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Les principes de détermination de la peine

3.3 La détermination de la peine

3.3.2 Les principes de détermination de la peine

Le principe fondamental de la peine doit être la proportionnalité ; il est d’ailleurs codifié à l’article 718.1 du Code criminel177. Une peine doit tenir compte de la gravité de l’infraction et de

la responsabilité du délinquant. Plusieurs décisions en font mention et réitèrent son importance. Lors de la détermination de la peine, on tient donc compte des objectifs, tout en appliquant ce principe de base : « Par conséquent, les deux optiques de la proportionnalité

176 R. c. Proulx, [2000] 1 R.C.S. 61, par. 18-19. 177 Art. 718.1 C.cr.

confluent pour donner une peine qui dénonce l’infraction et qui punit le délinquant sans excéder ce qui est nécessaire »178.

Outre le principe de proportionnalité, l’article 718.2 du Code criminel179 détermine les autres

principes qui devraient guider la détermination de la peine ; elle devrait être adaptée aux circonstances (aggravantes ou atténuantes), devrait suivre le principe d’harmonisation des peines, de la totalité des peines, de la modération au recours à l’emprisonnement et, enfin, il devrait y avoir un examen du tort causé à la collectivité et à la victime. Ce dernier précepte ne vise toutefois que les communautés autochtones, nous y reviendrons plus loin.

3.3.2.1 Les circonstances atténuantes et aggravantes

Les circonstances pouvant influencer la peine sont nombreuses, nous en ferons donc un bref survol. Ces dernières sont importantes, puisqu’elles commanderont une particularité de la peine ou feront appel à un objectif plus précis. Elles pourront être considérées comme facteurs aggravants ou atténuants. Au Code criminel annoté de 2018, on dénombre 26 circonstances atténuantes et 23 aggravantes180. Il sera impossible de toutes les voir en détail. Certaines sont

énumérées par le législateur, mais comme la liste n’est pas exhaustive, la jurisprudence en a soulevé plusieurs autres. Les circonstances énumérées par le législateur sont étroitement liées

178 R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S. 206, par. 42. 179 Art. 718.2 C.cr.

180 Les circonstances atténuantes énumérées sont : réhabilitation et plaidoyer de culpabilité, la tenue

d’un procès, l’absence de préjudice ou de violence, participation du plaignant, admission de crimes inconnus, collaboration avec les autorités, conditions de remise en liberté, écoulement du temps, durée des procédures, la condition mentale, toxicomanie, publicité, le pardon, état de santé, la dépendance au jeu, conséquence indirecte de la peine, absence de préméditation, âge du délinquant, regrets et remords, la planification, meurtre ou accident, dédommagement, violence envers le délinquant, absence de lien avec le crime organisé, première infraction, absence de facteur aggravant. Les circonstances aggravantes sont : peine maximale, absence de facteur atténuant, infraction plus sérieuse, condamnations antérieures, conduite de la défense, violence, absence de remords, absence de récidive depuis l’infraction, conscience du délinquant de sa toxicomanie, abus de confiance, crimes postérieurs, probation, dissimulation, règle de Coke, organisation criminelle, omission de porter secours, le décès-élément essentiel de l’infraction, fraude, policiers, conséquences sur les victimes, mode de poursuite, trafic de drogues dans un établissement correctionnel, risque de récidive. Guy COURNOYER et Gilles OUIMET, Code criminel annoté 2018, Cowansville, Éditions Yvon- Blais, 2017, p. 1578-1579.

au statut de la victime. On y compte les infractions qui sont motivées par des préjugés sur des facteurs de discrimination, puisque ces crimes vont à l’encontre de nos valeurs d’une société pluraliste et multiculturelle181, et des infractions qui constituent un mauvais traitement du

conjoint du délinquant ou encore le mauvais traitement d’un mineur. Dans ces cas, la peine devrait mettre l’accent sur la dénonciation et la dissuasion.182 Il y a les circonstances en lien

avec la situation personnelle de la victime, les infractions qui ont une importance sur la victime en raison de son âge (plus particulièrement les personnes âgées183) ou tout autre élément de sa

situation personnelle. Il y a aussi les circonstances en lien avec le crime organisé, lorsque l’infraction est au profit de ce dernier, et les infractions en lien avec le terrorisme. Enfin, le juge devra tenir compte de si l’infraction a été commise pendant que le délinquant était en sursis ou en ordonnance de probation, ou autres conditions du genre.

Pour ce qui est des circonstances qui découlent de la jurisprudence, nous notons particulièrement le plaidoyer de culpabilité et l’absence de procès, ces deux facteurs interpellant souvent la clémence des tribunaux184. Ils auront toutefois des répercussions sur les

victimes, c’est ce que nous aborderons dans la section sur le plea bargaining. La gravité des atteintes à l’intégrité physique et psychologique de la victime et de ses proches est aussi souvent retenue par les juges185. Les juges la prennent en considération nonobstant la présence

d’une déclaration de la victime. Le tribunal ne peut pas défaire ce qui a été fait et réparer les torts causés, mais il doit tout de même en tenir compte dans son évaluation186. Enfin, le tribunal

doit aussi se préoccuper des dommages et conséquences matérielles de l’infraction pour la victime, ce qui militera également pour une peine plus sévère.

