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Philippe Landry, Georges-Antoine Larue et Joséphine Delphine Lavigne Roy, à la

1.1 Le portrait des propriétaires de l’Asile de Beauport : l’histoire de trois générations

1.1.3 Philippe Landry, Georges-Antoine Larue et Joséphine Delphine Lavigne Roy, à la

La troisième génération des propriétaires de l’Asile de Beauport prit place d’abord en 1880, année où le Dr Jean-Étienne Landry confia ses parts dans l’Asile à son fils Philippe Landry et à son gendre le Dr Georges-Antoine Larue. Cet exemple témoigne d’un changement pour le moins important avec la troisième génération de propriétaires de l’Asile de Beauport, qui est issu du milieu familial et non d’un milieu professionnel ou institutionnel précis, comme ce fut le cas pour les deux premières générations. Pour cette raison, nous qualifions cette troisième génération comme étant celles des héritiers.

Le premier d’entre eux est le fils ainé du Dr Jean-Étienne Landry, Philippe Landry. Il fit ses études classiques au Séminaire de Québec, entre 1857 à 1866, pour ensuite compléter le programme d’étude à l’École d’agriculture de Saint-Anne-de-la-Pocatière en un an seulement. Doué pour l’élocution et l’écriture, il accordait une place importante à la religion et à sa patrie. Après ses études, il rejoindra son père lors de la création du Cercle catholique

Figure 7 - Les propriétaires de l’Asile de Beauport, en partant de la gauche, Philippe Landry, le Dr Georges-Antoine Larue et Joséphine Delphine Lavigne Roy

Source : Portrait de Philippe Landry, chevalier de l'Ordre de Saint-Grégoire, BAnQ-Q, Fonds Famille Landry, P155,S1,SS1,D72, Docteur Georges-Antoine Larue, Fonds Famille Landry, P155,S1,SS2,D5, et Musée de la civilisation et Joséphine-Delphine Roy : une femme d’exception immortalisée par Wickenden, Musées de la civilisation, 2012. http://blogues.mcq.org/blog/2012/02/22/josephine-delphine-roy-une-femme-dexception- immortalisee-par-wickenden/, consulté le 3 janvier 2016.

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de Québec en 1876. Très impliqué dans son milieu, il partagea son temps entre l’agriculture et la politique. Parmi certaines de ses réalisations, il devint président de la Société d’agriculture de Montmagny, poste qu’il occupera de 1878 à 1894 et de 1897 à 1905. Quant à sa carrière politique, après deux échecs sur la scène provinciale, Landry fut élu comme député en 1878 dans le comté de Montmagny sous la bannière du parti conservateur. En 1880, son père lui lègue 25% des parts de l’Asile de Beauport, puis à sa mort en 1884, Jean-Étienne Landry lègue à son fils, la somme impressionnante pour l’époque de 100 000$. Cette situation le met dans une position délicate auprès des libéraux fédéraux, qui l’accusent d’utiliser les revenus de l’Asile pour financer le Parti conservateur. En 1893, lorsqu’il vendit ses parts de l’Asile de Beauport aux Sœurs de la Charité de Québec, Landry améliora grandement sa situation financière et poursuivit sa carrière professionnelle dans les domaines de l’agriculture et de la politique. Cette dernière fut particulièrement importante pour Landry nommé sénateur depuis 1891, puis président du Sénat en 1911.

Aux côtés de Philippe Landry, nous retrouvons le jeune médecin Georges-Antoine Larue. Ce que nous connaissons de ce médecin qui pratiqua la médecine dans le comté de Portneuf provient de l’histoire de la famille Landry. En effet, le Dr Larue prit pour épouse, en 1872, la fille du Dr Jean-Étienne Landry, Caroline-Cécile Landry. Lorsque le Dr Jean-Étienne Landry décida en 1880 de léguer une partie de ses parts de l’Asile d’aliénés à son fils Philippe Landry; le Dr Larue, son gendre, hérita quant à lui du sixième des possessions du Dr Landry.

La dernière copropriétaire de l’Asile de Beauport fut l’épouse du défunt Dr François- Elzéar Roy, Joséphine Delphine Lavigne Roy. Née en 1841 au Vermont, elle y passa la majeure partie de son enfance. Plus tard, elle arriva à Québec où elle fit ses études chez les Ursulines. En 1864, elle se maria au Dr François-Elzéar Roy. À sa mort en 1887, son mari lui légua la totalité de ses parts dans l’Asile de Beauport, ce qui représentait alors la moitié de la valeur totale de l’Asile104. Après la vente de l’Asile réalisée auprès des Sœurs de la

Charité de Québec en 1893, Lavigne Roy profita d’une situation financière favorable pour

104 Paiement du prix de l’asile de Beauport, Journal de l’Assemblée législative, 57 Vict., Chapitre VIII, p. 52 à 67, sanctionné le 8 janvier 1894.

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voyager en Europe et en Afrique. Lorsqu’elle était de retour à Québec, elle passait, semble- t-il, la majeure partie de son temps avec sa famille105.

Philippe Landry, George-Antoine Larue et Joséphine Delphine Lavigne Roy furent aux premières loges lors de la vente de l’Asile de Beauport aux Sœurs de la Charité de Québec en 1893, pour la somme de 425 000$. Le quart de sa valeur étant attribué à une dette hypothécaire de 98 000$; un montant total de 327 000$ leur fut payé annuellement sur une période de 60 ans, montant divisible entre les trois propriétaires de 18 600$106.

