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Les détracteurs d’une plus grande participation des victimes

4.3.1 Une menace pour notre système de droit

Une des idées les plus véhiculées par les détracteurs d’une plus grande place de la victime dans le cadre du procès pénal est que cette place se fera au détriment des droits de l’accusé277. C’est

272 Jo-Anne WEMMERS, Marie MANIKIS et Diana SITOIANU, « Le dédommagement dans le contexte de la

justice pénale », dans Réseau de la justice pour les victimes, CICC, Juin 2017, p.2

273Charte canadienne des droits des victimes, préc., note 1, art. 16. 274 Art. 737 et suiv. C.cr.

275Jo-Anne WEMMERS, préc. note 272, p.4, R c. Fitzgibbon, [1990] 1 RCS 1005

276 En effet, la victime devrait faire enregistrer le jugement au niveau civil pour qu’il devienne exécutoire

et avoir un recours en cas de défaut de paiement. Jo-Anne WEMMERS, préc. note 272, p.1

277 Carolyn HOYLE, « Empowerment through Emotion : The Use and Abuse of Victim Impact Evidence »

encore une fois opposer deux acteurs qui ne devraient pas l’être. Accorder une plus grande place à la victime ne doit pas être fait au détriment de l’accusé, c’est une évidence. Tous nos principes de droit les plus profondément ancrés tournent autour de la présomption d’innocence. Le corolaire de ce principe, comme nous l’avons réitéré à maintes reprises, est la protection de l’accusé et de ses droits. Seul face à l’État et à son pouvoir immense, l’accusé doit être protégé. Protéger la victime restreint-il automatiquement les droits de l’accusé? Non, du moins ça ne devrait pas et, par conséquent, l’inverse non plus. Ils sont intimement liés certes, mais ce sont deux acteurs distincts, deux personnages avec leurs particularités. Par conséquent, nous devrions les traiter comme ils le sont, c’est-à-dire des personnes à part entière avec autant de droits l’une que l’autre, tout en respectant leurs particularités et leur statut distinct devant l’État. C’est d’ailleurs ce dernier qui doit faire une place aux victimes tout en s’assurant de ne pas retirer de droits aux accusés. D’autre instance comme déjà observé, ont fait une place à la victime et cela ne s’est pas fait au détriment de l’accusé. C’est le cas notamment de la Cour Pénale Internationale : « La transformation de la justice à la CPI ne consiste ni à restreindre des droits, ni à transférer le pouvoir décisionnel, mais bien à donner un droit de parole aux victimes au cours du déroulement de la procédure criminelle.278 » Le but n’est pas de retourner en

arrière, mais de progresser, de suivre l’évolution de la société tout comme cela a été fait pour protéger l’accusé, mais cette fois, sans mettre aucun des acteurs de côté. Penser notre système de droit pénal en vase clos comme il a longtemps été ne fait plus de sens aujourd’hui. Le droit pénal doit être considéré comme un système englobant à la fois la victime, l’État et l’accusé, tout en demeurant efficient et efficace.

Victim Participation in Justice, International Perspectives, Durham, Carolina Academic Press, 2011, p.

249, à la page 270.

278 Jo-Anne WEMMERS, Victimologie, Une perspective canadienne, Montréal, Presse Université du

4.3.2 Le procès, forum inadéquat pour répondre aux attentes des victimes

Le procès pénal est-il le forum adéquat pour répondre aux attentes des victimes ? Certains auteurs279 s’accordent pour dire qu’octroyer une plus grande place à la victime n’est pas

possible ni souhaitable. Le système de droit n’est pas le lieu pour répondre aux besoins des victimes. Tant mieux si le processus peut être thérapeutique, mais cela ne devrait pas guider les politiques. D’autres domaines et d’autres forums sont plus à même de répondre aux préoccupations des victimes et à leurs besoins, nommément la religion, la sociologie et la psychologie, mais pas le droit280. Il ne faudrait jamais perdre de vue les buts poursuivis par notre

système et, selon certains auteurs, ils sont carrément irréconciliables avec les besoins des victimes : « We should distinguish carefully between the question of what victims need and question of what the legal system ought to provide »281. C’est comme si la victime était un

dommage collatéral au crime et que la gérer dans le cadre du procès était impossible. Ils avancent aussi qu’introduire une troisième partie au débat le déséquilibrerait et ralentirait les procédures. De ce fait, l’accusé serait brimé de son droit d’obtenir un procès juste et équitable282.