181 R. c. Woodward, 2011 BCCA 251 ; R. c. Gray, 2013 ABCA 237. 182 H. PARENT et J. DESROSIERS, préc., note 167, p. 62 et 67. 183 Id, p. 78.

184 R. c. Deng, REJB 2003-49611 (C.A.) ; R. v. Padzer, 2016 ABCA 209. 185 R. c. Lacasse, 2015 CSC 64.

Enfin, d’autres circonstances sont aussi souvent prises en compte : la préméditation d’un crime, la médiatisation d’un procès, l’usage de la violence, les antécédents judiciaires, la fréquence des infractions dans le temps, les remords, les troubles mentaux et les abus de substances, le mode de vie du délinquant, les risques de récidives, la collaboration avec la justice et le pardon de la victime.

3.3.2.2 Les autres facteurs de 718.2 C.cr.

Parmi les autres facteurs, on compte le principe d’harmonisation des peines. Il s’agit de l’harmonisation des peines entre elles pour des crimes qui sont semblables. Ce principe doit être en synergie avec le principe de proportionnalité et doit être utilisé de façon cohérente : « L’individualisation et l’harmonisation de la peine doivent être conciliées pour qu’il en résulte une peine proportionnelle »187. Toutefois, le principe de parité ne vient pas établir que des

peines identiques doivent toujours être données. Il doit être interprété avec souplesse et c’est dans leur ensemble que les peines doivent être cohérentes188.

Il y a aussi le principe de la totalité des peines. Lorsque le juge détermine si les peines seront consécutives ou concurrentes, il devra s’assurer que le cumul des peines n’est pas disproportionné. Puis le principe de la diminution du recours à l’emprisonnement, nous devrions, autant qu’il est possible, limiter le recours à l’emprisonnement189. Dans les dernières

décennies, des études ont démontré que le recours à l’incarcération n’est pas la meilleure solution, ni pour l’accusé, la victime ou l’État. Il engendre des coûts astronomiques, n’a pas les effets escomptés pour la diminution de la récidive et, enfin, il empêche l’accusé de réparer ses torts190. « Aux termes de l’article 718.2d) du Code criminel, le tribunal qui impose une peine à

187 R. c. Lacasse, préc., note 173 ; H. PARENT et J. DESROSIERS, préc., note 167, p. 204. 188 R. v. King, 2013 ONCA 417 ; Costa c. R., 2015 QCCA 1000 ; R. v. Bhatti, 2016 ONCA 769.

189 Des études démontrent en effet que pour plusieurs types d’infractions et de délinquants le recours à

l’emprisonnement ne serait pas adéquat. H. PARENT et J. DESROSIERS, préc., note 167, p. 216.

190 Paul GENDREAU, Claire GOGGIN et Francis T. CULLEN, L’incidence de l’emprisonnement sur la récidive,

Ottawa, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 1999, en ligne :

https://www.securitepublique.gc.ca/cnt/rsrcs/pblctns/ffcts-prsn-sntncs-rcdvsm/ffcts-prsn-sntncs-

un délinquant « a l’obligation, avant d’envisager la privation de la liberté, d’examiner la possibilité de sanctions moins contraignantes lorsque les circonstances le justifient ». C’est le principe de « retenue judiciaire » ou de « modération dans le recours à l’emprisonnement » ».191

Enfin, ce qui devrait guider le juge est l’examen des peines substitutives, plus particulièrement dans le cadre des délinquants autochtones. Cet aspect est très intéressant, mais étant un sujet complet en soi, nous ne l’aborderons pas davantage ici. Il est cependant important de mentionner qu’il y a à même notre système de droit pénal d’autres options qui militent parfois en la participation de la victime, tels les cercles de sentences autochtones et certaines peines dans le système juvénile de justice pénale.

La détermination de la peine est sans doute l’étape qui tient le plus compte de la victime. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit surtout de rétablir la justice pour la société dans son ensemble et d’octroyer une peine juste au délinquant :

« Toute cette analyse sur les principes régissant la détermination de la peine au Canada nous a montré combien celle-ci était étroitement liée à la notion de « justice » en droit criminel. De « justice » tout d’abord, par rapport à la détermination de la peine, puisque « les tribunaux doivent donner au délinquant exactement la peine qu’il mérite ni plus ni moins ». En effet, « la détermination d’une peine juste et appropriée est un art délicat », écrit le juge Lamer dans l’arrêt C.A.M. C’est un art « où l’on tente de doser soigneusement les divers objectifs sociétaux du délinquant et aux circonstances de l’infraction, tout en ne perdant jamais de vue les besoins de la communauté et les conditions qui y règnent. » ».192

Il ne faut toutefois pas pour autant rejeter les principes de détermination de la peine qui sont essentiels dans une société de droit. De plus, des efforts ont été faits pour donner une voix à la

alternatives à l’incarcération, Québec, Groupe de défense des droits des détenus de Québec, 2007,

en ligne : < https://www.alterjustice.org/doc/alternatives_incareration.pdf >.

191 H. PARENT et J. DESROSIERS, préc., note 167, p. 217. 192 Id, p. 228.

victime lors de cette étape, en plus de ce qui est énoncé à la loi comme principe ; il s’agit de la déclaration de la victime.