• Aucun résultat trouvé

Phénomènes de recréations dans les arts vivants Des corps-temps

corps-temps et recréations)

2. Phénomènes de recréations dans les arts vivants Des corps-temps

À ces recherches concernant les « archives des arts vivants » à l’ère du numérique, nous pensons complètement nécessaire et constitutif d’entrelacer des recherches concernant les « arts vivants de l’archive », et autrement dit, un programme de recherche visant l’étude esthétique des formes, des œuvres, des pratiques et des processus artistiques et spécialement chorégraphiques que nous avons cernés à l’aulne de ces corps- temps que nous voyons à l’œuvre ; ainsi, nos recherches et enseignements axées sur l’étude des phénomènes de recréations dans les arts vivants.

L’enseignement en Master 2 Arts du spectacle- Théâtres et cultures du monde, intitulé « Archives et mémoires dans les arts de la scène » que j’ai ouvert en 2009 et que je dispense encore aujourd’hui, aborde, entre théâtre, danse, performance et musique aussi, les problématiques larges de la mémoire, de l’histoire, de la « trace », du « document », de l’ « archive », de la transmission, la tradition et ses « réinventions382 » au

travers de la description de phénomènes précis, souvent considérés dans une démarche comparative des de différents modes de transmission, des rapports aux sources, des enjeux mémoriels, dans le cadre même d’une réflexion sur les propres « rapports aux sources » des étudiants-chercheurs383.

L’art chorégraphique et son histoire jusqu’à aujourd’hui entretient des relations spécifiques mêlant transmission orale-corporelle, traités, notations jusqu’aux remises en jeu « partitionnelles » les plus récentes qui nous paraissent extrêmement éclairantes et paradigmatiques des diverses modalités de transmissions gestuelles.

382 Eric J. HOBSBAWM & Terence RANGER, The Invention of Tradition, Cambridge, 1983 ; L'invention de la tradition, trad. par

Christine Vivier, Éditions Amsterdam, 2006.

383 Présentation enseignement « Archives et mémoires du spectacle vivant », Master 2 Arts du spectacle – Université de Franche-

Comté : « Qu'est-ce que les "traces", les "documents", les "archives" dans le champ des arts vivants ? Quels enjeux pour l'histoire et la mémoire, pour la création et pour la recherche ? Entre histoire et mémoire, il s'agit globalement d'ouvrir et de penser le document et l'archive dans les processus de transmission, de formation, de création dans les arts du spectacle, d'examiner la place et la fonction du « document » à travers quelques pratiques artistiques spécifiques et de se pencher sur l’importance du « tournant archivistique » dans les arts scéniques (archival turn) impliquant, des dramaturgies de la mémoire aux phénomènes de « reconstitution », l’usage de la trace, du document et de l’archive dans les créations artistiques. Dans ce double enjeu entre « Performer le document » et « Documenter la performance », nous en profiterons pour préciser notre rapport aux sources et aux documents dans la constitution méthodologique de nos recherches spécifiques en arts du spectacle. Nous considérerons particulièrement les nouvelles pratiques numériques en usage des acteurs (et notamment le Fonds d’Archives Numériques Audiovisuelles FANA Danse Contemporaine ouvert par ELLIADD à l’Université de Franche-Comté). »

C’est assurément dans les remises en jeu contemporaines de l’archive ou des expériences mémorielles, c’est- à-dire dans les réactualisations « au présent » que nous situons nos travaux.

Comment, dans des processus de création précis, les performances artistiques travaillent, par diverses mises en scène du « re » (de la reprise à la réinvention en passant par la « reconstitution »), à réévaluer le temps et expressément l'historicité des corps dans l'expérience d'un corps situé au présent ? Comment ces performances artistiques de l'instant s'exposent-elles aussi comme des performances de la durée ? Comment en réflexivité sur la mémoire et sur l'histoire des corps et des gestes, elles mettent en scène certains rapports aux « sources » ? Comment la performativité pourrait-elle résider alors aussi dans une certaine spectacularité et réflexivité du temps, de la mémoire du corps et de la fabrique de son histoire ?

Les thématiques de la mémoire et de l’archive des arts « éphémères » ont été particulièrement investies dans les recherches en arts à partir des années 2000 et beaucoup de colloques ou séminaires ont été réalisés en relation avec ces performances de l’archive en France dans les années 2010384 ouvrant sur la publication

de plusieurs ouvrages dans le champ des arts plastiques comme dans celui des arts scéniques385. Aujourd’hui,

et publiés récemment, l’important volume de Mark Franko The Oxford Handbook of Dance and Reenactment386

s’avère comme une synthèse de phénomènes qui se découvrent eux-mêmes comme pouvant s’envisager selon plusieurs démarches et théorisations (phénoménologie, histoire, transmission, politique, épistémologie). Dans une perspective esthétique et historique, les deux ouvrages d’Isabelle Launay publiés dernièrement font ressortir les divers usages de la reprise dans la transmission des répertoires chorégraphiques de l’Opéra de Paris, de Merce Cunningham, de Dominique Bagouet (Les Danse d’après 1), comme les « effets de la discontinuité dans la transmission » par l’usage de la « citation » dans l’art chorégraphique contemporain (Les Danse d’après II)387.

