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Un nouveau rôle de participant

4.5 Les solutions que nous proposons

4.5.2 Un nouveau rôle de participant

Après l’analyse de toute la littérature et des opinions publiques vivement partagées sur le sujet dans l’actualité, nous considérons qu’une deuxième solution tout aussi accessible est à envisager. Il s’agit de la création d’un rôle de participant. En effet, il est grand temps qu’un rôle soit défini pour la victime, autre que celui de simple témoin. Le rôle que nous suggérons permettra de concilier notre système de justice avec les besoins de la victime.

4.5.2.1 Un rôle de participant plutôt qu’un rôle de partie

Que devrait exactement être ce rôle? Tel que mentionné plus haut, nous croyons que le rôle le mieux adapté dans les circonstances serait celui de participant, à l’image de celui créé aux États- Unis. Il faut que la victime prenne une place dans les aménagements possibles par notre système de droit. Nous réitérons qu’il n’est pas question de réformer de fond en comble notre système pénal. La présomption d’innocence est un fondement cher à la société québécoise et canadienne. Mais les préoccupations en lien avec la détresse des victimes sont de plus en plus fortes. Octroyer le statut de partie à la victime dans le processus pénal demanderait justement une réforme en profondeur. Cela prendrait d’abord des aménagements physiques dans les salles d’audience. Où placerons-nous cette troisième partie? Outre ces aménagements, cela engendrerait des délais supplémentaires. Cela se traduirait nécessairement par des audiences plus longues, des débats différents, plus de parties qui peuvent faire appel des décisions intérimaires et, également, un calendrier beaucoup plus complexe pour planifier les audiences. Il faudrait aussi définir ce que la victime en tant que partie peut revendiquer; on imagine qu’elle pourrait demander des contre-expertises, des rapports présentenciels et multiplier les étapes. En fin de compte, est-ce que cela lui servirait véritablement? Est-ce que ses besoins seraient comblés? Peut-être, mais à quel coût? Et assurément, son besoin de passer à autre chose devrait être remisé en raison des délais et étapes supplémentaires que cela pourrait engendrer. Avant de tout vouloir modifier, l’analyse des besoins réels de la victime et de ses attentes face au procès est une étape indispensable pour ne pas arriver à un résultat qui décevrait tout le monde. Ces besoins et ces attentes, nous les avons analysés longuement dans la deuxième section. Ce qui en ressort est le besoin d’informations, d’être traitée équitablement, de se faire

entendre sans toutefois subir une seconde victimisation et, enfin, d’obtenir une réparation pour le tort subi. Certaines études329 ont démontrées que la victime ne tient pas spécifiquement à

avoir un rôle 100% actif et décisionnel dans le processus. Maintenant, comment arriver à conjuguer le tout dans notre système contradictoire? Plusieurs ayant à cœur le sort des victimes penchent pour reconnaître la victime en tant que partie, tout comme en France. Nous croyons qu’un rôle entre la partie et le simple témoin peut faire consensus et rallier tout le monde. C’est d’ailleurs souvent ce que les victimes désirent, un rôle intermédiaire330. En ayant un rôle de

participant, la victime aurait d’abord un vrai statut; elle ne serait plus qu’un simple témoin. Elle pourrait être informée de toutes les étapes et de toutes les décisions importantes. Elle pourrait interagir à des moments précis avec l’aide d’un avocat si elle le désire. Enfin, elle pourrait être appuyée par des personnes ressources tout au long du processus. Elle n’aurait plus l’impression d’avoir été expulsée du processus qui, la plupart du temps, sans elle n’existerait pas. Mais ce nouveau rôle, pour bien s’intégrer dans notre système de société de droit, devrait être balisé par un cadre juridique.

