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2. CADRE THEORIQUE : PANORAMA DES APPROCHES DE LA RELATION

2.4. LA SYMBIOSE OU LES APPROCHES CENTREES SUR L ’ INTEGRATION DES

2.4.1. De l’intérêt de dépasser les clivages entre les trois parties prenantes

2.4.1.2. L’enaction

2.4.1.2. 2.4.1.2.

2.4.1.2. L’enactionL’enactionL’enactionL’enaction

D’une manière générale, la cognition située et distribuée prend peu en considération l’incarnation de l’intelligence humaine, c'est-à-dire le rôle du corps dans les phénomènes cognitifs. L’enaction a développé ce point parmi d’autres en soulignant que la cognition est par essence incarnée. Varela et ses collaborateurs définissent ce terme ainsi : « Par le mot incarnée, nous voulons souligner deux points : tout d’abord, la cognition dépend des types d’expérience qui découlent du fait d’avoir un corps doté de diverses capacités sensori-motrices ; en second lieu, ces capacités individuelles sensorimotrices s’inscrivent elles-mêmes dans un contexte biologique, psychologique et culturel plus large. En recourant au terme action, nous souhaitons souligner une fois de plus que les processus sensoriels et moteurs, la perception et l’action sont fondamentalement inséparables dans la cognition vécue. En effet, elles ne sont pas associées dans les individus par simple contingence ; elles ont aussi évolué ensemble » (Varela, Thomson & Rosch, 1993, p. 234).

L’idée principale de l’enaction est que l’individu et son environnement constituent un système, et que ce système est autonome et opérationnellement clos. Cela signifie qu’il est capable d’exister et de faire émerger quelque chose de signifiant et pertinent sans que ce quelque chose ne soit donné préalablement. Par là même, chaque individu va appréhender l’environnement d’une manière différente en sélectionnant ce avec quoi il va interagir en fonction de ce qui est pertinent (consciemment ou non) pour lui. Par conséquent, l’individu participe à l’émergence d’un environnement signifiant pour lui-même en fonction de ses caractéristiques propres (physiologie, personnalité, compétences, histoire…) en même temps que l’environnement l’influence de par l’ouverture des possibles qu’il lui permet. Il y a donc co- construction de l’individu et de l’environnement (dont fait partie, rappelons le, le social) au travers de leurs interactions ; c’est ce que sous-entend le terme enaction. Enfin, l’ensemble individu/environnement n’est pas limité a priori. Son étendue, sa L’intelligence

dépend des expériences sensorimotrices.

constitution sont dépendantes de nombreux facteurs dont les caractéristiques individuelles mais également le déroulement des interactions qui s’y produisent, autant que les ensembles distincts construits par d’autres.

Cette approche est très novatrice dans le sens où elle propose de ne pas distinguer ce qui vient de l’environnement et ce qui vient de l’individu (en tant que système biologique) puisque les deux forment un système par le développement d’un couplage structurel. Ce qui fait le lien entre l’enaction et la théorie de la symbiose, c’est justement cette idée de couplage qui peut finalement être compris comme une symbiose historique entre l’individu et son environnement. Certains, comme Dionisi (2006), ont appliqué cette approche aux nouvelles technologies. Ainsi, cet auteur évoque un couplage entre les logiciels, assimilés à des « outils prothétiques » et les processus cognitifs des utilisateurs (Dionisi, 2006).

Cette approche se situe dans la droite lignée de la phénoménologie de Merleau-Ponty qui postule que : « L’organisme donne forme à son environnement en même temps qu’il est façonné par lui » (Merleau-Ponty, 1942, cité par Varela & al., 1993, p. 236) Selon Theureau (2004), l’activité humaine est à la fois cognitive, autonome, incarnée, située, individuelle autant que collective, techniquement composée, cultivée et vécue. Plus dans le détail, l’auteur précise que :

− En tant qu’elle est cognitive : traiter du savoir est nécessaire pour en rendre compte,

− En tant qu’elle est autonome : elle consiste en une dynamique de couplage structurel ou, autrement dit, elle est constituée d’interactions avec ce qui, dans l’environnement, est pertinent pour l’individu à un instant donné. Ainsi l’environnement, en même temps qu’il est constitué va influencer en retour l’individu dans un mouvement perpétuel bidirectionnel.

− En tant qu’elle est incarnée : elle est autant issue du cerveau que du corps, ces deux éléments ne formant qu’une seule et même entité.

− En tant qu’elle est située : d’autres personnes participent à l’activité du moment où ils sont intégrés dans le couplage structurel. L’activité est toujours individuelle autant que sociale.

− En tant qu’elle est cultivée : elle est imprégnée culturellement et ne peut en être distinguée.

− En tant qu’elle est vécue : la conscience est nécessaire pour rendre compte de l’activité. Cette conscience nait du couplage.

L’enaction dépasse une autre limite de l’action située puisqu’elle postule que l’observation extérieure des interactions entre l’individu et son environnement n’est pas suffisante voire même impossible puisque elles ne sont pas entièrement observables mais aussi que l’individu est le seul à pouvoir éclaircir, éventuellement par des verbalisations, le mystère de la pertinence de l’environnement qu’il crée. Ainsi, tout en envisageant l’action comme située, l’enaction enrichi considérablement la manière de concevoir le rôle de l’individu dans l’interaction. Dans l’enaction, « l’ontogenèse d’un système vivant est l’histoire de la conservation de son identité par la perpétuation de son autopoïèse dans l’espace matériel. » (Varela, 1989, p. 63). Dans un tel système il est impossible de distinguer ce qui vient

de l’environnement de ce qui vient du système lui-même. Les deux sources de perturbations se nouent et forment une unique ontogenèse qui est à comprendre comme un « couplage structurel » (Varela, 1989, p. 64). C’est-à-dire que la communication entre un système et son environnement, le couplage, se fait par des interactions au niveau des éléments, lesquelles produisent «°une sélection continue au sein des structures possibles du système » (Varela, 1989, p. 64), subordonnée au maintien de la topologie de l’organisme.

L’idée de co-construction de l’humain et des systèmes techniques qui est présente dans l’énaction, se rencontre également dans l’approche instrumentale, que nous allons aborder immédiatement.