De notre côté, nous ouvrions dans l’ouvrage Gestes en éclats un axe thématique intitulé spécialement « Performance et document », champ thématique où se croisent 9 contributions388 de théoriciens, artistes,

critiques ou documentalistes traitant de l’archive dans les arts (Isabelle Barbéris) ; des phénomènes de recréation dans la danse-performance (Marie Quiblier ; Aurore Després [Art. 20389] ; rapportant des travaux

d’artistes utilisant la trace, le document ou la partition au cœur de leurs dispositifs de création (Gina Pane par Janig Bégoc, Deborah Hay par Laurent Pichaud) ; documentant des archives de la poésie sonore ou des

384 Pour les seuls colloques auxquels j’ai participé : Atelier de la danse N°4 Traces : (Dé)racines, Session 7 organisée par Marina

NORDERA, département Danse, université de Nice Sophia Antipolis, RITM EA3158, Palais des Congrès, Cannes, 27-28-29 novembre 2009 ; Les temps de la transmission en danse : de la construction de savoirs et des pratiques à l’élaboration de trace chorégraphiques, biennale Internationale du CNAM : Transmettre ?, CRF (Centre de Recherche sur la Formation) - CNAM-Paris (Conservatoire National des Arts et Métiers), UQAM, organisé par Nicole TOPIN, le 4 juillet 2012 ; La Performance. Vie de l’archive et actualité, Villa Arson, 25-27 octobre 2012, Nice, Raphaël CUIR, Eric MANGION (dir.) ; Isabelle BARBÉRIS (dir.), L’archive dans les arts vivants. Performance, danse, théâtre ; Barbara Formis, Mélanie Perrier, Art, Temps & Performance : Décaler les gestes, Institut Acte / UMR 8218, université Paris 1 & C.N.R.S, A.R.C. (Arts Research Center) University of California Berkeley, Paris, 1&2 décembre 2014.

385 Voir Références des notes n°338 et n°339 infra p. 128.

386 Mark FRANKO, The Oxford Handbook of Dance and Reenactment, Oxford University Press, 2017.

387 Isabelle LAUNAY, Isabelle LAUNAY Isabelle, Poétiques et politiques des répertoires. Les danses d’après, 1., op.cit. ; Isabelle LAUNAY,

Cultures de l’oubli et citation, Les danses d’après, II, op.cit.

388 Stéphanie PICHON, « ARCHÉOLOGIQUEMENT. Archéologie d'un parcours de spectateur » ; Isabelle BARBÉRIS, « ARCHIVE -

Archive vivante : apparitions, disparitions et mutations ; Pierre RAVENEL, « CURIOSITÉ. Wunderkammer. Mémoire(s) d’un curieux » ; Marie QUIBLIER, DOCUMENT-ACTIVATION. Saisir le document : enjeux et formes chorégraphiques ; Claude SORIN, « OUÏR - Les Voix de la danse, une transcription » ; Aurore DESPRÉS, « REFAIRE - Showing re-doing. Logique des corps-temps dans la danse-performance » ; Fabien VÉLASQUEZ, « RESPIR - Henri Chopin (1922-2008), un écorché de vent, danseur sur le verbe, explorateur cosmique de son propre corps. Entretien avec Richard Meier » ; Laurent PICHAUD, « SCORE - Extraits d'un Journal de recherche : Traduire Deborah Hay » ; Janig BÉGOC, « TRACES - Des envois postaux aux constats d’actions. Archéologie d’une pensée de la trace dans le parcours de Gina Pane ». Voir « Carte de l’ouvrage », Gestes en éclats. Art, danse et performance, op.cit, p. 6-7.

389 Art 20, « Refaire. Showing re-doing. Logique des corps-temps dans la danse-performance » in A. Després (dir.), Gestes en éclats. Art,

danse et performance, Collection Nouvelles scènes, Les Presses du réel, Dijon, 2016, p. 367-390, in Volet 4-Publications 2000-2019, op.cit., p. 291-314.

archives sonores de la danse (Henri Chopin par Fabien Velasquez, divers chorégraphes au lieu des archives sonores de l’Ina par Claude Sorin), ou bien présentant leurs « mémoires » de spectateurs, réfléchissant des traces et des documents liées à des performances du point de vue de la réception ( tickets de spectacles dans les années 90 à Berlin par Stéphanie Pichon alors journaliste ; performances à New York dans les années 70 par Pierre Ravenel).

Dans le champ des mémoires en danse, je voudrais aussi mentionner le fait d’avoir conduit, pour cet ouvrage, un entretien avec Mark TOMPKINS sur les inflexions de son parcours, entre « théâtre » et danse », entre « contact improvisation » et « improvisation », entre « composition instantanée » et « pièces composées » qui marque bien celles prises par l’art chorégraphique français et européen depuis les années 70, en plus d’avoir publié un document resté inédit « La création d’images complexes en performance », texte de Mark Tompkins écrit en 2007390.

1. Du point de vue méthodologique, nous avons tenus, dans nos enseignements, à opérer, à partir des années 2010, au cœur du chiasme Documenter la performance & Performer le document.

