ont eu lieu quant à la prise en compte de la victime et le plus important est sans doute la Déclaration de la victime. Il s’agit de l’étape avec le cadre juridique le mieux défini concernant la victime dans tout le processus pénal. Nous aborderons ici seulement certains aspects, puisque celle-ci sera aussi abordée dans la dernière section de ce mémoire.

C’est en 1985 que cette déclaration a vu le jour au Canada à la suite de la Déclaration des

Nations Unies. Le Parlement se devait de faire une plus grande place aux victimes pour

respecter cette déclaration dont il était signataire. Il a donc introduit la Déclaration de la victime dans le Code criminel. Cette déclaration permet aux victimes de décrire l’impact du crime sur elles. En anglais, elle est appelée « victim impact statement » et plusieurs ouvrages feront référence à son acronyme anglais VIS. Les victimes qui le désirent peuvent se prévaloir de cette déclaration en remplissant un formulaire. Par la suite, le tribunal pourra, mais ne sera pas obligé, d’en tenir compte dans l’attribution de la sentence193. Les victimes ont aussi le droit de

demander à présenter elles-mêmes en personne leur déclaration, mais il se peut que malgré leur désir, le tribunal ne les entende pas194. L’introduction de la Déclaration de la victime a mis

fin à un courant jurisprudentiel empêchant la victime de témoigner sur les dommages subis.

193 « The statutory provision with respect to victim impact statements simply directs courts to

« consider » the statement at sentencing, without offering any guidance as to way in which it should be considered. » Julian V. ROBERTS et Marie MANIKIS, « Victim impact statements at sentencing: The relevance of ancillary harm », (2010) 15-1 Can. Crim. Law Rev. 3.

Avec cette déclaration, la victime peut faire valoir les impacts qu’elle a subis et la jurisprudence a interprété la volonté du législateur d’entendre les victimes assez largement. Dans l’arrêt R. v.

Cook195, la victime secondaire, soit la fille de la victime qui a été tuée par M. Cook, rédige une

déclaration, mais celle-ci ne respecte pas conformément la procédure. La Cour d’appel rejette l’appel et reconnaît que c’est à bon escient que le juge de première instance l’a utilisée. Nous reprendrons ici quelques passages des plus pertinents :

« [58] As this ground of appeal relates to the manner in which the trial judge treated the written victim impact statement prepared by Mme Frenière's daughter Nataly Dupuis and her subsequent sworn testimony during which she read the statement, I believe it is useful to first review the provisions in the Criminal Code that relate to such statements.

[59] It is not disputed that since Mme Dupuis was the daughter of Mme Frenière, she was a "victim" for the purpose of delivering a statement pursuant to subsection 722(4)(b) Cr. C.

[60] In this instance, the statement was not in accordance with the form prescribed and the procedures contemplated by subsection 722(2)(a) Cr. C., but the trial judge was nevertheless able to make use of the written statement and testimony pursuant to subsection 722(3) Cr. C.

[61] A victim whose written statement satisfies the criteria in subsection 722(1) Cr. C. is entitled to read her statement, in open court, as subsection 722(2.1) Cr. C. provides. The obligation imposed on a court to permit a victim impact statement to be read in such circumstances is cast in mandatory terms, which suggests that a trial judge has no discretion to refuse a victim the right to read a statement as long as it conforms to the requirements of subsection 722(2) Cr. C.

[65] Therefore, in my opinion it is clear that Parliament intended that however a victim impact statement may be prepared or delivered, a trial judge engaged in the sentencing process must consider it. To the extent any such statement may stray into areas beyond its purpose, such as by proposing a sentence, seeking to achieve personal revenge,speaking to the character of the accused,

or stating facts relating to the offence that are not in the record, trial judges are accustomed to taking no account of whatever is irrelevant.

[73] Viewed in that light, and considering the mandatory legislative scheme surrounding victim impact statements that Parliament has established, the trial judge committed no error in making use of Mme Dupuis' statement to reach a conclusion that the devastating effect of Mme Frenière's death on her immediate family constituted an aggravating factor. »196

Cette décision interprète plus largement la déclaration de la victime afin de s’assurer qu’elles ne soient pas écartées uniquement que pour une simple question de formalité et puissent tout de même être entendues. Qu’en est-il maintenant de la valeur accordée à la déclaration de la victime ? Aurait-elle vraiment un impact sur la sentence ? Certains auteurs s’accordent pour dire qu’elle donne une voix aux victimes, mais que cette déclaration n’est pas plus qu’un élément parmi les autres dont le juge doit tenir compte au moment de déterminer la sentence. Elle ne permet pas plus à la victime de se prononcer sur la sentence en tant que telle197.

Il faut aussi se questionner sur les répercussions de cette déclaration pour les victimes. Est-elle bénéfique pour elles ? Selon certains, elle pourrait même contribuer à une deuxième victimisation. Premièrement, en étant une fois de plus tenue à raconter ce qu’elle a subi, la victime pourrait revivre les évènements. Aussi, comme il n’y a aucune obligation d’en tenir compte, la victime pourrait voir cela comme si on ne lui accordait pas de crédibilité ou comme si on ne la croyait pas et, par conséquent, comme si ce qu’elle avait vécu n’était pas aussi grave ou aussi important qu’elle le considère. Enfin, cette déclaration doit être divulguée à l’accusé et peut devenir un sujet de contre-interrogatoire de la victime198. Cette dernière est donc bien

mitigée et son impact sur les victimes n’est pas encore clairement défini199.

196 Id.

197 J.V. ROBERTS et M. MANIKIS, préc., note 193. 198 J. WEMMERS, préc., note 38, p. 158.

Enfin, cette déclaration a ses limites, ce n’est pas une panacée. Elle a d’abord un rôle très limité et circonscrit dans la procédure judiciaire pénale. Elle n’intervient que lors de la détermination de la peine. Et même pour cette étape, elle n’accorde nullement un rôle particulier ou un statut de participant à la victime.200 Par conséquent, elle ne permet pas d’impliquer davantage la

victime dans le processus pénal et ne lui donne aucun droit à l’étape du procès. Elle lui octroie simplement la possibilité d’être entendue avant que la sentence soit déterminée. Cela soulève aussi un autre problème, puisque cela signifie que la victime ne sera entendue que si l’accusé est déclaré coupable. La déclaration ne sera utilisée qu’au moment de déterminer la sentence. La victime qui désirait se prévaloir de cette déclaration pourrait la voir mise complètement de côté en cas d’entente.