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Le geste-milieu comme méthode Recherches-milieux et recherches en-création

Notre conception médiale du corps et du geste s’ajuste à la dimension médiale et intermédiale des approches, méthodologies, dispositifs, directions et collaborations de recherche engagés que je voudrais ressaisir sous le terme de recherches-milieux. Dans une esthétique du geste advenant au milieu, dans, avec et par le milieu, il s’agit aussi de ressaisir un certain « geste » de recherche comme un geste de chercheuse, soit une certaine posture advenant au milieu du monde de la recherche et du monde de l’art comme de la recherche et de la création aux titres multiples de ce que l’on peut entendre par « recherches-en-création » ou « recherches-créations ».

1. À l’occasion d’une soirée « Carte blanche » accordée à l’Association des chercheurs en danse par le Centre National de la Danse que nous avions fait porter, en 2016, sur « La recherche en deça du temps de

l’écriture139 » souhaitant par cette question ouvrir ou mettre à jour les activités de recherche « en » danse

dans leurs « processus » que six chercheuses dont moi-même présentions pour les mettre en débat public, j’intervenais en tant que directrice du Diplôme Universitaire Art, danse et performance et de l’ouvrage collectif

Gestes en éclats à peine sorti des presses. Les formes, postures et méthodologies de recherche que nous avions

mises en œuvre, entre 2011 et 2014, avec près de 150 artistes, chercheurs, acteurs culturels au sein de cette formation-recherche et encore celles qui ont présidé aux écritures de 40 contributions d’acteurs parmi eux, au sein de l’ouvrage qui les a prolongées autrement, m’ont semblé advenir complétement à rebours de la démarche impliquée par le titre de cette soirée dont l’opération fructueuse était bien de la mettre en discussion. Ainsi, ce postulat agissant au titre d’une norme dans la recherche universitaire selon lequel la publication d’un texte identifie l’activité de recherche ou plus largement que la « recherche » se définisse comme un processus dont la fin serait l’écriture ou, même au plus largement, la production d’un objet quelconque quel que soit son médium. C’est donc là considérer des phases « exploratoires » ou « expérimentales » comme les manières d’un stade (plutôt oral) dispersé, plus ou moins à cacher, qui devraient être ressaisies pour être exposées, par une seconde phase d’objectivation dont l’écriture serait le moyen.

Cette tension à « la fin » comme au « résultat » relevant d’une démarche méthodologique traditionnelle dans le champ culturel de nos logiques de l’action et de la production, se double, depuis quelques dizaines d’années dans le milieu universitaire où elle se trouve renforcée, d’une démarche dite « de projet ». Là, il semble que ce soit l’exposition et la publication d’une visée de recherche comme d’un « début » qui s’identifie à l’activité de recherche, à sa valeur, à sa norme, en plus de sa condition de financement. Entre la démarche « commençant par la visée de la fin » de la recherche et celle « finalisant le début », qui viennent toutes deux non sans complémentarité l’une de l’autre et aussi non sans schizophrénie d’être réalisées chacune, ne loupons-nous pas l’activité de recherche elle-même ? Qu’est-ce que seraient des démarches de recherche qui ne procèderaient ni du début, ni de la fin, mais du milieu, par le milieu et au travers de milieux, et qui par là- même pourraient possiblement s’exposer ou se publier à tout stade ou en leur milieu ?

Quoique je participe de ce paysage définissant ce que l’activité de recherche est ou doit être, comme de ses démarches générales, quoique j’y réponde aussi, je constate que l’ensemble des activités de recherche et des travaux que j’ai « réalisés », en insistant sur ce mot, cela notamment pour ceux qui m’apparaissent « importants », ressortent in fine non véritablement de « publications » comme résultats de recherche, ni même de « projets » au lieu de valorisations