Dans la même lignée de mes enseignements en Master 2 « Archives et mémoires dans les arts de la scène », mes enseignements en « histoire de la danse » de Licence Arts du spectacle sont infléchis d’un certain rapport aux documents que nous présentons, analysions, situés et interprétés dans une relation au présent, en même temps qu’à trois occasions, en plus d’en analyser la documentation, nous les « performions ». Avec l’enseignement de pratique intitulé « Improvisation et composition : danser le document », nous avons créé avec le groupe de licence Re-Huddle à partir uniquement de la photo de Peter Moore391 de Huddle (1961) de

Simone Forti présenté au musée de Besançon lors des rencontres de la performance Excentricités de l’école d’art de Besançon ISBA en 2015 ; l’année suivante, nous avons dansé en extérieur une performance reprenant le déferlement d’objets colorés de Pororoca (2009) de Lia Rodrigues visionné en un extrait vidéo, du Centre Dramatique National de Besançon à l’Office du tourisme qui s’en trouvait maculée ; en 2017, on présentait Roberta Succo – Reenactment avec Chloé Marguerie, étudiante de Master 2 et les étudiants de Licence 3 en un chœur dionysiaque de gestes et de voix délirants sur les toits de l’école d’art de Besançon, danse- performance construite à partir de la vidéo d’archives de l’évasion de la prison du 1er mars 1986 de Roberto

Succo et de ses paroles traduites en français, des images des vases de la danse grecque, des danses en transmises à la manière des chœurs chaotiques des danses de Thomas Hauert (extraits vidéos d’Accords et d’In Vivo), des images archétypales et stéréotypales du désir et de la tragédie glanées chacun.e sur internet, des bruits enregistrés d’hélicoptère et du « Saut dans le vide » d’Yves Klein.

Dans ce chiasme, j’ai tenu à présenter au sein de cette HDR les textes écrits dans le cadre de la revue

Textes et Documents pour la Classe sur L’art chorégraphique, en direction des enseignants du premier et second

degré et de leurs élèves, numéros N° 988 (Lycée) et N°50 (École) sortis en 2010 que j’ai codirigés avec Philippe Le Moal et Claude Sorin, et pour lequel j’ai rédigé un article et deux « fiches pédagogiques [Art. 17,

Composition et écritures chorégraphiques ; L’espace, matière à constructions ; 1, 2, 3 dans l'espace, p. 247-266392].

En choisissant de faire réaliser des compositions dansées à partir d’une documentation photographique ou textuelle venue exclusivement de l’histoire de « l’art chorégraphique » jusqu’à aujourd’hui, il s’agissait bien ici à la fois de « documenter la danse » et de « danser le document ».

390 Mark TOMPKINS, « Shift. Complexités en danse-performance avec et par Mark TOMPKINS (entretien conduit par Aurore Després) »

in Gestes en éclats. Art, danse et performance, op.cit., p. 457-467, « La création d’images complexes en performance », op.cit., p. 468-469.

391 Peter MOORE, Photo de Huddle de Simone FORTI, 1969 © Barbara Moore/ Publication.

392 Art. 17, « Composition et écritures chorégraphiques » ; « L’espace, matière à constructions » ; « 1, 2, 3 dans l'espace » in L’art

chorégraphique, Dossier dirigé par Aurore DESPREs, Philippe LE MOAL, Claude SORIN, Revue TDC, N° 988 et École N°50, Éditions SCEREN, Paris, 2010, p. 22-24 ((N°50 et N°988), p. 30-37 (N°50), p. 30-37. (N°988) in Volet 4-Publications 2000- 2019, op.cit., p. 247-266.

Dans le même tourbillon chiasmatique, j’ai dirigé trois séminaires de formation nationale des personnels, enseignants en danse et médiateurs culturelles organisé par le CNFPT sur ce même thème de « Danser le document » avec la complicité de Claude Sorin travaillant sur les archives sonores de la danse (avec l’Ina et le CND) et les archives de la critique Lise Brunel, invitant également Sophie Jacotot en 2015 pour danser les archives, critiques de presse et dessins du Sacre du Printemps, Nathalie Collantès en 2014 pour sa méthodologie d’improvisation et composition à partir de vidéos de danse et une présentation du site numérique Projet Robinson qu’elle a créé à partir des entretiens menés avec la danseuse-chorégraphe Jacqueline Robinson, Sylvie Giron en 2013 comme membre des Carnets Bagouet à l’œuvre de plusieurs reprises de pièces de Dominique Bagouet, et en présentation aussi du fonds sur FANA Danse & arts

vivants393.

Dans ces relais d’interprétation à partir de documents, j’ai proposé lors de la session n°8 de « Prise de pratique & mise en parole » que j’avais intitulé « Re-partionner » de réfléchir et de performer des sources de « seconde main » que sont les descriptions de « feuilles de salle », textes critiques, analyses d’œuvres chorégraphiques diverses pour les « re-partionner » et encore les performer394.

2. Dans la mouvance même des recherches autour de « l’archive » et de la « performance » du début des

Outline

Documents relatifs