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Phases et transitions dans l’étude des technologies en situation réelle

2. CADRE THEORIQUE : PANORAMA DES APPROCHES DE LA RELATION

2.5. L ES PARCOURS PSYCHO TECHNOLOGIQUES OU LA RELATION HUMAIN

2.5.1. Phases et transitions dans l’étude des technologies en situation réelle

De nombreuses études que nous qualifierons d’empiriques, relèvent du domaine pédagogique et utilisent le plus souvent les concepts issus de l’approche systémique. Tout d’abord, Bibeau (2008) s’intéresse à l’adoption d’une nouvelle technologie par les enseignants dans leur activité professionnelle d’enseignement. Suite à de longues années de recherches et d’analyse de la littérature sur le sujet, il propose un processus en 4 phases suivant l’évolution du système « école » :

− Dans la première phase, le système est en équilibre. Tous les acteurs exécutent leur rôle normalement. Si ce n’est pas le cas, le système est critiqué et on songe à le modifier.

− Compte tenu des insuffisances, des dysfonctionnements, des innovations perturbatrices (les nouvelles technologies) sont introduites. Elles provoquent un bouleversement brutal de l’équilibre du système.

− En réaction à ces perturbations, le système « école » peut envisager différentes pistes qui vont conduire ou pas à l’intégration de ces éléments perturbateurs :

− Rejeter la nouveauté pour maintenir l’ancien équilibre, même s’il peut-être considéré comme fluctuant et insatisfaisant.

− Si le rejet ne fonctionne pas, le système va essayer d’intégrer la nouveauté mais en employant des techniques de limitation des perturbations engendrées ; c'est-à-dire de façon parcellaire en tentant de réduire au maximum son efficacité. Dans le cas présent, les enseignants vont certes utiliser la technologie, mais en conservant leurs anciennes pratiques professionnelles.

− Si les techniques précédentes de rejet ou d’intégration ne fonctionnent pas, le système « école » tente d’assimiler la nouveauté et de recréer un nouvel équilibre systémique qui comprendra alors une modification plus profonde des pratiques des individus qui le composent.

Bibeau (2008) envisage ces étapes de manière séquentielle avec des changements possibles des rythmes d’évolution. Enfin, précision importante, pour lui, tant qu’un équilibre systémique n’est pas atteint, le système est toujours en phase d’intégration et non d’assimilation qui est l’aboutissement du processus.

A la suite de nombreux auteurs (Sandholtz, Ringstaff, & Dwyer, 1997 ; Ertmer, Addison, Lane, Ross et Woods, 1999) qui soulignent que l’introduction d’une TIC est un phénomène évolutif, comprenant différentes étapes allant de la non-utilisation à l’utilisation exemplaire, Moersch (2001) a abordé l’introduction des nouvelles technologies à l’enseignement mais en utilisant cette fois un abord beaucoup plus individuel. Plus précisément, il se centre sur les stades vécus par un enseignant qui intègre une TIC à son enseignement. Pour cela, il a développé un outil de mesure du niveau d’implantation des TIC en classe, qu’il nomme LoTi, c'est-à-dire, Levels of Technology Implementation. Il propose un modèle en sept niveaux, allant de la non- utilisation (0) au perfectionnement (6). Ce modèle a l’intérêt de faire le lien entre les technologies utilisées, la manière dont elles sont envisagées et les pratiques pédagogiques des enseignants. Les sept niveaux sont les suivants :

− 0 – Non utilisation : la personne perçoit essentiellement les freins liés à l’usage (manque d’accessibilité et de temps).

− 1 – Sensibilisation : la personne utilise des TIC sans réellement changer ses pratiques. Elles sont détachées de son enseignement ou encore utilisées dans des tâches qui ne sont pas centrales dans ses pratiques.

− 2 – Exploration : l’enseignant commence à lier les TIC à sa pratique en les utilisant par exemple comme complément à son enseignement (exercice, renforcement des acquis).

− 3 – Infusion : l’enseignant commence à lier son enseignement et les TIC plus intimement en intégrant les TIC de manière ponctuelle et isolée dans certaines activités pédagogiques. Dans ce cas, les TIC ne sont utilisées que comme support de transmission et de construction des connaissances proposées par l’enseignant.

− 4 – Intégration : Il s’agit d’une étape difficile à franchir. A présent, l’enseignant utilise les TIC dans un contexte d’apprentissage riche autour d’un thème central ou d’un concept. L’auteur différencie alors l’intégration mécanique de l’intégration routinière. Dans l’intégration mécanique, l’enseignant a encore besoin d’une aide extérieure (collègues, experts…) alors que dans la seconde, il est tout à fait indépendant et intègre les TIC de manière plus naturelle.

− 5 – Expansion : Les TIC sont utilisées pour entrer en contact avec le monde extérieur. L’inventivité, la diversité sont encouragés.