C’est, il me semble, le cas des activités de recherche conduites au sein du Diplôme Universitaire Art, danse et

performance où les enquêtes, les expérimentations, les réflexions, les « lectures en partage », les analyses

d’œuvre, les rencontres et les débats n’ont pas été véritablement « publiés140 » autrement que de se réaliser

d’abord en émulations, en découvertes et en croisements collectifs141 ; le cas aussi de la publication de Gestes en éclats qui envisagée au même endroit de « recherches-milieux » ne s’est pas construite en « résultats » de

récoltes ou de recherches menées ultérieurement, mais plutôt comme un « autre » dispositif de recherche- milieux se visant plutôt, publié, comme un « outil de recherche » - ce que nous rapporte bien d’ailleurs sa

139 Aurore DESPRES, « Recherches-au-milieu : le D.U Art, danse et performance et l’ouvrage Gestes en éclats », La recherche en deçà du

temps de l’écriture organisée par l’association des Chercheurs en Danse (aCD) au Centre National de la Danse, le 11 février 2016, Pantin, avec Betty Lefèvre, Joëlle Vellet, Alice Gervais-Ragu, Mahalia Lassibille, Claude Sorin, Aurore Després. « Expérimentations, perceptions, réflexions, lectures, rencontres et débats ont constitué le cœur des dispositifs qu’ont investis plus de 150 artistes, chercheurs, acteurs culturels au sein du D.U Art, danse et performance entre 2011 et 2014. Comment ces pratiques de recherche expérimentales ou exploratoires définissent-elles à la fois des formes, des postures et des méthodologies de recherche « au milieu » que l'on retrouve tout aussi bien dans l’ouvrage Gestes en éclats. Art, danse et performance (Presses du réel, 2016) qui les ressaisit et les prolonge » in in Volet 1, Biographie CV, Section 9. Communications & conférences invitées.

140 Nous avons néanmoins ouvert, sur le site de revue.org, un carnet de recherche « Hypothèses » en 2014 présentant en ligne

quelques travaux, analyses d’œuvres, comptes-rendus de séance, processus de recherche-création et mémoires des étudiants in Carnets de recherche du Diplôme Universitaire Art, danse et performance, Aurore Després (dir.), Revue Hypothèses, 2014, http://duadp.hypotheses.org in Volet 1, Biographie CV, Section 7. Publications.

141 Toutes les interventions entre 2011 et 2014 ont donné lieu pour la plupart à des enregistrements sonores, ceux-ci pouvant être

réception ; c’est le cas surtout du Fonds d’archives numériques audiovisuels FANA Danse & Arts vivants que nous avons jamais posé ou valorisé en « projets » ni même en « résultats », celui-ci ayant été « réalisé » dans le cours d’un long processus temporel et que l’on peut dire toujours « en cours » pour avoir été conçu sans « fin » ; c’est bien aussi le cas de toutes ses activités de recherche qui n’ont pas donnés lieu pour diverses raisons à publications (notamment l’important projet Cognitique 2000142 rassemblant des points du vue de

psychologues, de neurophysiologistes, d’anthropologues, de l’esthétique de la danse autour des « Rotations chorégraphiques ») ; la recherche menée sur le processus de création de 9 (2007) de Loïc Touzé ou sur celle du Parlement des Invisibles (2014) d’Anne Collod) ; c’est le cas aussi pour l’ensemble des nombreuses communications depuis 199X que nous avons faites mais que nous tenons au lieu d’activités de recherche elles-mêmes ; pour l’ensemble des échanges, entretiens, débats plus ou moins informels que nous avons entretenus régulièrement avec les artistes ; pour l’ensemble des notes et analyses que je prends en assistant à des spectacles, carnet en main méthodologiquement et systématiquement depuis 2008 ; et encore pour l’ensemble des « recherches-créations » s’exposant sous forme de « spectacles » ou « performances » que j’ai créées ou dirigées ou auxquelles j’ai collaborées.

Beaucoup de choses (que nous pouvons renvoyer pour l’essentiel en âpres listes d’un CV à notre Volet 1 de cette HDR) s’engouffrent donc sous le titre de recherches-milieux engageant certaines méthodologies à propos desquelles, au titre de cette synthèse, je souhaite plus clairement revenir.

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