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Les attentes de la victime face au système pénal

2.2 Ses revendications, ses besoins

2.2.1 Les besoins de la victime à la suite d’un crime

2.2.1.6 Les attentes de la victime face au système pénal

Les attentes de la victime face au système pénal sont grandes82. En effet, on lui a demandé de

renoncer à se faire justice elle-même afin que l’État assure le rôle de justicier. On a remplacé ses intérêts privés par les intérêts collectifs d’une société meilleure : « for the greater good ». Pour la victime, le crime commis contre elle ne l’est pas pour autant uniquement contre la société. Elle demeure victime et le crime demeure d’abord et avant tout commis contre elle. Elle s’attend donc à ce que justice soit faite et pour le mieux. « La vengeance privée en tant que phénomène spontané et instinctif tire son origine d’un sentiment d’injustice, d’une action préjudiciable »83. La vengeance serait donc le moyen que c’était donné l’homme pour rétablir la

justice. Mais qu’entend la victime par justice ? La forme de justice qu’elle recherche est souvent une forme de réparation pour le tort subi, un désir de voir que le geste posé contre elle ne passera pas sous silence et sera puni. Cela n’implique donc plus uniquement que le criminel soit puni : « It is not enough that justice be done. Justice must be seen to be done. »84. Cela signifie

qu’elle veut que l’accusé paie pour le tort qu’il a causé, que la justice le prenne véritablement en charge et s’assure de ne pas laisser impunis les criminels. C’est son sentiment de vengeance en lien avec l’équité qui doit être satisfait. Nous croyons aussi que la victime a besoin de sentir que tout le processus est juste et équitable envers elle, et ce, dans toute la grandeur que le système peut avoir.

Dans la majorité des cas, la victime veut être impliquée dans ce processus. Si elle est exclue, elle aura assurément l’impression qu’il y a une forme d’injustice85. Elle n’a pas choisi de renoncer à

ses besoins, mais elle le subit comme elle a subi le crime. Aussi, tel que mentionné plus tôt, reprendre le contrôle de sa vie peut se traduire par avoir une certaine emprise sur le processus

82 Boudreau J., Poupart L., Leroux K. et Gaudreault A. , « Introduction to Intervention with Crime

Victims », Association québécoise Plaidoyer-Victimes, Montréal, 2011, p.45

83 H. PARENT, préc., note 3, 186.

84 Jo-Anne WEMMERS, « The Meaning of Justice for Victims », dans Shlomo Giora SHOHAM, Paul

KNEPPER et Martin KETT (dir.), International Handbook of Victimology, Boca Raton, CRC Press, 2010, p. 27.

de justice pénale et le procès. Elle s’attend à ce qu’on l’écoute et qu’on prenne en considération ce qu’elle a subi. Une des étapes où les victimes se sentent souvent complètement occultées, et c’est le cas, est lors de la négociation de plaidoyer, plus communément appelé « plea bargaining ». Comme nous le verrons plus loin, certaines choses ont été mises en place pour permettre à la victime d’être entendue. Toutefois, cela est mis de côté lorsque les négociations entre l’État et le criminel aboutissent à un plaidoyer de culpabilité. « Despite the important initiative… and the rationale behind the victims’ interest at this stage of the criminal process remain largely unexplored.86». Les victimes veulent que la souffrance qu’elles ont éprouvée, le

mal qu’elles ont vécu, soient pris en considération, et ce, peu importe la finalité du processus. L’important pour les victimes n’est pas seulement le résultat, mais les moyens d’y parvenir ; on parle de justice procédurale. « Because they are confronted with a great deal of distress and uncertainty fairness may be particularly important to crime victims. »87 Selon Marie Manikis88,

les victimes devraient pouvoir expliquer le mal subi à la suite du crime avant les négociations, et non pas seulement au moment de la sentence. En effet, la sentence vient toujours à la fin et uniquement lorsque l’accusé a été déclaré coupable. Circonscrire la déclaration de la victime à cette étape, limite énormément le peu de participation que les victimes pourraient avoir à jouer dans le système.

Les victimes s’attendent aussi à recevoir un traitement équitable dans le processus judiciaire, à être traitées avec dignité89. Tout est fait, dans la mesure du possible, pour que les droits des

accusés soient respectés. S’ils ne le sont pas, il existe des remèdes pour remédier à la situation. Cela est possible, puisque les droits de l’accusé sont protégés par des chartes. Et entendons nous, cela doit rester comme ça. Faire du système judiciaire un processus plus juste et équitable envers la victime ne veut pas forcément dire retourner en arrière et renier des droits aux

86 Marie MANIKIS, « Recognizing Victims’ Role And Rights During Plea Bargaining : A Fair Deal For Victims

Of Crime », (2012) 58-3,4 Criminal Law Quarterly 411, 413.

87 J. WEMMERS, préc., note 84, p. 30. 88 M.MANIKIS, préc., note 86, 411-441.

89 Boudreau J., Poupart L., Leroux K. et Gaudreault A. , « Introduction to Intervention with Crime

accusés. La victime s’attend elle aussi à avoir des droits qui sont respectés. Elle désire simplement que ses droits, en tant que personne et victime, soient protégés. Elle désire ne plus être qu’un objet ou un instrument permettant la condamnation d’un accusé, mais un sujet au cœur du processus avec toute l’attention requise. La victime n’ayant pas de statut spécifique, elle bénéficie des mêmes droits constitutionnels que tous, sans toutefois avoir une catégorie spécifique comme l’acusé. Cela mène encore une fois à un sentiment d’injustice, puisque c’est elle qui a subi le crime, et que nos lois devraient la protéger. Pour ne pas accentuer ce sentiment, il est donc essentiel de la traiter dans le plus grand respect, dans la plus grande transparence et sur le même pied d’égalité que l’accusé. Elle est une actrice de la situation, tout comme l’accusé. De plus, les victimes pensent souvent à tort que l’avocat de la Couronne est là pour défendre leurs intérêts, qu’il les représente. Lorsqu’elles comprennent qu’il est l’avocat de l’État et qu’il représente ses intérêts, elles se demandent qui défendra leurs propres intérêts. Pourquoi l’État et l’accusé ont des avocats, mais pas elles ? De ce fait, elles revendiquent un statut dans le processus afin de rééquilibrer les choses. Elles ne veulent plus être considérées comme simple témoin.

En lien avec ce besoin, on peut facilement voir le besoin de validation. Les victimes veulent que leur version des faits soit entendue et retenue. Elles ne veulent pas seulement pouvoir témoigner sur ce qui est nécessaire pour la preuve, mais sur ce qu’elles ont ressenti, sur leur expérience. Elles veulent qu’on les croit :

« Validating the victim’s emotions, helping them realize that they are not alone in their action and showing support is essential. It is important to believe the victims and not minimize the seriousness of the action taken, even if the perpetrator is not found guilty by the Criminal Justice system. »90

Pour l’instant, les recherches tendent à démontrer que l’expérience des victimes ne rencontre pas ses besoins :

90Boudreau J., Poupart L., Leroux K. et Gaudreault A. , « Introduction to Intervention with Crime

« …les victimes sont déçues, désabusées, désillusionnées et même parfois traumatisées de leur contact avec le système judiciaire. Elles ressentent un fort sentiment d’impuissance et d’exclusion »91

Gardons en tête que des efforts devraient être mis de l’avant pour rencontrer les besoins des victimes, car elles ont des attentes face au système de justice pénale et certaines d’entre elles pourraient facilement être répondues.