4.5.2.2 Le cadre légal du rôle de participant

La première des choses serait d’adopter une définition claire de la victime qui serait la même qu’au Code criminel et dans les lois concernant les victimes. Ensuite, il faudrait circonscrire le rôle de participant en lui-même. Quelle étendue voulons-nous lui conférer? Jusqu’où peut-elle aller sans heurter les principes fondamentaux qui régissent notre système? Pour ce faire, la première étape serait d’établir précisément les droits que ce statut confère à la victime. Il devrait, à notre avis, réitérer que la victime, à l’instar de tous, est d’abord et avant tout une personne et qu’elle bénéficie de la protection des chartes autant que toute autre personne331.

Une fois ces droits réitérés, il devrait y avoir l’introduction de droits plus concrets en lien avec le processus pénal. Par exemple, les droits à l’information énoncés dans la Charte canadienne des

329 Jo-Anne WEMMERS, préc., note 278, p.223 330 Id., p.261

331 Nous entendons ici bien évidemment le droit à l’égalité et le droit à la vie et à la sécurité. Charte

droits des victimes et dans la Déclaration de principes des Nations-Unies332 devraient s’y trouver.

La première chose à faire, si nous voulons que les victimes se sentent traitées avec égard et considération, est qu’elles soient bien informées. Ce ne doit pas être une possibilité, mais une norme qui doit être respectée en toute circonstance.

Pour certains, la nécessité d’établir un nouveau cadre juridique semble inutile puisque les textes de loi existent déjà. Effectivement, ces textes existent, mais devraient tous être réunis dans un seul et même texte. De plus, comme nous l’avons vu plus tôt, le texte le plus complet en ce moment est sans doute la Charte canadienne des droits des victimes. Néanmoins, il n’y a aucune force obligatoire à ce texte. Par conséquent, il faut absolument lui accorder une force exécutoire. Si non, comment faire pour s’assurer que ces droits soient respectés? Énoncer de beaux grands principes est très noble, mais dans la réalité cela ne confère rien de plus aux victimes, sinon un semblant d’intérêt de la classe politique.

4.5.2.3 Protection légale de ce nouveau rôle

Comme nous venons de le mentionner, la grande différence avec ce cadre légal balisant le nouveau statut de la victime doit être renforcé par une vraie protection légale :

« Where legal protection is strong, victims are more likely to be aware of their rights, to participate in the criminal justice system, to view criminal justice officials favorably, and to express more overall satisfaction with the system. Moreover, the levels of overall satisfaction in strong-protection States are higher. Strong legal protection produces greater victim involvement and better experiences with the justice system. A more favorable perception of the agents of the system – police, prosecutors, victim/witness staff, judge – is another benefit. » 333

Il doit s’agir de vrais droits avec des moyens pour s’assurer de leur respect. Par conséquent, il faudra inclure dans ce nouveau cadre législatif tous les remèdes, toutes les étapes et les procédures pour les victimes dont les droits ne seraient pas respectés. Que doit-elle faire si elle

332 Charte canadienne des droits des victimes, préc., note 1, art. 6-8 ; Déclaration des principes

fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d’abus de pouvoir,

préc., note 24, art. 6 et 15.

n’est pas informée d’une procédure ou d’une décision importante, telle une entente pour un plaidoyer? Comment doit-elle s’y prendre pour s’exprimer quand même, pour faire valoir ce qu’elle a subi? Vers qui doit-elle se tourner si elle n’a pas été informée d’une date d’audience, de l’évolution du dossier, des raisons des remises, etc.? À cet effet, nous croyons que le survol de ce qui se fait ailleurs, soit en Grande-Bretagne et aux États-Unis, devrait nous guider. En effet, la possibilité pour les victimes de se tourner vers une cour de justice lorsque leurs droits ont été bafoués nous semble un indispensable. Cette solution soulève toutefois une autre problématique, soit celle de savoir qui va accompagner la victime pour faire valoir ses droits. Les victimes sont, comme nous l’avons vu, souvent démunies et très fragiles. Elles n’auront pas nécessairement les capacités ni la force et la volonté pour se battre et faire respecter leurs droits en étant seules. C’est ce qui nous amène à la prochaine option envisageable, soit un avocat pour les victimes.