À la suite du départ des trois derniers propriétaires de la troisième génération identifiée ici, deux médecins autrefois présents dans l’entourage immédiat de l’Asile de Beauport demeureront et prendront en charge le relais médical de cette institution. Le Dr Charles Salluste Roy, neveu du Dr François-Elzéar Roy, vouera une grande partie de sa carrière au soin des aliénés. Diplômé en médecine de l’Université Laval en 1881, il sera employé tout juste l’année suivante à titre de médecin interne de l’Asile de Beauport. Il demeura en poste à l’Asile avant d’en devenir le surintendant médical de 1923 à 1946107.

Également présent dans l’univers asilaire de Beauport depuis 1879, le Dr Arthur Vallée en devient une figure marquante autant avant qu’après la vente de l’Asile en 1893. Diplômé du Collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière en 1868, il entreprit ses études en médecine à l’Université Laval où il obtint son diplôme en 1873. Il partit ensuite plusieurs mois en Europe afin de parfaire sa formation et ses connaissances, comme le firent d’autres de ses collègues à la même époque. Il fut nommé en 1879 médecin visiteur du gouvernement, avant d’être nommé en 1885 surintendant du bureau médical rattaché à l’Asile de Beauport. Il s’investit aussi dans le domaine de l’enseignement à la Faculté de médecine de l’Université Laval où

105 Sonia Mimeault, Joséphine-Delphine Roy : une femme d’exception immortalisée par Wickenden, Musée

de la Civilisation, 2012. http://blogues.mcq.org/blog/2012/02/22/josephine-delphine-roy-une-femme-

dexception-immortalisee-par-wickenden/, consulté le 5 août 2016.

106 Document de la session, Paiement du prix de l’asile de Beauport, Vict. 57, Ch. 8, sanctionné le 8 janvier 1894.

107 Guy Grenier, 100 ans de médecine francophone: histoire de l'Association des médecins de langue

française du Canada, Éditions MultiMondes, 2002, p. 71.

Beauport, « À la faveur d’un centenaire, une porte close s’entr’ouve. 1849-1949 À l'occasion du centenaire de fondation de leur Institut à Québec les Soeurs de la Charité de l'Hôpital St-Michel-Archange offrent respectueusement cet album souvenir », Québec, Tremblay et Dion, 1949, p.12.

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il fut professeur de médecine légale de 1881-1885 et de toxicologie et tocologie l’année suivante. À la suite de la vente de l’Asile en 1893, il en fut nommé surintendant médical. En 1898, Vallée devint président de la Société médico-psychologique de Québec. Durant sa surintendance à l’Asile de Beauport, il s’appliqua à effectuer plusieurs changements dont l’un des plus notables fut d’y introduire un enseignement sur les maladies mentales et nerveuses en collaboration avec la Faculté de médecine de l’Université Laval en 1899. Il s’impliqua aussi dans le milieu littérature et dans la vie culturelle notamment comme président de l’Institut canadien de Québec entre 1878 et 1880.

Ce portrait général de la troisième génération des

propriétaires de l’Asile de Beauport diffère de ce que nous avons vu avec les deux premières, tant sur le plan professionnel, qu’institutionnel108. D’abord membre d’une élite médicale

anglophone à Québec, puis franco-catholique, présente dans le développement des principales institutions médicales de la ville, la troisième génération du corpus étudié est pour le moins restée discrète quant à son implication dans le domaine médical. Ainsi, mis à part le Dr Larue, la troisième génération n’a que peu de liens avec la tenue d’un asile d’aliénés ou le domaine médical qui s’y rattache. Les propriétaires de la troisième génération ne sont désormais plus à la tête d’un réseau d’institutions médicales de premier plan dans la ville. Le lien entre l’appartenance à une élite médicale et la propriété de l’Asile de Beauport s’est brisé lors de la troisième génération au profit de leur appartenance au même réseau familial que la seconde génération. À la lecture de ces résultats, nous faisons le constat que l’Asile de Beauport devint, de la deuxième à la troisième génération, une affaire de famille.

108 Voir Tableau 2 et 3 (p. 34 et 43). Contrairement aux deux premières générations, nous n’avons pas réalisé un tableau des affiliations professionnelles pour la troisième génération, puisqu’aucune case pour cette dernière n’aurait été comblée.

Figure 8 - Dr Arthur Vallée

Source: Arthur Vallée. BAnQ-Q. Fonds J. E. Livernois Ltée, P560,S2,D1,P1208.

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Ce pourrait-il que la transmission de la direction de l’Asile de Beauport à des membres de sa famille plutôt qu’à d’autres éminents médecins découle d’une baisse d’intérêt pour la valeur et le rôle médical d’une telle institution ? Selon l’héritage de chacun des propriétaires, il est possible de constater que l’investissement des Drs Douglas, Morrin et Frémont leur fut profitable, ainsi qu’à ceux qui leur succédèrent. En effet, l’Asile de Beauport prit sans cesse de la valeur au cours de la période étudiée avant d’être vendue pour la somme faramineuse de 425 000$ en 1893, et ce, à une congrégation religieuse charitable, avec l’intervention de l’État provincial visant à contrôler, voire à diminuer, les coûts d’opération. Connaissant les possibilités financières de l’Asile de Beauport, est-ce que les Drs Jean-Étienne Landry et François-Elzéar Roy cherchèrent à faire profiter cette entreprise lucrative à leurs héritiers ? Du moins, c’est ce qui semble en partie ressortir de l’histoire des trois générations de propriétaires. Posons maintenant notre regard sur le contexte spécifique qui pourrait expliquer comment l’Asile de Beauport ait pu être une telle mine d’or pour ses propriétaires.

1.2 L’Asile de Beauport : une entreprise lucrative au service d’une élite