− 6 – Perfectionnement : L’enseignant encourage les élèves à utiliser les TIC librement pour résoudre des problématiques réelles en lien avec leurs intérêts, besoins et aspirations. Le programme est centré sur l’apprenant. Il n’y a plus aucune distinction entre l’enseignement et l’utilisation de la technologie en classe.

Dans le cadre du projet « Apple Classrooms of Tomorrow » (ACOT), Sandholtz et al. (1997) ont mené une étude de l’intégration des TIC à l’enseignement sur une durée de 10 ans. Ils proposent également un modèle retraçant les étapes vécues par l’utilisateur principal, à savoir l’enseignant. Ils partagent l’intégration en cinq stades :

− L’entrée : l’enseignant se familiarise avec les TIC placées dans sa classe.

− L’adoption : le moment où l’enseignant décide d’utiliser les TIC

− L’adaptation : il les utilise dans des exercices répétitifs.

− L’appropriation : il transforme ses méthodes d’enseignement afin de favoriser l’acquisition de nouvelles compétences par ses élèves.

− L’invention : les méthodes adoptées permettent d’obtenir le plein potentiel des TIC et donc de développer de nouvelles formes de pensée.

Par rapport au modèle de Moersch, il a une approche plus générale, moins centrée sur des questions de résolution de problèmes. Cependant, il insiste sur le caractère incontournable de la transformation des pratiques de l’enseignant, d’une approche tournée vers l’enseignement à une approche centrée vers l’apprentissage. Raby (2005) y voit une limite en cela que ce modèle ne permet pas d’expliquer l’intégration chez des enseignants novices.

Autre modèle, celui de Morais (2001), définit deux phases distinctes : l’initiation et l’utilisation. Ces phases sont également subdivisées en plusieurs stades. Notamment, l’initiation comprend deux étapes que sont la pertinence puis la peur. Ensuite, Les études traitant

la relation humain- technologie sur un mode temporel envisagent différents stades, avec fréquemment des rétroactions.

l’utilisation comprend trois étapes l’utilisation personnelle, professionnelle et pédagogique. Bien que ce modèle présente l’avantage de sortir les TIC du seul contexte pédagogique, il paraît assez lacunaire puisque toutes les étapes intermédiaires entre la non-utilisation et une utilisation riche et naturelle ne sont pas représentées.

De plus, d’une manière générale, les modèles présentés jusqu’à présent envisagent des étapes totalement distinctes survenant de manière linéaire. Ainsi, ils ne permettent pas de considérer de possibles chevauchements et d’éventuelles interactions entre les différentes étapes.

Tenant compte de ces limites, Raby (2005) a proposé un nouveau modèle. Il comprend quatre stades allant de la non-utilisation (sensibilisation) à l’utilisation exemplaire (utilisation pédagogique) des TIC par un enseignant dans son cadre de travail. Bien entendu, dans le contexte scolaire, cette utilisation optimale sous-entend que le professeur exploite les TIC lors de ses enseignements et amène les élèves à acquérir des compétences transverses (scolaires et relatives aux TIC). Pour pallier la rigidité des modèles présentés précédemment, l’auteur propose un modèle non- linéaire mais plutôt dynamique et cyclique, dont les quatre stades sont eux-mêmes composés d’une à plusieurs étapes :

− Sensibilisation : le contact indirect (contact avec les TIC via le conjoint, les collègues…),

− Utilisation personnelle : la motivation et l’exploration (apprentissage opératoire) – appropriation (lorsque la phase d’exploration est achevée),

− Utilisation professionnelle : les étapes sont les mêmes que pour l’utilisation personnelle,

− Utilisation pédagogique : ce stade est plus complexe puisqu’il comprend cinq étapes :

− La motivation : cela peut être également une contrainte, une obligation issue du cadre professionnel,

− La familiarisation : cette phase varie en durée et en intensité selon la source de motivation et l’expérience antérieure avec les TIC, elle peut même ne pas survenir si l’expérience acquise est suffisante.

− L’exploration : l’enseignement enrichit son enseignement grâce aux TIC (exercices, multimédia…),

− L’infusion : l’élève est encouragé à utiliser les TIC pour construire ses connaissances à partir des enseignements reçus (compétences disciplinaires),

− L’appropriation : les TIC sont utilisés par des élèves dans des tâches de type « projet » sous-entendant un apprentissage actif et coopératif et éventuellement une orientation vers l’extérieur (compétences transverses). L’auteur précise clairement le fonctionnement de son modèle. Ainsi, nous savons que la sensibilisation est toujours le premier stade mais que le second peut varier selon la motivation, la curiosité et/ou le besoin qui poussent l’enseignant vers l’usage. Quel que soit le second stade, tous les stades sont traversés et ce, pas forcément de manière séquentielle. Ainsi, ils peuvent se chevaucher et leur ordre peut être variable.

2.5.2.

L’évolution de la relation à la technique selon la