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Du manoir au domaine, l’évolution de l’Asile de Beauport

3.1 Le cadre physique

3.1.1 Du manoir au domaine, l’évolution de l’Asile de Beauport

Les premiers malades admis entre le mois de septembre 1845 et l’année 1850 le furent à l’intérieur de l’ancien manoir seigneurial de Robert-Giffard, premier médecin de la Nouvelle- France et premier seigneur de Beauport.

Figure 9 - Le manoir de Robert Giffard vers 1870

Source : Beauport - Avenue Royale - Manoir Robert Giffard - Domaine Darnoc – Résidence, L.P. Vallée, Portrait and Landscape photographer, vers 1870, BAnQ-Q, P600,S6,D2,P52.

238 Selon l’évaluation réalisée par J. F. Peachy et F. X Berlinguet, l’Asile de Beauport, ainsi que tous les bâtiments et dépendances construits, travaux, ornements, chemins et autres installations auraient atteint une valeur de 496 154$ en 1892. Journaux de l’Assemblée législative, Paiement du prix de l’asile de

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Achetée du colonel Gugy M. P. P., cette bâtisse affichait, selon les dires des propriétaires de l’époque, les dimensions suivantes :

La grande bâtisse était susceptible d’être préparée de manière à y loger 120 patients avec les gardiens nécessaires. Les appartements consistaient, en un réfectoire en commun de 40 sur 21 pieds ; un corridor pour les hommes de 108 sur 12, ayant d’un côté, plusieurs chambres à coucher contenant en tout 40 lits, et au-dessus, un grand dortoir contenant 24 lits. Les femmes occupaient une extrémité formant une aile à la bâtisse. Elles avaient à leur usage une salle de 36 sur 18, un autre appartement pour y travailler de 40 sur 20, et cinq chambres à coucher contenant 40 lits239.

La population asilaire augmenta rapidement, de sorte qu’en 1848, déjà 153 patients étaient entretenus dans le bâtiment temporaire. Des constructions furent entreprises durant l’année 1849 et en avril 1850, les patients furent transférés dans ce qui devint le premier asile permanent du Bas-Canada, le Beauport Lunatic Asylum. Construit sur le site actuel de l’IUSMQ, CIUSSS de la Capitale, à deux miles et demi (4,02 km) de Québec, le nouveau bâtiment permit d’aménager convenablement 175 malades. Dans leur rapport de 1851, les propriétaires expliquent les dimensions du nouveau bâtiment :

Le front de l’édifice, y inclus les ailes, mesure 486 pieds. Cette bâtisse est à deux étages, avec rez-de-chaussée et mansarde. Le rez-de-chaussée est occupé par les cuisines, dépenses, caves et fournaises. Le premier étage comprend les bureaux des médecins et du surintendant ; un réfectoire de chaque côté de 40 pieds sur 40, un corridor ou salle de récréation, de 130 pieds sur 20, avec chambres à coucher, chambres de bains et lavoirs. Le second étage se compose, de chaque côté, d’une salle à manger et de corridors de 80 pieds sur 20 ; le reste de cet étage se divise en chambres à coucher et dortoirs. Les mansardes sont divisées en chambres de travail spacieuses sur le devant, et en chambre à coucher en arrière, dans chacune des ailes. Les cellules sont situées à l’extrémité des ailes, et consistent en quatre salles de récréation et 32 chambres à coucher240.

Malgré ces récents agrandissements, la population asilaire dépassa rapidement celle qui avait été fixée à 175. Seulement deux ans après l’ouverture du Beauport Lunatic Asylum, sa population atteignit 210 patients. Le 2 février 1854, un incendie ravagea complètement l’aile ouest du bâtiment où étaient logées les femmes. Celles-ci furent admises à l’Hôpital de la Marine et des Émigrés en attendant que soit construit un nouveau bâtiment. Au mois de mai, elles furent amenées dans un établissement adjacent à l’Asile. Ce bâtiment appartenant à O. L. Richardson, Ecr., fut acheté par les propriétaires et l’aile détruite par les flammes fut reconstruite plus tard.

239 Rapport annuel sur le service de l’Asile de Beauport, 1849, p.11. 240 Rapport annuel sur le service de l’Asile de Beauport, 1851, p.35-36.