Cela tient aussi à notre système, plus globalement, qu’au procès. En effet, prenons par exemple le besoin de réparation. Dans notre système, où se côtoient le droit civil et la common law, nous avons laissé le soin au droit civil de réparer les gens lorsqu’ils subissent un dommage. Il serait déraisonnable d’introduire une troisième partie qui serait, elle aussi, contre l’accusé. La défense devrait alors faire face à la fois à l’État, qui cherche à sanctionner le crime commis, et à la victime, qui elle cherche à être dédommagée283. D’autant plus que, théoriquement, rien

279 B. VAN STOKKOM, « Victims’ Needs, Well-Being and ‘Closure’: Is Revenge Therapeutic? », dans Edna

EREZ, Michael KILCHLING et Jo-Anne WEMMERS (dir.), Therapeutic Jurisprudence and Victim

Participation in Justice, International Perspectives, Durham, Carolina Academic Press, 2011, p. 207.

280 Id., p. 210. 281 Id.

282 Pauline LAMAU, La place de la victime dans le procès pénal, mémoire de maîtrise, Paris, Faculté de

droit, Université Panthéon-Assas (Paris II), p.156.

n’empêche la victime d’intenter un recours pour les dommages subis à la suite d’un crime et de poursuivre son présumé agresseur. Dans ce cas, le forum adéquat d’un procès, s’il en est un, serait le procès civil en dommages. Dans les faits, il ne s’agit pas d’une situation courante. La victime étant vulnérable et déjà éprouvée par tout ce qu’elle a subi ne pourra ou ne voudra pas se lancer dans un autre processus judiciaire. Sans compter les frais que cela engendre pour les victimes qui, au final, bien que l’accusé soit trouvé responsable du préjudice qu’elles ont subi, pourraient être insolvables.

Enfin, il y a ceux284 qui avancent que le système pénal pourrait nuire au processus de guérison

des victimes avec, entre autres, la seconde victimisation, mais aussi le besoin de reconnaissance. Le procès pénal n’est pas là pour donner tort ou raison à la victime. Il est là pour déterminer si l’accusé a commis hors de tout doute raisonnable le crime pour lequel il est accusé. Le fait que l’accusé soit acquitté ne veut pas dire que le juge n’a pas cru la victime, mais qu’un doute raisonnable subsiste quant à la culpabilité de l’accusé. Cette nuance peut être difficile à percevoir pour la victime et, assurément, le procès n’est pas le forum adéquat pour son besoin de reconnaissance. Par conséquent, il est louable de penser que le procès est une étape, mais qu’il ne devrait pas faire partie du processus de guérison de la victime. Cela devrait peut-être se faire parallèlement, elles devraient chercher de l’aide ailleurs et trouver le moyen de répondre à leurs besoins à d’autres niveaux. Avec respect, nous ne sommes pas de cet avis. En effet, le but premier du procès pénal dans notre système de justice n’est pas de répondre aux besoins des victimes, mais cela n’empêche pas qu’il puisse le faire. D’ailleurs : « At current date, although victims often seek emotional and physical healing for their trauma outside the courts, the justice system is still the primary avenue for the victim to experience resolution. So, the legal system largely defines the role of the victim in healing and in punishment »285

284 Tant du côté des acteurs œuvrant avec les victimes que du côté de la communauté juridiques ont

retrouvent des réticences. Par exemple, pour certain il y a une réticence face à la justice réparatrice pour ne pas imposer des contacts entre la victime et son agresseur. On peut alors facilement supposé qu’être présent lors du procès signifie la même chose. Jo-Anne WEMMERS., préc., note 230, p.248

285 Lori CARROLL, « Restoring the weak and the victimized » dans The international journal of

Ce processus est trop intimement lié à leur processus de guérison pour être traité parallèlement. Plusieurs petites et grandes initiatives peuvent être apportées, comme nous le verrons plus loin dans cette section, sans déroger à nos principes fondamentaux, mais qui répondront à certains besoins des victimes et participeront à faire une optimisation de notre système. Le changement fait souvent peur même s’il est pour le mieux, mais nous sommes persuadés qu’oser serait la meilleure solution pour tous.

4.4 Les dangers reliés à la position actuelle de la victime pour notre