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Figure 10 - Beauport Lunatic Asylum vers 1850

Source : À la faveur d'un centenaire, une porte close s'entrouvre. Album-souvenir, Québec Sœurs de la Charité de l'Hôpital Saint-Michel-Archange, 1949, non paginé.

Des changements furent aussi faits à l’aile est et un petit bâtiment de 45 pieds sur 25 fut construit derrière l’Asile afin d’y installer une cuisine au rez-de-chaussée. Le second étage servit de dortoir pour les serviteurs. Le bâtiment principal subit des agrandissements afin d’accorder plus d’espace pour les malades, la buanderie et l’usine. Ces travaux permirent d’augmenter la capacité de l’Asile qui logea à la fin des années 1850 près de 400 malades et 45 serviteurs241. Des travaux importants furent réalisés en 1863 et 1864. La partie centrale

du bâtiment fut modifiée, ornée d’une coupole et deux pavillons de grandes dimensions furent ajoutés. En 1864, les propriétaires firent bâtir une nouvelle construction destinée aux hommes sur le même terrain242 ; le bâtiment principal fut réservé aux femmes. Ces nouvelles

dispositions permirent d’accueillir près de 800 malades dès 1872-1873. La propriété comportait aussi plusieurs bâtiments, telle une villa recevant les malades convalescents, une ferme spacieuse y incluant un atelier de menuiserie, de cordonnerie, de tailleurs, une buanderie, une forge et une usine à gaz.

241 Ainsi nomme-t-on les membres du personnel à l’Asile de Beauport. Rapport annuel sur le service de l’Asile

de Beauport, 1858, p. 62 à 64.

242 Une description complète de ce bâtiment a été faite par Zéphirin Tassé, inspecteur des asiles, prisons, etc. dans le rapport annuel de 1865. Voir: “Fifth Annual Report of the Board of Inspectors of Asylums, Prisons &c”, Sessional papers, 29 Vict., No. 6, 1865.

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En 1875, un terrible incendie détruisit l’aile ouest et la partie centrale du bâtiment principal. Rapidement, cette partie fut reconstruite et à la suite de ces constructions, quelques bâtisses furent ajoutées pour répondre aux besoins croissants de l’Asile. À son apogée, les propriétaires laïques de l’Asile de Beauport possédèrent un terrain couvrant 270 arpents, dont 233 furent utilisés pour la grande culture, le reste étant occupé par les différents bâtiments243.

Figure 11 - Peinture de Charles Huot représentant l’Asile des aliénés de Québec en 1873

Source : Archives Institut universitaire en santé mentale de Québec, CIUSSS de la Capitale, vers 1873.

Les plans des deux bâtiments244 illustrent le changement important du milieu de vie des

patients qui, d’un ancien manoir seigneurial, vécurent dans l’un des deux bâtiments principaux pouvant loger un peu plus de 1000 patients et 120 serviteurs245. En plus des salles

communes de jour, réfectoires, dortoirs, infirmeries et secteurs de cellules présents dans les deux bâtiments, celui des femmes accueillait aussi les bureaux de travail des autorités de l’Asile, les propriétaires, le préfet, et le médecin interne. On y retrouvait aussi une salle de billard, une bibliothèque, une salle pour le tricot, le logement du chapelain, une chapelle catholique et une sacristie, une chapelle protestante, ainsi que des salles de couture. Chez les hommes, on retrouvait au sous-bassement les différents ateliers utilisés dans le

243 Rapport de la commission royale d’enquête sur les asiles d’aliénés, p. 20. 244 Plan de l’aile des hommes et des femmes reproduit à l’annexe 9, p. 188 à 197.

245Québec, Québec, E104, Déposition de l’aumônier Jean-Baptiste Zacharie Bolduc devant la Commission royale d'enquête, Témoin B, le 29 novembre 1887, p.3.

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fonctionnement de l’Asile. Des salles étaient aménagées pour le tailleur, le cordonnier, le boulanger, le peintre, le cuisinier et d’autres servaient pour le rangement. Les patients firent leur entrée dans ce nouvel environnement qu’est l’Asile à cette époque, soit un immense domaine246 qui allait devenir une authentique municipalité en 1897247.